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mardi 20 juillet 2021

QUAND NOUS PARTIONS à AUDE, à BICYCLETTE... / Fleury-d'Aude en Languedoc

Ils sont deux, ils sont trois, ils sont quatre, au plus ils sont sept vélos à partir, à la fraîche, à descendre vers la plaine, vers la rivière. La manne, ce sont les bancs de muges de l’été, plus ou moins en amont dans l’Aude. Lancers et salabres accrochés aux cadres, et même un rabassier (1) que l'un d'eux fait suivre, ils descendent vers les coins les plus courus, ceux où l’on croit prendre plus de poisson, qu’il faut occuper et garder au plus tôt. Les places sont chères : il faut y être avant les autres quitte à ne rien prendre avant le pic de onze heures, sinon, mais par exception, un loup matineux en chasse au ras des sénils (2). 
 
Fleury,_Chapelle_Notre-Dame_de_Liesse wikimedia commons Author Rauenstein
 
Les corps n’ont pas le loisir de se réchauffer que dans la descente de Liesse, le froid de la vitesse pénètre à cause de la laine avachie du pull des jeudis. On laisse la chapelle dans la sérénité solennelle de la vaste plaine par un matin promettant une journée d’été. 
 

Avant le pont qui à cet endroit marque la frontière avec le village voisin (3), un chemin vicinal s’engage vers l’aval et suit la rive droite du fleuve. De suite, une impressionnante protection de gabions, étonnante construction en gradins démontrant l’obstination de l’homme contre la puissante permanence de la nature tient à empêcher la terre de partir avec l’eau. Et c’est beau en prime, cette combinaison entre ce treillis de fer grillagé, à la fois léger mais ferme et, emprisonnées, ces tonnes de caillasses cassées dans le fréjal, ce calcaire gris-bleu des plus durs (4). 
 
L'Horte de Lamy.
 

Méfiance, des fois qu’il y aurait un chien, en passant juste devant l’Horte de Lamy. Avec celle dite d’Andréa, au-dessus du pont, rien d’étonnant si les limons apportés par le fleuve favorisent une production maraîchère et les arbres fruitiers. 

L'Aude à la Barque Vieille. 

 
La "bergerie de brique"

Le cabanon "de la treille"... morte cette année...

La Barque Vieille, Joie, la bergerie de briques, la campagne de Georges cherchant l’ombre des grands figuiers immédiats, le charmant cabanon de la treille : souvent l’équipe rejoint La Pointe pour remplir le pot commun d’escabènes (5). 

Juste avant la Pointe, le chemin.
  

Sous les tamarins (tamaris) de la rive, la lame du rabassier prélève un gros pavé vaseux à fragmenter pour prélever, sans les casser, les vers dans leurs galeries. Pieds nus, dans l’eau parfois jusqu’aux genoux, l’officiant présente les mottes aux servants qui brisent et fouillent. Les plus volontaires se démarquent de celui qui ne veut pas se salir les doigts, celui qui lors de la partie de pêche va dire, en masquant l’hameçon avec la plus grasse des esches «cal sarci lou crouquet», il faut bien garnir le crochet. Mais la complaisance des copains d’abord fait qu’on ne critique qu’à mots couverts et pas devant lui.   

Ensuite c’est l’installation sur le coin de pêche, la descente du talus, le pied léger, à voix basse, plus par respect pour la rivière, on dirait, que pour ne pas faire fuir les poissons. (à suivre... peut-être...) 

(1) Sorte de houe pour biner, sarcler.

(2) Roselières

(3) Sinon c’est l’ancien lit du fleuve, divaguant plus au nord qui délimite les départements de l’Aude et de l’Hérault, ce que les ignorants en géographie historique veulent faire passer à tort pour une occupation illicite des Audois ! 


(4) Le grillage, les caillasses, le chemin empierré au dessus, tout est parti depuis dans la rivière avec le limon seulement prêté pour un temps... Pas de photo de ce mur cyclopéen, dommage... Seul point positif maintenant qu’on ne peut passer qu’à pied ou à vélo, la tranquillité pour les estivants qui viennent ouvrir l’Horte de Lamy, l’ancienne ferme ouvrant à même le chemin (liée peut-être à l’origine à un certain «Barthélémy»).

(5) Certains l’assimilaient par erreur, en français, à l’arénicole des pêcheurs, c’est une néréis... Avec des conditions autres de pollution et de pesticides vivent-elles toujours dans le même biotope ?  

jeudi 2 juillet 2020

ITALIA ! / Mon cinéma italien !

Revenir par Vienne, la Styrie, la Carinthie, ensuite les Dolomites avec ce nom de col "Falzarego", faisant sourire, en français, phonétiquement, mais "mnémotechniquement" infaillible. Le lac de Garde puis Milan, Gênes, la Riviera et la Côte-d'Azur du temps où ça circulait même sans l'autoroute !

Venise Place Saint-Marc wikimedia commons Author Clément Bucco-Lechat

Une autre fois, le Frioul, Venise. La Sérénissime au début des années 60, c'est sans les foules d'aujourd'hui et cette mauvaise conscience d'envahisseur pollueur. Terrible la progression d'un mastodonte de croisière le long de la Giudecca, qui fait son tour, qui voudrait réduire la Place San Marco à une attraction de parc de loisirs ! Belle alors, Venise même à partager avec les cartes postales et la gondole qui s'éclaire sur le buffet de la salle à manger dans le souvenir éteint d'un voyage de noce.

Plaine du Pô Wikimedia Commons Roggia_Forcellina Auteur Neq00

Contre toute attente, l'Italie palpitante m'a jailli à la figure, plus loin, dans la platitude de la Pianura Padana, monocorde, en apparence seulement, par son décor, ses vastes étendues de maïs, l'alignement des peupliers, les saules des fonds humides, les vaches dans l'herbe grasse. Un paysage de plat pays, les Pays-Bas presque, ses canaux d'irrigation ou de drainage.
Une fausse quiétude, avec ces montagnes qui, sur trois côtés ferment l'horizon, ce ciel, de plomb, pas la grisaille pluvieuse des vents d'ouest, non, la fulgurance orageuse des confins continentaux. Et ces eaux toujours courantes dans les fossés, les canaux, les villages sur les buttes, les fermes massives, fermées, les digues dantesques. La vie qui s'en écarte le dit sans détour, les ponts sont peu nombreux, le Pô reste sauvage, impétueux. Les hommes doivent se protéger des inondations, se garder du fleuve, en tirer tout le profit possible mais rester hors de portée.

plaine du Pô Ciria_Vecchia_a_Olmeneta wikimedia commons Auteur Grasso83.

La fin d'après-midi ramène la chaleur cumulée en une lourde menace. Est-ce la raison qui les a fait sortir, les hommes car on les trouve partout au bord de l'eau ? De tous âges, des jeunes, des grands-pères, des enfants, tous, un roseau à la main, à taquiner le fretin. On sent alors la vie pas facile, les moyens limités, le petit profit naturel et apprécié de cette pêche familiale.
Moi j'ai l'âge de n'y voir que le plaisir des reprises du bouchon vers le fond avant de crever, à force, le front entre les fluides pour s'enfoncer vers le poisson. 
Plus loin, peut-être à Cremona sinon Piacenza, avec l'embouteillage du soir mêlant les Fiat, de la Topolino aux petits utilitaires et aux modèles plus selects ou encore la Giulietta d'Alfa Romeo, l'Italie du Nord décline sa reprise industrielle... (à suivre).


jeudi 15 août 2019

LE VENT SUR LA DUNE A LE CŒUR ÉMU... (fin) / St-Pierre-la-Mer


Elles sont là ! Une seule touffe exprès pour moi ! Oui, royal, magnifique, le lis de mer multiplie ses fleurs. Pour le parfum, il faut s'acater, le nez au ras du sable !  





D'une beauté ! Et plus grand que dans mon souvenir. Remarquable de résistance lorsqu'il enfonce son bulbe si le pourtour s'érode ou quand il allonge sa tige si le sable le recouvre trop, le lis maritime (Pancratium maritimum) est de la famille des amaryllis.On le trouve au bord de la Méditerranée, en Corse ainsi que sur le littoral atlantique mais avec les dunes qui disparaissent, il est menacé de disparition en Poitou-Charente et en Loire Atlantique. Le bulbe et les feuilles du lis des sables contiennent une quarantaine d'alcaloïdes, vomitifs, purgatifs, insecticides et fongicides (source Wikipedia).  
Le lys est sur la liste rouge des espèces protégées, interdite de cueillette. 
Que la plante de Pan tout puissant pour tous ses pouvoirs et sa résistance aux étés desséchants soit épargnée par l'ignorance des touristes... Entre les parkings et la mer, la plage sauve la dune encore à l'écart du passage même si quelques gougnafiers n'ont pas eu honte de jeter... 

  
Années 70, avec Robert et Émile, on guette la septième étoile du crépuscule pour le bol du soir (la traîne, le coup de filet depuis la plage). Le Cers donne et la nuit sur le sable a été plus que fraîche. A l'aube, après le casse-croûte et avant le bol du matin, je monte sur la dune pour pisser moins bête, pas dans l'enclos de bois flotté où le jour des culs-nus se cachent, sauf que d'un peu plus ma première rencontre avec la fleur inconnue allait être pathétique... Pardon de gâcher l'ambiance mais la pêche non plus n'a pas été bonne... 

Plutôt évoquer la dune depuis mise à mal par la mer même si une rémission lui profite cette année. "... Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre..." (Paul Verlaine), elle se nourrit de rien, honore la vie qui s'accroche et persiste à décliner ses beautés, dont le lys, véritable joyau des sables...  

" ... Là-bas, l'écume des vagues d'hier
Là-bas, blanchit les cheveux de la mer..." (Serge Lama)... 
Oui, les cheveux de la mer, les miens aussi, du moins ceux qui restent, plus de quarante ans après. 


mardi 6 mars 2018

MAYOTTE, DES BARRAGES EN GUISE DE BARRICADES ! (3) L’ÉTAT RESPONSABLE ?

L’ÉTAT RESPONSABLE ? Avec son administration locale et les élus locaux, l’État est le chef de l’association des malfaisants, coupable même d’avoir persévéré dans l’erreur, coupable de toujours vouloir minimiser les maux, les traitant avec légèreté. On ne fait rien pendant des années, on ose dire que ce n’est qu’un sentiment « d’insécurité », que la France n’a jamais fait autant. Une attitude vraiment malsaine ne pouvant venir que d’un grand corps malade, vérolé de l’intérieur, toujours plus en contradiction avec les principes républicains… Un TITANIC de mépris, de cynisme, de mensonges, d’égoïsmes, d’omerta. Pourquoi, à la lumière des moyens modernes d’information, associerait-on des mots tels que « mafia » ou « cartel » à notre organisation étatique ? Vivons-nous une démocratie confisquée atteignant, aux dires de certains, la dictature douce ?

Des mots ? Divagations d’écrivassier en mal de reconnaissance ? 

Des faits alors, ici, à Mayotte, mais symptomatiques d’un mal bien français et qui pourraient annoncer ce qui attend la métropole…  


* Encore dans les années 90, l’armée organisait chaque année des manœuvres encore dénommées noir sur blanc « évacuation de ressortissants »… Comme pour mettre à l’abri les Blancs dans une ambassade en Afrique ?




* les constructions, en particulier les écoles, à 80 % hors normes et pas seulement à cause des nouvelles règlementations, souvent des malfaçons (évacuations, infiltrations, électricité défectueuse…) non dénoncées par l’État maître d’œuvre… Cela ne vaut pas une statistique, cela alimente seulement un ressenti, comme ils disent, mais dans un rayon de deux kilomètres (Sada), des bâtiments scolaires debout bien qu’abandonnés (photo 2), une école rétrocédée parce que construite sur le terrain d’un particulier (photo 3), une gendarmerie (bâtiments, logements, dépendances) (photo 4) laissée à la brousse pour une nouvelle construite à côté (1), une cantine offerte par Chirac avec nos sous, laissée aussi aux archéologues du futur, une mairie sous-dimensionnée bientôt abandonnée pour des locaux modernes… L’école de Mangajou (v. plus haut) ou ailleurs où des préfabriqués garnissent la cour de récréation, où le préau est muré pour accueillir une classe de plus… Un puits sans fond… Une bêtise sans nom… 



* Mayotte reste une bulle fermée sur son environnement immédiat avec un port qu’ON n’a jamais voulu promouvoir en tant que hub régional pour le Canal de Mozambique. Et si les thoniers-senneurs (français, espagnols, seychellois…) parfois immatriculés à Mayotte mais basés aux Seychelles sont autorisés à pêcher dans la zone protégée jusqu’à 24 milles des côtes, les prises sont traitées à l’étranger (Maurice ?). Alors que la réglementation favorise la pêche industrielle, l’Europe refuse d’aider  la pêche de subsistance locale… Quand on sait que pour la Réunion c’est 0,16 % du 1,6 million de tonnes dont une partie en surpêche mettant en danger la ressource… alors, Mayotte peut crever !


http://lejournaldemayotte.com/une/le-parlement-europeen-prend-la-defense-des-pecheurs-ultramarins/


* Et L’État qui laisse les coudées franches aux faiseurs de fric, au prétexte d’une réglementation européenne empêchant les échanges avec les pays de la zone, ignorant les circuits courts, laissant ainsi libres ces gros commerçants, ceux là même qui fustigent le public en se prétendant les chantres de la libre entreprise mais qui  tablent les prévisions de CA sur la manne  des salaires des fonctionnaires…Ces tenants des bénéfices in the pocket et des déficits pour les contribuables qui continuent à prendre une marge sur le transport venant d’Europe ou de pays libres de nous empoisonner (Brésil, Afrique-du-Sud…). 
Faut-il rappeler encore la posture de TOTAL qui voulait, en tant qu’entreprise nationale, sans rien débourser, le marché des hydrocarbures jusqu’alors distribués par l’armée (le drapeau français flottait sur les stations-service) ?


* L’État, sinon les collectivités locales, c’est AIR AUSTRAL, une compagnie d’économie mixte, vous l’avez compris « des bénefs in the pocket » pour des aides du contribuable, qui matraque avec le prix des billets, la continuité territoriale restant un vain mot et la saine concurrence tardant à se développer après qu’on ait fait partir à une époque, des avionneurs présomptueux de s’attaquer à une chasse gardée (Air Bourbon, Air Liberté…). 


* L’État c’est la piste de l’aéroport qu’ON refuse d’allonger, en se cachant derrière les écologistes mais toujours pour préserver le monopole d’Air Austral encore à peine écorné avec en prime le prix prohibitif du kerosène (55 % de + à Mayotte par rapport à la Réunion !).


* L’État, c’est le bousillage de l’aquaculture pourtant dans des conditions uniques de réussite, à force de lourdes procédures, de paperasses inutiles (sauf à légitimer les services qui les éditent).


* L’État, c’est le tourisme qui ne rapporte rien sinon la hanche démise d’un pauvre senior allemand parti visiter et qui a trouvé une bande sur son chemin. Croyez-vous que cela fasse honte à ces parasites casés au même titre que ceux du CESEM par les sponsors politiques aux affaires ? Il faudrait les traîner au tribunal pour mise en danger de la vie d’autrui et ils osent être présents en Allemagne pour faire la promotion d'hôtels qui n’existent pas, des saletés dans les rues, du billet d’avion trop cher ! 


Économiquement, ces Mahorais incapables ne méritent que mépris !

   
   Avec l’État, les grands commis, les serviteurs de l’intérêt général sont en cause : ils servent avant tout leur caste de nomenklaturistes. Pour une raison bien simple : le premier qui dit est jeté du TITANIC. Et après le colonel égratigné, force est d’honorer deux généraux, de ces lanceurs d’alerte qu’on dit protéger mais qu’on a vite bannis sur une chaloupe sans trop s’en cacher d’ailleurs. Pierre Renault, viré pour avoir dénoncé l’état déplorable des matériels de la gendarmerie. Bertrand Soubelet, auteur de « Tout ce qu’il ne faut pas dire » versé d’abord par mesure disciplinaire à l’Outre-Mer (!), finalement viré ou mis à la retraite d’office et qui en a conclu : 


« Pour être mis à l’écart dans ces conditions, j’ai l’impression de constituer un danger pour mon pays, ce qui m’amène à réfléchir à mon avenir immédiat et à la manière dont je vais continuer à servir la France. […] Je tire la conclusion que L’État a suffisamment de compétences et de talents pour payer des responsables d’un certain niveau à ne rien faire. » (source Le Monde avril 2016).



N’est-ce pas un général, même « micro », qui partit jadis à Londres tandis que nos hauts-fonctionnaires s’accommodaient trop facilement de l’occupant allemand, plus coupables au sein d’une société hiérarchisée que les 40 millions de pétainistes (titre d’Henri Amouroux) ? 



L’État faisant de plus en plus penser à une république bananière (à propos du pont sur l’Oyapock, le préfet de Guyane n’avait su que répondre au journaliste émettant cette comparaison / 2013 / dernièrement sur Arte), Mayotte a enfin réagi puisque, dans un pays civilisé comme le nôtre, rien ne s’obtient sans le rapport de force. Est-ce sciemment mais le fait est que l’État aggrave la situation en n’assurant pas ses missions régaliennes. Le bras de mer entre Anjouan et Mayotte est une passoire malgré les radars (déjà sabotés), la vedette, l'unique sur les huit en état de prendre la mer, la PAF à terre. Les passeurs sont informés par les Comoriens à Mayotte (dont la cinquième colonne de bi-nationaux (2)) de la présence des forces de l’ordre. Une véritable invasion en résulte… Les recommandations de l’ONU sont de fait suivies d’effet ! Dans ce cas il est facile de pointer du doigt l’immigré source d’INSÉCURITÉ mais comment empêcher ce lien quand 75 % des mères qui accouchent à Mayotte sont étrangères, que la proportion dans la population carcérale et certaines classes maternelles est la même ? (à suivre) 


(1)   le colonel d’alors (Omer peut-être), plein d’humour, avait proposé à l’auteur des photos de réhabiliter les lieux pour y loger gratuitement…   

(2)   voir page 10, note 11 https://www.academia.edu/1085261/La_politique_africaine_de_Val%C3%A9ry_Giscard_dEstaing_contraintes_historiques_et_espaces_%C3%A9conomiques

vendredi 30 juin 2017

ODE A L’AUDE / Robert du delta / 2. la mer

   

Avec Robert, c’est la mer, encore à la belle saison, à compter jusqu’à la septième étoile avant de poser et de remonter la traîne (1) dans l’obscurité qui monte et s’épaissit. Nuit sans lune, à la rude, à même le sable. Premières lueurs et on recommence, après le café, pour le ou les bols du matin, un coup de filet contournant, afin d'encercler le poisson... (la courbe formée par les flotteurs laissés derrière la barque jusqu’à ce qu’elle revienne vers le bord évoquerait-elle l’intérieur arrondi d’un bol ?). 

Une fois, entre chien et loup, il y a Émile, Marcel, Robert et moi, prêts pour un premier bol (graphie actuelle "b
òl"). Sauf que, derrière nous, sur le chemin des dunes, une drôle de procession... Mais qu’est-ce qu’ils font ces trois, si tôt le matin ? C’est étrange, d’autant plus louche qu’ils trimbalent quelque chose, le premier sur l’épaule, les autres à bout de bras...
 
Ils descendent sur la plage. Le premier jette son fardeau sur le sable, les deux autres en font autant. L’un d’eux vient vers nous « On a la saucisse, les escargots... portez les sardines, à la bonne franquette ! ». Ses compères s’occupent déjà des victuailles, des bouteilles, du gril déjà sur la boufanelle (fagot de sarments).
   

La mer frisotte encore fraîchement. Premier bol : rien. Le patron scrute, essayant de pénétrer le miroir des eaux peu engageantes. Deuxième essai : rien. Toujours pensif en regardant les flots, Robert annonce que ça vaut bien une troisième tentative. Dernier bol. A deux de chaque côté, filet vide ou filet plein, la traction semble toujours aussi lourde. On piétine en cadence, en arrière, balançant d’un pied sur l’autre, le trajèl (2) sanglé sur l’épaule qui va le mieux, un peu comme des forçats à la chaîne. Quand la poche se présente, un rond huileux, irisé et vert, gagne sur le bleu de la mer. Plus près du bord des petites écailles toujours plus nombreuses et virevoltantes lancent des éclats argentés. Que bòu ! quatre cents kilos ! 

Quel déjeuner sur le sable avec les trois de Salles qui s’offrent le plaisir du dimanche matin sans les femmes ! La sardine grillée à peine sortie de l’eau... Ne dites pas que j’en ai mangé cinquante-deux ! Les escargots je ne les ai pas comptés pas plus que les bouts de saucisse fraîche ! Et il fallut faire honneur aux vins de buvette de chacun !   

(1) sorte de pêche à la senne mais depuis la grève, appelée aussi « galuche » ou « petite traîne ». Frédéric Mistral note (Tresor dòu Felibrige / page 10309) « Bòu, vòu, bol s.m. Coup de filet, v. tra ; produit d’une pêche par bateau, v. pesco ; poste que doit occuper un pêcheur, pour ne point endommager les filets des autres, v. espaci, sort ; capture, prise, butin, v. caturo.
Tira lou bòu, lever le filet ; metre son bòu en terro, verser sa pêche sur le rivage ; s’enrichir ; faire bòu, faire bonne pêche ; faire un bòu blanc, ne rien prendre, faire fiasco ; croumpa lou bòu, acheter le jet du filet ; avé lou bòu, avoir le droit de pêcher ; prendre bòu, acquérir ce droit ; perdre lou bòu, cesser d’avoir le droit de pêcher dans tel ou tel endroit ; tèn soun bòu, il a fait son magot ; que bòu ! quelle capture ! ».
(2) bricole de corde terminée par un liège et fixée à une sangle d’épaule. Un tour sur le cordage de halage suffit à s’atteler. 

Voir aussi « Le temps pour un pêcheur du Golfe » https://dedieujeanfrancois.blogspot.fr/2015/08/
 
 

photos 3 et 4 http://www.portlanouvelle.fr/pages/118,34,178/la_pecircche_agrave_la_traicircne.html

mercredi 28 juin 2017

ODE A L’AUDE / Robert du delta / 1. la rivière / Fleury en Languedoc.

   


Il l’a aimée cette vie même si, pour joindre les deux bouts, il eut un temps, un emploi à terre, plus sûr. Et si on marquait quelque intérêt pour son métier de pêcheur, non seulement il racontait la rivière (1), la mer, les étangs, les poissons cachés dedans, mais il vous invitait à l’accompagner pour les chercher.
  

Avec Robert, c’est l’Aude quand l’été il remontait le cours du fleuve. Pour installer le globe (2), avec son fils, ils avaient d’abord bien préparé les postes, défriché, nivelé la berge au rabassier (3), choisi, sur l’autre rive, les deux arbres chargés de retenir le filet tendu par deux treuils, sur le principe de cabestans mais horizontaux (4). Peut-être occupaient-ils quelques uns de la douzaine de sites jadis attribués par la prud’homie, par tirage au sort et par roulement, aux pêcheurs des Cabanes (5) ? Bivouac jour et nuit, parfois dans la fumée âcre d’un feu de roseaux censé éloigner les bataillons de moustiques. Nous les trouvions sous les grands peupliers, dans les canotes (6), au bord de l’eau, alors que nous voulions nous rendre compte de la migration des muges et de leur progression en amont, vers le pont. Échanges aussi amicaux que joyeux, sans cette mesquinerie liée au lucre ou aux rapports difficiles entre professionnels et pêcheurs au lancer. D’ailleurs, nous lui devions souvent les mailles de nos salabres (épuisettes). 


 


De grands ploufs sporadiques, proches des roseaux ou d’un tronc immergé, nous indiquaient, tôt le matin sinon au crépuscule, les chasses des loups. Avec l’eau douce, les remontées de sel et leur mélange saumâtre, la rivière était riche d’espèces : ablettes, sandres, quelques carpes parfois, anguilles, aloses, saurels, muges, loups... (7)
Hors saison peut-être, des palangres étaient posés jusqu’à la limite du maritime. Il m’a montré, Robert, entre l’Horte de Lami et le pont, cette branche de guignier cassée par le carnassier parti avec l’hameçon dans la gueule.  


(1) ainsi nomme-t-on l'Aude, fleuve côtier
(2) à La Nouvelle, avant la guerre, dans le chenal (et aussi au grau de la Vieille Nouvelle), les globes qui se touchaient pouvaient prendre jusqu'à trois ou quatre cents kilos de poissons en âge de se reproduire. est-ce la raison pour laquelle cette pêche a été interdite (avant 1941) par l'administration maritime de Toulon; (source Mlle Narbonne / revue Garae, oct. 1941).
(3) sorte de houe, de déchaussoir.
(4) le filet est relevé tous les quarts d’heure. Après observation de sillages éventuels dans la poche se formant au centre, à plat ventre sur la pointe de la barque, le pêcheur se déplace en tirant sur les mailles afin de coincer les prises qu’il prend à l’épuisette avant de les jeter sur le fond plat de l’embarcation. Suivant les saisons, en amont de la zone littorale, le globe prend anguilles, aloses, loups, muges, mélette (friture)...
(5) Les-Cabanes-de-Fleury sur l’estuaire du bras oriental, le seul restant du delta originel. les emplacements pour le globe avaient pour nom «lou perdigal", «al fouralhou", l'horte de lami", la batisse
(6) appelées aussi sénils, « roseau des étangs » dans les définitions multiples des roseaux si nous en retenons l’utilisation en tant que chaume (toitures).
(7) Depuis la construction du barrage antisel, les espèces d’eau douce dominent dont le silure, envahisseur des temps modernes...

samedi 2 janvier 2016

UN NOËL AUX CABANES-DE-FLEURY / Fleury d'Aude en Languedoc

Les Cabanes en 1975 avant le creusement des ports de plaisance, avec les baraques du camping sauvage avant et sur la plage. Au hameau, le château est bien visible ainsi que les parcelles géométriques de vignes. Les jetées de l'Aude sont orientées vers le nord. Aujourd'hui c'est le contraire et on se demande si cela ne cause pas l'érosion de la plage sur plusieurs kilomètres vers le sud et Saint-Pierre-la-Mer. (photo Hélène Marpaux autorisation Google images).   

    Est-ce parce que le Cers le prend à l’aise et forcit sans obstacle, en bas de la garrigue, sur un delta gagné par le fleuve, que les demeures des hommes se regroupent, ramassées sur elles-mêmes ? Est-ce parce que les pêcheurs étaient traditionnellement démunis ? On pourrait spéculer ainsi, en effet, à propos des maisons des Cabanes-de-Fleury, formant le hameau susdit. Et bien non, la raison en est historique.
    Ici, les habitations devaient être de plain-pied afin que cela ne gâchât point la vue du comte Pons Roger de Villeneuve, propriétaire du domaine de Saint-Louis. Notons que sans la complicité sinon le manque de rigueur de l’État, le comte n’aurait pu faire main basse sur de vastes lais et relais de la mer vendus par l’administration en 1820, au détriment des pêcheurs dont le métier se pratiquait, sûrement à cet endroit, depuis, au moins, l790 si l’on s’en tient à la prescription trentenaire qu’ils opposèrent alors au comte de Villeneuve.
    Pardon pour cette parenthèse mais les annales doivent reconnaître qu’il n’existe pas qu’un seul village de résistants en Armorique : le hameau des Cabanes a connu aussi sa révolte de gueux contre le nobliau tout puissant !

    Nous sommes donc un 24 décembre entre la reconstruction suite à la guerre et peut-être les années 60. Dominé par le domaine et aussi le Château (1), le hameau sur la rivière est entouré de vignobles : au damier des rues correspond celui des vignes séparées et protégées par des haies de carabènes.
    La nuit est tombée et il souffle un vent du diable. Dehors, pas une canadienne. On se réchauffe au coin du feu. Dans une de ces maisons rappelant encore, par la taille, les cahutes en roseaux du passé, une famille prépare Noël, justement. Ils n’ont qu’un fils. Ne sachant plus que faire pour lui être agréable, les parents ont combiné une rencontre du petit au pied de la cheminée avec le père Noël, en haut sur le toit. A un moment de la veillée, le père se débrouille donc pour s’éclipser puis grimper sur les tuiles.
    Avec ce vent, la nuit est des plus claires, le ciel, étincelle d’étoiles. Appuyé sur la souche, le père contrefait sa voix : « Tu as été bien sage ? » En bas, complice, la mère confirme que cela vient bien de la cheminée et que ce doit être le père Noël. Émerveillé, l’enfant lui prend la main et tous deux penchent la tête sous la hotte tandis que là-haut, le porteur de cadeaux répète : « Tu es sûr que tu as été bien sage ? ». C’est alors qu’en un éclair à peine, les traits du petit se relâchent... S’adressant à la mère et montrant la cheminée dans un sourire plein d’indulgence, il laisse échapper « C’est papa... ».
    Si l’anecdote ne raconte pas comment le père a réagi quand le charme fut rompu, elle retient néanmoins qu’il fut le premier a en faire rire les autres : « Et dire que je me suis gelé là-haut ! Et pour quel résultat ! ». 
    Moralité : le risque est grand de trop en faire pour entretenir la magie du père Noël ! Et si vous voulez en savoir davantage, partez donc enquêter aux Cabanes. Que vous trouviez ou non, vous rapporterez des souvenirs inoubliables de ce si joli bout du monde. Et entre nous, la vie serait si fade, pauvre et tellement triste sans ses parts de mystères... 

(1) un mystère supplémentaire dont un Roger contemporain aurait peut-être les clés... 


                                         Les Cabanes au fond / photo iha / autorisation Google Images;

lundi 21 décembre 2015

«TRADITIONS, NOËL, SUD, LANGUEDOC, AUDE...» / Aude & Languedoc


J’ai dû taper « Noël », « traditions », « Sud », « Languedoc », « Aude » et en moins de temps qu’il n’en fallut cette fois là à tonton pour prendre un brochet de 70 centimètres, l’ordi en a sorti des mètres. Des pages et des pages, en effet, un peu comme si, pour le poisson que je voulais accrocher, on avait vidé toute l’eau du lac. Force est donc de trier, de fouiller, en évitant la vase, à savoir l’incitation à consommer, toujours sous-jacente sur le Net mais sur-représentée puisque, en la circonstance, en premier, ce sont des invitations destinées à détourner le chaland vers la magie artificielle des marchés dits de Noël.
Patience, constance... Il est surtout question de persévérance quand on pose son bouchon dans l’espoir d’une bonne fortune... Sinon, pas de pêche miraculeuse, pas de petit poisson d’or tel celui du joli conte russe (1)... Demandez si ça vous dit mais ce serait hors de propos de le raconter ici... Le mien, de petit poisson surprise, attendait en deuxième page, et ses écailles brillantes m’ont pareillement ravi !
Le site invite à rencontrer Joseph Delteil (1894 -1978), l’écrivain-poète monté à Paris mais retourné vivre au pays, « al pais », puisque c’était écrit (2). Né d’un père charbonnier et d’une mère « buissonnière », à Villar-en-Val, mystérieux petit pays perdu dans des Corbières à l’écart des trépidations et trafics modernes, puis installé à Pieusse, terre de Blanquette (3), Delteil a gardé un vif souvenir de ses Noëls d’enfant, autour des années 1900. Lors d’un bref entretien radiophonique de 1970, Delteil a su faire partager l'importance qu'avait pour lui la célébration heureuse de Noël en famille. 


Puisque mon petit poisson d’or est aussi réel que mon Père Noël, vous devinez le bonheur que j’ai eu d’écouter, de passer et repasser l'entretien, pour transcrire puis lire et relire et revenir encore sur la parole de Delteil. Au-delà de la spontanéité de la discussion, de la grande exigence du direct qui ne rendent l'invité que plus humain, le message ne peut être plus clair. Et son accent valant mieux que mon inspiration incertaine, ci-joint les sites qui nous le gardent si présent pour passer et partager ce qu’il appelle « ses rites », transmis de père en père depuis l’antiquité.
Sources : merci Wikipedia, merci le Web !
Photo :  maison de Delteil à Pieusse / commons wikipedia / auteur : pinpin.

(1) Сказка о рыбаке и рыбке, Skazka o rybake i rybke) Le Conte du pêcheur et du petit poisson d’Alexandre Pouchkine, écrit le 14 octobre 1833, publié en 1835 dans la revue Biblioteka dlia tchteniia (Bibliothèque pour la lecture).
(2) est retourné vivre en Languedoc, à la Massane, un domaine proche de Montpellier. Dans ses oeuvres, des titres qui me parlent : Sur le Fleuve Amour 1922, Les Poilus 1925, Ode à Limoux 1926, Perpignan 1927, de J.-J. Rousseau à Mistral 1928, La Belle Aude 1930, La Cuisine Paléolithique 1964, La Delteilherie 1968... Joseph Delteil de même que son épouse Caroline Dudley, créatrice de la Revue Nègre, reposent au cimetière de Pieusse.
(3) La Blanquette de Limoux de la moyenne vallée de l’Aude, disputant au Champagne l’antériorité de ses bulles et d’un excellent rapport qualité-prix !

dimanche 6 décembre 2015

Yves, pêcheur du Golfe XIV « C’EST LE MEXIQUE ! » / Fleury d'Aude en Languedoc

Avec une pensée particulière pour mon ami Philippe qui se damnerait pour des coquillages ou autres fruits de mer !

Yves, le pêcheur, raconte :
« Une année, avec Tiaido, le fils, on avait trouvé un banc de sable appelé « Le Mexique », entre la Yole et le casino de Valras. Jusque là, les tenilles, on en faisait 7-8 kilos à peu près en 3-4 heures... Et là qu’on y était avec le barcot (la barque), à chercher un banc de sable, on se retrouve à une maille, environ une centaine de mètres de la côte. Et sitôt sauté à l’eau, on aurait dit qu’on était sur une route tant on avait des cailloux sous le pied. On a fait 25 kilos chacun en une heure et demi, guère plus. 

                                                  Tenilles avant cuisson (tellines en français)

L’embêtant, c’est qu’à la rame, depuis Les Cabanes, c’était long et fatigant, surtout que la tenille baraille (1) avec le nord et le courant de « grebi » (vers le sud, en gros, par rapport à la côte). Alors on laissait le vélo de l’autre côté de l’Aude, oh, un vélo sans frein sans rien, seulement de quoi nous transporter, le tenillier sur le dos. Pour aller au banc, raï, mais pour revenir, avec l’engin et 25 kilos de tenilles ! Moi j’y arrivais mais le collègue, il avait du mal ! Je suis allé le chercher ! Une fois ça va, sinon c’est un coup pour y rester tous les deux. On aurait pu trouver une combine, avec une corde mais attends, on était jeunes ! 

Alors autant y aller seul... Qu’est-ce que tu veux, la vie était pas facile ; il était pas fait pour, ça l’a pas empêché de réussir dans le commerce de gros, à Sète ou à Frontignan... T’en faguès pas (te fais pas de souci), il s’en est mieux tiré que moi, il est pas à plaindre...
J’ai dû y aller un mois en tout, sinon un peu plus, et puis, les courants peut- être : le gisement a disparu... Fini le Mexique ! »

(1) barailler = vadrouiller en parlant des escargots ou des tenilles 

                                                                         En persillade photo 2 Commons wikimedia.

mardi 6 octobre 2015

“ LA VIE EST A PEINE PLUS VIEILLE QUE LA MORT” / Československo / Holoubkov ma forêt perdue...

 “ LA VIE EST A PEINE PLUS VIEILLE QUE LA MORT.” Paul Valéry.    

Vendredi 2 octobre 2015. 13 heures à Mayotte, une de moins sur un chemin à l’orée d’une forêt tchèque, de celles qui annoncent déjà la taïga russe, le galop des Cosaques vers l’est lointain et, dans l’autre sens, la chevauchée des hordes aux yeux bridés. Aujourd’hui, pourtant, ce n’est pas l’enfant qui se laisse aller à sonder ses mystères profonds et magiques, c’est l’adulte qui, par la pensée, passe et repasse sur ce chemin familier où certains se retrouvent écrasés par la force du destin, parce qu’on n’en revient pas quand sonne l’heure. Vendredi à midi, tonton a pris ce chemin sans retour ; il a rejoint les nôtres, ceux qui reposent dans la clairière et vivent dans nos souvenirs. 

                                                                                     Tonton Stáňa (août 1965).

    Est-ce que je peux être là-bas malgré les kilomètres par milliers qui nous séparent ? Comment est-ce possible alors que l’installation d’une guirlande et des lampions est prévue, qui plus est, parce que ce 2 octobre marque aussi les neuf ans de mon dernier ? Qui se permettrait de gâcher la fête, d’entamer chez les enfants un pécule d’optimisme si précieux pour la suite ? Pas moi en tout cas ! Va aussi pour la musique malgache : quel que soit le ferment, tout vient, tout irradie de l’intérieur... comme quand tu t’exclamais, tonton, avec gourmandise, à propos du métissage de mon fils « Takovej pěknej čokoládovej ! » (un si joli "chocolaté") ! 

                                                      Florian vers ses 3 ans (juillet 2009)

                                                                                          Tonton Stáňa (juillet 1969)

Sa mère a fait des gâteaux au chocolat, justement ! La Vzpominka na Zbiroh de Vačkař, ce sera pour un autre moment, au calme. “To chce klid”... On le dit ainsi, non, au pays des sombres forêts ? J’ai posté des photos pour les miens, sur facebook en me demandant s’il était convenable de s’afficher ainsi ? Mais puisque ça vient de l’intérieur... Et puis nous savons tous que tout et son contraire trouvent à se justifier urbi et orbi ! Il y a des pays où les gens banquettent et trinquent sec pour un enterrement !
    Chacun garde les portraits, les scènes et les décors qu’il peut, distillés, passés par le filtre des ans, contrairement au film accéléré qui défile pour ceux sur le point de franchir le pas, s’il faut en croire ce qui en est dit. Mes images convergent, lumineuses, dans le clair-obscur du chemin où l’armée des sapins tolère une délicate bordure de noisetiers. Dessous, des framboisiers dont la tendre verdure avait attiré une biche, une fois. Instantané fugace et fragile d’un regard partagé, exaltation même de la vie avant qu’elle ne se fonde dans la coulisse ! Sûr que pour l‘avoir précédée, elle est plus forte que la mort ! Sa sérénité rassure, grandissante, palpable quand le chemin donne dans la lumière foisonnante, au grand soleil du matin.
    Dormez tranquilles, cœurs aimants... Une première ligne d’arbres garde et protège la clairière. Derrière, en renfort, la forêt veille sur l’empreinte d’un passé qui seul peut répondre de  nos traces. La famille, les amis s’en retournent et moi je reste là, les yeux baissés, la semelle roulant mes pensées avec le gravier léger, du laitier peut-être, là où la biche s’est enfuie.
    Oui, tonton, chacun partagera ses images, ses sensations, en prenant soin d’éviter les sujets qui fâchent. Nos tableaux familiers s’animeront, dans la cuisine, au jardin, près du clapier, sous les pommiers, autour du taborak, le feu de camp, dans la forêt pour les myrtilles, les champignons, pour la bière du samedi dans la fumée de l’auberge, au lac... Dis, tu te souviens du brochet qui voulait se réfugier dans les roseaux ?
    Par-dessus les pointes des sapins, une locomotive poussive halète son effort dans la côte et si l’herbe est désormais lavée du poussier des escarbilles, l’écho des bouffées se répète comme ces voix qui se sont tues mais continuent à porter...
    Excuse-moi tonton, je pars chercher tante Joséphine : j’allais l’oublier, avec ses fleurs, sur la photo de famille... 

                                                                    Tante Joséphine, assise, avec des lunettes (1985).

dimanche 4 octobre 2015

Yves, pêcheur du Golfe (XIII) : “ L’ALLEMAND”, “MARCEL”, “LE BEAU MONDE !” / Fleury d'Aude en Languedoc


“ L’ALLEMAND”. En été, à la traîne, dès 6 heures du matin, il y avait déjà 200 personnes qui badaient. Un a demandé s’il pouvait photographier et filmer. J’ai répondu qu’il n’y avait pas de problème... Pourquoi refuser à partir du moment qu’on ne te gêne pas dans ton travail ?
A la fin du bol, il a même demandé s’il me devait quelque chose. Quelle question !
Chaque année, il revenait, je me souvenais de lui et une fois, j'ai eu l’idée de lui demander ce qu’il faisait des films.
“C’est que les hivers sont très rigoureux en Allemagne et nous avons beaucoup de plaisir, en famille et avec les amis, à regarder ces beaux souvenirs de l’été, de la Méditerranée !” 

“MARCEL”. Quand j’étais aux Cabanes, j’étais copain avec Marcel, un type qui avait échoué de l’autre côté de l’Aude, dans une paillote entre la plage et l’embouchure.... Les gens laissaient entendre qu’il avait un passé louche ; ils ne l’aimaient pas ; il le leur rendait bien, mais moi il m’avait à la bonne ; il vivait surtout de chasse, de pêche, de braconne s’entend... Il savait y faire... Il portait des alouettes aux restaurateurs de Béziers ou des hirondelles à la place... va voir la différence, une fois plumées ! Il avait entrepris de m’apprendre la pêche à la ligne. Si tu savais tous les loups qu’il a pu prendre en remontant l’Aude. Boh, moi, je suivais sans trop profiter des leçons... tu comprends, quand tu as les bastets du maître-nageur (voir le premier épisode) et la peau déjà cuite par le sel, la canne et lou moulinet (en occitan ce “t” final se prononce), c’est pour les demoiselles. Par contre lui, je sais pas comment il faisait mais avec une carabène et un coton, il était fort... et il ne s’en cachait pas, au contraire même... Il avait le chic pour s’en aller ferrer, en deux temps trois mouvements, juste au nez d’un de ces beaux messieurs de la ville, avant de recommencer devant le suivant alors qu’eux ne prenaient rien ! Ils en étaient babas, je te dis que ça !..
Les gens l’aimaient pas... soi-disant qu’il avait tué un garde-chasse et qu’il était là parce qu’interdit de séjour... Va savoir...” 



“LE BEAU MONDE !”. “ Tu sais qu’on peut être bête, saes (1), quand tu penses que pendant des années, pour le 14 juillet et le 15 août, on a régalé du beau monde... Ah, parlons-en du gratin ! C’est ma tante qui invitait la bonne société de Mazamet mais c’est nous qui étions bons pour la bouillabaisse, depuis le matin !.. ma pauvre mère surtout, aux fourneaux, dès l’aurore ! Et pour des gens riches qui portaient même pas le pain ! Cal esse bestio, saes !(“Il faut être bête, tu sais !")
(1) contraction de sabes, “tu sais” du verbe saupre = savoir alors que le nom “savoir” se dit “saber”... sauf fausse interprétation de ma part...
photos 1 & 2 La plage entre Les Cabanes et Saint-Pierre.
3 & 4 commons wikimedia hirondelle auteur Haltostress / alouette auteur Ómar Runólfsson Denmark
5, 6 & 7 assortiment, bouillabaisse.



lundi 28 septembre 2015

Yves, pêcheur du Golfe (XII) « AVEC LA LÈBRE , TU AS DE LA BIDOCHE ! »

« Yves, tu parlais des loups et des dorades... La dorade, justement, on n’en voit plus beaucoup alors qu’elle rentrait dans les étangs par bancs entiers...
- Si, si, à Sète, ils sont toujours à "quicho-pourrit" (1), au bord du canal, quand elles sortent de Thau, à l’automne... Et en mer, ça revient, figure-toi. L’autre jour, il en a pêché une de 3 kilos et ils foutent des coups de filets avec 50-80-100 kilos. Maintenant, ils prennent aussi du merlan... A l’époque y en avait pas... Et une autre fois, que je te raconte avant d’oublier, ce fut une pêche "monumentale" : on était aux dernières villas de Narbonne-Plage et on voyait les sardines, à 100 mètres, qui poussaient dans la "mélette" (2)... 


- ... Les thons dans le maquereau, les maquereaux dans la sardine, les sardines dans la mélette...
- Et oui, l’éternel recommencement... Enfin, faut le dire vite ! En attendant, on va faire bol ! J’ai calé une maille, j’ai encerclé, on la voyait sauter, dis... On a eu 7,5 tonnes de sardines, et attends, il devait y en avoir le double sinon 20 tonnes mais j’ai levé les plombs pour ne pas crever le filet. Écoute, c’est pas compliqué, à 9 heures le soir, avec le mareyeur, on était encore à charger le camion. Aqui tabe, can sei annat per l’argent, là encore, quand je suis allé encaisser, il m’en a donné 2F 50 du kilo !


- Aujourd’hui, j’ai vu le maquereau à 6,90 euros.
- C’est qu’on mange plus du poisson comme avant, c’est devenu du luxe alors qu’avant les pauvres pouvaient se le payer et je te dis pas par chez nous, tout frais pêché...
- Et oui, quand l’appariteur annonçait Saborit sur la place avec lou bairat (le maquereau) de Las Cabanos !
- Tè, on avait beau dire que la viande était idéale pour les travailleurs de force, seuls les riches en mangeaient souvent... Tiens, tu parles de Fleury... Tu sais que j’étais bien avec Soldeville justement, le boucher... Ero un cassaire, c’était un chasseur et moi aussi j’ai eu chassé quand j’étais jeune aux Cabanes et quand je tuais le lièvre, Isidore, s’appelabo : «Isidore, on fait échange standard...

         - Qu’est-ce que tu me proposes ?
        - Et bé, voilà, je te propose (j’étais maquignon aussi...)... le lièvre il fait 4 kilos contre autant de bidoche !
        - Ça marche qu’il répond le boucher ! Garde-moi les ! Tout ce que tu peux tuer, je prends !
Ma mère était contente « tu as fait une bonne affaire » qu’elle m’a dit... Eh, faut se débrouiller ! Lui, je pouvais y compter. Une fois j’en ai eu trois de lièvres (3) ! Il venait, Isidore, aux Cabanes, il tournait même dans les campagnes...
Il avait une fille, qu’il la couvait comme la prunelle de ses yeux...

(1) littéralement : pressé, serré au point de pourrir comme le fruit du panier qui gâte les autres.
(2) « Meleto, s. f., nom de divers petits poissons de mer qui ont une bande argentée sur les côtés ; argentine, joel athérine.../... PROV. « Per prene un toun, asardo uno meleto. »  Mistral / Trésor du Félibrige.
« melet » peis = sardinelle / « meleta » peis = sprat Dictionnaire occitan-français Arve Cassignac. 
(3) en occitan, "lèbre, lèbro" est du genre féminin. 

Photos autorisées 1. Banc de sardines (wikipédia). 
2. Publicité dessin de Benjamin Rabier. 
3. Le lièvre de la Fontaine toujours de B. Rabier. (si quelqu'un le demande, pour le prix d'un, j'ajoute celui qui est avec la perdrix, plus conforme aux lièvres d'Yves !)