Aude, Languedoc, Tchécoslovaquie, Ariège, Pyrénées, Océan Indien, Lyon, Brésil, ports familiers mais unique maison des humains. Apprendre du passé, refuser la gouvernance cupide suicidaire. Se ressourcer dans l'enfance pour résister, ne pas subir. Passer ? Dire qu'on passe ? Sillage ? Aïeux, culture, accueil, ouverture aux autres, tolérance, respect, héritage à léguer (amour, écoute, cœur, mémoire, histoire, arts...) des mots forts, autant de petites pierres bout à bout qui font humanité.
vendredi 13 juin 2025
« Le But c'est le Chemin » Goethe.
jeudi 12 juin 2025
COCHON qui s'en DÉDIT.
Ce n'est pas plus la période que l'époque mais pour en témoigner, mieux vaut tard que jamais.
« Les Grandes Heures des Moulins Occitans » offre aussi une synthèse de ce que représentait la « Fête du cochon ». À une époque où la commodité de se voir, moindre qu’aujourd’hui, s’en trouvait plus marquante dans la suite ininterrompue des jours de travail, la difficulté à se déplacer, il me plaît de supposer que la nouvelle « On tue le cochon chez un tel » devait se transmettre dans les alentours alors qu’une invitation actuelle, à un apéro, à un repas, ne saurait dépasser le petit cercle concerné.
Hachoir_à_viande_pour_saucisses_-_Purullena 2015 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Dfbdfbg6543654... Vision pudique de “ la chose ”... |
Dans cette vie d’avant, la famille élargie, les voisins, les amis se retrouvaient alors en nombre. En lune vieille, répétons-le, passée un vendredi et surtout pas en mars ! Sinon, pour les hommes (qui comme le dit la chanson, sont tous des cochons [zut ! l’air de cette chanson ne me revient pas ! ) pas de phase de lune qui tienne, rien de changé : des privilégiés, comme toujours, un travail vite réglé, le cochon vidé, guère plus qu’une participation pour la plupart et pour tous, ripailles, libations, gauloiseries et parties de cartes. Pas la peine de comparer avec les corvées des femmes, la double besogne des viandes, charcutailles et de faire manger une grande tablée, à devoir cuire les pâtisseries la nuit et à l’avance, dont de pleines corbeilles d’oreillettes (comptez-moi dans les méridionaux qui s’attendrissent à ca souvenir !) ! Une seule dispense alors, n’interdisant que la partie cochonaille : les règles. Les préposées aux repas devaient alors proposer à tout ce monde des menus conformes à la tradition, attention au qu’en-dira-t-on !
Dans cette tradition, les saucissons qui devaient se voir, celui de l’année précédente conservé dans des cendres, devenu dur et rance, réhydraté dans un linge puis bouilli dans du vin vieux… La coutume, ça ne se conteste pas !
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Pig_heads_in_a_market 2011 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Tomascastelazo |
mercredi 11 juin 2025
MOULINS, la FIN des FINS (8).
La circulation des grains relevait d’une réglementation stricte, de laissez-passer3 auxquels répondait une fraude liée à la débrouille sinon au marché noir. Le blé interdit restait caché, dans une alcôve, sous un amas de paille, camouflé en surface par une couche d’orge autorisé. Ça tournait la nuit, ça tournait entre plusieurs moulins, manière de brouiller les pistes, de ne pas se faire attraper ; du coin, de loin aussi, Toulouse, Narbonne, Béziers, à vélo. Les meules pouvaient être plombées mais il arriva que le contrôleur des Indirectes, aussi nécessiteux que tout un chacun, laissât la pince à sceller et desceller, en retour de service.
Et s’il existe une administration raide et aveugle, c’est bien celle des impôts brandissant la patente, le pourcentage sur le chiffre d’affaires ou exigeant de scier les ailes si le moulin fermait. Alors certains sont partis en pièces détachées, une aile par ci, un mécanisme par là, un arbre moteur en établi. Des meuniers ont bien essayé de garder le moulin à peu près ; un y a mis des pigeons puis un hibou s’est installé par un trou dans la capelada ou alors c’est qu’il avait lu Daudet et ses Lettres...
sauf que, comparé au locataire «… du premier à tête de penseur […] tel qu’il est avec ses yeux clignotants et sa mine renfrognée, ce locataire silencieux me plaît mieux encore qu’un autre, et je me suis empressé de lui renouveler son bail... », le hibou de la vie vraie a fait partir ou tué les pigeons ; les lapins étonnés de Fontvieille c'était plus gentil…
Fleury-d'Aude, vue de la colline du moulin de Montredon depuis le Sud. Naturelles, les couleurs automnales viennent d'une diapositive (1967) de François Dedieu. |
Alors, ces moulins qui en prime louent notre Cers (honte à ces nordistes présentateurs météo «... Mistral, Tramontan' » !), bien sûr que ce qu’il en reste nous touche intimement. À présent que les derniers meuniers ne sont plus là à faire la moue, à esquiver les questions des curieux, des touristes qu'ils aiment autant ne pas recevoir, les consciences locales semblent avoir réagi aux regrets, aux remords. À Nissan, à Lespignan, non plus des moignons mais des moulins à nouveau sereins d’un sauvetage enfin issu d’une longue maturation. Qui sait si ce sera possible chez nous, suite au rachat peu coûteux de sa colline par la mairie ?
3 Tels les « congés » longtemps indispensables à la légalité du transport du vin en vrac destiné à la consommation personnelle.
mardi 10 juin 2025
FIN du MOULIN (7).
Attention, le printemps ce sont aussi des indésirables dont les épillets danger de nos compagnons à quatre pattes. À propos de l’homo peut-être sapiens mais toujours aussi c.., si je pense aux pesolhs avant tout des pauvres soldats de 14, je me fais l’effet d’un ectoparasite, d’une tique suçeuse de sang, à pomper le bouquin des Bézian. Alors, un peu d’éther et décrochez-moi, la dernière goutte envenimée sera pour la fin des moulins à vent.
Convergence1, sur cette issue, les premiers mots des Bézian sont « Aprèp un temps n’en ven un autre... » Ajoutant «...I a un temps que trempa e l'autre que destrempa », mon grand-père Jean qui aurait eu 128 ans le 4 juin dernier signifiait aussi que la destinée fait passer du meilleur au pire et vice-versa, une sorte d’après la pluie le beau temps...
Ah ! Avant on se mariait entre moulins, plein de pages et de signatures sur l’acte ! Le meunier de sortie ne prenait pas son repas du panier, non, il mangeait au restaurant et rapportait du sucre, du café, un luxe que le commun des brassiers et journaliers ne pouvait se permettre ! Honoré sinon craint, le meunier comptait autant que le curé ! Même partis de rien, en gérant comme il fallait, ils faisaient fortune, amassaient des pistoles, dotaient les enfants ! La guerre de 14 a sonné le glas de l’époque faste.
Chevaux, charrettes, mulets, ânes réquisitionnés, un coup déjà. Puis les hommes ; malgré les femmes, des vieux vaillants2, l'activité est tombée en sommeil. Et la suite… gueules cassées, poumons gazés, jambes en bois, bras en moins… et puis les filles préféraient chercher ailleurs. Le moulin n’y suffisait plus ; de complément, les terres sont devenues essentielles, sinon l’élevage, oies, canards, dindons, pintades, poules, lapins, cochons. Les hommes partaient même se louer, les fenaisons, les moissons ; un, à la saison, revendait les châtaignes de la Montagne Noire ; un autre a risqué l'achat d'un premier autobus.
Et puis la farine des moulins n'a plus suffi aux boulangeries naissantes nécessitant l'apport régulier et en quantité de farines que seuls les minotiers (3) pouvaient fournir.
Après 1918, le pain à la ferme, avec ses avantages et ses défauts, est devenu plus rare.
Les jeunes sont partis à la ville ou cuire des tuiles à Castelnaudary, ou faire maçon…
39-45, saloperie de guerre encore ! Pourtant, un sursaut pour les ailes au vent, à cause des cartes d’alimentation, du blé d'une France assujettie, réservé à l’Allemagne. (à suivre)
1 Hier dans ma rue, un couple de nos âges cherchant à rejoindre Fleury en fête et ayant perdu l'église m'a remercié en risquant un « adishatz » suivi de « comprenetz ? » — Aco m'agrada plan, j'ai répondu. Un peu devant, la femme est revenue sur ses pas, ils ne comprenaient pas « agradar ». Partage avec l'occitan toulousomontalbanais.
2 Les auteurs relèvent « mamé » comme je le dis et écris, ça fait plaisir ; nul besoin de « e » final, « mamé » comme « tati » c’est déjà féminin.
(3) Déjà en 1869, avec le Secret de Maître Cornille, Daudet des « Lettres de mon Moulin » faisait plus qu'annoncer cette mutation irréversible.
lundi 9 juin 2025
« A Pentacosta, la guino gusta. »
« A Pentacosta, la guino gusta. », « À Pentecôte, goûte la guine », disait sa grand-mère Joséphine, comme aimait à le répéter mon père en première quinzaine de juin.
Pas plus de descente de la côte que la route de Lauriole en Minervois qui fait semblant de monter alors qu'elle descend ou le contraire suivant le sens où on se met... Et quel pastis puisque la “ penta ”, c'est inventé, seuls « lo penjalut », « lo penjant » répondent à « la costa » ! Et puis, en grec, dans Pentacosta, Pentecôte (quelle idée aussi de nous embrouiller avec le chapeau sur le « ô », pas très orthodoxe tout ça) il y a l'idée de « cinquantième », on parle de jours...
Guines |
Autant parler des guines... Des « guignes » ? vous me reprenez ? c'est la poisse, encore une descente à monter... En Gascogne ils disent guindoul, guindoulh, guindoulot ; toujours d'après Mistral dans son Tresor dau Felibrige en Rouergue cela donne guindou, aguindou, guintou ; suit le proverbe « Rouge coumo un guindoul »... un effet bœuf chez les “ Ventres Jaunes ” du Ségala !
« Per Pentacosta, lo guindol tasta »
Dans un certain Languedoc plutôt Haut que Bas à mon idée, pour cette cerisette aigre, on dit encore agrioto, guindoulo. Comme dans la chanson, elle pousse sur le guindoulié ou guindouliè (t'en souviens-tu), je préfère « guiniè » bien que « guinié » soit accepté aussi.
Un dernier truc et j'arrête avec les élucubrations : Christian Horace Bénédict Alfred Moquin-Tandon (1804-1863), éminent scientifique connu aussi pour un canular littéraire sur un manuscrit de troubadour, titra « guindouleto, guindouletos » ses épigrammes et poésies, eu égard à sa naissance à Montpellier, à son travail à Toulouse (professeur d'histoire naturelle), à son rôle de rédacteur à l'Armana Provençau.
Fini les confitures pour l'hiver ! |
Cette année encore, la pédale nostalgique, j'ai suivi les rives de l'Aude, plus de guines au bord de la rivière. À croire que comme le bocage de l'Ouest, ils s'en sont foutu le peilhot avec les haies débarrassées... Deux guines j'ai compté, et encore pas sur le même arbuste !
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Aude |
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Exuvie |
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97 |
Mais j'y retournerai, quitte à pousser le vélo sur les chemins de terre, plus en amont, chez nos amis sallois. C'était mieux aujourd'hui : 97 guines au moins pour la photo et un signe de vie pas vu depuis 40 ans, une exuvie de couleuvre !
Pardon pour cet esprit taquin sinon malsain descendu sur moi pour Pentecôte... je n'en dirai rien à mamé Joséphine, mon arrière-grand-mère rappelant chaque année « A Pentacosta, la guino gusta » un dicton que suite à mon père, j'aime répéter à mes fils, en première quinzaine de juin.
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Joséphine Hortala née Palazy (19 mars 1874- 13 août 1958) |
dimanche 8 juin 2025
Le MOULIN, RENCONTRES et PASSAGES (6).
Tourne moulin ! À tout moment de la journée, de la saison, le moulin est un lieu de rencontre et de passage très fréquenté.
En premier lieu, les clients, nombreux, venant souvent, toujours pour quelques petits kilos, qui restent discuter. Surtout que, sans radio, sans journal, sans téléphone, au moins au moulin savait-on ce qui se passe au village, le meunier en apprenait aussi dans ses tournées. Les cultures, le prix du blé, du maïs, la météo, le cochon, la chasse, la pêche, les champignons, le passé des vieux, des histoires coquines aussi, manière d’émoustiller les sèves descendantes… Sur la politique, on ne parlait que de loin, seulement en accord pour s’offusquer de la politique des copains, des coquins et profiteurs ; plutôt ménager l’autre, ne se lâcher qu'à l'occasion des municipales ! Et pour épicer le tout, des « à propos » hors l’ordinaire : un mort, un malade, une mauvaise fortune, une dispute de voisinage, un ménage qui flanche, un cocu, une femme légère, rien n’échappait aux langues bien pendues… Et, comme dans tous nos villages, les hommes, régulièrement plus commères que les femmes sauf que le masculin « compère » n’en dit rien. Les faibles affluences, la porte fermée du moulin, alimentaient des ragots à fantasmes autour de meuniers coquins et de « belles meunières ».
Moulin qu'est-ce qui t'arrive ? Visibles de loin, les ailes arrêtées stoppaient la belle mécanique, tant celle du grain que la meule des cancans et potins. Justement, hors les grandes réparations nécessitant une immobilisation certaine ainsi que la mobilisation d’un ou plusieurs charpentiers des moulins, une fois le mois, parfois deux, le professionnel devait redonner de la morsure aux meules, en rhabiller patiemment les aspérités indispensables à la mouture. Ce devait être fait dans la journée.
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Meules décoratives du square de la Batteuse toujours appelé « Jardin Public ». |
Complexité dans la simplicité comme pour tout ce qui concerne la marche du moulin à vent ! On n’en finit pas d’être impressionné ! Du dur ! granit du Sidobre, silex blanc de Bordeaux1 pour les meules2 ! Huit-cents kilos, une tonne, la volante ! déjà faut la soulever, la lever qu’ils disent !
La maillette, ses pointes suivies par le forgeron y appliquant ses secrets de trempe, le dos des mains noir à force d’éclats de silex et de fer sous la peau… des meuniers aux mains noires ! étonnant non ? Plus triste cette silicose attaquant les poumons lorsque ce n’était pas une lie des farines respirées toute une vie.
Il faut en être, en gros, à la première centaine de pages pour se demander ce qu’il y a d’autre dans les trois-cents autres de l’ouvrage3. « Mais c’est bien sûr », comme disait Maigret des « Cinq dernières minutes », Raymond Souplex (1901-1972) de son nom de scène, satisfaire à la collection « Terre Humaine » implique un exposé ouvert sur la vie au temps des moulins à vent.
Déjà avec la diversité des gens extérieurs au village qui passaient, ce qui n’est pas sans écho encore auprès de ceux de mon âge issus d'un village.
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Eugène_Atget_(French_-_Chiffonier, Ragpicker, Lumpensammler, Domaine Public Source qgExu-hp1fHWjA at Google Cultural Institute maximum zoom level |
Les auteurs ne manquent pas de citer le pelharoc… nous autres disons « pelharot », à une lettre près, en parlant du chiffonnier ; le marchand d’allumettes de contrebande puisque l’État exerçait un monopole rapportant une taxation. Suivent le vendeur d’almanachs, le lunetier, le raccomodeur, l’étameur, le montreur d’ours ! Et chez les éclopés de la vie, les vagabonds, chemineaux et mendiants, des pauvres gens, diseurs de psaumes ou non, qui chaque année, savaient où retrouver les bonnes adresses, le bon accueil.
Figurent des parties sur le pain, le millas, la tue-cochon, la fête locale, les bals, le carnaval, la noce, la famille, les malheurs… Encore des découvertes, de bons moments en perspective !
1 Le calcaire marin à alvéolines et inclusions de silex du gisement de Saint-Julien-des-Meulières, pour équiper les moulins plus vers chez nous, à l’Est, devait aussi convenir à l’activité.
2 Je m’égare au souvenir de mon copain de classe, Antoine (1950-2020) confirmant qu’une camarade de classe avait de belles meules. Nous ne parlions pas des moulins… Entre émotion et sourire, bien sûr que la coquinerie ne touche pas que les meuniers. Pardon pour cette digression…
3 Plus d’une centaine aussi, au bout, sur la fin des moulins ainsi qu’un dictionnaire sur la meunerie.
samedi 7 juin 2025
BLANCS ou VOLEURS, ces MEUNIERS ? (5)
Une mine ce livre à aligner tant de détails intéressants et singuliers sur une activité révolue, plus encore quand on manque de références personnelles... tout le monde n'a pas eu un meunier dans ses aïeux !
Le blanc est la couleur dominante, assortie à la farine ; la tenue du meunier, veste, pantalon, béret, en atteste de même que la blouse qui les faisait reconnaître au milieu des blouses bleues ou noires.
Régulièrement, un “ qu'est-ce que c'est ? ”, un « qu'es aco, qu'es aco ? » vient illustrer de ses devinettes la richesse de la langue occitane :
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Mesures_de_capacité_en_bois_après_1793_(décalitre,_litre,_demi-litre) 1793 under the Creative Commons Attribution 4.0 International license. Auteur Daieuxetdailleurs |
INSTITUTEURS toujours... galerie d'images.
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Ah Alain Mottet (1928-2017) dans Le Bossu ! |
MAÎTRESSES toujours...
Maîtresses toujours, instituteurs toujours, cher compagnonnage de la communale, des coquelicots et marguerites pour avoir aussi contribué à faire fleurir le respect des enfants et de soi, malgré la timidité extrême de nos effusions, de belles rencontres me poussent à regratter la page, à moins m'en vouloir aussi d'une nonchalance coupable.
Logés à la même enseigne que tous, des instits femmes ou hommes partent sans que nous acceptions le vide laissé ; raison de plus, au contraire pour resserrer les rangs dans cette solidarité de corps qui nous a tant confortés.
Le souvenir “ tranquille ” d'Alain-Fournier (1886-1914), de Louis Pergaud (1882-1915), celui plus personnel de René Pesqui (1937-2017), dit « L'oncle », parce que du pays et pour le dernier stage CM2 à Grézieu-la-Varenne avec les tilleuls en fleur (juin 1972), celui, plus poignant de Jean-François Knecht (1957-2007), compagnon à Mayotte, forcent d'un coup mes défenses émotionnelles. En cause, un décès soudain, choquant (51 ans), et d'autres dont je n'avais pas idée, tant à la fois que j'en déborde. Pardon.
Le premier, dans les “ tranquilles ”, celui d'André David (1893-1915), certes de l'École Normale Supérieure, pour son travail aussi expéditif que remarquable sur la Montagne Noire. Bien des critères pour rester honoré...
Le second, hélas d'actualité, de Sébastien Saffon (1974-2025) qui après dix-sept ans dans le primaire, a passé une maîtrise d'Histoire. Riche de ce qu'il a transmis sur la vie agricole du Lauragais dont « Ceux de la Borde Perdue », sa trilogie « La Combe » ; il nous quitte du jour au lendemain, nuit du 17 au 18 mai 2025.
On cherche, on prolonge (c'est formidable l'Internet !) pour tomber sur « Les grandes heures des moulins occitans »,encore sur le Lauragais, d'Huguette et Jean Bézian (1935-2015), instituteurs tous deux d'origine.
Alors vagues sous un crâne, je pense à Roger Bels (1921?-2001?) qui nous a laissé un beau livret sur le département de l'Aude... et, tout à fait en accord avec le mot de Michelet
« Chaque homme est une humanité, une histoire universelle »
(petit dépit les majuscules manquantes à « Homme » et à « Histoire » [quel culot !]).
En remontant presque aux sources, je me dis qu'au titre de collègue j'aurais dû aller parler à Francis Patrac (1935-2018) : il a enseigné à Salles-d'Aude où peut-être des publications d'élèves Freinet dorment dans un placard ; il connaissait si bien la faune, la nature de notre garrigue...
Pour finir, en hommage au lien entre Albert Camus et son instituteur Louis Germain (1884-1966), je m'en voudrais de passer à côté des enseignants de notre école à Fleury, chronologiquement Louis Llobet (1935-2009) qui avec son épouse nous ont encadrés en tant qu'ados autour d'une activité Théâtre, et en classe, Louis Robert (1906-1993) malgré sa méthode à l'ancienne et, une fois retraité (lui) plus pour nos promenades complices... et Monsieur Rougé, au CE2, c'est mon Monsieur Germain à moi, de ceux, (il y eut des profs par la suite dont Marcel Sinsollier [1932-2024]) qui vous découvrent un coin de bleu quand votre ciel n'est pas beau...
Nul besoin de coterie entre nous, le lien nous dépasse, pour avoir toujours eu le souci de laisser fleurir nos enfants, restons solidaires aussi des vivants qui de près ou de loin, nous ont côtoyés, nous côtoient, nous ont apporté, nous apportent.
Chers collègues de la communale, des coquelicots et marguerites, institutrices toujours, maîtres toujours !
vendredi 6 juin 2025
ROUES de la VIE, ROUES de mon CŒUR (4)
Pour moudre, faut tourner les ailes au vent, donc tourner la capelada, le toit ; un sacré effort pour un meunier valide, alors pour une femme... Cocagne si un couple de bœufs amis passait fortuitement dire bonjour. Relatif au gros moulin, un treuil à cet effet, aux points d’ancrage bien disposés sur la butte, restait plus que nécessaire.
Ensuite faut habiller les ailes, entre deux et huit voiles, suivant le temps, lâcher le frein qui les bloque chacune son tour, droite, accessible, ne restait plus alors qu’à fixer les toiles… façon de parler, l’arrêt devant être assuré, bien assuré. Deux solides bâtons fourchus y suffisaient sinon une corde lestée d’une grosse pierre. Ne surtout pas s’aviser de se soustraire à cette sécurité, la manœuvre dût-elle se répéter dans la journée. Même léger, le vent peut se lever à chaque instant ; les imprudences se paient cash !
Deux toiles, huit kilos sur l’épaule et l’aile qui se met à tourner. Appels de détresse. La femme vient stopper le mouvement. C’est trop haut pour sauter, l’aile est aux ¾, Ce n’est qu’une fois à la verticale, au point zéro du tour, qu’il est facile de descendre, barreau par barreau.
Ne parlons pas de la fantaisie de celui qui, toute sa vie, n’a pas réalisé l’envie de s’attacher la tête en bas pour mieux voir le paysage une fois en haut. Et les gosses qu’il fallait avoir à l’œil, celui qui s’accroche pour sauter une fois à trois ou quatre mètres du sol ! Pire, le drollet de six ans, en fœtus autour d’un barreau ! Si sa mère n’était pas venue, l’aile entamait déjà un deuxième tour ! Et fier, qui plus est d’avoir vu de là-haut, Castelnaudary et la Montagne Noire.
Un cran au-dessus, les accidents : tomber à cause de la glace sur un barreau… « Ferraille » on l’appelait comme ça depuis qu’il avait une plaque de fer dans la jambe. Pour un autre, la réaction du docteur a tout dit : « Vous m’apportez un paquet d’os en miettes. » : pour quelle suite ? Sinon, fin de l’histoire suite à une chute mortelle, les cas ne manquent pas. Les accidents collatéraux non plus ; cette aile de 500 kilos qui passe à portée, inarrêtable pour celui qui une fois en haut s’est lâché !
Est-ce que tout cela participe de la fascination ressentie pour les roues qui tournent à l’image de la roue des amours, des destinées, d’une petite vie si grande puisque unique dans les cent milliards d'existences humaines passées ?
« Comme une pierre que l’on jette dans l’eau vive d’un ruisseau… », cette belle et douce ambiance m’a longtemps laissé croire que Michel Legrand voyait tourner la roue d’un moulin à eau. Mais non, de même que la pierre ne peut pas laisser des ronds dans l’eau vive, par milliers qui plus est, la chute ne peut que confirmer que le moulin de toutes nos émotions tourne bien sur la colline, sans à-coups violents, pour Legrand « …Au vent des quatre saisons, tu fais tourner de ton nom tous les moulins de mon cœur. ». (paroles Eddy Marnay [1920-2003], musique Michel Legrand [1932-2019]).
Le moulin à eau, lui, tourne pour Marcel Pagnol, ce qui, de la part d’un auteur de Marseille, pourrait paraître paradoxal, à moins que, sous la furia du Mistral, au constat inéluctable qu'est la fin, la sérénité de la Durance éternelle n'apaise…
« Le temps passe et il fait tourner la roue de la vie comme l’eau celle des moulins… » Marcel Pagnol.
jeudi 5 juin 2025
QUEL BÂTI pour un MOULIN ? (3)
L’apéritif, la mise en bouche sont autant susceptibles de rassasier avant le repas que d’impatienter le moment de se mettre à table. À propos du livre des époux Bézian, on se languit d’un menu ne pouvant que réjouir.
Afin de consoler un enfant qui pleure, il est aisé de lui dire de regarder les ailes qui tournent, un rotatif qui hypnotise l’attention des petits… j’ai connu, avec mon dernier, il aurait passé des heures devant le tambour de la machine à laver… Et pour les gens, avec les cloches, cela participait de la paix intérieure.
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Paul_Sibra_Don_Quichotte_et_le_moulin,_1924 (moulin du Cugarel) |
Un projet de moulin commence par la recherche d’un site favorable au vent, le plus souvent une hauteur, avec déjà la maison du meunier, en contrebas, basse, sans étage, ensuite, des alentours dégagés, sans arbres… ce qui a eu poussé, dans l’anticipation de leur croissance, à des actions délictueuses telle celle de ce grand-père qui la nuit était parti soulever les jeunes plants ; les arbres mouraient sans qu’on en connût la cause ; suite aux échecs répétés, le propriétaire n’avait plus insisté… En hauteur certes sauf que par vent fort, la solidité s’en trouvait sollicitée davantage. De cette exposition va dépendre l’ancrage plus ou moins profond des fondations affectant l’accessibilité de la cave. Les murs, de pierre à l’Est et de brique vers Toulouse, sont également plus lourds et épais à la base ; une butte va en entourer le soubassement, elle permettra l’orientation de la queue, facilitera la montée aux ailes et la charrette pourra y venir pour les grains ou la farine ; quant à la capelada, la toiture, elle se construit comme pour un clocher sauf que sa couverture n’est pas de tuiles mais de bardeaux, souvent de châtaignier. Le toit pointu tournant permet la manœuvre par rapport au vent. Un moulin hors d'usage n'en vaut plus la dépense, plus économique, une pente de toit en tuile suffit.
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Mireval_Lauragais_Moulin_de_St_Jean 2016 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author MIC 43 |
Le vent, toujours le vent, rien que le souci primordial du vent : la longue-vue reste à portée afin de voir ce que font les autres moulins, ce qui évite les mauvaises surprises. Le plus mauvais de tous est l’Autan aux rafales destructrices capables d’emporter les ailes, voire de décapiter le moulin ! Certaines périodes, au contraire, se signalaient par leur calme plat, autour de Noël par exemple, en été, en septembre, forçant alors, pour ne pas perdre le client, à passer du molin (à vent), à la molina (à eau), d’où des trajets, du temps et des sous perdus. De faire tourner un animal n’était pas durable. Un meunier sans plus de moulin a continué son activité avec un moteur diesel dans sa remise.
Le temps qu’il fait n’est pas que lié au vent, sa prévision découle de l’observation résumée dans les adages et dictons :
* les trois soleils au coucher ou s'il se couche sous son coussin, la pluie est annoncée, idem si l’Ouest est obscur ; le troupeau de nuages blancs fait prévoir un risque d’orage ; « l’arc-en-ciel du matin, fait tourner le moulin »…
* les animaux aussi renseignent, ceux de la ferme qui se dissipent, les pigeons qui se baignent avisent la rentrée prochaine du marin ; les pies qui nichent haut rassurent, dans le cas contraire, il faut se méfier du vent d’Autan « Grand vent ne te manquera pas, la pie a niché bas »; pour certains, les serpents qui traversent les chemins
* suivant les personnes, les interprétations de la lune peuvent se contredire.
Dans les dictons, il pleuvra pour les moissons s’il pleut le jour des Rameaux et s’il fait du vent, comme pour la Saint-Martin, il ventera toute l’année.
La situation perchée des moulins attirait la foudre, on veut s’en protéger grâce au buis bénit du dimanche des Rameaux et certains sont pour un gros bouquet plus efficace. Le son aigu de la petite cloche restait censé dissocier le nuage d’orage…
Vent, voiles, toiles, en plus des souffles qui par l’arbre moteur font trembler le bâti, à l’air et à la terre vient s’ajouter la mer… Impossible l’élément liquide ? Et pourtant, à l’égal d’un marin, le meunier doit prendre des quarts, veiller à l'aide de la longue-vue, monter sur les ailes pour hisser ou réduire les voiles, gouverner, gérer la marche de sa machine, la préserver en cas de tempête.
mercredi 4 juin 2025
Sur la route des MOULINS du LAURAGAIS (2)
Qu'il est petit à côté, c'est ce qui vient à l'esprit en premier. Était-ce une adaptation aux conditions de vent, au Cers qui depuis le Lauragais, se met à ronfler si fort le long du couloir de l'Aude ? une puissance historique puisque, plus proches de nous, les wagons du chemin de fer, les caravanes, ont été renversées.