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samedi 5 avril 2025

BALADE à AUDE, fin mars...

 Ciel bleu. L'enveloppe a beau paraître belle, sans oiseaux elle n'est plus qu'un vide, une vacuité donnant le vertige ; la rareté des oiseaux dévoile leur triste situation de survivants en sursis. Et si c'était moins pathétique au bord de la rivière, là où une présence humaine, en apparence plus légère, donnerait moins ce ressenti de nature violentée ? 

Maribole : tout comme les endroits naturels ou cultivés, chaque portion de la rive porte un nom. Un nom qui presque toujours fait le lien avec un passé plus ou moins lointain.  

Le souci des oiseaux ne se retrouve plus en première ligne tant les signes de renouveau impulsent une exaltation vitale « Les filles sont jolies dès que le printemps revient... », plus encore à l'âge de premières amours si en harmonie avec la pulsion d'une nature renaissante « Là bas dans la prairie j'attends toujours mais en vain... ». Partir avec les oiseaux du ciel, enchanté par ces vols vifs de passereaux qui s'envolent sans laisser approcher, c'est à nous qu'il faut en vouloir... et il suffit d'un parterre fleuri pour faire chanter le printemps par Hugues Aufray :

Hugues Aufray - Dès que le printemps revient - YouTube

Elle est de 1964 cette chanson... je n'ai pas 14 ans mais déjà la nostalgie de ce que peut-être ils appellent “ nos actes  manqués ”... Allons, allons, même ce vélo ne peut évoquer une sortie avec Paulette puisque contrairement à Yves Montand et ses camarades, nous ne descendions à Aude, à bicyclette, qu'entre garçons, que pour une partie de pêche...  

Un cabanon comme tant d'autres, pour plus de commodités, outils, pause-repas, abri contre la pluie,  lorsque les vignes sont plus éloignées du village. 

Maribole, difficile d'imaginer nos lavandières... À Coursan, il reste au moins une sinon des cartes postales... 

Ici ce qu'on voit diffère de ce qu'on regarde quand on peut se plonger dans un passé, les fleurs d'abord, pas si banales suite à des sécheresses prolongées. Ensuite, à voir la rivière, c'est plus difficile quand on sait qu'ici venaient les lavandières. Par leur travail incessant, les eaux modèlent les rives comme si elles voulaient se défendre de l'emprise des hommes, comme si elles tenaient à effacer les traces, à gommer un passé des mémoires. Maribole, les femmes y descendaient pour la bugada (même papa a employé la graphie normalisée), la buée (1) , la lessive ; ce détail si lapidaire se suffirait-il ? Ces bugadieras particulières avaient normalement procédé à la cendre, au lessiu, à la maison, quelques fois l'an. Professionnelles, à laver pour les gens, descendaient-elles à la rivière régulièrement ? N'était-ce que pour des “ petites ” lessives, façon de parler, au savon ? Sinon par besoin de beaucoup d'eau, pour rincer ? (à suivre)

(1) du gallo romain “ bucata ”. Pour “ buée ”, le Larousse du XXème siècle (1928) dit que la signification “ lessive ” a précédé celle de vapeur. 


  

vendredi 30 juillet 2021

QUAND NOUS PARTIONS PÊCHER A AUDE, A BICYCLETTE (fin)



 
L’après-midi, tout le monde redescend à la rivière où les places sont toujours aussi chères. Parfois des Héraultais se retrouvent de l’autre côté. Mais est-ce parce que des rivalités entre villages ou le département limitrophe sont vives que le fleuve, dans sa sagesse, dispose ses spoliateurs de la gaule suivant la configuration concave ou convexe de ses rives ? Néanmoins deux postes de pêche peuvent se faire face et comme chacun vient aguicher le muge jusqu’aux pieds de l’autre, à l’occasion d’un accrochage, de vieilles rancunes sans fond peuvent se rallumer. Pourtant, si un canot à moteur remonte l’Aude comme pour explorer un cours d’eau d’Amazonie, tout le monde est d’accord pour bombarder l’intrus avec des tures (1) et force insultes et hurlements d’Indiens indomptés, plus horripilés encore si une naïade a le malheur de bronzer sur le pont avant (2).

En fin d’après-midi, il arrive que l’un des jeunes se mette à l’eau pour récupérer un bas de ligne piqué de l’autre côté sur une branche basse ou parce qu’il a repéré un buldo perdu qui pendouille sur une carabène : il n’y a pas de petite économie et ce seront moins de francs laissés au bureau de tabac. L’ombre se fait plus épaisse au bord de l’eau et par un jour sans vent, des nuées de mouissals (moucherons) attaquent ; seule la fumée de canotes vertes peut les tenir à distance.

Puis vient le moment de partir. En haut, le long de la vigne, la lumière reste vive. Nos pas, dans l’herbe, font «... naître un bouquet changeant de sauterelles, de papillons...» sans les rainettes... le climat est plus sec ici que dans la chanson de Montand «A Bicyclette» (1968). Sans l’heure d’été (3), «... quand le soleil à l’horizon profilait sur tous les buissons nos silhouettes... », le retour vers le village sur son coteau, c’est tout à fait la chanson de Montand sauf que Paulette n’est pas plus là que les rainettes... Les filles, les femmes, personne n’en parle sinon par le biais des chansons paillardes initiatiques braillées dans le car du rugby... L’emprise de la religion, de la morale, le poids des traditions, des tabous font que la maturité psychologique n’est pas en avance mais cette préoccupation ne va pas tarder avec l’été à la mer, les bals et le cacolac de l’entr’acte payé, sans garantie en retour, à sa cavalière. Nous parlons, nous vivons poissons : parce que j’ai le tort d’être allé plus loin que le patelin et la rivière, Robert me traite de cracaire puisqu’un silure glane ne peut pas peser plus de 100 kilos ! Mais qui pourrait croire une craque aussi grosse ! Djeou tu exagères ! Tu les fais encore ricaner, allons, pêcher des ablettes à la mouche de cuisine dans l’Aude ! Et pourtant, après avoir lu  «la Boîte à Pêche» de Maurice Genevoix, j’en ai pris, sur fond sableux, à la Barque Vieille ! Rire avec les autres, ne pas s’en savoir mal, ne pas prêter le flanc aux moqueries... C’est bien qu’il y ait une mouche du coche alors qu’on pédale ensemble et puis c’est progresser vers la maturité psychologique non ?

 «Y avait» Robert et René, Jean-Marie, Joseph et José, Guy et JF

«Quand on partait de bon matin
Quand on partait sur les chemins
A bicyclette...»              

(1) Mottes de terre.

(2) Une scène du Petit Baigneur tournée sur les bords de l’Aude (1968) avec imprécations en occitan exprime bien le ressentiment des locaux pour ce tourisme de nanti se croyant tout permis...

(3) Une heure d’avance sur l’heure solaire dite «heure vieille», une de moins par rapport à celle d’été.