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samedi 6 avril 2019

ESPAGNE / LE MOUTON MÉRINOS.

Seulement des notes pour mieux comprendre et saisir les causes très anciennes ayant finalement et inéluctablement amené le chaos en Espagne avec la Guerra Civil (1936 – 1939) puis la dictature de Franco (« Generalísimo Francisco Franco, Caudillo de España por la Gracia de Dios ») jusqu’à sa mort en 1975. 

Nous avons remonté le fil historique jusqu'aux Wisigoths qui régnèrent sur la péninsule ibérique avant la conquête arabe. La soumission des paysans au sacro-saint droit de propriété va se doubler, à partir de 1273, à la pression imposée par la Mesta,une gilde des gros propriétaires qui fera piétiner les terres impunément par d'immenses troupeaux de moutons mérinos, condamnant les campesinos à plus de misère encore. 

Moutons Merinos Wikimedia Commons Author Amage9

LE MÉRINOS : Voici l’origine peu connue de ce nom de « merinos », tirée du Dictionnaire de l’académie de Madrid. « Merino » est le titre d’un fonctionnaire rural équivalent à peu près à notre maire ; « merindad » est le nom du district qu’il administre. Ces deux noms ont été transférés aux conducteurs en chef des troupeaux et aux districts assignés à chacun d’eux. Par une sorte d’ellipse on a dit ensuite « ganado merino » d’un troupeau conduit par un « merino », puis « ovejas merinas », « lana merina », et enfin « merino » tout seul, pour désigner cette race remarquable par la blancheur et le soyeux de la laine, d’ailleurs assez courte. La beauté de la race espagnole vient de ce qu’elle a été croisée avec des béliers d’Afrique. (la consanguinité fait que 4% des jeunes béliers sont atteints de cryptorchidie, problème de non-descente des testicules…) 

HYPOTHÈSE qui a l’avantage de concerner la période antérieure : Le climat, l’épuisement de l’herbe commandaient une vie pastorale errante.  Les bergers arabes poussant les troupeaux étaient les moedinos, ou vagants : de là peut-être le nom de mérinos donné tout aussi bien au chef des bergers qu’au troupeau. La laine gagnait au changement de pâturages ; la finesse de la laine espagnole jouissait d’un grand renom : des souverains d’Orient offrirent à Charlemagne des laines et des draps d’une grande qualité fabriqués à Cordoue.

Toujours d’Eugène François Achille Rosseeuw Saint-Hilaire / Histoire d’Espagne /Tome 3 / 1838.  

OU ENCORE : Merino tirerait son origine du nom d'une tribu berbère. (Wikipedia). 

Mouton_mérinos troupeau dans le Gard Wikimedia Commons Auteur JOYON
 Autres articles sur le sujet : 

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2019/03/mesta-des-submesetas-de-la-meseta.html

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2019/03/eleveurs-contre-cultivateurs-paysans-en.html

dimanche 17 mars 2019

ÉLEVEURS CONTRE CULTIVATEURS / Paysans en Espagne

Peut-être depuis onze millénaires, certainement au néolithique, les conflits sont inévitables entre éleveurs nomades et agriculteurs sédentaires, les seconds voulant empêcher les premiers de pénétrer et de saccager des cultures trop tentantes pour le bétail. 

En Espagne, cette opposition prévalait déjà à l’époque des Wisigoths :

« … Le soin tout spécial qu’ils donnaient (les Goths) à l’éducation des troupeaux, en maintenant sans culture les vastes et fertiles déserts affectés encore aujourd’hui au pâturage… »  
Histoire d’Espagne / Eugène François Achille Rosseeuw Saint-Hilaire.

Plus de mille ans plus tard, un court extrait de 1832 confirme :  

« … Ces troupeaux nomades, groupés par dix-mille sont dirigés par un mayoral, cinquante bergers et autant de chiens. Ils dévastent impunément en hivernant en Estrémadure… »
 « Le sol est balayé comme par un nuage de sauterelles. Aucun arbre ne croît dans ces plaines désolées, qui appartiennent plus aux troupeaux qu’aux cultivateurs. Les bergers, en passant par des endroits habités, ont le droit de cueillir, pour faire du feu, une branche de chaque arbre qu’ils rencontrent. Si le chemin des troupeaux les amène vers un champ cultivé, il faut leur frayer un passage, qu’on rétrécit autant que possible, mais où, pressés par les chiens, ils foulent aux pieds tout ce qu’ils ne dévorent pas. » (A year in Spain, by an American, 1832)

"... Mais la richesse de l’Espagne, ce sont ses troupeaux de moutons, richesse dévorante qui appauvrit le sol qu’elle pourrait féconder. D’immenses terrains, propres à la culture, sont laissés en friche pour nourrir ces bandes, non moins dévastatrices que celles es Goths et des Vandales, et qui se promènent d’un bout de l’Espagne à l’autre, sous la conduite de leurs bergers, plus redoutés des paysans que les voleurs eux-mêmes…/…"
Histoire d’Espagne / Eugène François Achille Rosseeuw Saint-Hilaire.

mardi 12 mars 2019

MESTA des SUBMESETAS de la MESETA / Paysans en Espagne

ESPAGNE : la paysannerie soumise au sacro-saint droit de propriété. 

La défense inconditionnelle de la propriété privée est une des prérogatives essentielles du droit déjà au Haut Moyen Âge, avec les Wisigoths. Rien ne change sous la domination arabe quand les nobles wisigoths se convertissent afin de garder leurs terres sans plus payer de taxes.
La soumission des paysans au sacro-saint droit de propriété va se doubler, à partir de 1273 de la pression imposée par la MESTA, une gilde des gros propriétaires de troupeaux de Castille. Une oppression qui ne cessera officiellement qu'en 1836. 

LA MESTA.
A une lettre près, on pense au mot "meseta" (1) désignant le plateau avec l'idée de table, "mensa" en latin devenu "mesa" en castillan... par amuïssement du "n" devant le "s" m'aurait dit papa, or, la "mesta" est à l'origine un mot arabe désignant la période hivernale par opposition à la "mesaïfa", la saison d'été. En résumé de l'appellation complète "Honrado Concejo de la Mesta de Pastores", le nom MESTA désigne la corporation associant tous les gros propriétaires pour gérer les transhumances des grands troupeaux du Nord vers l'Estrémadure à l'origine. Une association regroupant la haute noblesse possédante et des ordres ecclésiastiques (d'Alcantara, de Santiago, de Calatrava). 

* Ces puissants imposent aux paysans d'abandonner et de laisser en friches de grandes surfaces cultivables au profit de leurs troupeaux. 

* Les moutons sont menés par les bergers qui s'opposent aux paysans directement sur le terrain en piétinant et ravageant les cultures, ce qui donne lieu à de nombreux conflits se réglant toujours en faveur des éleveurs. 

* La Mesta dispose d'un tribunal spécial où doivent se juger toutes les contestations, un tribunal juge et partie. La Mesta a ses alcades, ses entregadores, ses achagueros (fermeires desamendes qui harcèlent et accablent les fermiers.

* En 1477, ce sont trois millions de bêtes, menées par 40.000 à 60.000 bergers !  

* En 1501, un décret accorde la tenure perpétuelle (jouissance) de tout champ occupé périodiquement par les moutons. Le cheptel atteint alors les sept millions de têtes.  

* Les troupeaux ne peuvent passer dans les terres des villes, des nobles, du clergé. 

* Les trois « cañadas reales » (Leonesa, Segoviana et de la Mancha) marquent les plus longs trajets de transhumance (jusqu'à 800 km) pour revenir, avant l'hiver, vers l'Estrémadure ou l'Andalousie.  

* Une riche vie économique est liée à ces cañadas reales : des ateliers pour travailler la laine, des foires (Medina del Campo, Burgos, Ciudad Real, Albacete). où se vendent des tissus de luxe et où les échanges se finalisent entre l'Espagne, la France et les Pays-Bas.   

*  En 1738, afin de limiter l’infertilité des sols accaparés par la Mesta, Philippe V tente de lui interdire les terrains communaux. En 1748 il doit y renoncer mais compense en taxant davantage la laine. 

* En 1786, la MESTA perd son droit de jouissance perpétuelle. Les pâtures peuvent être encloses et cultivées.

* 1836, la MESTA est supprimée.

*  Aujourd'hui on compte cinq millions de moutons concernant cette transhumance, un nombre qui correspond à la moitié de tout le bétail en Espagne. 

(1) La Meseta, plateau central de Castille se divise en deux submesetas dont celle du Nord (Castilla-Leon) d'une altitude moyenne supérieure à celle du Sud (Castilla-La Mancha). 

Extremadura. Spain; Pixabay.