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samedi 23 janvier 2021

A la recherche du Poumaïrol perdu (7). MINERVE, AVEC LACARRIERE et PAGNOL.

Minerve, une visite s'impose pour nos deux amis en goguette. 

Roger : écoute, il est encore tôt pour dîner mais rien n'empêche une collation, le déjeuner au travail, comme à la vigne, pour les vendanges, qui vaut pratiquement un repas. 

Serge : tu as raison, on a les huîtres, du pâté, du fromage... on peut même boire un peu puisqu'une marche de huit kilomètres nous attend. 

Roger : Regarde, le parking est vide... toute la place qu'on veut. Et les huîtres, même en hiver, vaut mieux pas que ça traîne ! Mais j'y pense, avant de mouiller mes doigts, laisse-moi chercher dans le casier des cartes, livres et papiers, un de mes bouquins préférés, "Chemin Faisant" de Jacques Lacarrière. A pied, au début des années 70, il a traversé la France depuis les Vosges, en quatre mois. Venant de Saint-Chinian, il est passé par Minerve...

Serge : Vas-y, regarde pendant que je les ouvre, les huîtres... 

Roger : Voilà, j'y suis, avec même un feuillet et des notes... Ah ! page 254, un contresens sur le Cers... C'est vrai que je m'en suis retrouvé désappointé, ennuyé vraiment. Que veux-tu, ce qui arrive quand quelqu'un dont tu admires l'intelligence se plante sur un sujet moins anodin qu'il n'y paraît. 

Serge : Ah ? Et qu'est-ce qui t'a contrarié ? 

Taille vigne wikimedia commons Author Véronique Pagnier


Roger : Il voit des vignerons qui taillent les vignes et entassent les sarments. Un vent du Nord penche les silhouettes, plisse les yeux et veut emporter les chapeaux ; ils se saluent mais les bourrasques emportent les mots : "... ce mistral qui, d'après les prophètes locaux, devrait souffler trois jours encore..." Alors le marcheur qui voyage aussi dans sa tête, déclame presque tous les noms de vents qui lui viennent... Passons sur les alizés, les zéphyrs, aquilons et autres tramontanes. Pour le mistral, c'est plausible puisqu'il parle du Salagou, du village d'Octon. Avec l'autan hou là là, il déraille, il le fait venir de haute mer, "embrun de l'infini", apportant "l'effluve salé"... Sauf erreur de ma part, aux abords de la Méditerranée, c'est du Marin qu'il s'agit, l'autan c'est à l'intérieur des terres, vers le Lauragais, l'Ariège ou le Tarn, une fois qu'il s'est délesté de son humidité ! Le Grec il aurait dû en parler, lui qui a tant aimé et tant écrit sur la Grèce. Et le Cers, on y arrive... "au lieu du cers, ce vent marin, doux et humide, qui apporte, l'hiver, aux Corbières, la tempérance de la mer, c'est le mistral qui m'emporte...". Comment laisser passer ? Enfin, le Cers petit frère du Mistral, généré de façon comparable et qu'on retrouve le long d'un autre grand fleuve l'Ebre ! Il en a parlé avec les gens ; la marche aide à communiquer sauf qu'il a mal compris, qu'il a noté de travers. Un piège classique pour ceux qui sont d'ailleurs... 

Serge : hé bé ! Et toi qui boycotte allègrement, tu ne l'a pas banni de ton panthéon ? 

Roger : Ah non ! Faut faire la part des choses ! sa peccadille n'a rien d'un cas pendable ! ce n'est pas comme ce Wilson fils dont le prénom à lui seul écorcherait mes lèvres depuis que, rouge de colère, cet imbécile a craché sur la Marseillaise, pour lui "raciste et xénophobe". Pauvre abruti imbu de théâtralité mais qui, coupable d'un contresens impardonnable, n'a rien compris au "sang impur" recouvrant les sillons. Ce n'est pas parce que le père lui a fait un nom que ce fils à papa a le droit d'étaler son crétinisme. Et le comble, faire du fric en se mettant dans la peau de De Gaulle parce qu'il a un pif compatible ! De Gaulle qui lui, oui, représente vraiment la France ! Là tu peux être sûr : je les ai dans le nez et Wilson et le film ! Déjà que comme acteur il ne m'a pas marqué... Est-ce que je suis teigneux ? Ou est-ce seulement essayer de rester lucide, de ne pas me retrouver une fois de plus, mêlé au bon peuple pêchant d'avoir la mémoire courte, trop groupie ou si crédule dans la virginité retrouvée des politicards qui le manipulent, enthousiaste bien que roulé comme toujours dans la farine ! 

Serge : Ho ! ne t'emballe pas ! bois un coup de vin blanc ! sinon tu ne lui en veux pas à Lacarrière ? 

Roger : et non, c'est juste humain de se planter... cela me refait penser à un petit garçon plaçant très haut son père, tu sais, Marcel magnifiant l'auteur de ses jours dans ses contradictions, fier de poser avec son doublé de bartavelles alors que pour son collègue paradant avec une rascasse énorme, il avait été pour le moins léger de juger : « Se faire photographier avec un poisson ! Quel manque de dignité ! »

Serge : Et alors ?

Roger : Et alors je me sens comme Pagnol qui aime son père, je reste tel que moi-même pour les gens que j’estime, surtout écrivains et artistes avec quelques exceptions politiques, je reste transparent pour ceux qui m'indiffèrent mais très réactif, tu me connais, si leurs mots les rend odieux, je pense à Séguela et à son rapport avec une montre de luxe... 

Serge : Séguéla... quand on est con on est con, le temps ne fait rien à l'affaire, chantait Brassens... 

Roger : Attends je me connecte pour te donner la phrase exacte, je l’ai commentée il y a peu sur internet... voilà, juste en tapant « Pagnol » : "... J'avais surpris mon cher surhomme en plein délit d'humanité : je sentis que je l'en aimais davantage..." Marcel Pagnol, La Gloire de mon Père, 1957.  

Serge : oui mais c’est bien une réflexion d’adulte dans la Gloire de mon Père et non une réaction de gosse... son point de vue a plus de soixante ans. Nos idées évoluent et mûrissent avec l’âge et de façon générale, va lire ce que tu écrivais à vingt ans et tu risques de ne pas te reconnaître. Quoi qu’il en coûte, le bon sens nous fait dire qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.

Roger : Lacarrière a su aussi mettre des mots sur ces questions... il est venu jusqu'à nous parce que, avec la Grèce, nous avons la Méditerranée en commun et ses colonies d'Agathois et de Phocéens... Qu'est-ce qu'il faut être con ou malhonnête pour oser dire, comme Macron, que la colonisation est un crime contre l'humanité. Qu'est-ce qu'on ne clamerait pas pour se vendre au vote de certains... 

Serge : Laissons-le celui-là avec ses manigances... 

Roger : tu as bien raison. Plutôt ceux qui en valent la peine comme Lacarrière. Je serais curieux de savoir de quelle manière il a intériorisé le peuple grec mais là, on sent qu'il est tangent à ce que nous sommes. Déjà il situe le Minervois au lac du Salagou mais il a su saisir quelques traits qui nous sont propres et son témoignage sur Minerve doit valoir mieux que sa tirade malheureuse sur les vents locaux.  


 

https://www.lefigaro.fr/vox/politique/2014/05/15/31001-20140515ARTFIG00105-reponse-a-lambert-wilson-la-marseillaise-est-un-chant-de-guerre8230et-de-liberte.php



mardi 19 mai 2020

DÉCONFINEMENT... Ô MOUN PAÏS... / microcosmos

Le Cers a pris confiance. Il bourdonne et corne dans le conduit de quand les gens vivaient autour du foyer. 

Dimanche il s'étirait après un long sommeil, dans un réveil tout en douceur... Allons donc, le changement climatique... Le positif : les paysages sont magnifiquement verts après deux mois gris, sans le bleu du ciel, sans celui, aussi marquant que mythique, de la Grande Bleue. 
L'Aude après la crue, les vignes exposées au mildiou. En regard, celles des bord de Saône, menacées de sècheresse, sans parler d'une Europe moyenne ou déjà de l'Est où le problème se pose aussi. Un monde à l'envers. 

Le déconfinement suite à un exil intérieur, en miroir à un éloignement sous d'autres latitudes, un nouveau retour en arrière et pourtant un jour toujours nouveau, un regard toujours neuf dans ce qu'il n'avait pas vu, dans le passé qu'il reconstitue et même dans ce qu'il reconnait.  

L’Étang de Pissevaches. Inutile d'épiloguer sur les sources ou les vagues qui compilent leurs flux... (Oh faudra aller voir si un grau s'est formé !). Milieu entre le salin, le saumâtre et le suave suivant les saisons. Tamaris, salicorne et même des pins qui auraient colonisé, établi un comptoir. 
Fleurs qui me pardonneront de ne pas savoir comment les appeler.
Et encore... iris pour la taille ou narcisses pour le panachage ? Instantané raté pour le beau beau colvert qui s'est levé. Sinon pas de colonie de beaux oiseaux blancs ou roses... en période faste, ils n'ont que l'embarras du choix pour manger ou dormir. 

"Ajouter une légende" une possibilité pour les images proposées. Alors oui, ce pin remarquable, une légende en légende.
Sur ce piémont fertile des débris arrachés au clapas qui donnent de si bons vins, entre la garrigue et l'étang, abrité du Cers et ouvert aux vents marins, ce grand pin illustre à lui seul le climat au sens écolooenologique du terme, le cadre, les conditions bienveillantes du coin... Ce n'est pas un hasard si huit campagnes (domaines) occupent cette terrasse sur quatre kilomètres à peine, à vol d'oiseau.
Soit loué, homme sage qui n'a jamais hésité à laisser de beaux arbres (est-il classé ? il le mériterait !) quitte à se priver de quelques dizaines de kilos de raisin. Il n'en reste qu'un mais la voiture nous donne une idée de ses belles dimensions ! Presque vingt mètres de haut, quinze environ pour sa frondaison !
Des vignes jusqu'au bord de l'étang. Ensuite, par ce bel itinéraire qui nous fait longer une petite Camargue, la déception de ne pas voir des hirondelles chassant les moustiques dans le creux des tamarins et oliviers de Bohême et seulement ces goélands soit disant protégés qui envahissent le ciel... 
A Fleury on dit "la plaine", celle de la rivière... Hâbleurs, prétentieux les Sudistes ? La plupart ne pensent même pas à l'Aude, fleuve. Comment se douteraient-ils qu'il figure tout modeste qu'il est, entre ses grands frères, le Rhône d'un côté et l'Èbre au sud ? A la suite des Romains, on a renoncé à le dompter, c'est à peine si les hommes se sont permis de l'apprivoiser... Enfin j'ai déjà soupiré mon ode à l'Aude dans des articles plus anciens... Et si les "Racines et les ailes" viennent faire leur miel de ce delta unique par bien des dimensions, par pitié, qu'on nous épargne les commentaires avec l'accent du nord ! Marre d'entendre "pièr" et "rivièr" !     
Le charme, entre la fougue de l'Atax historique et les humains qui résistent lors de ses colères pour profiter de ses alluvions et limons, agit toujours quand on parcourt la route en balcon, là où la Montagne de la Clape s'arrête.
Un pays ouvert à tous les horizons (ici la Montagne Noire au fond) mais aussi à un champ immédiat, la terre qu'on foule comme dans Microcosmos, ce si joli film sur les peuples de l'herbe, de la prairie. Un terroir aux pieds de ceux qui aiment, locaux, adoptés voire parachutés mais qui acceptent que le natif que je suis puisse se dire, humble d'amour, "Ô moun païs...".

jeudi 26 mars 2020

MATIN PLUVIEUX... ET QU'EN EST-IL DE MADAME ? / Fleury-d'Aude en Languedoc.

" Matins frileux
Le vent se vêt de brume ;
Le vent retrousse au cou des pigeons bleus
Les plumes..." 
Emile Verhaeren 1895. 

Un peu frais avec ce Marin que le Cers laisse rentrer, plusieurs jours durant, encore un signe du changement climatique. Mais pas froid. 
Les pigeons bleus justement n'en sont pas à parader pour séduire, ils reviendront quand le soleil réchauffera à nouveau le mur. 
Mais là, il pleuviote... Les errements de la météo se font de plus en plus rares... 

La garrigue de la Clape à gauche, la colline du moulin à droite... 

La vue est bouchée... Oh ! c'est le mot ! Ils disaient à l'époque 

"Le trou de Madame est bouché !". 

C'est plein de délicatesse mais il faut le prendre de la part des vilains, des croquants, des jacques soumis aux ordres supérieurs ou encore impressionnés, comme ils le restent aujourd'hui, par la particule. 
Ainsi le col, clos par la garrigue d'un côté, la colline du moulin de l'autre (à moins que ce ne soit entre le moulin et Fontlaurier, la maison des gitans), et fermé qui plus est par la grisaille, n'ouvrait plus sur la cuvette de l'ancien Étang de Fleury. Des terres gagnées au profit des nobles de Marmorières et Tarailhan... 

Au fond les châteaux...

Mais j'interprète, j'imagine, seulement une supputation qui en reste, pour le moment, à son point d'interrogation... 
  
Alors était-ce la comtesse ? Qui était la madame en question ?      

mardi 25 février 2020

MOUSTIQUES & DÉMOUSTICATION / Fleury-d'Aude en Languedoc.

Etang_de_Pissevache wikimedia commons Auteur Hugolesage
Faute d'inspiration, pourquoi ne pas revenir en arrière ? Quel(s) sujet(s) avaient bien pu inspirer ce blog les mois de février passés, à commencer par 2014 ? Et les motivations sont bien maigres pour inciter le lecteur à remonter le temps, poussé qu'il est à ne pas rester en arrière du troupeau, dans un flot d'informations aussi orientées que peu durables. Manipulé, incité à la mémoire courte, il ne peut que fuir en avant même si les lendemains jadis chantants s'avèrent désormais plus qu'incertains.
Il en va de même pour l'auteur. Ponctuellement, il a néanmoins quelques raisons de se tourner vers ce qu'il a commis. En premier lieu parce que lui aussi a oublié, qu'il a besoin d'un stimulus pour s'y retrouver. Ce n'est que quand il se dit "Ah oui !" que les interrogations l'atteignent. Assume-t-il ses écrits ? Ne se retrouve-t-il pas en porte-à faux ? Reste-t-il lui même ? Ses mots ne sont-ils pas la preuve de ses contradictions ? A-t-il correctement exprimé sa pensée ? 

En janvier et février 2014, le titre "AMÉNAGEONS, DÉVELOPPONS, COLONISONS !", concernerait-il notre commune littorale de Fleury, manque de précision. Aujourd'hui nous dirions "MOUSTIQUES et DÉMOUSTICATION".
Passons, lisons ce premier volet.

"En juin 1963, l’État charge le haut-fonctionnaire Pierre Racine (1909 - 2011) de la Mission Interministérielle pour l’Aménagement Touristique du Littoral du Languedoc-Roussillon. L’ex-directeur de cabinet du premier ministre Michel Debré (entre 1959 et 1962) doit présider à la création de stations balnéaires ou à l'aménagement de l'existant (1) dans le but de recevoir un million de touristes, en plus des villégiatures plus ou moins implantées dont Saint-Pierre-La-Mer (2), depuis la vogue naissante des bains de mer, en 1846. 

Saint-Pierre-la-Mer wikimedia commons Auteur Hugolesage
   
    Une région où les vents règnent en maîtres. En effet, sur les eaux plus ou moins saumâtres, sur la mer, dans les pins, les tamaris, les roseaux et les oliviers de Bohême, les dépressions du Golfe de Gênes ou du Golfe de Gascogne génèrent des courants souvent violents. Si cette forte circulation représente une contrainte, nous lui devons néanmoins quelques effets positifs : l’humidité dans un sens, la chasse aux miasmes dans l’autre,  au-dessus des étangs, des lagunes, grâce aux vents de terre, dont le Cers. Et ils contrarient aussi les moustiques. Sauf que la mission Racine ne saurait s’en remettre seulement aux courants d’air pour chasser ces aèdes, anophèles, ces culex et leur parentèle fournie de cousins. Le prestige de la France est en jeu et, les avancées économiques accompagnant l’expansion démographique, c’est avec le DDT qu’on va faire taire les innombrables "bzz" des uns et le bourdonnement inaudible des quelques autres qui ont le toupet d’alarmer sur les risques de cancer et de "reprotoxicité" du produit ! La chimie, un moyen et non des moindres dans l’arsenal pour le progrès et l’avenir glorieux ! Et cette guerre-là sera gagnée dans le but de proposer la Côte d’Améthyste (3) aux touristes filant sur l’Espagne tout en détournant cette même pression de la Côte d’Azur saturée. Le projet permettra par ailleurs de diversifier une économie fragile car liée à une monoculture peu sûre, celle de la vigne. Il peut accompagner aussi l’arrivée des Pieds-Noirs dont une majorité préfère s’installer autour de la Grande Bleue.

(1) Port-Camargue (30), La Grande-Motte, Carnon, Le Cap d’Agde (34), Gruissan, Port-Leucate (11), Port-Barcarès, Saint Cyprien (66).  
(2) inclue par la Mission Racine dans l’unité touristique "Gruissan", théoriquement seulement.  Michelin et l’IGN persistent à écrire « Saint-Pierre-sur-Mer ».
(3) une appellation qui ne prendra pas."
 


Saint-Pierre-la-Mer  Wikimedia Commons Auteur Hugolesage

Notes :
1) en 2020, Michelin et l'Institut Géographique National ont bien corrigé avec la mention "Saint-Pierre-la-Mer".
2) concernant notre maître vent, le Cers, jamais mentionné par la baronnie météorologique du Nord qui n'a que des tramontanes à tout bout de champ, on retrouve le nom même "Cerç" ou "Mestral" dans la basse vallée de l'Èbre. Ainsi, entre le Rhône au Nord et l'Èbre au Sud, l'Aude et son couloir s'inscrivent-ils en toute modestie...
3) La Côte d'Améthyste, de la Camargue à la Côte Vermeille. 
4)  "... une monoculture peu sûre, celle de la vigne", une activité économique rentable certes mais en dents de scie, alternant toujours des cycles fastes et des phases difficiles.   

Finalement, alors que ce printemps 2020 inquiète parce qu'il a un mois d'avance, que les moustiques sont plus qu'envahissants même en hiver, que ce propos concerne, veille de l'élection municipale, la gestion de la commune, quand bien même la démoustication se situerait à un niveau plus que régional (des Pyrénées-Orientales au Var), au moins pour ces trois raisons, n'était-il pas inutile d'en reparler.  

photo offerte par iha.

 

lundi 3 février 2020

LE GRAND PIN ET LA FRÊLE VIOLETTE / Pézenas, Languedoc.

La ville de Toulouse fête ses violettes, me dit Régine. Et une petite flamme toujours en veille, dans l'attente d'une étincelle, vient aussitôt rallumer un tableau qui souvent m'effleure et se propose avant de retourner, en attendant mieux, dans la pile aux souvenirs. 

Mieux ce ne sera pas, mais au moins serons nous quelques uns à la savoir vivante, la petite flamme.

Pins de Trémolières, garrigue de Fleury.

En bas de Moyau, sur l'ancienne route dite "des campagnes".

Un parc de propriétaire récoltant, symbole du boum de la vigne, un siècle plus tôt. Des grands pins plus hauts encore que ceux de la garrigue, plus gros car venus dans la riche plaine de l'Hérault, domestiqués, qui peuvent devenir plus vieux, atteindre les deux-cents ans. Plus hauts, plus gros parce que l'espace et les volumes sont encore en expansion pour un gamin de dix ans, en prime. 

Un parc, un grand rectangle pris sur les cultures, enclos d'un mur respectable mais échancré, de place en place, par des longueurs de grilles, ouvertures sur les vignes du domaine. Des allées larges et bien tracées, encore graveleuses, classiques, à angles droits, à parcourir en casanier, au rythme lent des pas crissant parfois sur le gravier inégal. Couvertes d'aiguilles brunies, bordées de buis avec des manques de ci de là, elles ne restent pas associées à des rires, à des jeux partagés. 

Un parc à rêveries pour promeneur solitaire, à introspection même si, à cet âge, il n'y a pas matière à analyser. Un âge qui néanmoins emmagasine en secret sensations et impressions, tel une éponge et qui un jour vous les jette à la figure sans demander la permission ! L'exploration met des années à se décider, à se mettre en branle, des dizaines d'années sans s'annoncer davantage mais toujours positive, valorisante. Une surprise qui parfois saisit et vous laisse le souffle court.    
 
Un parc bien languedocien, avec de grands pins sûrement centenaires, malencontreusement dits "d'Alep" mais plutôt caractéristiques du bassin occidental méditerranéen, d'Espagne aussi, d'Afrique du Nord. Des pins d'ici, parce qu'il faut les entendre faire front et taillader de leurs aiguilles dans le vent de terre, le Terral (Tarral ?), un peu comme le Cers mais en moins fort ! Une impression de hachures sonores qui couperaient ces bulles oblongues qu'on croit voir à forcer de regarder l'azur. De houppiers en houppiers, les hachures, sur fond de ciel comme seuls le Midi et la Grande Bleue savent les peindre.

A présent, pour tout dire, ce qui suit ne fait pas partie du tableau originel. Juste une autre petite flamme, bien que d'origine aussi, mais rallumée des dizaines d'années après, encore sans permission. 

Sous le buis et surtout dans une exposition nord, à l'ombre du mur, un tapis de petits pétales de soie parme, qui semblent profiter d'un couvert encore clair. Quelle envie de printemps au cœur de l'hiver ! Des violettes ! Une image pour les yeux, un parfum aussi, comme dans ces cartes postales d'alors à passer sous le nez. 

Les petites violettes, discrètes, terre à terre, les grands pins qui bruissent en haut, entre ciel et sol. Entre les deux, un maelström qui n'en finit pas de m'emporter. 

Je suis toujours en 1961, début mars ou peut-être encore en février. J'ai toujours dix ans. Nous louons à Saint-Christol, la campagne du docteur Rolland à Pézenas. L'intérieur m'échappe complètement ; dehors par contre, comme si c'était hier. Un jour un ami à papa est passé avec un petit avion de la compagnie pour laquelle il travaille, avec des ramequins bleus comme pour l'eau de fleur d'oranger, des calepins au nom de Royal Air Maroc. Pas pour moi ! Et puis le petit avion je l'aurais écaillé ou cassé... Plutôt le laisser présider ces retrouvailles entre grandes personnes... Non, le petit avion ne m'a pas fait rêver, de voyages, d'exotisme, d'horizons lointains... D'instinct je suis sorti m'immerger entre, en haut les grands pins dans le vent, et en bas, au calme, les violettes... 

Viola odorata wikimedia commons Author Strobilomyces

"J'ai longtemps habité sous de vastes portiques..."
La Vie Antérieure. Charles Baudelaire.

lundi 16 décembre 2019

NADALET, petit NOËL / je veux un ciel d'étoiles...


Je veux, je veux un ciel d'étoiles, 
Cristaux glacés de l'Univers qui parpélèje (1),
Un Cers (2) fou qui tord les arbres 
Et mugit dans la souche en haut,
Mestrèjant (3) du toit la tuile ronde. 

Je veux, je veux un feu dans l'âtre,
Un bouquet, un essaim d'étincelles
Que l'hiver astreint à crépiter
En soufflant en bas sur la souche, 
La braise et la cendre, gardiennes du foyer. 


Je veux, je veux calmer la flamme, 
Ne plus attiser le brandon
Au bout de la "biso" (4) qui danse. 
"Les petits ! ça fait pisser au lit", dit mamé, (5)
Brave, douce et qui nous gronde à peine. 

Sinon je voudrais tant y croire
Quand la cheminée m'écartèle
Entre le refuge et la nuit froide de décembre,
M'accrocherais-je de tout mon être
A la chaleur du feu qui couve. 

Diapo François Dedieu 1979
Je veux, je voudrais tant y croire
Au Nadalet, au carillon en haut du clocher, 
Qui promet un fils d'amour pour la Terre
Et un grand-père en bure rouge
Qui va nous combler de cadeaux. 



Mais les fumées cachent les étoiles
Comme les plastiques gâchent la mer,
En dévoilant, des hommes, les erreurs.
Et les voiles de la nuit tombent
Sur les noirceurs que les maîtres fomentent. 



Pourtant je veux, je veux y croire, 
Il n'est pas encore mort mon sapin
Et rien ne doit abroger Noël, 
Car je la veux la nuit d'étoiles, 
Etincelles glacées dans le ciel qui scintille, 

Comme quand j'y croyais, il y a soixante ans, 
Envoûté par les escarbilles brillantes
Appelées par le Cers qui tempête là-haut 
Mais porte le Nadalet des cloches, 
Le Noël des petits, l'espérance pour tous. 

Carabène.    

(1) parpéléjer : battre des paupières convulsivement. 
(2) Le Cers, petit cousin du Mistral, se renforçant le long de l'Aude d'autant plus qu'il approche de la côte. Souffle en gros d'Agde à La Franqui et pourtant injustement ignoré des chantres de la météo nationale qui encroûtent le monde avec seulement la tramontane à la bouche ! 
(3) mestréjer : racine "maître" comme dans "maîtriser"... ou encore, dominer, gouverner...   
(4) la viso, prononcée "biso" (d'où mon rapprochement avec un vent d'hiver), est un sarment... Plus il est long et plus le jeu est agréable, mais au risque de mettre le feu à la cuisine !   
(5) mamé, papé... mami, papi... grand-mère, grand-père.

mardi 3 septembre 2019

DE LIMOGES A L'ANDALOUSIE / Les vendanges à Fleury.


 Foulard et galinos. 

"... La "galino" : je vais tout de suite vérifier ce que nous appelions "uno galino" sur le dictionnaire d'occitan de Louis Alibert (1884-1959), et je trouve, notre G initial ayant adouci le C d'origine. 
CALINA, f. Espèce de coiffure de soleil que les ouvrières des champs portent en Lauragais (et pas seulement ! FD). Elle est constituée par une armature de fil de fer et de brins de joncs recouverte de calicot. Etym. Contraction de l'occ. capelina. 
Je reprends ainsi ma "caline". Je t'ai déjà dit que maman et mamé Joséphine faisaient leurs "galines" non avec du fil de fer et des joncs (!) mais avec des bandes de carton fort de trente centimètres environ sur 4 cm de large, le tissu (bleu ou noir) les enserrant des deux côtés, une piqûre à la machine séparant les cartons ainsi dissimulés, ce qui donnait un "relief" spécial au tout ; l'arrière de cette coiffure était bien entendu sans carton, et un cordon pendant en bas sur le devant, de chaque côté, permettait de nouer une "bugadelle" et de fixer le tout sur la tête..." 
François Dedieu / Pages de vie à Fleury d'Aude / II Caboujolette / dedieu éditeur mai 2008. 

Dimanche 25 août 2002. « … M. et Mme Petiot étaient nos « correspondants de guerre » dans la Creuse pendant la seconde moitié du conflit mondial 39-45. Du fait que nous n’avions guère à Fleury que notre vin comme ressource, nous souffrions beaucoup du rationnement extrême de la nourriture. Il était devenu assez courant de rechercher un correspondant dans le Centre pour échanger tout à fait légalement du vin contre du beurre, du lard, des pommes de terre. 
Pour ma mère, ce voyage à Chaulet via Limoges où l’on changeait de train fut sans conteste le plus long de sa vie. En entendant le haut-parleur répétant « Ici LIMOGES, ici LIMOGES, sept minutes d’arrêt. BUFFET. Correspondance pour… », elle ne put s’empêcher de s’interroger : « Et ba disoun, aco, buffez ? » Elle pensait à nos vendanges sous le soleil brûlant. Nous nous arrêtions un court instant de couper des raisins et disions pour plaisanter, redressant notre dos douloureux : « Deux minutes d’arrêt. Buffez ! », ce dernier mot traduisant en occitan (bufar = souffler) l’idée de souffler un peu, d’observer une courte pause… » 

Vendanges 1975 Corbières Fonds André Cros Archives municipales de Toulouse.

Jeudi 13 novembre 2003. « … A l’époque des vendanges, un petit bal avait lieu tous les soirs au café. L’animation du village était alors fort grande, les familles de vendangeurs venus d’abord de l’Ariège, puis d’Espagne, non seulement de Catalogne ou d’Aragon, mais aussi de la lointaine Andalousie, mettant une note exotique où résonnaient différentes langues ou divers dialectes et pidgins savoureux. Dès l’arrivée de la vigne, une toilette s’imposait à la fontaine du coin de la rue, et on allait se promener, puis danser un peu. Vers 22 heures, tout redevenait calme : la journée du lendemain allait être encore rude à la vigne, et on serait heureux si les nuées de moustiques voulaient bien se dissiper sous l’effet d’un petit cers salutaire ou d’un vent marin bienvenu sous un soleil accablant… »