ESPAGNE : la paysannerie soumise au sacro-saint droit de propriété.
La défense inconditionnelle de la
propriété privée est une des prérogatives essentielles du droit déjà au Haut
Moyen Âge, avec les Wisigoths. Rien ne change sous la domination arabe quand
les nobles wisigoths se convertissent afin de garder leurs terres sans
plus payer de taxes.
La soumission des paysans au
sacro-saint droit de propriété va se doubler, à partir de 1273 de la pression
imposée par la MESTA, une gilde des gros propriétaires de troupeaux de
Castille. Une oppression qui ne cessera officiellement qu'en 1836.
LA MESTA.
A une lettre près, on pense au mot
"meseta" (1) désignant le plateau avec l'idée de table,
"mensa" en latin devenu "mesa" en castillan... par
amuïssement du "n" devant le "s" m'aurait dit papa, or, la
"mesta" est à l'origine un mot arabe désignant la période hivernale par opposition à la "mesaïfa", la saison d'été. En résumé de l'appellation complète "Honrado
Concejo de la Mesta de Pastores", le nom MESTA désigne la
corporation associant tous les gros propriétaires pour gérer les transhumances
des grands troupeaux du Nord vers l'Estrémadure à l'origine. Une association regroupant la
haute noblesse possédante et des ordres ecclésiastiques (d'Alcantara, de Santiago,
de Calatrava).
* Ces puissants imposent aux
paysans d'abandonner et de laisser en friches de grandes surfaces cultivables
au profit de leurs troupeaux.
* Les moutons sont menés par les
bergers qui s'opposent aux paysans directement sur le terrain en piétinant et
ravageant les cultures, ce qui donne lieu à de nombreux conflits se réglant
toujours en faveur des éleveurs.
* La Mesta dispose d'un tribunal spécial où doivent se juger
toutes les contestations, un tribunal juge et partie. La Mesta a ses alcades,
ses entregadores, ses achagueros (fermeires desamendes qui harcèlent et
accablent les fermiers.
* En 1477, ce sont trois millions
de bêtes, menées par 40.000 à 60.000 bergers !
* En 1501, un décret accorde la tenure perpétuelle (jouissance) de tout
champ occupé périodiquement par les moutons. Le cheptel atteint alors les sept
millions de têtes.
* Les troupeaux ne peuvent passer
dans les terres des villes, des nobles, du clergé.
* Les trois « cañadas reales » (Leonesa, Segoviana et de
la Mancha) marquent les plus longs trajets de transhumance (jusqu'à 800 km) pour
revenir, avant l'hiver, vers l'Estrémadure ou l'Andalousie.
* Une riche vie économique est liée à ces cañadas reales :
des ateliers pour travailler la laine, des foires (Medina del Campo, Burgos,
Ciudad Real, Albacete). où se vendent des tissus de luxe et où les échanges se
finalisent entre l'Espagne, la France et les Pays-Bas.
* En 1738, afin de limiter l’infertilité des sols
accaparés par la Mesta, Philippe V tente de lui interdire les terrains
communaux. En 1748 il doit y renoncer mais compense en taxant davantage la
laine.
* En 1786, la MESTA perd son droit de jouissance
perpétuelle. Les pâtures peuvent être encloses et cultivées.
* 1836, la MESTA est supprimée.
* Aujourd'hui on compte cinq millions de moutons
concernant cette transhumance, un nombre qui correspond à la moitié de tout le
bétail en Espagne.
(1) La Meseta, plateau central de
Castille se divise en deux submesetas dont celle du Nord (Castilla-Leon) d'une
altitude moyenne supérieure à celle du Sud (Castilla-La Mancha).
Extremadura. Spain; Pixabay. |