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vendredi 30 juillet 2021

QUAND NOUS PARTIONS PÊCHER A AUDE, A BICYCLETTE (fin)



 
L’après-midi, tout le monde redescend à la rivière où les places sont toujours aussi chères. Parfois des Héraultais se retrouvent de l’autre côté. Mais est-ce parce que des rivalités entre villages ou le département limitrophe sont vives que le fleuve, dans sa sagesse, dispose ses spoliateurs de la gaule suivant la configuration concave ou convexe de ses rives ? Néanmoins deux postes de pêche peuvent se faire face et comme chacun vient aguicher le muge jusqu’aux pieds de l’autre, à l’occasion d’un accrochage, de vieilles rancunes sans fond peuvent se rallumer. Pourtant, si un canot à moteur remonte l’Aude comme pour explorer un cours d’eau d’Amazonie, tout le monde est d’accord pour bombarder l’intrus avec des tures (1) et force insultes et hurlements d’Indiens indomptés, plus horripilés encore si une naïade a le malheur de bronzer sur le pont avant (2).

En fin d’après-midi, il arrive que l’un des jeunes se mette à l’eau pour récupérer un bas de ligne piqué de l’autre côté sur une branche basse ou parce qu’il a repéré un buldo perdu qui pendouille sur une carabène : il n’y a pas de petite économie et ce seront moins de francs laissés au bureau de tabac. L’ombre se fait plus épaisse au bord de l’eau et par un jour sans vent, des nuées de mouissals (moucherons) attaquent ; seule la fumée de canotes vertes peut les tenir à distance.

Puis vient le moment de partir. En haut, le long de la vigne, la lumière reste vive. Nos pas, dans l’herbe, font «... naître un bouquet changeant de sauterelles, de papillons...» sans les rainettes... le climat est plus sec ici que dans la chanson de Montand «A Bicyclette» (1968). Sans l’heure d’été (3), «... quand le soleil à l’horizon profilait sur tous les buissons nos silhouettes... », le retour vers le village sur son coteau, c’est tout à fait la chanson de Montand sauf que Paulette n’est pas plus là que les rainettes... Les filles, les femmes, personne n’en parle sinon par le biais des chansons paillardes initiatiques braillées dans le car du rugby... L’emprise de la religion, de la morale, le poids des traditions, des tabous font que la maturité psychologique n’est pas en avance mais cette préoccupation ne va pas tarder avec l’été à la mer, les bals et le cacolac de l’entr’acte payé, sans garantie en retour, à sa cavalière. Nous parlons, nous vivons poissons : parce que j’ai le tort d’être allé plus loin que le patelin et la rivière, Robert me traite de cracaire puisqu’un silure glane ne peut pas peser plus de 100 kilos ! Mais qui pourrait croire une craque aussi grosse ! Djeou tu exagères ! Tu les fais encore ricaner, allons, pêcher des ablettes à la mouche de cuisine dans l’Aude ! Et pourtant, après avoir lu  «la Boîte à Pêche» de Maurice Genevoix, j’en ai pris, sur fond sableux, à la Barque Vieille ! Rire avec les autres, ne pas s’en savoir mal, ne pas prêter le flanc aux moqueries... C’est bien qu’il y ait une mouche du coche alors qu’on pédale ensemble et puis c’est progresser vers la maturité psychologique non ?

 «Y avait» Robert et René, Jean-Marie, Joseph et José, Guy et JF

«Quand on partait de bon matin
Quand on partait sur les chemins
A bicyclette...»              

(1) Mottes de terre.

(2) Une scène du Petit Baigneur tournée sur les bords de l’Aude (1968) avec imprécations en occitan exprime bien le ressentiment des locaux pour ce tourisme de nanti se croyant tout permis...

(3) Une heure d’avance sur l’heure solaire dite «heure vieille», une de moins par rapport à celle d’été. 


 


mardi 20 juillet 2021

QUAND NOUS PARTIONS à AUDE, à BICYCLETTE... / Fleury-d'Aude en Languedoc

Ils sont deux, ils sont trois, ils sont quatre, au plus ils sont sept vélos à partir, à la fraîche, à descendre vers la plaine, vers la rivière. La manne, ce sont les bancs de muges de l’été, plus ou moins en amont dans l’Aude. Lancers et salabres accrochés aux cadres, et même un rabassier (1) que l'un d'eux fait suivre, ils descendent vers les coins les plus courus, ceux où l’on croit prendre plus de poisson, qu’il faut occuper et garder au plus tôt. Les places sont chères : il faut y être avant les autres quitte à ne rien prendre avant le pic de onze heures, sinon, mais par exception, un loup matineux en chasse au ras des sénils (2). 
 
Fleury,_Chapelle_Notre-Dame_de_Liesse wikimedia commons Author Rauenstein
 
Les corps n’ont pas le loisir de se réchauffer que dans la descente de Liesse, le froid de la vitesse pénètre à cause de la laine avachie du pull des jeudis. On laisse la chapelle dans la sérénité solennelle de la vaste plaine par un matin promettant une journée d’été. 
 

Avant le pont qui à cet endroit marque la frontière avec le village voisin (3), un chemin vicinal s’engage vers l’aval et suit la rive droite du fleuve. De suite, une impressionnante protection de gabions, étonnante construction en gradins démontrant l’obstination de l’homme contre la puissante permanence de la nature tient à empêcher la terre de partir avec l’eau. Et c’est beau en prime, cette combinaison entre ce treillis de fer grillagé, à la fois léger mais ferme et, emprisonnées, ces tonnes de caillasses cassées dans le fréjal, ce calcaire gris-bleu des plus durs (4). 
 
L'Horte de Lamy.
 

Méfiance, des fois qu’il y aurait un chien, en passant juste devant l’Horte de Lamy. Avec celle dite d’Andréa, au-dessus du pont, rien d’étonnant si les limons apportés par le fleuve favorisent une production maraîchère et les arbres fruitiers. 

L'Aude à la Barque Vieille. 

 
La "bergerie de brique"

Le cabanon "de la treille"... morte cette année...

La Barque Vieille, Joie, la bergerie de briques, la campagne de Georges cherchant l’ombre des grands figuiers immédiats, le charmant cabanon de la treille : souvent l’équipe rejoint La Pointe pour remplir le pot commun d’escabènes (5). 

Juste avant la Pointe, le chemin.
  

Sous les tamarins (tamaris) de la rive, la lame du rabassier prélève un gros pavé vaseux à fragmenter pour prélever, sans les casser, les vers dans leurs galeries. Pieds nus, dans l’eau parfois jusqu’aux genoux, l’officiant présente les mottes aux servants qui brisent et fouillent. Les plus volontaires se démarquent de celui qui ne veut pas se salir les doigts, celui qui lors de la partie de pêche va dire, en masquant l’hameçon avec la plus grasse des esches «cal sarci lou crouquet», il faut bien garnir le crochet. Mais la complaisance des copains d’abord fait qu’on ne critique qu’à mots couverts et pas devant lui.   

Ensuite c’est l’installation sur le coin de pêche, la descente du talus, le pied léger, à voix basse, plus par respect pour la rivière, on dirait, que pour ne pas faire fuir les poissons. (à suivre... peut-être...) 

(1) Sorte de houe pour biner, sarcler.

(2) Roselières

(3) Sinon c’est l’ancien lit du fleuve, divaguant plus au nord qui délimite les départements de l’Aude et de l’Hérault, ce que les ignorants en géographie historique veulent faire passer à tort pour une occupation illicite des Audois ! 


(4) Le grillage, les caillasses, le chemin empierré au dessus, tout est parti depuis dans la rivière avec le limon seulement prêté pour un temps... Pas de photo de ce mur cyclopéen, dommage... Seul point positif maintenant qu’on ne peut passer qu’à pied ou à vélo, la tranquillité pour les estivants qui viennent ouvrir l’Horte de Lamy, l’ancienne ferme ouvrant à même le chemin (liée peut-être à l’origine à un certain «Barthélémy»).

(5) Certains l’assimilaient par erreur, en français, à l’arénicole des pêcheurs, c’est une néréis... Avec des conditions autres de pollution et de pesticides vivent-elles toujours dans le même biotope ?