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vendredi 8 juillet 2016

LES CORBIÈRES VII / Le VERDOUBLE de Nougaro !


« On l'appelle le Verdouble
La rivière qui déroule
Ses méandres sur les pierres
La rivière des hautes Corbières... »


Les muses ont toujours été généreuses avec Nougaro. Elles n’avaient pas besoin d’un cadre aussi beau que celui des Corbières pour s’épancher. Il n’empêche, entre grandeur et mystères, parmi tous les petits pays sertis dans un désordre de reliefs trop pluriels et regroupés, pour la commodité, en tant que "massif", Nougaro a installé ses pénates et ses muses à Paziols dans l'Aude.
Le village se blottit au fond d’une cuvette rutilante de vignobles qui donnent des vins rubis de carignan et grenache, ambrés de maccabeu ou muscat. Acagnardé au pied de l’imposant Tauch, un peu protégé des rafales du Cers qui, en compensation dispense un soleil généreux, le bassin respire une vraie douceur de vivre. Les fontaines, les Verdouble, grand et petit, apportent une fraîcheur tenant du miracle sous ces paysages grecs... Attention pourtant aux humeurs changeantes sinon coléreuses de la Méditerranée : des Pyrénées au Mézenc, la bordure montagneuse reçoit en automne des précipitations en quantité et l’eau vive des Corbières peut faire peur (1).

« Il scintille le Verdouble
Mais le cours de son argent
Ni les dollars ni les roubles
Ne te le paieront comptant... »


Certes Claude mais il en a coûté des misères, le gentil Verdouble.
1999 reste dans les mémoires mais en 1987 à Padern, à la confluence du Torgan, la crue est montée plus haut. En 1962 et 1970, à Paziols l’eau a atteint des niveaux comparables et 1940 l’a vue à peine en dessous tandis qu’à Padern, le pont après le Torgan était emporté. En 1920, à Paziols, l'inondation, un mètre encore plus haut, a envahi le village et la mairie. (2) 

Sinon, comment refuser le positif et la vision poétique, mythique même de la rivière ? La sinistrose est hors sujet, et puis elle n’a jamais empêché les sinistres...

«... Pas la peine que tu te mouilles
À percer ses coffres-forts
C'est dans l'œil de ses grenouilles (3)
Que sont ses pépites d'or... »


Restons au bord de l'eau, là où l'eau court encore vers des gorges. L’ondin, gardien des eaux, participe de cette magie partagée. Pépites d’or, argent, mixite émeraude... Entre autres trésors, Claude Nougaro a gardé plus que des "cailloux blancs" :

«... Dans les gorges du Verdouble
Sur un lit de cailloux blancs
J'ai composé ces vers doubles
Que j'espère ressemblants... »


Nougaro, échanson des nectars bacchiques, porteur d’eau des sources sacrées veillées par Divona, nous enchante de ses derniers vers d’une simplicité miroitante :

«... Si aux eaux de mon Verdouble
Tu préfères l'océan
C'est facile, tu les ouble...
Tu les oublies simplement. »


Toujours gosse, je les poursuis, les rivières des Corbières, hautes ou non, derrière toi, Nougaro, NougarOc plus que jamais !.. Depuis gosse... pour côtoyer les muses qui se sont penchées sur ton berceau !
Mais ce que je peux en dire... Autant écouter et réécouter Claude qui court en nous avec l'eau du Verdouble. 

http://www.dailymotion.com/video/xok33_claude-nougaro-riviere-des-corbiere_music

(1) Attention aussi aux orages violents de l’été.
(2) http://www.aude.gouv.fr/IMG/pdf/note_de_presentation_cle77e45e.pdf
(3) un gragnot, uno gragnoto, grenouille quel que soit son sexe en français, surnom des habitants de Paziols... (Mistral le notait dans le Trésor du Félibrige).

Photos autorisées Commons wikimedia 
1 village de Paziols auteur Frachet (2009). 
2 grenouille verte auteur Holger Gröschl (2003).  

jeudi 7 juillet 2016

OC, OC, NougarOC ! / Fleury d'Aude en Languedoc


La vie, par instants, s’éclaire d’une vive flambée mais c’est sous la cendre qu’elle couve longtemps son lot d’amour, quelques flammèches en témoignent, des fois. Sauf que ça ne se fait pas de se consumer en public, si, chez ces gens-là, « J’aime » c’est épancher son flot ! Et affirmer ses sentiments, en assumer la vigueur serait une preuve de faiblesse.

"Notre cœur est un trésor, videz-le d'un coup, vous êtes ruinés. Nous ne pardonnons pas plus à un sentiment de s'être montré tout entier qu'à un homme de ne pas avoir un sou à lui."
Honoré de Balzac --Le Père Goriot (1835)

Grillé, carbonisé ! Plutôt s’accepter dans le paradoxe, pleinement frêle et fort, yin et yang, braise qui s’éteindrait de ne pas déclarer ses flammes, de ne plus partager un feu avec d’autres entretenu.

Parmi les tisons qui sommeillent, entre âme et contre-cœur, il y a Nougaro. Nous parlions d’Occitanie à cause des turpitudes politiques, du jacobinisme exacerbé, macro sinon hydrocéphale... je ne sais plus et puis on boit du vin, dans le Sud, macarèl ! Avec Nougaro, l’accent, « il est loin mon pays, Toulouse », chantent l’Occitanie et si personne n’a oublié Nougayork, Nougaroc aussi nous prend aux tripes. 



Claude, c’est l’écho de la voix de papa, l’écho d’un pays qui aimerait vivre et respirer sans que tout ne soit dicté et imposé d’en haut. Claude, jongleur de mots dans la langue de tous, raison de plus pour ne plus tolérer la ségrégation visible d’un iceberg de racisme lampant contre le parler des ancêtres, dont ceux de 14, contre notre langue d’Oc (1). 



Claude est venu à moi, j’avais onze sinon douze ans, un jour que je me sentais libéré, passé le porche au classicisme imposant du collège municipal mixte de Pézenas, de l’emprise d’Henri IV, Vidal de la Blache et surtout des professeurs plus pressants et austères. Comme délivré de l’ascendance du Commandeur, m’adonnant aux rêveries aussi futiles qu’oisives de mon âge, je rentrais à la Buvette des Rosiers par le square du Poilu. Entre la mairie et le Cours Jean Jaurès, un quartier populaire de petites rues, d’habitations modestes et collées, à l’opposé des hôtels particuliers si prisés mais plus loin. Une mémoire facétieuse m’a longtemps fait fredonner « ...sous ton balcon, comme Roméo, ô ô, Marie-Christine...», alors que Nougaro était juste papa de Cécile, sa fille...
Monté à Paris, sésame incontournable puisque la province ne reste ouverte qu’à pas grand chose, Claude Nougaro, reste enraciné dans le Sud, « solide comme un roc ». Occi... occitan, son cœur reste entre Toulouse et les Hautes Corbières, en l’occurrence... 

(1) mise à l’honneur notamment par un autre Claudi, Marti de son nom occitan.    


    

samedi 21 mai 2016

ANTOINE ROUX (1842-1915), auteur du poème « LOU PASTRE »


Antoine Roux naquit et mourut à Lunel-Viel.
Vétérinaire, homme politique, membre du Félibrige Latin, il a aussi écrit des pièces de théâtre et des poèmes chantant son terroir, des Cévennes à la Méditerranée. 


Parmi ses œuvres les plus marquantes «La cansoun dau Dardailhoun (1)» (1896), 350 pages dans lequel le félibre chante toute la région qui s'étend des Cévennes à la mer et les Pescalunetas (1912).
Wikipedia en occitan (2) nous précise qu’un des surnoms des autochtones est «los pets d'ase», l’âne étant, comme chacun le sait, un doux animal sans gêne quand il s’agit de se soulager, et assez malicieux pour le faire sur les humains proches de son arrière-train. L’autre surnom, par contre, «les cabussaires», touche à l’élément liquide puisque une vieille histoire raconte que les habitants (cette fois de Lunel) s’acharnaient à repêcher le reflet de la lune sur l’eau, certainement du Vidourle (3).
Parmi les nombreuses et riches précisions biographiques, le site Vidas Occitanica (qu’ils soit ici remercié) (4) note combien l’attachement au pays compte pour un Languedocien se sentant exilé pas plus loin que Lyon, une idée que je partage pour avoir étudié à l’École Normale de la Croix-Rousse (5). 
Permettez encore au modeste ver de terre regardant les étoiles, de soupirer une dernière fois puisque c’est sur le plateau des Canuts qu’Antoine s’est pris de passion pour la littérature d’oc et Mistral.     

(1) le Dardailhon ouest, cours d’eau passant à Lunel-Viel.
(2)https://oc.wikipedia.org/wiki/Lun%C3%A8l_Vi%C3%A8lh
(3) carte postale «La cansoun d’as giens de Lunel» en vente http://www.delcampe.net/item.php?language=E&id=212512515
(4) http://vidas.occitanica.eu/items/show/28#comment-251
(5) Il n’empêche que Lyon, belle capitale des Gaules, resplendit dans un écrin de «pays» attachants et aussi variés que les monts du Lyonnais, les Dombes, le Bas-Dauphiné. Le soleil a aussi su en faire une porte du Sud puisque nous ne devons sa réserve, sinon sa froideur qu’à ses cercles fermés mais si fidèles en amitié, une fois la porte forcée. 


Photos autorisées Commons wikimedia : 1. vue aérienne du château et du centre de Lunel-Viel. 
2. Félibrige Latin Revue 3. Lunel_Viel_1907 author unknown deriative work by JPS68.jpg

vendredi 20 mai 2016

LOU PASTRE (le pâtre) / Languedoc

LOU PASTRE.

Per causse, en plen ivèrn, quand la magistralada (1)
Balota dins lo cel la neu e lo conglaç,
Dins sa capa amagat, se ris de la gelada
E lou vèspre, am l’aver (2), content s’embarra au jas.

Quand reven lou printens et que la soulelhada
Fa reverdir la terra et florir lo bartas,
Mena sos anhelos dins la prima abaucada (3)
E lo pastre es urós quand sont assadolats.

Desmamat dau païs e luènh de sa familha
Sus lo causse auturòs qu’es coumo sa patrio,
Mestrejo son tropèl que s’augmenta dau creis...

Plantat sus son baston lo vei que s’apastura
E pompant l’air tebés de la bèla natura,
Tot solet, luènh dau monde, amont se crei lo rei.

Antoni Roux. Pescalunetas (3)

(1) magistrau, vent maître, mistral... et surtout pas une "tramontane" trop générique !
(2) chez Mistral, "embarra l’avé ou tout court embarra, enfermer les brebis dans le bercail"
(3) bauco, brachypode rameux, pelouse steppique, baouque chez Harant et Jarry (Guide du Naturaliste dans le Midi de la France). Plante herbacée méditerranéenne (Wikipedia).
(4) le nom du recueil vient peut-être de Pesco-luno, sobriquet des habitants de Lunel, qui eurent l’idée d’aller pêcher, dans un panier percé, le reflet de la lune. L’auteur ne verrait-il que des femmes en train de pêcher ?

LE PÂTRE.   

Par le causse, en plein hiver, quand la magistralado
Balotte dans le ciel la neige et la glace,
Dans sa cape caché, il se rit de la gelée
Et le soir, avec les brebis, content il s’enferme au gîte (bercail, bergerie).

Quand revient le printemps et que le soleil
Fait reverdir la terre et fleurir le buisson,
Il mène ses agnelets dans la prairie nouvelle
Et le pâtre est heureux quand ils sont rassasiés.

Privé de son pays et loin de sa famille
Sur le causse altier qui est comme sa patrie
Il mène son troupeau qui s’augmente des naissances.

Planté sur son bâton, il le voit qui pâture
Et pompant l’air tiède de la belle nature,
Tout seulet, loin du monde, en haut il se croit roi.       
   
Photos autorisées 1, 2, 3, 4, 5 Commons wikimedia

1. La vieille jasse / auteur Jean-Claude Charrié. 
2. Lavogne du Larzac / auteur Toutaitanous. 
3. Larzac près de la Couvertoirade / auteur présumé Sylvagnac. 
4. Brebis en pâture / auteur Jean-Claude Charrié. 
5. Berger sur le Larzac / auteur Mathieu Caunes. 



mardi 12 avril 2016

AVRIL DANS LES TÊTES ET LES TEMPS (suite). / Fleury d'Aude en Languedoc.




Et au pays ? Zouzou qui a promené Magali a posté de bien jolies photos de sa balade dans les hauts de Fleury. Il faut bien observer et si la garrigue garde ses habits verts tout au long de l’année, les iris, la salade sauvage, le feuillage neuf d’un azerolier apportent une note tendre au tableau... ça compte quand on est loin et que les vers de Du Bellay nous reviennent, même pastichés, aux couleurs du Sud : 

«... Plus mon Atax romain que le Loire gaulois,
Plus mon petit Fleury que le Paris narquois
Et plus que l’eau du ciel, le grenat d’un bon vin.»


Pardonnez ces divagations : souvent, tel l'âne de la Fontaine, je me laisse aller, « quelque diable aussi, me poussant », sauf, qu’en la circonstance, alors que fleurissaient les évocations poétiques du mois d’avril, Du Bellay est arrivé, par ricochet, parce que papa me fit la surprise de réciter Rémy Belleau :

« Avril, l'honneur et des bois
Et des mois,
Avril, la douce esperance
Des fruits qui soubs le coton
Du bouton
Nourrissent leur jeune enfance ;... » (Avril / Rémy Belleau / 1528 - 1577, poète de la Pléiade).

Notez les différences entre aujourd’hui et le XVIème siècle où Belleau parlait encore des arondelles et des avettes...

Mais du nuage il faut redescendre : c’est l’heure de notre chronique météo d’avril.

Le 04/04/1996 -5°C à Brive et Mont-de-Marsan ; le 05/04/1996 : -4°C à Auch, -2,50°C à Carpentras.

Le 25/04/1995 8°C seulement à Toulouse !

Alors que le 29/04/1994, le mercure atteindra 28°C pour Bergerac !

En 1992, il fait aussi chaud avec 24/04/1992 : 28°C à Gourdon dans le Lot le 24 et 29°C à Carpentras le 27 avril !

Du 6 au 13 avril 1986, par contre, 4 degrés seulement à Bordeaux, 6° à Biarritz et 5,5°C au-dessous de zéro à Millau le 17. - 11° à l’Aigoual le 12 avril.

Avril 1978 a été particulièrement froid :
14 avril 1978 : pas plus de 7.8° à Bordeaux                                                                
15 avril 1978 : 0.5° à Bordeaux et 9.4° à Marseille    
16 avril 1978 : -3.1° à Cazaux, -1.9° à Bordeaux.               
17 avril 1978 : 3.3° à Perpignan             
19 avril 1978 : Neige en plaine dans la France, mentionnée à Carpentras et en Midi Pyrénées.              
26 avril 1978 : pas plus de 14.1° à Marseille.

1er avril 1977 : - 1° à Istres.
10 avril 1977: Pâques glaciales, 0.2° à Perpignan (4 cm de neige), -0.2° à Bordeaux. Pas plus de 7° à Ajaccio, 8.8° à Bordeaux, 6.3° à Toulouse après 6 cm de neige.
16 avril 1977 1.6° à Perpignan.
                                                                     
24 avril 1976 : 1° à Toulouse et Perpignan.

1er avril 1975 Pas plus de 9.4° à Toulouse et 10.2° à Perpignan        
4 avril 1975 8.0° à Bordeaux et 9.4° à Marseille                  
5 avril 1975 -2.5° à Lyon, -2.0° / 5,7° à Bordeaux, 7.3° à Perpignan.  
6 avril 1975 Pas plus de 6.9° à Perpignan. 
                                                                    
7 avril 1975 1.7° à Perpignan                                     
10 avril 1975 - 2.4° à Bordeaux. Il neige à Nice (chute de neige des plus tardives pour Nice)           
14 avril 1975: - 0.1° à Nîmes.
                                                                        
23 avril 1975 Chaud : 27.3° à Perpignan. 
                                                      
26 avril 1975: 25.2° à Perpignan. 
                                                               
18/04/1974 : six tornades ravagent la côte varoise.

05/04/1970 : -7,50°C à Bourg-St Maurice et -3°C à Montélimar.05/04/1970 : -7,50°C à Bourg-St Maurice et -3°C à Montélimar.

07/04/1971 : -3°C à Montélimar (record)

sources http://www.prevision-meteo.ch/almanach/1978
http://www.prevision-meteo.ch/almanach/1977
voir aussi les années 1975, 1974, 1971 et 1970.
http://www.infoclimat.fr/historic/

Qui cherche trouve dit-on ! Et c’est vrai qu’on s’y perd un peu ! En attendant, faute de tenir un journal quotidien, si je sais où, je ne sais plus quand, un début avril, quelques centimètres de neige sont tombés sur les souches déjà en vert (bien 20 centimètres de pousse). 

photos autorisées : 
1.commons wikimedia Villeneuve-des-Corbières aut www.zoqy.net 
2. iha Peyriac-de-Mer.

dimanche 10 avril 2016

AVRIL dans les temps et les têtes / Fleury d'Aude en Languedoc.

« Tandis qu’à leurs œuvres perverses
Les hommes courent haletants,
Mars qui rit, malgré les averses,
Prépare en secret le printemps..." 

 
Les souvenirs d’école s’accrochent aux vers et aux rimes qui nous ont bercés, enfants. Le maître (les hommes semblaient alors plus nombreux), souvent, triait, coupait des strophes, ne gardant que par rapport à son exigence et aussi en fonction de ce que nous pouvions assimiler. Si le début du poème « Premier sourire du printemps » de Théophile Gautier évoque mars, la fin dont on ne soupçonnait même pas l’existence, s’ouvre, elle, sur le mois d’avril : 

Puis, lorsque sa besogne est faite,
Et que son règne va finir,
Au seuil d’avril tournant la tête,
II dit : « Printemps, tu peux venir ! »

Plus prosaïquement, et avec l’inquiétude qui est la nôtre, aujourd’hui, quant au rythme si perturbé des saisons, plutôt l’avis autorisé des météorologues que les rumeurs. Ainsi, à propos du printemps dans le Sud, Météo France nous dit :

« Sur les cinquante dernières années, l’évolution des températures printanières en Languedoc-Roussillon montre un réchauffement. Sur la période 1959-2009, la tendance observée des températures moyennes printanières est d'environ +0,3°C par décennie.

Les cinq printemps les plus chauds depuis 1959 ont été observés après 1996, alors que quatre des cinq printemps les plus froids l’ont été avant 1985. Le caractère remarquable des printemps 2011 et 1997 est bien visible pour les températures maximales (moyennes printanières dépassant de plus de 3°C les normales saisonnières 1961-1990) ».

S’ils parlent aussi d’une sécheresse désormais plus sensible, ce sont les excès qui nous marquent, tant pour la température que les précipitations.
Quelques rappels, grâce aux ressources de l’Internet http://la.climatologie.free.fr/intemperies/tableau12.htm (tableaux 5 à 12, en remontant jusqu’en 1884) :

Du 12 au 16/04/2015 : températures bien au-dessus de la normale en Europe et 31,6°au cap Ferret (33), nouveau record de chaleur mensuel depuis le début des mesures en 1887.

Du 11 au 18/04/2013 : temps doux sur toute la France et 32°C à Ciboure (64) le 17 avril.  

 
Du 15 au 20/04/2012 : chute des températures en France. Le 16/04/2012 dans la nuit, 70cm de neige sont tombés en Andorre (plus que le maximum en 24h de l’hiver 2011/2012.
Le 27/04/2012 : Des records de chaleur sont tombés dans le Sud-Est (29.3°C à Marseille).

Du 24/03 au 26/04/2011, les températures ont été chaudes pour la saison et du 01/04/2011 jusqu'au 09/04/2011 les températures sont montées comme en juillet, de 8 à 10°C au dessus de la normale pour la saison ! Des records de chaleurs sont tombés dans le Sud-Ouest. A Nîmes le thermomètre a grimpé jusqu’à 30,5°C donc très proche du record du 28/04/1947 avec 30,6°C. 32,3° à Pergignan :  un des mois d’avril les plus chauds depuis 1900.

Du 21 au 29/04/2010 : fin avril a été bien chaud à l'Ouest de l'Europe avec en France des températures d'été : 26.9°C à Béziers, 26.7°C à Sète, 26.7°C à Perpignan.

Le 29 avril 2004, 182.2 mm de pluie au Mt Aigoual (Météo France).

14/04/2003 : tempête dans le Midi-Pyrénées avec un vent de 120 à 130 km/h à Toulouse.
Le mois d'avril a été le plus chaud des mois d'avril depuis 1950 voir 1900 en Europe. En France la moyenne des températures est supérieure de 4,3°C aux normales.

Avril 1996, coup de froid. Le 04/04/1996, - 5°C à Brive (19) et Mont-de-Marsan (40), le 05/04/1996, - 4°C à Auch (32), -2,5°C à Carpentras (84).

25/04/1995 : il a fait maximum seulement 8°C à Toulouse !

29/04/1994 : 28°C à Bergerac (24).

24/04/1992 : 28°C à Gourdon (Lot), 27/04/1992 : 29°C à Carpentras.

A suivre.

Note : pour un bilan du mois de mars 2016 : http://www.meteofrance.fr/actualites/35175144-mars-2016-frais-et-arrose 

photos autorisées : iha. 

lundi 14 mars 2016

C’ÉTAIT MON COPAIN. Musique Gilbert Bécaud / Paroles Louis Amade. 1953 (33 T, face B, n° 1)

C’ÉTAIT MON COPAIN. Musique Gilbert Bécaud / Paroles Louis Amade. 1953 (33 T, face B, n° 1) 
 
J'avais un seul ami
Et on me l'a tué
Il était plus que lui
Il était un peu moi
Je crois qu'en le tuant
On m'a aussi tué
Et je pleure la nuit
Mais on ne le sait pas

C'était mon copain
C'était mon ami
Pauvre vieux copain
De mon humble pays
Je revois son visage
Au regard généreux
Nous avions le même âge
Et nous étions heureux

Ami, mon pauvre ami
Reverrai-je jamais
Ton sourire gentil
Parmi l'immensité ?

C'était mon copain
C'était mon ami
J'écoute la ballade
De la Mort, de la Vie
Le vent de la frontière
Veut consoler mes pleurs
Mais l'eau de la rivière
A d'étranges couleurs

Cependant dans les bois
Un mystérieux concert
M'a dit qu'il faut garder
L'espoir à tout jamais
Car ceux qui ont bâti
Ensemble un univers
Se retrouveront tous
Puisqu'ils l'ont mérité

O mon vieux camarade
Mon copain, mon ami
Parmi les terres froides
Je te parle la nuit
Et ton pesant silence
Est un mal si cruel
Que j'entends ta présence
Parfois au fond du ciel
 






photos autorisées commons wikimedia 
1. Gilbert Bécaud 26 octobre 1965 source National Archief auteur Joost Evers, Anefo
2. Gilbert_Bécaud à Schipol (29 mai 1964) - National Archief-auteur Hugo van Gelderen, Anefo
3. Gilbert_Bécaud_in_Rome, source magazine Radiocoriere, auteur inconnu

dimanche 31 janvier 2016

JANVIER ENCORE / Fleury d'Aude en Languedoc


    Je suis l’enfant des marges et des armasses, celui qui court les talus et garrouilles, celui dont le tic-tac interne s’emballe, dès que Nadal confirme les jours plus longs d’un « pè de gal », d’un pied de coq.
    Attaché à la terre comme à une mamelle, j’arpente les ceps comme on vendange, heureux d’en tirer ces porrès sauvages, ces petits poireaux de vignes. Quel plaisir ensuite, de rassembler les petites bottes au bout de chaque rang et de se régaler à l’avance du cadeau fait par mère Nature. Mais les poireaux montent vite en graine et plus vite encore quand apparaissent l’erbo blanco (1) et les menus soucis jaunes et orangés (2).
    Dans les têtes, ça déborde d’impatience, pour cause de renouveau qui s’ébroue. Chacun veut le voir et l’espère, l’amandier en fleur ! Et quand les arbres surlignent le paysage de leurs pastels blancs ou roses, les cœurs à l’unisson disent à l’hiver : « Va-t-en ! ».   
    Ne pensez pas que c’est du passé, de l’histoire ancienne, que le progrès a tout balayé... Le progrès, s’il permet instantanément de prendre un billet pour le bout du monde, n’interdit pas de cueillir du bonheur à nos portes, non ? N’objectez pas que les poisons sont là avec nos paysans complices, ceux qui ne voulurent pas voir la chimie criminelle bétonnant les terres, au prétexte que c’était chouette de ne plus avoir à labourer ! Ne me dites pas que les "fleurs d’ail" et les soucis délicats refleurissent nos vignes derrière des barbelés. Écoutez plutôt le gentil froufrou des abeilles, sous l’amandier.
    Certes, les temps sont difficiles et s’il faut se garder de broyer du noir, il arrive, néanmoins, à tout un chacun de douter, de ruminer sa morosité, sans s’en douter, même. Hier, je devais en être là quand un petit envoi express, expressément adressé (3), me le fit réaliser. Oh peu de chose, une photo envoyée, un arbre, peu gaillard qui plus est... Sauf que, n’illustrerait-il pas, tel ceux, conduits en gobelet, le mode de vie sinon de survie qui tenait nos aïeux, à l’image de ses frères civilisés, lui aussi, l’arbre chenu ensauvagé, nous porte le message.
    « Voilà, tonton, ton amandier ! » laissait entendre l’envoi. Un instant, j’ai pensé malingre, un instant seulement, parce que d‘un coup il a ébloui mon âme, le messager porteur de lumière. Entre un neveu et son oncle, avec notre sang, « la raço » de nos « papetos », déclamait Jean Camp (4), c’est tout un village qui s’est levé, comme une force vitale du fond des âges, pour que frémisse l’espérance encore froissée, douce et amère, rose ou blanche, des fleurs aimées de l’amandier.
    Je t’embrasse, mon Pierrot.  
   
(1) Diplotaxis fausse rouquette... Diplotaxis tenuifolia ou moralis (?) ; les jeunes pousses se mangent. Enfants, nous disions «fleurs d’ail». 
(2) Calendula arvensis. Le souci des champs ou sauvage est, entre autres bienfaits, réputé antibactérien, anti-inflammatoire (fleurs), antitumoral. Les feuilles sont diaphorétiques (stimulent la transpiration), On la consomme depuis longtemps en salade. Ses fleurs, très mellifères, résistent au gel ; séchées elles servaient à colorer le beurre ou le fromage.
(3) non comme ces remerciements d’anniversaire trop souvent envoyés à la cantonade, à la mode de facebook !
(4) lire son magnifique poème, une référence de tous les instants pour les Languedociens que nous sommes, LOU DOUBLIDAÏRE : « ... E la raço de sous papetos / Qu’aro soun bressats per la mort / Lous brassiès qui fouchaboun l’ort / E que grefaboun las pouretos... » 

Note : suite à des sécheresses répétées en Californie, le cours des amandes est passé 2,30 à 12 € ! Dans ce secteur, la France est largement déficitaire. S’il est charitable de ne pas en rajouter, qu’est-ce qu’on attend quand même pour dézinguer cette mafia qui décide des prix, comme en atteste une énième crise du lait d’actualité ? Qu’est-ce qu’on attend pour replanter l’amandier autrement que pour détourner des subventions ?   


Photo : l'amandier de Pierrot, hier samedi 30 janvier 2016. 

lundi 21 décembre 2015

«TRADITIONS, NOËL, SUD, LANGUEDOC, AUDE...» / Aude & Languedoc


J’ai dû taper « Noël », « traditions », « Sud », « Languedoc », « Aude » et en moins de temps qu’il n’en fallut cette fois là à tonton pour prendre un brochet de 70 centimètres, l’ordi en a sorti des mètres. Des pages et des pages, en effet, un peu comme si, pour le poisson que je voulais accrocher, on avait vidé toute l’eau du lac. Force est donc de trier, de fouiller, en évitant la vase, à savoir l’incitation à consommer, toujours sous-jacente sur le Net mais sur-représentée puisque, en la circonstance, en premier, ce sont des invitations destinées à détourner le chaland vers la magie artificielle des marchés dits de Noël.
Patience, constance... Il est surtout question de persévérance quand on pose son bouchon dans l’espoir d’une bonne fortune... Sinon, pas de pêche miraculeuse, pas de petit poisson d’or tel celui du joli conte russe (1)... Demandez si ça vous dit mais ce serait hors de propos de le raconter ici... Le mien, de petit poisson surprise, attendait en deuxième page, et ses écailles brillantes m’ont pareillement ravi !
Le site invite à rencontrer Joseph Delteil (1894 -1978), l’écrivain-poète monté à Paris mais retourné vivre au pays, « al pais », puisque c’était écrit (2). Né d’un père charbonnier et d’une mère « buissonnière », à Villar-en-Val, mystérieux petit pays perdu dans des Corbières à l’écart des trépidations et trafics modernes, puis installé à Pieusse, terre de Blanquette (3), Delteil a gardé un vif souvenir de ses Noëls d’enfant, autour des années 1900. Lors d’un bref entretien radiophonique de 1970, Delteil a su faire partager l'importance qu'avait pour lui la célébration heureuse de Noël en famille. 


Puisque mon petit poisson d’or est aussi réel que mon Père Noël, vous devinez le bonheur que j’ai eu d’écouter, de passer et repasser l'entretien, pour transcrire puis lire et relire et revenir encore sur la parole de Delteil. Au-delà de la spontanéité de la discussion, de la grande exigence du direct qui ne rendent l'invité que plus humain, le message ne peut être plus clair. Et son accent valant mieux que mon inspiration incertaine, ci-joint les sites qui nous le gardent si présent pour passer et partager ce qu’il appelle « ses rites », transmis de père en père depuis l’antiquité.
Sources : merci Wikipedia, merci le Web !
Photo :  maison de Delteil à Pieusse / commons wikipedia / auteur : pinpin.

(1) Сказка о рыбаке и рыбке, Skazka o rybake i rybke) Le Conte du pêcheur et du petit poisson d’Alexandre Pouchkine, écrit le 14 octobre 1833, publié en 1835 dans la revue Biblioteka dlia tchteniia (Bibliothèque pour la lecture).
(2) est retourné vivre en Languedoc, à la Massane, un domaine proche de Montpellier. Dans ses oeuvres, des titres qui me parlent : Sur le Fleuve Amour 1922, Les Poilus 1925, Ode à Limoux 1926, Perpignan 1927, de J.-J. Rousseau à Mistral 1928, La Belle Aude 1930, La Cuisine Paléolithique 1964, La Delteilherie 1968... Joseph Delteil de même que son épouse Caroline Dudley, créatrice de la Revue Nègre, reposent au cimetière de Pieusse.
(3) La Blanquette de Limoux de la moyenne vallée de l’Aude, disputant au Champagne l’antériorité de ses bulles et d’un excellent rapport qualité-prix !

mardi 6 octobre 2015

“ LA VIE EST A PEINE PLUS VIEILLE QUE LA MORT” / Československo / Holoubkov ma forêt perdue...

 “ LA VIE EST A PEINE PLUS VIEILLE QUE LA MORT.” Paul Valéry.    

Vendredi 2 octobre 2015. 13 heures à Mayotte, une de moins sur un chemin à l’orée d’une forêt tchèque, de celles qui annoncent déjà la taïga russe, le galop des Cosaques vers l’est lointain et, dans l’autre sens, la chevauchée des hordes aux yeux bridés. Aujourd’hui, pourtant, ce n’est pas l’enfant qui se laisse aller à sonder ses mystères profonds et magiques, c’est l’adulte qui, par la pensée, passe et repasse sur ce chemin familier où certains se retrouvent écrasés par la force du destin, parce qu’on n’en revient pas quand sonne l’heure. Vendredi à midi, tonton a pris ce chemin sans retour ; il a rejoint les nôtres, ceux qui reposent dans la clairière et vivent dans nos souvenirs. 

                                                                                     Tonton Stáňa (août 1965).

    Est-ce que je peux être là-bas malgré les kilomètres par milliers qui nous séparent ? Comment est-ce possible alors que l’installation d’une guirlande et des lampions est prévue, qui plus est, parce que ce 2 octobre marque aussi les neuf ans de mon dernier ? Qui se permettrait de gâcher la fête, d’entamer chez les enfants un pécule d’optimisme si précieux pour la suite ? Pas moi en tout cas ! Va aussi pour la musique malgache : quel que soit le ferment, tout vient, tout irradie de l’intérieur... comme quand tu t’exclamais, tonton, avec gourmandise, à propos du métissage de mon fils « Takovej pěknej čokoládovej ! » (un si joli "chocolaté") ! 

                                                      Florian vers ses 3 ans (juillet 2009)

                                                                                          Tonton Stáňa (juillet 1969)

Sa mère a fait des gâteaux au chocolat, justement ! La Vzpominka na Zbiroh de Vačkař, ce sera pour un autre moment, au calme. “To chce klid”... On le dit ainsi, non, au pays des sombres forêts ? J’ai posté des photos pour les miens, sur facebook en me demandant s’il était convenable de s’afficher ainsi ? Mais puisque ça vient de l’intérieur... Et puis nous savons tous que tout et son contraire trouvent à se justifier urbi et orbi ! Il y a des pays où les gens banquettent et trinquent sec pour un enterrement !
    Chacun garde les portraits, les scènes et les décors qu’il peut, distillés, passés par le filtre des ans, contrairement au film accéléré qui défile pour ceux sur le point de franchir le pas, s’il faut en croire ce qui en est dit. Mes images convergent, lumineuses, dans le clair-obscur du chemin où l’armée des sapins tolère une délicate bordure de noisetiers. Dessous, des framboisiers dont la tendre verdure avait attiré une biche, une fois. Instantané fugace et fragile d’un regard partagé, exaltation même de la vie avant qu’elle ne se fonde dans la coulisse ! Sûr que pour l‘avoir précédée, elle est plus forte que la mort ! Sa sérénité rassure, grandissante, palpable quand le chemin donne dans la lumière foisonnante, au grand soleil du matin.
    Dormez tranquilles, cœurs aimants... Une première ligne d’arbres garde et protège la clairière. Derrière, en renfort, la forêt veille sur l’empreinte d’un passé qui seul peut répondre de  nos traces. La famille, les amis s’en retournent et moi je reste là, les yeux baissés, la semelle roulant mes pensées avec le gravier léger, du laitier peut-être, là où la biche s’est enfuie.
    Oui, tonton, chacun partagera ses images, ses sensations, en prenant soin d’éviter les sujets qui fâchent. Nos tableaux familiers s’animeront, dans la cuisine, au jardin, près du clapier, sous les pommiers, autour du taborak, le feu de camp, dans la forêt pour les myrtilles, les champignons, pour la bière du samedi dans la fumée de l’auberge, au lac... Dis, tu te souviens du brochet qui voulait se réfugier dans les roseaux ?
    Par-dessus les pointes des sapins, une locomotive poussive halète son effort dans la côte et si l’herbe est désormais lavée du poussier des escarbilles, l’écho des bouffées se répète comme ces voix qui se sont tues mais continuent à porter...
    Excuse-moi tonton, je pars chercher tante Joséphine : j’allais l’oublier, avec ses fleurs, sur la photo de famille... 

                                                                    Tante Joséphine, assise, avec des lunettes (1985).

samedi 29 août 2015

CAMINANTE / Fleury d'Aude en Languedoc

Heureux les gitanes et autres romanichels qui vont sans but sinon celui de suivre la route car pour eux, seul le chemin compte. J'y repensais en lisant une note de Max, le copain "de Mayotte" et plutôt du Tarn (il s'est mis à "poster" beaucoup depuis la Nouvelle où il vient l’été) ; à propos d'Albert Camus qui l'intéresse beaucoup actuellement, il a cité « En vérité, le chemin importe peu, la volonté d'arriver suffit à tout ». Ce thème du chemin, dans toutes les acceptions du terme, inspire décidément beaucoup. Et puis je ne sais si c’est parce que la télé a eu la bonne idée d’honorer Joe Dassin, le chanteur populaire de nos vingt ans, dont le chemin s’est malheureusement arrêté, le vingt août 1980 que les paroles du Portugais me reviennent. Pardon de les détourner un peu :

    « Qu’il faut en faire des voyages
    Qu’il faut en faire du chemin,
    Ce n’est plus dans son village
    Que la vie le retient.
    Loin de sa mer, des sénils,
    A deux mille lieues vers le sud,
    Sous les étoiles de son île,
    Un émigré s’endort... /...
    Il ne t’entend pas,
    Il est sur le chemin
    Qui mène dans les vignes...  » 



    Bon, il y a aussi « Qu’il est long qu’il est loin, ton chemin papa, c’est vraiment fatigant d’aller où tu vas... » et encore 
«... C'était un homme en déroute,
    c’était un frère sans doute ...
   
 /... et sur les routes de l'exil...
   
 /... Il me reste toute la terre
    Mais je n’en demandais pas tant
    Quand j’ai passé la frontière
    Il n’y avait rien devant
    J’allais d’escale en escale
    Loin de ma terre natale...  » (2)

    La terre natale, c’est sacré ! Pour un Languedocien, apprendré à son drolle ço qu’es uno biso, un bartas (3), c’est l’enraciner à ses aïeux, à sa langue, au pays... Et ça il ne faut pas y toucher ! C’est vital, profond, si loin du consumérisme superficiel servi par la télé jacobine, dans un registre “vacancez cool...” infantilisant, faisant par exemple se rengorger un nanti sur la “Côôôte”, prêt à payer plusieurs centaines d’euros la nuit, mais avec la vue sur les criques, autre chose pour lui que la monotonie des sables infinis. C’est si terre à terre que je crains d’en ternir mon propos en invoquant du Bellay :
    « Plus mon petit Saint-Pierre que ton chic tropézien... Lou podes gardar, ton périmètre de snobs étriqués, je préfère embrasser le Golfe du Lion, avec le Caroux et l’Espinouse derrière, les Corbières et le fier Canigou devant, du Mt-St-Clair au Cabo de Creus dans le vague, sur plus de 170 kilomètres, marqués par Valery, Brassens, Monfreid, Machado, Trénet, Maillol... ! »
    A chacun la monotonie qu’il veut voir... 

                                                    Saint-Pierre-la-Mer et les Pyrénées au loin...

    Et dire que nous l’avons suivie, cette route de la Côte Vermeille... Sûr que Cerbère, Banyuls, Port-Vendres, dans leurs baies respectives rivalisent et concourent pour ajouter au charme des Pyrénées plongeant dans la mer  Si les enfants ont apprécié la baignade sur la plage port-vendraise des Tamarins, moi j’ai tenu à m’arrêter avant, en haut du coll dels Belitres (1) parce que nous y sommes allés avec papé et mamé de Tchéco. En dépit de la frontière interdite, un sentier de trabucaires (prononcez svp dans une langue du Sud !), indiqué par un douanier complice, nous avait menés à une auberge. En souvenir, à moins d’y prendre un repas catalan, on ne trouvait alors, que des castagnettes, l’andalouse cambrée d’un éventail, des allumettes en cire, des “bolas de anis” et surtout, on pouvait voir, tout en bas, dans le creux, Port-Bou, coin du voile levé sur les mystères de l’Espagne franquiste du début des années 60... La petite auberge est devenue habitation et le sommet du col où attendait la guardia civil dévoile désormais, en plus de leur fortin et de la colonne phalangiste, un mémorial de la “Retirada”de 1939, l’exode en masse des Républicains espagnols vaincus. 

                                             Espace de mémoire du col des Belîtres / Photo Bernard Grondin.
 
Antonio Machado, le grand poète espagnol, était un de ces fugitifs. Il devait finir ses jours, peu après et non loin, à Collioure, trois jours avant sa vieille mère. Un destin tragique, encore une histoire de chemin :

    « Caminante, son tus huellas (Voyageur, ce sont tes traces)
    el camino y nada más ; (le chemin et rien d'autre ;)
    caminante, no hay camino, (toi qui marches, il n'y a pas de chemin,)
    se hace camino al andar. (le chemin se fait en marchant.)
    Al andar se hace camino (Le chemin se fait en marchant)
    y al volver la vista atrás (et en regardant en arrière)
    se ve la senda que nunca (on voit le sentier qui jamais)
    se ha de volver a pisar. (ne se laissera fouler à nouveau.) 

                                                  Antonio Machado por Leandro Oroz 1925

Voilà où j’en étais, du moins en parcourant notre route de la Clape, face au soleil couchant, dans cette lumière unique d’une fin août, quand le cœur tourne le dos aux embruns iodés pour chercher l’odeur du moût dans les comportes. Sinon, c’était comme sur le chemin de Vinassan où nous partions fêter la famille et l’été. A Combe-levrière, les derniers rayons rasaient la pinède mais après la longue côte des pins de Gibert (la génération d'avant disait “Tarailhan"), nous l’avions retrouvé dans une clarté aussi douce que dorée, sur la mer de vignes de l’ancien étang...
    Je devais vous parler du train, de l’avion, du stress, des tensions, de l’angoisse... il fallait pourtant que je dise d’abord le regret de perdre la bruine salée des vagues sans gagner pour autant le jus sucré des raisins...
    Une, encore, qui a chanté le chemin de l’exil dans les îles, Césaria Evora : 

                                Cesaria Evora / photo Silvio Tanaka / flickr
   
 « Quem mostra' bo (Qui t’a montré)
    Ess caminho longe ? (Ce long chemin)
    Quem mostra' bo (Qui t’a montré)
    Ess caminho longe ? (Ce long chemin)
    Ess caminho (Ce chemin)
    Pa São Tomé ? (Pour São Tomé ?)

    Sodade sodade (saudade, saudade)
    Sodade (saudade)
    Dess nha terra Sao Nicolau (De ma terre de São Nicolau) »

    Laissez-moi à cette saudade, à cette nostalgie, déclinées dans nos langues romanes (4). Ce mal du pays, qui se conjugue avec la mélancolie du temps qui passe, meurtrit mais forme l’âme et la renforce aussi...
    « Pour autant que vaille un homme, il n’aura jamais de plus haute valeur que celle d'être un homme. » (Antonio Machado).

(1) le même sens que belître en français : coquin, pendard, gueux, homme de rien...
(2) «Yo soy un hombre sincero, de donde crece la palma (Je suis un homme sincère de l’endroit où le palmier croît),
y antes de morir me quiero echar mis versos del alma. (et avant de mourir je veux envoyer les vers de mon âme)
Mi verso es de verde claro, y de un carmen encendido (Mon poème est d’un vert clair et d’un carmin enflammé).
Mi verso es un ciervo herido que busca en el monte amparo (Mon poème est un cerf blessé qui cherche refuge dans la montagne). Por los pobres de la tierra, quiero yo mi suerte echar (Je veux que mon destin serve les pauvres de la terre),
y el arroyo de la sierra, me complace mas que el mar ( et plus me plaît le ruisseau de la sierra que la mer).»
Quelle émotion, en castillan si bien rendu par Joe Dassin (1966). Avant de faire l’objet d’une chanson cubaine (1928), l’air de Guantanamera est parti d’Andalousie, vers 1700.
(3) traduit par “apprendre à son gamin ce qu’est un sarment, un buisson (une garrouille ?)", évocation du beau poème de Jean Camp (de Salles-d’Aude) Lou Doublidaïre (avec cette orthographe et la même prononciation que pour ”trabucaire”).
(4) Alliées au français, le castillan, l’occitan, le portugais sans oublier de citer l’italien pour l’interprétation de Guantanamera par Caramel ou son adaptation par Zucchero...