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mercredi 15 mars 2017

LE CERS QUI PASSE SUR LA GARRIGUE M’A RENDU FOU ! (fin)




Il se peut qu'on dise « tramontane » comme on dit « foehn », ou encore « catabatique », pour ce vent polaire terrible ! il s'agit d'une circulation d’air entre des reliefs et une zone plus basse, souvent caractérisée par un assèchement de l’atmosphère... Soit, mais j’espère qu’en de nombreux pays et terroirs, ces vents ont la chance de porter un nom bien à eux. Bora ? Meltem ? et chez nous, le Cers, fils du Languedoc à l’instar du Mistral plutôt fils de Provence ! Les écrits en attestent : nous avons vu ce qu’en disait l’auteurE en langue occitane, Jeanne Barthès de Cazedarnes, de son nom de plume Clardeluno. Revenons sur la portée de ses mots.  

Loin du parler languedocien populaire, les paroles de Clardeluno, bien que d’un abord précieux, élitiste, défendent une langue occitane historiquement rabaissée au rang de patois vulgaire par un colonialisme assimilateur. Hier, encore une parenthèse, j’écoutais une ancienne ministre, toute de culture et d’amour de la langue et qui ne s’est jamais laissée démontée par de vociférants députés, sexistes, vulgaires et , affirmant que son niveau de langue restait toujours le même quel que soit son public... Chapeau bas pour une forme de respect loin des rapports dominant-dominé...  

Suite à un énième plaidoyer pour le Cers presque sur deux millénaires,  passons aux contresens et autres non-sens qui rappellent à toute une brochette de condisciples le cher professeur Sansonetti, Etienne de son prénom, à Victor Hugo, LE collège (lycée) de garçons de Narbonne. Ses mauvaises notes qui nous ont tant fait souffrir ne tendaient néanmoins qu’à nous élever, fût-ce par rapport à une barre bien haute... sauf que nous n’avions pas l’âge d’en accepter la finalité. Sinon, c’est la page 166 de l'Antoulougio Escoulario de Lengadoc qui me renvoie à une grande perplexité existentielle concernant la Baptistine, vous savez cette belle que les rugbymen voudraient légère, quand ils la chantent dans le bus, sur l’air de « Viens Titine »... Toujours l’histoire de la fille sur un perron et censée se promener :

« La Baptistino al perroun amé soun amourous
se passéjaboun toutis dous, se fasion de poutous... »  

Ce "perroun", justement, pour mieux nous embrouiller, nous en retrouvons une version chez Achille Mir (Lou Lutrin de Ladèr) : «... countent coumo ‘n perrou...» sauf que ce perrou là, une note le précise, n’est qu’un "Homme plaisant". De là à voir une redondance dans l’amoureux de la Baptistine "... avec son plaisant homme, son amoureux...". Un couplet plus loin, le doute n’est plus possible sur la tournure paillarde de la chanson évoquant des cambajous, des jambons qui ne sont pas ceux de la troisième mais de la quatrième mi-temps... Opportunité pour relancer un appel à quiconque aurait les paroles de cet air à chanter le vin et la femme...

Je doute que la tête puisse vagabonder ainsi lorsque, à vélo, on entreprend la côte (1) qui, depuis la vallée du Vernazobre et par Pierrerue, mène aux garrigues de Cazedarnes, même si le vent, soufflant dans le bon sens, aide à monter. Forcer sur les pédales et le guidon sans réaliser que le Cers qui n’oublie rien règne ici et qu’à sa cour, Clardeluno et Pierre Alias, le pauvre camarade de papa dont la famille avait des vignes à Fontcaude, ont leur place. Il y faut des dizaines d’années pour enfin entendre ce qu’il m’a soufflé à l’oreille, que tout ce qui reste en mémoire n’est pas mort. 

En languedocien : 
"... Qu'un pople toumbe esclau
Se ten sa lengo, ten la clau
Que di cadeno lou deliuro (2)." Mistral. 

« ...Le vent qui vient à travers la montagne m’a rendu fou... »  (Hugo - Brassens)

(1) une centaine de mètres de dénivelé... une de mes sorties de l'époque, soif de tailler la route pour alimenter des envies d'ailleurs et avant tout des "rêveries de pédaleur solitaire"... 
(2) "Qu'un peuple tombe esclave 
S'il tient sa langue, il tient la clé
Qui des chaînes le délivre" Mistral.

Note : cette modeste chronique est le troisième volet, avec le souvenir de Pierre Alias, le copain regretté de papa (extrait de Caboujolette / parution 2008), sur le Cers de la moyenne et basse vallée de l'Aude, depuis les Corbières jusqu'aux collines de l'Orb.


Crédits photos commons wikimedia : 
1. Pierrerue auteur Christian Ferrer.
2. Vernazobre à Babeau-Bouldoux Author Fagairolles 34
3.  Puisserguier gourg de frichoux auteur Charliebube

vendredi 10 mars 2017

LE CERS QUI PASSE SUR LA GARRIGUE ME RENDRA FOU ! / le nom de vent le plus vieux de France !

Et bé oui, cette atmosphère qui nous laisse tant aimer notre pays, souffrez que je la fredonne, en restant à ma place. C’est que Brassens vient aussitôt chanter Gastibelza sur la « Guitare » de  Victor Hugo. 


On ne trouve que ce qu’on veut bien chercher aurait dit Monsieur de La Palice. Mais parfois on trouve alors qu’on folâtrait ailleurs.
Ainsi, en feuilletant (c’est aussi une manière d’aborder un ouvrage) l’Anthologio Escoulario de Lengadoc (Roudès 1931 / Ediciu de la Mantenencio de Lengadoc), donc avec une bonne part de hasard, j’eus l’heur et le bonheur de trouver et ce que je cherchais et ce que je n’aurais pas cherché tant un contresens et un non-sens pourtant flagrant m’agréait... Mais, comme en amour où il est si difficile d’accorder la préséance au sentiment ou au désir, ma recherche qui se voulait structurée n’avait pas anticipé que « le vent qui vient à travers la montagne » me rendrait fou !  

Allons, cherchons... « Je cherche après Titine », mais non même si Charlot dans les temps Modernes, en donne une version exceptionnelle ! Non, ce doit être un plaidoyer, méthodique, construit, pour rétablir dans son honneur, le Cers des Romains. Le Cers, porterait-il le plus vieux nom de vent de France ! pourtant si ignoré, méprisé par l’ignorance ethnocentrée des people de la météo, de ces médias propagandistes qui se doivent de rester souriants, optimistes voire doucereux suivant les circonstances... Au moins que le bon peuple des "veautants" dorme sur ses deux oreilles, tondu et cocu ! 


Mais revenons à notre propos et là, dans cette anthologio, à la partie « Béziès-Sant-Pouns », parce que Pierre Alias, le regretté camarade de lycée de papa, avait parlé de Clardeluno (1), nous avons au moins deux raisons de chercher la poétesse de Cazedarnes ou d’un hameau proche. Et là, quelle n’est pas ma surprise de retrouver notre Cers, toujours avec la majuscule, plus haut que prévu, balayant même les collines du Minervois et peut-être, de ses rafales fulgurantes, au-delà des rives de l’Orb, toute la mer de vignes du Biterrois.

Dans Lisou (roman), « Mars dins lou Bas Lengadoc / ... las vignos que dejà laguejaboun.../... lour cabelladuro d’argent desplegado e rebufelado sens fin per lou vent de Cers.../... pei las alenados del Cers escoubilhaboun tourregans e rantèlos... »
Au mois de mars en effet, il n’est pas rare que la vigne « laguejo », rendant visibles les alignements de ceps, les rangées (de souches) dit-on notamment lors des vendanges, grâce aux bourgeons ouverts laissant sortir la pointe des premières feuilles vert tendre toujours dépliées et ébouriffées sans fin par le Cers. 


Puis, les exhalaisons, les bouffées du Cers balayaient (à rapprocher des équevilles de Lyon, du latin scopa [balai] puis scova puis escova et escovilla...) les gros nuages (le tourregan particulier au couloir audois, poussé par le Cers, défile rapidement depuis l’horizon ouest). Les rantèlos sont de légers nuages blancs souvent en formation... le bon maître Mistral cite J. Laurès : 

« A fusat len d'aici coumo fuso l'estelo
 En daissant darrès el uno fousco rantelo. » 

(1) pseudonyme de Jeanne Barthès (Cazedarnes 1898 - Cessenon 1972). Avec d’autres femmes auteurs membres du Félibrige, dont Philadelphe de Gerde (Claude Duclos-Requier), Calelhon (Julienne Fraysse-Séguret) et Farfantello (Henriette Dibon). Membres du Félibrige, elle a écrit en occitan alors que notre langue était de plus en plus étouffée par la morgue hégémonique du jacobinisme parisien... ce qui, serait-ce de façon insidieuse, perdure...  

Crédit photo : 
n° 2 extrait de carte IGN 65 Top 100 Montpellier-Béziers (2000). 
n° 3. après le débourrement auteur Véronique PAGNIER (je ne sais pas si on ne dit pas chez nous, et probablement par erreur, "débourrage" ?).