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mardi 30 janvier 2018

MISTRAL, FERNANDEL, PAGNOL, ARÈNE, BEART, SCIPION, CARLES... ET PAULOU !

Frédéric, Fernand, les Marcel, Paul, Guy, Emilie et Paulou... sans les prénoms les noms sont froids et secs comme un pensionnat maîtrisé par le surveillant général... Après Henri Bosco et ses "balancelles roses", de grands noms incontestés et le dernier cité qui compte autant. Michelet (Jules) l'a si bien exprimé dans son Histoire de France 

" Chaque homme est une humanité, une histoire universelle."

Notre vagabondage va nous entraîner du Midi marseillais aux Basses-Alpes devenues Alpes de Haute-Provence, département 04, préfecture Digne-les-Bains... Difficile, passé un âge certain, de ne rien penser de la réforme globalisante des plaques d'immatriculation. On ne sait plus rien désormais, des véhiculés... Les milliardaires de la mondialisation persistent à gommer l'identitaire : l'homme s'en retrouve réduit à l'état de tube digestif lambda, la dernière ruée sur les pots de nutella bradés en atteste[1]. Rien de mieux pour le business ! 


Revenons à la Durance qui "court comme un ruisseau que des enfants poursuivent", au verrou de Sisteron, porte du Dauphiné en route, loin pour le Pays Gavot, Briançon et le Montgenèvre mais sans quitter notre plage aimée de Saint-Pierre-la-Mer. 



Plus loin encore car le propre de l’homme est de rester curieux de ce qu’il ne connait pas, de ce qu’il ne voit pas, par-delà la Crau chantée par Miréio de Frédéric Mistral (1830 – 1914) et le Ventoux, « Géant de Provence » - voir note 5 -, le Plateau de Sault avec Gédémus le rémouleur joué par Fernandel (1903 – 1971), dont la femme, par l’entremise de la Mamèche, va rester avec Panturle pour faire renaître un village abandonné… Plus vers les Alpes encore, avec Paul Arène à Sisteron, 



« Je vins au monde au pied d’un figuier, il y a vingt-cinq ans, un jour que les cigales chantaient et que les figues-fleurs, distillant leur goutte de miel, s’ouvraient au soleil et faisaient la perle. Voilà, certes, une jolie façon de naître, mais je n’y eus aucun mérite… ».
Quel amoureux du Midi saurait résister à la première phrase de « Jean-des-Figues » ? - 1884, Paul Arène - .   

Et passée la Durance – « … Ma petite est comme l’eau… » Guy Béart (1930 – 2015) - , plus haut encore dans ces Préalpes âpres, « Le Clos du Roi » éblouissant de Marcel Scipion (1922 – 2013) !
Sans pour autant franchir les cols vers ces vallées piémontaises où l’occitan reste vivace, remontons même jusqu’à Briançon avec Emilie Carles (1900 – 1979) pour « Une Soupe aux herbes Sauvages », pour la défense de sa vallée contre une voie rapide programmée alors, tandis que la désobéissance perdurait pour garder le Larzac !

Ramasser des tenilles mais pas racler idiot !

La mer. « Un bateau, un bateau ! » crient les gosses si réactifs aux petits riens qui rythment les jours. Paulou, vieux garçon, installé avec Marie sa mère dans la baraque de tôle et de bourras – toiles de sac cousues ensemble – pour une saison d’été sur la plus belle éminence de sable, bien quarante centimètres au-dessus de nous qui en comptions autant avec les touristes en bas, à la merci des coups de mer d’août, sur le sable mouillé, Paulou, vigie tanquée dans les oyats, pointe ses jumelles sur le bateau au large[2], en principe un cargo.





[1] Je n’achèterai plus jamais cette pâte à tartiner fabriquée à base d’huile de palme et responsable de la disparition d’espèces végétales et animales dont l’orang-outang ! 
[2] 5 km environ de visibilité avec l’observateur à 2.3 m environ du sol. 

 
  Photos autorisées Wikimedia Commons : 
1. La Durance à Oraison Author WikiCecilia. 
2. Le Mont Ventoux  Author BlueBreezeWiki.
3. Le verrou de Sisteron Author Philipendula
4. Saint-Pierre-la-Mer Author Hugolesage.

dimanche 2 avril 2017

ODE AU-DELÀ DU DELTA... (1) / Rhône, Ebre, Aude, Llobregat

« ... Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, ~ heureux comme avec une femme. »

Le Rhône embrasse ses îles et pousse les terres de Camargue vers le sud. A quatre-cents kilomètres, chez nos frères de Catalogne, c’est l’Ebre qui avance ses bras dans cette même Méditerranée Occidentale. Entre les deux, le Llobregat comme épongé par Barcelona (1) mais réservant encore des espaces naturels intéressants. Et, pardon de le mettre en avant « parce que c’était lui, parce que c’était moi », si présent dans ce qu’il a de sanguin, de sudiste, d’occitan, le fleuve qui continue d’échapper aux hommes venus le dompter, l’Aude qui rendit l’île de la Clape au continent, la "rivière", redoutée mais familière des Pérignanais de toujours, l’Atax d’un delta aussi caché que mystérieux... 

(1) si quelqu’un peut préciser pour le Riu Fluvia (Golfe de Roses) ainsi que le Riu Tèr de la trilogie catalane Têt, Tech, Tèr... Sinon on parle du Mistral, du Cers du Rhône à l'Aude, de Mestral, des Cerç ou encore Çerç, de Tarragona à l'Ebre. 






crédit photos : 
1. Rhone delta photoby Aldipower. 
2. Delta_de_l'Ebre-L'Encanyissada Author Lohen11-Josep Renalias
3.Espais naturals del riu Llobregat Platja del Prat des del Mirador de la_Bunyola Author Jordiferrer  
4. l'Aude passe au nord de la Clape. 

vendredi 10 mars 2017

LE CERS QUI PASSE SUR LA GARRIGUE ME RENDRA FOU ! / le nom de vent le plus vieux de France !

Et bé oui, cette atmosphère qui nous laisse tant aimer notre pays, souffrez que je la fredonne, en restant à ma place. C’est que Brassens vient aussitôt chanter Gastibelza sur la « Guitare » de  Victor Hugo. 


On ne trouve que ce qu’on veut bien chercher aurait dit Monsieur de La Palice. Mais parfois on trouve alors qu’on folâtrait ailleurs.
Ainsi, en feuilletant (c’est aussi une manière d’aborder un ouvrage) l’Anthologio Escoulario de Lengadoc (Roudès 1931 / Ediciu de la Mantenencio de Lengadoc), donc avec une bonne part de hasard, j’eus l’heur et le bonheur de trouver et ce que je cherchais et ce que je n’aurais pas cherché tant un contresens et un non-sens pourtant flagrant m’agréait... Mais, comme en amour où il est si difficile d’accorder la préséance au sentiment ou au désir, ma recherche qui se voulait structurée n’avait pas anticipé que « le vent qui vient à travers la montagne » me rendrait fou !  

Allons, cherchons... « Je cherche après Titine », mais non même si Charlot dans les temps Modernes, en donne une version exceptionnelle ! Non, ce doit être un plaidoyer, méthodique, construit, pour rétablir dans son honneur, le Cers des Romains. Le Cers, porterait-il le plus vieux nom de vent de France ! pourtant si ignoré, méprisé par l’ignorance ethnocentrée des people de la météo, de ces médias propagandistes qui se doivent de rester souriants, optimistes voire doucereux suivant les circonstances... Au moins que le bon peuple des "veautants" dorme sur ses deux oreilles, tondu et cocu ! 


Mais revenons à notre propos et là, dans cette anthologio, à la partie « Béziès-Sant-Pouns », parce que Pierre Alias, le regretté camarade de lycée de papa, avait parlé de Clardeluno (1), nous avons au moins deux raisons de chercher la poétesse de Cazedarnes ou d’un hameau proche. Et là, quelle n’est pas ma surprise de retrouver notre Cers, toujours avec la majuscule, plus haut que prévu, balayant même les collines du Minervois et peut-être, de ses rafales fulgurantes, au-delà des rives de l’Orb, toute la mer de vignes du Biterrois.

Dans Lisou (roman), « Mars dins lou Bas Lengadoc / ... las vignos que dejà laguejaboun.../... lour cabelladuro d’argent desplegado e rebufelado sens fin per lou vent de Cers.../... pei las alenados del Cers escoubilhaboun tourregans e rantèlos... »
Au mois de mars en effet, il n’est pas rare que la vigne « laguejo », rendant visibles les alignements de ceps, les rangées (de souches) dit-on notamment lors des vendanges, grâce aux bourgeons ouverts laissant sortir la pointe des premières feuilles vert tendre toujours dépliées et ébouriffées sans fin par le Cers. 


Puis, les exhalaisons, les bouffées du Cers balayaient (à rapprocher des équevilles de Lyon, du latin scopa [balai] puis scova puis escova et escovilla...) les gros nuages (le tourregan particulier au couloir audois, poussé par le Cers, défile rapidement depuis l’horizon ouest). Les rantèlos sont de légers nuages blancs souvent en formation... le bon maître Mistral cite J. Laurès : 

« A fusat len d'aici coumo fuso l'estelo
 En daissant darrès el uno fousco rantelo. » 

(1) pseudonyme de Jeanne Barthès (Cazedarnes 1898 - Cessenon 1972). Avec d’autres femmes auteurs membres du Félibrige, dont Philadelphe de Gerde (Claude Duclos-Requier), Calelhon (Julienne Fraysse-Séguret) et Farfantello (Henriette Dibon). Membres du Félibrige, elle a écrit en occitan alors que notre langue était de plus en plus étouffée par la morgue hégémonique du jacobinisme parisien... ce qui, serait-ce de façon insidieuse, perdure...  

Crédit photo : 
n° 2 extrait de carte IGN 65 Top 100 Montpellier-Béziers (2000). 
n° 3. après le débourrement auteur Véronique PAGNIER (je ne sais pas si on ne dit pas chez nous, et probablement par erreur, "débourrage" ?).

vendredi 20 mai 2016

LOU PASTRE (le pâtre) / Languedoc

LOU PASTRE.

Per causse, en plen ivèrn, quand la magistralada (1)
Balota dins lo cel la neu e lo conglaç,
Dins sa capa amagat, se ris de la gelada
E lou vèspre, am l’aver (2), content s’embarra au jas.

Quand reven lou printens et que la soulelhada
Fa reverdir la terra et florir lo bartas,
Mena sos anhelos dins la prima abaucada (3)
E lo pastre es urós quand sont assadolats.

Desmamat dau païs e luènh de sa familha
Sus lo causse auturòs qu’es coumo sa patrio,
Mestrejo son tropèl que s’augmenta dau creis...

Plantat sus son baston lo vei que s’apastura
E pompant l’air tebés de la bèla natura,
Tot solet, luènh dau monde, amont se crei lo rei.

Antoni Roux. Pescalunetas (3)

(1) magistrau, vent maître, mistral... et surtout pas une "tramontane" trop générique !
(2) chez Mistral, "embarra l’avé ou tout court embarra, enfermer les brebis dans le bercail"
(3) bauco, brachypode rameux, pelouse steppique, baouque chez Harant et Jarry (Guide du Naturaliste dans le Midi de la France). Plante herbacée méditerranéenne (Wikipedia).
(4) le nom du recueil vient peut-être de Pesco-luno, sobriquet des habitants de Lunel, qui eurent l’idée d’aller pêcher, dans un panier percé, le reflet de la lune. L’auteur ne verrait-il que des femmes en train de pêcher ?

LE PÂTRE.   

Par le causse, en plein hiver, quand la magistralado
Balotte dans le ciel la neige et la glace,
Dans sa cape caché, il se rit de la gelée
Et le soir, avec les brebis, content il s’enferme au gîte (bercail, bergerie).

Quand revient le printemps et que le soleil
Fait reverdir la terre et fleurir le buisson,
Il mène ses agnelets dans la prairie nouvelle
Et le pâtre est heureux quand ils sont rassasiés.

Privé de son pays et loin de sa famille
Sur le causse altier qui est comme sa patrie
Il mène son troupeau qui s’augmente des naissances.

Planté sur son bâton, il le voit qui pâture
Et pompant l’air tiède de la belle nature,
Tout seulet, loin du monde, en haut il se croit roi.       
   
Photos autorisées 1, 2, 3, 4, 5 Commons wikimedia

1. La vieille jasse / auteur Jean-Claude Charrié. 
2. Lavogne du Larzac / auteur Toutaitanous. 
3. Larzac près de la Couvertoirade / auteur présumé Sylvagnac. 
4. Brebis en pâture / auteur Jean-Claude Charrié. 
5. Berger sur le Larzac / auteur Mathieu Caunes. 



dimanche 15 mai 2016

A PENTECÔTE, GÔUTE LA GUINE ! / Fleury d'Aude en Languedoc

Per Pantecousto la guino gousto ! (comme le relève Frédéric Mistral (1)).
C’est bien gentil d’associer les guiniès, en languedocien, avec les dimanche et lundi de Pentecôte (2) mais dame Nature suit un calendrier moins lunatique et la saison des guines peut s’accorder seulement avec la fête religieuse lorsque Pâques arrive tard, presque au 25 avril. Alors seulement, cinquante jours après, les petites cerises sauvages, un peu acides, un peu amères, peuvent piqueter le feuillage de leurs livrées rosées ou garance, pour les plus mûres.


Commons Wikimedia / Prunus_cerasus_-author Franz Eugen Köhler–s_Medizinal-Pflanzen-113

Chez nous, les rives et les abords de la rivière en sont parés, en pleine lumière et même à l’ombre des grands peupliers blancs (3) ; ceux-là portent encore des fruits fin août, début septembre. Le long de l’Aude, de la limite de Salles au débouché de la Montagne de la Clape, les tènements, les fermes et lieux-dits où prospèrent les petits cerisiers, se cueillent aussi avec gourmandise : Maribole, l’Horte d’Andréa, la Barque, l’Horte de l’Ami, la Barque-Vieille, Joie, Négo-Saumo, la Pointe.
La guine, la première confiture de l’année, avant l’abricot, les figues, et l’azerole des vendanges (4), déjà le souci des provisions pour l'hiver pour des campagnards plus fourmis que cigales.
Avec les reflets mordorés, pourprés ou dorés des autres bocaux, mon souvenir revoit toujours l’éclat cuivré des guines, libéré de sa prison de verre dès que la porte du placard s’entrouvrait... Et ce rayon réconfortant ne serait pas sans le dévouement opiniâtre et aimant de nos mamés, à la cuisine ou au bord des vignes (5) : mamé Joséphine, l’aïeule, mamé Ernestine et tante Céline, parce que ce souci des leurs, de ce qu'elles allaient mettre pour manger comptait autant malgré les ans. Maman aussi en sait quelque chose, elle qui, malgré ses 91 printemps, n'hésiterait pas longtemps pour sortir le chaudron même si l'époque n'est plus à assurer la soudure d'une année sur l'autre.
 
(1) Trésor du Félibrige (1878).
(2) du grec signifiant cinquantième : se fête cinquante jours après Pâques.
(3) populus alba, aubo ou aubero chez Mistral, terme désignant aussi le tremble pourtant différent. A Fleury on parle des « arbres blancs ». 
(4) les mûres de l’été, les gratte-culs de l’automne n’étaient pas prisés à l’époque.
(5) Qui avait peur des pesticides alors ?


    Mamé Joséphine

    Mamé Ernestine et papé Jean, tante Céline et l'oncle Noé.

mardi 1 mars 2016

QUE PEZENAS N’ES LOU MOUIÒU ! (1) / Fleury d'Aude en Languedoc

    A Limoux, le carnaval s’est affranchi de la contrainte du carême. Qu’importe le mercredi des Cendres, on n’a plus peur de Charlemagne et de la peine de mort pour les contrevenants ! On fait gras ! Vendredi, c’est déjà la fête, de janvier à fin mars !
    Ce jour, nous sommes en mars justement et si Pâques se célèbre aussi en avril, mars appelle la mi-carême, cette entorse aux quarante jours, l’étape réconfortante, à mi-chemin, même si Musset insiste sur la valse prenant le pas sur une danse ancienne quand l’instituteur n’en garde que les roses en boutons et le renouveau dont les coteaux frémissent. 


Le préau de l'école de garçons qui n'avait pas ou au nom inusité.

    Vite, vite, partons à Pézenas où le carnaval respectueux du calendrier religieux marque plutôt le mois de février... Me concernant, c’est une occasion de plus pour voir repasser trois ans de vie ; aussi, je crois pouvoir comprendre l’attachement profond des Piscénois à leur ville, un amour véritable, disons-le, dans lequel l’héritage historique compte beaucoup. 
    « Viouléto de fébrié, per damo e cavalié » (2) relève Mistral dans le Trésor du Félibrige. Sans plus de précision, je me transporte seulement à Saint-Christol, la campagne du docteur Rolland. C’est vrai qu’au sortir de la mauvaise saison, les violettes pointaient une modestie soyeuse qui s’accordait si bien avec la majesté des grands pins du parc. Au pied du mur d’enceinte, le chemin de l’école rejoignait la rivière qui manquerait au décor. La Peyne, capable du pire en très peu de temps (3), il faut l’imaginer, en 1622, début août, alors que la ville offre ses clés au roi en signe de soumission.


La Peyne depuis la ligne désaffectée du chemin de fer (août 2015).
 Une paysanne retrousse son jupon pour passer à gué quand un galant officier la prend en croupe : c’est le maréchal de camp François de Bassompierre ! Mais ce qui est plus étonnant est que les acteurs du joli tableau parcourent toujours les rues, pour carnaval notamment mais pas seulement, juchés sur le poulain, sûrement pour remercier Louis XIII de son indulgence (3)...
    Le poulain, le poulain... je pense à tout sauf à lui, sur mon chemin d’écolier... même pas pour une envie de chocolat ! Et quand je passe devant le commissariat (4), le porche imposant, la cour intérieure, les grands platanes pourraient évoquer un haras royal... Sauf qu’à l’aller je ne voudrais pas être en retard et au retour, l’hiver du moins, il fait déjà nuit après l’étude du soir, au CM2, chez Carrère et c’est moi qui trotte une demi-heure avant de sentir l’écurie ! Et pourtant, c’est bien d’ici qu’il part, propre, apprêté, que ses servants se préparent et prennent la pose tandis qu’une escorte survoltée et braillarde excite l’équipage !



Le Poulain de Pézenas en 2006 à Steenworde / commons wikimedia / auteur Lion59.

    Tout ça pour un poulain ! Ah non ! pas UN poulain ! LE Poulain ! Unique et là depuis longtemps, très longtemps, bien avant Bassompierre et sa paysanne en amazone ! 1226, les archives en attestent. On le doit à Louis VIII. Le roi alors en croisade contre les Albigeois, doit laisser sa jument préférée, mal en point. A son retour, quelle n’est pas sa surprise quand les habitants le reçoivent avec un poulain cabriolant, paré de rubans et sa jument en pleine forme ! « Oncques, s’exclama le souverain, la bonne ville de Pesenàs ne saura désormais célébrer et festoyer sans que mon poulain royal ne caracole ! » Consuls et marchands de se soumettre en saluant bas... Prospérité et fortune valant mieux que vanité mal placée, le Poulain exprime depuis la gratitude de la ville non sans rappeler toutefois la protection qui lui est due... Sa réputation est à l’aune des visites royales et des grands du royaume ! (5)
    C’est qu’il danse et danse bien, le Poulain, toujours accompagné de « aubois », de « petits tambours ». La robe qu’il porte jusqu’à terre est « peinte d’azur » et parsemée de fleurs de lys. Portant un homme et une femme "fort proprement habillés" (6). Il est fort agile et fait des très grandes courses, renversant tout ce qui se trouve à son passage, comme aussi avec sa mâchoire que l'on fait jouer. Aucun cheval ne peut tenir devant lui ; il épouvante tout. On ne sauroit bien décrire tout le secret de cette machine. Nos Seigneurs les Princes lui firent donner dix louis, et ne pouvaint se lasser de le voir.» (Monseigneur le Duc de Bourgogne avec Monseigneur le Duc de Berri, en visite à Pézenas en 1700).
https://archive.org/stream/archivesdelavill01ress/archivesdelavill01ress_djvu.txt   
    Emblématique, totémique, derrière un meneur tambourinant en fou du roi, le Poulain cabre et rue, tendant le cou vers les balcons pour quêter, entre ses mâchoires, l’obole des pauvres. Pour carnaval, le mardi-gras est chômé : ça je n’ai pas oublié qu’il n’y a pas école ce jour-là ! Il faut voir cette foule trépidante, suivant, tambour battant, les fifres, grosses caisses et tambourins. Dans un nuage de confettis et de farine, les masques, les farandoles de panèls, comme pris dans une danse de Saint-Blaise, scandent à travers la ville la chanson du Poulain ! 



Le Poulain toujours à la Ronde des Géants à Steenworde (2006) Commons wikimedia / Auteur Daniel 71953.
 

    Louis VIII avait précisé, dit-on, que l’armature serait en bois de châtaignier. Elle est aujourd’hui légère et démontable, pour prendre l’avion car le Poulain, au patrimoine immatériel de l’Unesco (2005) porte nos couleurs loin dans le monde (Delhi et Bombay dès 1989, Barcelone, la Hongrie...). Et s’il gambade aussi l’été lors de l’inauguration de la Mirondèla dels Arts, le premier août il tient à marquer le lien indéfectible entre la cité et les enfants partis au loin, quand, en chemise blanche, les gros nez moustachus charient sans varier en braillant que «... de Pézenas sen pas de Counas !»         
 

(1) "Lou Lengado ‘s un iòu
Que Pezenas n’es lou mouiòu." (le Languedoc est un œuf et Pézenas en est le jaune).

(2) "Violette de février pour dame et cavalier". Le violet, la couleur, associé au blanc, en particulier au rugby, avec le stade non loin de là d’ailleurs, à gauche avant le passage à niveau de la Grange-des-Prés...
(3) sujette, historiquement, comme tous les cours d'eau descendant de la bordure des Cévennes, à des crues aussi subites que violentes. 
Le 18 septembre 1622, lors du siège de Montpellier cité protestante par les troupes royales, un gros orage provoque la crue du Merdanson. François de Bassompierre, Maréchal de France (oct 1622) écrit de mémoire depuis sa cellule (emprisonné à la Bastille de 1631 à 1643... Louis XIII savait être ingrat et cruel...) dans « Journal de ma vie » : « Le 18, la journée fut perdue encore par suite d’un violent orage. Le Merdanson déborda et entraîna plus de cent lansquenets qui s’étaient logés dans des huttes creusées sur le bord de la rivière, pour y trouver un abri contre la chaleur. »
https://fr.wikisource.org/wiki/Journal_de_ma_vie_%28Bassompierre%29/3
 
(4)
les pères de "Bayette" et Patrick, camarades de classe, y travaillent.  
(5) Les Huguenots se révoltèrent contre Louis XIII tant leurs craintes étaient grandes de perdre la reconnaissance officialisée sous le règne de son père, Henri IV (Édit de Nantes avril 1598). Les campagnes royales de 1621 et 1622 avaient tout des huit guerres successives désastreuses pour le pays depuis 1560 et marquées par l’ingérence étrangère (Espagne, Savoie, Angleterre). Si le château de Pézenas dut être démonté parce que des nobles locaux avaient pris le parti des protestants, l’inflexibilité royale (massacre de Négrepelisse, forte rançon exigée contre la vie sauve à Saint-Antonin-Noble-Val) aurait pu coûter bien plus cher à la ville...   
(6) Estièinou et Estièinetto.

Entre autres sources :
http://amis-pezenas.com/le-patrimoine/les-traditions-populaires/
http://www.herault.fr/2012/03/05/poulain-de-pezenas-un-animal-totemique-star-carnaval-11777
http://www.ville-pezenas.fr/le-poulain-de-pezenas-444/

http://www.dailymotion.com/video/x33bisc_2015-pezenas-retour-des-machous_fun

mercredi 10 février 2016

FÉVRIER DE TOUTES LES CROYANCES / Fleury d'Aude en Languedoc.

Se référer aux racines chrétiennes de l’Europe n’est pas plus faux que d’en appeler à ses croyances aussi diverses qu’originelles, brassées avec des apports de la Grèce antique puis de Rome. Après la fête de Noël calquée sur le "sol invictus" et les saturnales des Romains, le mois de février illustre ces influences multiples.

Le 2 février célèbre la Chandeleur et si nous pensons aussitôt aux crêpes à faire sauter avec une pièce dans l’autre main, ce sont toujours les vœux de paix, de lumière, de prospérité, de fertilité qui sont invoqués comme lors des dionysies champêtres des Grecs anciens (déc-avr), les saturnales des Romains dont la portée dépasse la période du solstice d’hiver avec la galette "du" roi de la fête et l’origine du carnaval.
Dans le calendrier chrétien, concernant Jésus, le 2 février reprend les préceptes juifs de présentation de l’enfant circoncis au Temple. A y regarder de plus près, la volonté hégémonique des monothéismes n’a pas réussi à éradiquer les croyances plus anciennes : la Chandeleur suit la fête de Brigitte la déesse celtique récupérée en tant que sainte et la crêpe passe avant l’acception religieuse... comme, serait-ce l'inverse, Notre-Dame-De-Paris occulte les temples préexistants à Jupiter et plus loin encore aux dieux gaulois...
Sans s’en foutre comme de l’an quarante, mentionnons aussi et néanmoins la symbolique des quarante jours après Noël, de cette présentation de l’enfant liée ou non au cycle de la femme, des quarante jours du carême après les excès tolérés du carnaval...

Revenons à notre Sud avec en particulier nos cousins catalans qui, de Prats-de-Mollo à Arles-sur-Tech, fêtent l’ours du Vallespir. L’ours encore qui marque de sa présence toute la chaîne des Pyrénées, du Roussillon au Béarn en passant par les pays de Sault, de Foix, le Donézan, le Couserans, le Val d'Aran, le Nébouzan, la Bigorre, le Comminges, le Lavedan... manière de réviser et surtout de rêver !

Raison supplémentaire : Frédéric Mistral n’a pas manqué de relever de nombreux proverbes à propos de l’ours dont ceux liés au réveil du plantigrade durant l’hiVernation. Contrairement aux animaux qui hiBernent, celui-ci, en effet, se réveille et sort voir le temps qu’il fait.
Ainsi, à l’entrée "Candelour", le Trésor du Félibrige fait mention de l’attitude, surprenante pour nous, de l’ours :
« A la Candelouso l’ourse fai tres saut
Foro de soun trau :
S’es nivo, s’envai ;
Se faï soulèu, intro maï
E sort plus de quaranto jour. »     

Un proverbe languedocien confirme :
« Quand fa soulel pèr N.-D. de Febrié, l’ours ramasso de bos pèr quaranto jours de mai.» (chez nous on dit plutôt « de bouès », phonétiquement, pour le bois à brûler alors que « lou bosc » est le bois en tant qu’ensemble d’arbres, bosquet, forêt de petite taille).   

Dans le Béarn, par contre :
« Desempuich la Candelèro Quaranto dies d’ibèr que i a encouèro,
L’ours alabets qu’ei entutat :
Si hè sourelh, aquel die, que plouro
E dits que l’ibèr ei darrè ;
Si mechant tems hè,
Que dits que l’ibèr ei passat. » (?)
Si l’hivernant de Pau, François Bayrou veut bien traduire...

Après les proverbes en contradiction (mais c'est banal), la polémique de l’ours, celle des crêpes. Excusez-moi de le faire exprès mais il me semble qu’à Fleury, si on apprécie aussi les crêpes ("crespeu", "pascajou" pour Mistral), l’époque était traditionnellement aux oreillettes, las aurihetos (pas de «lh»), ce dessert, cette douceur d’Occitanie marquant la Chandeleur, Mardi-Gras sinon Noël.


Est-ce encore la fracture entre le Sud et le Nord, la France de l’huile et celle du beurre ? Est-ce une histoire de friture pour la friture de la friture ? Pas de poêle à frire en effet pour les oreillettes mais plutôt le bain d’huile dans une bassine à confiture, en cuivre bien entendu. Est-ce concevable dans un bain de saindoux ou de graisse de volaille ? Il fut un temps où seuls les riches pouvaient se payer des frites ! Amis belges, si ça vous dit de préciser...
 
Quant à la différence entre les bugnes moelleuses comme on les fait à Lyon, et les oreillettes craquantes, ce doit être lié à la levure... faudra demander à Monsieur Brun...
Les oreillettes se gardent, empilées et saupoudrées de sucre, dans une corbeille à linge (en osier, pas en plastique de Chine !), sous des torchons, dans une pièce non chauffée. 
Une anecdote parle d’un groupe de garçons, la jeunesse, comme on disait, qui tenaient de faire blaguer une matrone pendant que l’un d’eux en profitait pour voler des oreillettes dans la pièce à part. Déjà l’ambiance de carnaval... avant les quarante jours de "ceinture" !  
  
   
OREILLETTES recette  :
https://fr.wikibooks.org/wiki/Livre_de_cuisine/Oreillettes
PLUS DIÉTÉTIQUES : 
http://www.notreprovence.fr/recette_dessert_oreillettes.php

photos autorisées Commons wikimedia :
1.Oreillettes_du_Languedoc auteur JPS68 
2. Orelletes catalanas GNU Free Documentation License

jeudi 31 décembre 2015

DE L’ÂTRE À LA CHEMINÉE, IL N’Y A GUÈRE ! / le temps de Noël en Languedoc

DE L’ÂTRE À LA CHEMINÉE, IL N’Y A GUÈRE !
Je voulais écrire DE LA HOTTE  À LA SOUCHE, IL Y A PEU mais cela devenait aussi incompréhensible que "DE LA SOUCHE À LA SOUCHE IL Y A PEU...". Comment dire quand le vocabulaire si riche sur la réalité et la symbolique du feu au point qu’il a signifié la famille autour du foyer (la population se comptait, avant, en "feux"), vient nous embrouiller avec une homonymie insupportable entre le bois qui brûle en bas, pis ces ceps que nous appelons souches, et la cheminée, sinon son bout dépassant du toit ?
    Je pense à du Bellay, qui lui, a su tout exprimer avec trois moitiés de vers : «Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village / Fumer la cheminée... » (Les Regrets, XXXIème sonnet). 
    Si quelqu’un peut m’aider car j’ai beau chercher, retrouver le contrecoeur, aborder des secrets sous son manteau, m’interroger aussi sur la languette ou le tablier tout en me demandant si le rideau était ce tissu jaune à l’origine, courant sur les trois côtés de la tablette avec, chez mamé Ernestine, ces femmes brodées dans les habits des provinces de France, jamais je n’ai été ainsi coincé par une souche ! 
                                        Mamé Ernestine et la cheminée / 1968, diapositive François Dedieu.

    Mistral peut-être pourra m’aider ! Dans le Trésor du Félibrige, nous trouvons qu’en Languedoc elle s’appelle cha-, ou che-, ou chi-, ou encore chuminièiro ! Sur ses différentes parties : « lou canoun de la cheminèio... /... lou dessus.../... lou founs.../... lou cantoun.../... la cheminèio marsiheso avec le potager construit à l’intérieur. Suivent des expressions comme « Se laissa mouri souto sa chaminèio », se laisser mourir dans l’abandon, « A pas manja soun pan souto la chaminèio», il a vaillamment gagné sa vie, « A fa soun cop souto la chaminèio », il a fait son coup en tapinois. Moins attendu venant de Mistral plutôt traditionaliste, une critique de la religion qui voit l’auteur préciser qu’il s’agit d’un dicton irrévérencieux désignant l’église, le curé, le vicaire et le marguillier :
    « Meisou sèns fournèl ni chaminado / Nouiris tres feiniants touto l’annado (Limousin).
Le travail de linguiste primait-il sur ses convictions ?
    L’article qui nous console de la frustration initiale, évoque ensuite François Ier avec « la cheminèio de Francès Premié « à Aigues-Mortes ainsi que la jolie cheminée « dóu rèi Reinié », du roi René, désignant, à Aix, une promenade au midi des remparts où le roi venait prendre le soleil et discuter sans façon avec tout le monde. Frédéric Mistral ajoute que Digne et Marseille ont aussi « leur cheminée du roi René ». Nous comprenons désormais ce que signifie « Se caufa à la chaminèio dóu rèi Reiniè ».
En attendant, moi qui voulais vous raconter une histoire de cheminée pour Noël, j’en suis resté au titre ! Lou prouchin cop, promis, surtout que ça s’est passé aux Cabanes de Fleury et il n'y a pas si longtemps...  

lundi 28 septembre 2015

Yves, pêcheur du Golfe (XII) « AVEC LA LÈBRE , TU AS DE LA BIDOCHE ! »

« Yves, tu parlais des loups et des dorades... La dorade, justement, on n’en voit plus beaucoup alors qu’elle rentrait dans les étangs par bancs entiers...
- Si, si, à Sète, ils sont toujours à "quicho-pourrit" (1), au bord du canal, quand elles sortent de Thau, à l’automne... Et en mer, ça revient, figure-toi. L’autre jour, il en a pêché une de 3 kilos et ils foutent des coups de filets avec 50-80-100 kilos. Maintenant, ils prennent aussi du merlan... A l’époque y en avait pas... Et une autre fois, que je te raconte avant d’oublier, ce fut une pêche "monumentale" : on était aux dernières villas de Narbonne-Plage et on voyait les sardines, à 100 mètres, qui poussaient dans la "mélette" (2)... 


- ... Les thons dans le maquereau, les maquereaux dans la sardine, les sardines dans la mélette...
- Et oui, l’éternel recommencement... Enfin, faut le dire vite ! En attendant, on va faire bol ! J’ai calé une maille, j’ai encerclé, on la voyait sauter, dis... On a eu 7,5 tonnes de sardines, et attends, il devait y en avoir le double sinon 20 tonnes mais j’ai levé les plombs pour ne pas crever le filet. Écoute, c’est pas compliqué, à 9 heures le soir, avec le mareyeur, on était encore à charger le camion. Aqui tabe, can sei annat per l’argent, là encore, quand je suis allé encaisser, il m’en a donné 2F 50 du kilo !


- Aujourd’hui, j’ai vu le maquereau à 6,90 euros.
- C’est qu’on mange plus du poisson comme avant, c’est devenu du luxe alors qu’avant les pauvres pouvaient se le payer et je te dis pas par chez nous, tout frais pêché...
- Et oui, quand l’appariteur annonçait Saborit sur la place avec lou bairat (le maquereau) de Las Cabanos !
- Tè, on avait beau dire que la viande était idéale pour les travailleurs de force, seuls les riches en mangeaient souvent... Tiens, tu parles de Fleury... Tu sais que j’étais bien avec Soldeville justement, le boucher... Ero un cassaire, c’était un chasseur et moi aussi j’ai eu chassé quand j’étais jeune aux Cabanes et quand je tuais le lièvre, Isidore, s’appelabo : «Isidore, on fait échange standard...

         - Qu’est-ce que tu me proposes ?
        - Et bé, voilà, je te propose (j’étais maquignon aussi...)... le lièvre il fait 4 kilos contre autant de bidoche !
        - Ça marche qu’il répond le boucher ! Garde-moi les ! Tout ce que tu peux tuer, je prends !
Ma mère était contente « tu as fait une bonne affaire » qu’elle m’a dit... Eh, faut se débrouiller ! Lui, je pouvais y compter. Une fois j’en ai eu trois de lièvres (3) ! Il venait, Isidore, aux Cabanes, il tournait même dans les campagnes...
Il avait une fille, qu’il la couvait comme la prunelle de ses yeux...

(1) littéralement : pressé, serré au point de pourrir comme le fruit du panier qui gâte les autres.
(2) « Meleto, s. f., nom de divers petits poissons de mer qui ont une bande argentée sur les côtés ; argentine, joel athérine.../... PROV. « Per prene un toun, asardo uno meleto. »  Mistral / Trésor du Félibrige.
« melet » peis = sardinelle / « meleta » peis = sprat Dictionnaire occitan-français Arve Cassignac. 
(3) en occitan, "lèbre, lèbro" est du genre féminin. 

Photos autorisées 1. Banc de sardines (wikipédia). 
2. Publicité dessin de Benjamin Rabier. 
3. Le lièvre de la Fontaine toujours de B. Rabier. (si quelqu'un le demande, pour le prix d'un, j'ajoute celui qui est avec la perdrix, plus conforme aux lièvres d'Yves !)