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lundi 24 septembre 2018

NOUS LES REFERONS ENSEMBLE, LES VENDANGES… / Fleury d'Aude en Languedoc


Finalement, en relisant ses écrits, j’en sais davantage que lorsque j’habitais au village. Heureux ceux qui tiennent un journal quotidien… Avec le temps, le train-train, la routine cristallisent en témoignages de plus en plus précieux.   

Papé Jean au Mourre, une vigne sur la route des Cabanes, avant de monter dans la garrigue de Bouisset. Photo François Dedieu

Papé et tonton qui finissent de charger au Courtal Cremat, sur la route de Saint-Pierre.
Photo François Dedieu

Lettres de François Dedieu (1922-2017) ; extraits :  

Du 6 oct 1994.  « … Les vendanges sont terminées depuis une quinzaine de jours et se terminent dans le Minervois et dans la région de Carcassonne-Limoux… / … Voilà huit jours, les vendanges battaient encore leur plein dans le Minervois héraultais et nous avons vu d’assez nombreuses « colles », ce qui nous changeait des machines rébarbatives et froides de notre « pays bas »… »

Du 24 sept 1996. « …Depuis ton départ, le temps a pris une allure automnale dès avant l’arrivée de la mauvaise saison, les matins se sont révélés plus frileux (11 ou 12degrés à peine) et la pluie s’est mise de la partie pour contrarier des vendanges qui n’ont plus le charme ni l’ambiance d’antan et font circuler dans nos rues ces monstres modernes que constituent ces énormes machines obligées quand même de s’arrêter si les propriétaires ne voulaient pas ajouter trop d’eau dans les bennes, à cause des secousses imprimées aux ceps. Avec le cers salvateur et un timide soleil retrouvé, les travaux ont repris, même s’ils passent pratiquement inaperçus. La récolte est faible en degré et ne va sans doute pas constituer un fameux millésime… Et les vendanges d’autrefois défilent dans ma tête, avec leurs couleurs et leurs bruits, la théorie des chariots se dirigeant vers les vignes à l’allure de nos anciens chevaux de trait, percherons, bretons, ardennais, voire ariégeois ; leurs travaux pénibles aussi, surtout les premiers jours où il fallait s’habituer à voir les autres libres dès l’arrivée au village alors que les tout petits exploitants que nous étions devaient achever leur journée de labeur à la lueur vacillante de la bougie, les jours devenant plus courts et les comportes devant impérativement être vidées dans les foudres. Avec cela, papé Jean commençait parfois sa longue journée à quatre heures du matin, pour profiter un peu de la pression de l’eau qui permettait de laver les cuves. Et chaque jour il fallait bien étriller Lamy et lui permettre de manger avant le départ. 

Vignes à Bouisset en 2014.

Vigne à Bouisset où la pointe de la Clape domine la plaine de l'Aude. Au fond, le village de Vendres.




18 heures ; Nous sommes allés cet après-midi à Bouisset et avons constaté avec plaisir que quelques « colles » de vendangeurs se trouvaient dans les vignes, bien entendu avec des tracteurs et la hotte, mais sur la droite de la route en allant vers Les Cabanes, un garçon chargeait sa remorque avec des comportes de bois, chose rarissime de nos jours. Malgré le vent, et sans doute grâce à lui, le soleil était de la partie, ce qui ne gâtait rien… »

25 sept 1996. « … Vers huit heures et demie j’ai aperçu mon neveu qui m’a fait un grand signe de la main. Il amenait une benne de raisins à la Coopé. Son beau-frère et associé, lui, s’est démoli le pied en chassant un chien-loup venu attaquer son chien. Il marchait péniblement avec deux béquilles. Je ne sais pas s’il a repris les vendanges… » 

Depuis Bouisset en regardant vers les collines de Nissan-lez-Ensérune (au fond).

Côte de Bouisset, la route passe le seuil de la croix de la Belle, de la Bello, à l'origine de l'Adèlo. Vigne de mon pauvre cousin Jojo, sauf erreur de ma part...  

vendredi 5 janvier 2018

DE L'AIR, AQUEL MOUNDE ! comme disait la Séraphie du bureau de tabac !


Zuckerberg, le patron de facebook devient plus que collant... fa cagar pour le dire sans fioritures ! 

Figurez-vous que j'ai eu quelques étincelles avec une Dominique qui m'a mis une mauvaise note parce que les Audois seraient désagréables et méchants ! 

Qu'est-ce que Fleury a à voir avec son ressentiment ? J'ai seulement répondu que ce qui était excessif était insignifiant et que généraliser n'était pas honnête. 

La dame n'en démordant pas, avant de la bloquer, j'ai conclu avec une pensée pour Séraphie "De l'air, allez déverser votre bile ailleurs !" As paï vist !

Et là, Zuckerberg efface tout cet historique sauf la mauvaise note... c'est vrai que Facebook devient pegous et chiant avec leurs répétitions, leurs sollicitations continues, les injonctions gnagnagna "vos amis n'ont pas de nouvelles depuis longtemps", les incitations à racler du fric... Des ingérences dans le privé qui feraient perdre le plaisir de ce lien renoué, entretenu parfois loin par le passé...

Garo que encaouro un pou e daissi tout toumbar macarel ! 

Dessin d'après une carte postale ancienne que certains rapiasses s'accaparent... toujour pensount à faïre d'argent ! Les locaux reconnaitront l'affenage où Séraphie ouvrit son tabac en tant que veuve de guerre... si je ne dis pas une bêtise ! 


samedi 20 mai 2017

AUX CONFINS DU TERRITOIRE COMMUNAL / Fleury d'Aude en Languedoc.


Les caprices de l’Aude, fleuve aussi travailleur que coléreux, l’ont poussé à serpenter dans ses dépôts accumulés (1) : des errements plus marqués encore aux abords respectifs des déversoirs naturels que sont pour les crues les étangs de La Matte (Lespignan) et celui de Vendres.
Concernant Salles-d’Aude et Fleury d’Aude, ces sinuosités ont porté les limites des communes et du département au-delà du lit canalisé actuel. Aussi, quand nos voisins héraultais nous lancent des piques sur notre supposée propension à les envahir, nous n’avons, avec un sourire égal et la complicité de ceux qui s’apprécient pour se chicaner depuis les temps historiques, qu’à leur rappeler cette réalité géographique. 


Ainsi les limites septentrionales de Salles et de Fleury se trouvent à la même latitude que les Orpellières au bord de l’Orb (Sérignan-Plage, au-delà de Valras). La proximité étant plus parlante, c’est à la même hauteur que le domaine de Clotinières. 

Après le mas des Lauzes, un temps guinguette au début des années 90, avant Clotinières et les tournants où la Dame Blanche, à en croire les vieilles histoires, aurait évité bien des accidents, il faut prendre à droite, le chemin vicinal à peine au-dessus du niveau de la mer. Depuis le Pont de la Muscade, plus de narcisses dans les prés. Plus loin, à moins de faire erreur, un drôle de tamaris à la floraison argentée. Sur un pontet, des femmes, armées de monoculaires sur pied, de ces lunettes très grossissantes pour observer... des ornithologues peut-être. 
  

Au loin de grandes ailes blanches aux lents battements, qui ne s’élèvent que pour passer un alignement d’arbres. 

  
 
Au carrefour de l’accès privé au domaine de Saint-Joseph, nous laissons l’Hérault : c’est l’ancien lit de l’Aude. Nous sommes bien à hauteur des bâtiments de Clotinières. Des frênes puissants se plaisent «... sur les humides bords des Royaumes du vent... ». Des canaux se croisent aussi et les massives martellières laissent imaginer les quantités d’eau qui peuvent affluer ici. 
  
 
 

Majestueux, un rapace explore lentement... Plus gros qu’une buse, un busard des roseaux ? Je me demande. Si le Cers souffle, des escargots traînent encore sur le goudron. La longue ligne droite rejoint les bords d’Aude. Les vignes ont souffert du gel d’avril, les nouvelles pousses, rouillées et crispées, en témoignent. Pilleurs, avec Jean, pour les gros nids de pies qui de loin nous faisaient signe, nous venions jusqu’ici tant la concurrence était rude. Les arbres isolés n’existent plus : le remembrement a eu raison un jour des parcelles trop petites pour ne pas disparaître. Et à présent, on peut aller jusqu’à s’étonner de ce vignoble en plaine. L’heure n’est plus aux gros rendements ; la jolie cave coopérative de Lespignan, avec ses beaux raisins en relief sur la façade, a disparu, elle aussi.  

  
     

(1) parmi les fleuves les plus travailleurs de France avec 4 millions de tonnes de dépôts par an.  


crédit photo : 1. IGN (Institut géographique National) 

mardi 18 avril 2017

UNE SAINT LOUP BIEN ARROSÉE ! / Fleury en Languedoc


Lundi de Pâques. Si à Coursan on fait « Pâquette(s) », à Fleury, comme dans bien d’autres localités de l’Aude, on fête Saint Loup. L’occasion de faire un grand pique-nique avec l’omelette ou les œufs de Pâques à l’honneur. Les familles, les groupes de jeunes s’égaient dans la garrigue, les prés, la plage ou les pins au bout de la barre de Périmont.

Saint-Pierre a tant changé depuis ces années 60. Au bout de l’échine pelée de Périmont il ne reste que quelques pins. La garrigue à kermès s’est couverte de maisons (on disait « villas » du temps où le mot marquait une certaine fortune) et de résidences. Le transformateur au bout n’existe plus. Il pointait au-dessus d’une grotte donnant, plus bas, sur une grande salle souterraine et un lac en miroir. Le courant servait à pomper l’eau que des prophètes doublés de techniciens promettaient depuis longtemps aux estivants de Saint-Pierre-la-Mer.
 

Cette fois, les copains sont venus, Georges de Narbonne, Antoine d’Ouveillan. Quant à Joël, il devait être auprès des siens, chez ses grands-parents, à Trouillas (j’ai pensé à lui, un peu troublé, avant hier, parce qu’une émission sur les amandes nous a montré un chocolatier de renom, apprenti pâtissier parce qu’il ne faisait rien à l’école, et qui replante des amandiers, si ému de la portée de son geste (1)).
 


Qu’est-ce qu’on a bien pu manger ? Je crois bien que l’amitié, le plaisir d’être ensemble ont constitué l’essentiel du menu. Le ciel est bien dégagé. C’est une belle journée, ensoleillée malgré un Cers un peu frais. Le printemps certes, mais pas un temps à se baigner. La plage est toute encombrée de ces bois flottés que l’Aude a charriés. Et concernant des jeunes qui spontanément, déconnent, qui a eu l’idée de génie ? Ce qui est sûr est que l’enthousiasme a été général ! Dans une vitalité tout à fait à l’opposé du tableau offert par les morts-vivants des rescapés de la Méduse, un radeau est assemblé : une corde, quelques mailles d’un filet déchiré, un bidon en fer à l’origine plein d’huile d’olive, un baril, un tonneau à fourrer sous une structure que les flots ont échoué, providence de robinsons, sur le sable. Mise à l’eau. Recherche d’une fragile stabilité à l’aide de perches tordues. Deux naufragés partent chercher du secours ; le troisième, resté sur la grève, agite les bras. Au début, des salutations, des encouragements puis les cris disent bien qu’il faut revenir, que le vent emporte l’esquif vers le large alors que les deux navigateurs rient à qui mieux mieux quand l’équilibre menace de les envoyer à l’eau. Bien obligés pourtant, de quitter le navire ! Antoine sans plus hésiter une fois le danger compris, Georges, plus cabochard après avoir néanmoins essayé de faire demi-tour, en jouant de sa partègue.
Déjà nos fiers marins n’avaient plus pied ! Eux partis fringants pour des courses lointaines s’en retournent rigolards de ce slip kangourou pur coton mais pendouillant, trempé, jusqu’aux genoux et qu’il faut retenir d’une main ! Et pour finir la journée à s’en taper le ventre, mes deux lascars m’envoyèrent aussi à la baille ! Nous nous sommes séchés en regardant le radeau jouer à cache-cache avant de disparaître dans le bleu foncé du Golfe du Lion. 
Merci Saint-Loup, saint patron des franches rigolades.             

(1) "Les amandes d'ici ont, en effet, une saveur incomparable pour le professionnel, mais leur approvisionnement reste complexe tant la production est minime et la filière peu ou pas organisée. Pour le chocolatier, "on n'a jamais trouvé une amande espagnole ou californienne du niveau de la française". Pour ses recettes, il recherche "un goût parfaitement stable" et c'est une variété spécifique qui le lui donne. Il s'agit de la Feragnès, réputée pour sa grosse amande au goût fin et sucré... /...
... Faire l'acquisition de culture d'amandiers est un acte militant, "un engagement indispensable à l'heure où cette filière à tendance à disparaître de France"... 
http://www.lindependant.fr/2014/08/06/des-amandiers-a-croquer-pour-le-chocolatier-patrick-roger,1915330.php 


lundi 3 avril 2017

ODE AU-DELÀ DU DELTA... (2) / Aude au delta caché









photos : 1, 2, 3. canaux anti-débarquement de la deuxième Guerre Mondiale. 
4 & 5. Étang de Pissevaches (Fleury d'Aude). 
6, 7 & 8. Flore des dunes. 

L’Atax (1) des Romains ne se vante jamais d’avoir enfanté, à force de sédiments, ces terres basses depuis Capestang jusqu’aux Cabanes-de-Fleury en passant par Salles, Fleury, Lespignan et Vendres, sans oublier au sud la plaine narbonnaise ainsi que les atterrissements autour de Gruissan et au-delà des îles Saint-Martin, Sainte-Lucie, par ce bras abandonné, devenu Canal de la Robine, jusqu’au débouché de Port-la-Nouvelle.

Marges floues aux calmes vénéneux que seuls des vents fous peuvent balayer. Platitudes qui transportent vers un horizon incertain, aux confins de la vie, de la mort, vers un éternel recommencement. Va-et-vient fougueux ou paisibles, féminité au goût de sel d’une mer qui monte, virilité doucereuse d’un fleuve qui pénètre. Vents tempétueux, flots impétueux que le ventre chaud de la mer attire. Le mourir du désir, d’étreintes impérieuses mais si vulnérables. Le mourir des desperados. La mort plutôt que l'inconsolable. Les fantômes tragiques de Mirèio ou Magali et cette Lydie au prénom grec, mirage de quelques rencontres au milieu des saladelles...

Le delta, potentialité d’un au-delà, indéfinissable et pourtant palpable, plus tangible et positive que la négation de « La possibilité d’une île »... « Le bonheur n'était pas un horizon possible » (Michel  Houellebecq / Fayard / 2005). Le delta fera toujours rêver... Un domaine ne portait-il pas ce surnom de « Californie » ? Un autre ne se qualifie-t-il pas comme étant celui « Du bout du monde » ?

Sous les trains de nuages qui se poursuivent, un poète si frais et pourtant trop lucide pour son âge n’a pas tant bavardé pour l’exprimer :

«... Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, ~ heureux comme avec une femme. »
Arthur Rimbaud / Poésies / Sensations / mars 1870 (plus près de ses quinze encore que de ses seize ans !)     

(1) « Atacos, Atax, Attagus ». "Atacos" peut-être pour « très rapide, fougueux » aurait aussi donné le nom du peuple des Atacini. http://www.arbre-celtique.com/encyclopedie/atax-atacos-aude-808.htm

mardi 14 mars 2017

AUX COPAINS RESTÉS EN ROUTE / chronique à quatre mains.


Question de génération, question de vécu : lorsque nous prenons conscience que plus on remonte dans le passé, plus les conditions de vie étaient dures, sans compter les guerres par-dessus, nous nous devons de ne pas donner dans l’anachronisme, une bourde des plus communes.
Ainsi la retenue souvent affichée pour que la sensibilité ne s’épanche point l’est seulement d’apparence d’autant plus, qu’à l’extrême, la sensiblerie décrédibilise tout sentiment. Ainsi, si c’est toujours avec pudeur que l’émotion est contenue, elle n’en est pas moins présente...
Notre parler, d’ailleurs, en témoigne lorsque parlant de quelqu’un qui n’est plus, il fait ajouter devant le prénom, « le pauvre » en occultant que les pauvres sont aussi ceux qui restent. C’est aussi le cas de la mémoire qui revient et entretient à chaque occasion le souvenir d’un disparu, du moins dans les familles où les plus âgés, en principe, tiennent à faire passer de ce qu’il savent sur les leurs et un cercle plus ou moins large autour.
Restons en là de cette réflexion, sachant que nous avons tous, parmi nos chers disparus, des copains restés en route avec peut-être encore cette idée que reste vivant celui dont on parle encore et surtout, en tête, ce vers du grand Hugo, sur ce même thème, « Les morts, ce sont les cœurs qui t’aimaient autrefois » (poème "A quoi songeaient les deux cavaliers")...  


Parmi les copains qui reviennent plus volontiers, mon père est intarissable sur son ami Yves de Trausse Minervois, son complice des années lycée à Carcassonne. Il saurait évoquer Léon de Montréal, à vélo entre Bram dans la plaine et ce dernier pli du Razès face à la Montagne Noire, voire la cave paternelle où ils dégustaient à tous les goulots, rajoutant de l’eau sans vergogne pour que leur forfait passât inaperçu ! Et puis il y a Pierre si vite parti ailleurs. 


Dans Caboujolette, par le biais de quelques lettres, il en trace un portrait poignant, tout de modestie, de non-dits empreints de cette décence muette propre à ceux qui, parce qu’ils ont vécu, ont côtoyé trop de malheurs dont ceux, en forte proportion, hélas imputables aux hommes.

La première lettre apparaît dans son journal de 1939, sous le titre « Grandes Vacances ». Pierre l’envoie de Carcassonne le 24 juillet ; le cachet indique 17h 25 ; François la reçoit à Paris le lendemain après 10 h (1), un second cachet en faisant foi.
Pierre écrit en languedocien et parle même de "patois" (2) tant les attaques contre les langues minoritaires ont fait du français, porté aux nues en tant que langue de la liberté, un vecteur d’oppression...
Il cite toujours le début de la Respelido, la renaissance de la langue du Midi, initiée par Frédéric Mistral (3) et commence toujours par « Moun brave amic » : 

« Nautre, en plen jour
Voulèn parla toujour
La lengo dóu Miejour,
Vaqui lou Felibrige ! »

Il doit envier un peu son copain François qui a eu la chance d’être invité à Paris mais, faisant presque référence à Joachim du Bellay, il met en avant l’attachement au village natal : «... debes langui un pauquet de tourna à Fleuris...».
Pierre voit aussi quelques uns de ses professeurs arpenter la Rue de la Gare où se promène le tout Carcassonne. Il a même vu passer le Tour de France. Si la ville a des airs de gros bourg où tout le monde se connait, il n’en regrette pas moins d’être plutôt à Fontcaude où les vignes auraient moins souffert du mildiou. Mais il doit réviser (peut-être un rattrapage en septembre ?). 


On sent le souci de structurer, d'encadrer son propos du classique schéma si commode pour la rédaction : Introduction, développement, conclusion. Ainsi, il prend congé en signant de son surnom « Buto-Garo » et en rappelant l'amitié qui les lie : « Toun amic » ou « Toun amic que te saro la ma, Pierre Alias ».

Une autre lettre (est-ce la seconde de cet été 1939 ? ), date du 9 août. Mon père prend soin de préciser :
« ... Grandes vacances sous menaces de guerre.
Le samedi 2 août est le premier jour de la mobilisation générale.
Dimanche 3 août 1939. la Grande-Bretagne et la France déclarent la guerre à l’Allemagne. »

Pierre est si content d’avoir reçu quelques mots dans notre langue maternelle, son ami François étant plus « assimilé », dirons-nous, plus convaincu que la référence à « La deffence et Illustration de la langue Francoyse (1549) », que le rayonnement "universel" du français, doivent faire taire l’étouffement de l‘occitan, langue minoritaire pourtant bien plus ancienne (4).
Pierre regrette de ne pouvoir aller à Fontcaude que pour les vendanges. Il aimerait passer à Fleury aussi, pour le plaisir de discuter autour d’un verre, sans oublier de parler d’une météo avare de chaleur au point que les raisins ont du mal à mûrir.

Dix-neuf ans, un bel âge pour nos garçons si le destin n’en décide pas autrement... mais n’interférons pas davantage, laissons la parole à François (Caboujolette 2008, page 253) :

«... Et malgré moi me reviennent les vers d’« Oceano nox », appris par coeur dès la sixième à Carcassonne. C’est une vieille habitude. Le 24 juin 1941, j’étais allé à Carcassonne, après avoir reçu de la famille Alias un télégramme des plus inquiétants : Accident très grave arrivé à Pierre...etc... suivi sans doute par celui qui fixait le jour des obsèques. Avant de repartir pour Fleury, j’avais voulu acheter un livre d’allemand : FAUST, de Goethe, dans la collection bilingue des classiques étrangers. 40 francs : c’était assez cher... Je devais inscrire sur la feuille de garde : Acheté à Carcassonne le 24 juin 1941 en souvenir de mon ami regretté : Pierre noyé le dimanche 22 juin 1941 dans l’Aude. F. Dedieu.
« Ô flots, que vous savez de lugubres histoires ! » (Victor Hugo, Oceano Nox).

Après l’enterrement, monsieur Alias, son malheureux père, m’avait dit : « Ne l’oubliez pas trop vite. » Soixante-six ans après, je n’ai toujours pas oublié. »

Victor Hugo juxtapose la noirceur, la furie des flots tempétueux et ces marins disparus sombrant avec le temps dans les mémoires. A voir les rives si bucoliques du Païcherou, avec la guinguette des dimanches au bord de l’eau, on se défend de penser aussi à ces accidents si communs. Après le barrage le flot encore clair d’une Aude venue des montagnes, murmure le prénom Pierre sur les cailloux avant de le rouler plus profond dans sa plénitude de fleuve jusqu’à la mer mais c’est la dernière des raisons... soixante-seize-ans maintenant que papa n’oublie pas l’ami qui lui serrait si joyeusement la main... 


(1) la Poste fait-elle mieux aujourd’hui ? 
(2) les révolutionnaires disaient aussi « idiomes féodaux » !
(3) Mistral, par ailleurs très conservateur sinon réactionnaire, parle de « résurrection ».
(4) avec le temps et un certain recul, sans pour autant que cela exprimât une revendication identitaire, le penchant naturel pour la langue des aïeux s’est affirmé : ses parents ne parlaient-ils pas que languedocien entre eux ? Et son oncle Noé bien aimé, aurait-il eu tant d’effet sur lui sans cette langue indissociable du tempérament méridional ? «... lou fial d’or que nous estaco a nostre terro, a nostre cèl !..», ce fil d’or qui nous attache  à notre terre, à notre ciel, si bien chanté par notre poète sallois Jean Camp, en partage des vals alpins d’Italie aux vallées des Pyrénées et jusqu’aux plaines du Bourbonnais. Et que nos Jacobins franchouillards ne viennent surtout pas ramener leur arrogance coutumière si mal venue, ces internationalistes si enclins à émanciper au dehors et à coloniser au dedans : nos poilus de 14 parlaient occitan... s'il n'y avait eu que les Parisiens pour défendre la France ! Non, le Sud n’a pas de leçon à recevoir d’eux ! 

crédit photos : 1. Cazedarnes Autor Fagairolles 34 
2. Montréal Aude Auteur Profburp 
3. François Dedieu collection personnelle 
4. abbaye Fontcaude Author Fagairolles 34 
5. Carcassonne Aude & Cité Author Benh LIEU SONG

mardi 3 janvier 2017

BONS VŒUX POUR 2017 / Vœux en Occitanie


Si on entrait dans la nouvelle année le 25 décembre (c'était le cas sous Charlemagne et les vœux sont encore souvent exprimés à Noël en Provence) (1), la date a pu varier pratiquement jusqu'au 1er avril.

Quelques souhaits exprimés pour le nouvel an :

" Bona annada
Plan granada
De plan maitas acompanhada "  

« Vous soueti la bouno anado Dé pla acoumpanhado »
Lou souc de Nadal

" Bonjorn e bon an nou !"

" Bona e urosa annada "

" Bona annado, pla granado !"

" Bona annada de forças autras acompanhada !"

"Bonjorn e bona annado melhora que la passada !"

" L’an que ven es un brave ome que promet tot ço qu’om vol. cadun pren e cadun dona, bona annada e bon an nou. "

" Per tant pichonet que siogesse, ie ei passat pel pont malgrat le fret e la torrada per vos souetar la bona annada."

   Celle ou celui qui recevait les souhaits répondait parfois d'une formule facétieuse, en
manière de plaisanterie ou de familiarité :
" Ieu, soi de Carcassona,
Qual me la soèta
Me la dona !"
Moi, je suis de Carcassonne,
Qui me la souhaite
Me la donne !
   Puis il donnait une friandise ou une petite pièce de monnaie et les enfants prenaient congé
en souhaitant les meilleures choses du monde :  

"Que l'an novèl
Vos siaga encara pus bèl !
Que l'an nouveau
Vous soit encore plus beau !

Qu'ajètz de blat
Duscas al teulat !
Que vous ayez du blé
Jusqu'au toit !

Qu'ajètz tant de drollons,
Coma de plècs als cotilhons !"
Que vous ayez autant d'enfants
Que de plis aux jupons !

Il arrivait parfois que la personne visitée et honorée soit des plus pingres. Si elle ne
donnait rien en échange de leurs voeux, les enfants marmonnaient entre leurs dents :
"Que la foira t'escane
Tota l'annada !"

Que la diarrhée t'étouffe
Toute l'année !

"Que lu chiol te pruse
Coma un sac de piuzes !" (2)

Que le cul te démange
Comme un sac de puces !

De nos jours, au moment de trinquer au nouvel An, les anciens disent souvent :
A l'An que ven
Se sèm pas mai,
Que siaguèm pas mens !

(1) Marcel Pagnol fait dire à Lili, son copain des collines : " A l'an que vèn, si sèn pas pus que siogessen pas mens !" À l'année qui arrive, Si on n'est pas plus, Que l'on ne soit pas moins
(2) les Chevaliers du fiel rajoutent (dans l'esprit)"... et que ton bras trop court t'empêche de te gratter !" 



photo autorisée 1 fragon ou petit houx (wikipedia) aut Fritz Geller Grimm
2 diplotaxis fausse rouquette derrière le moulin de Fleury.  

vendredi 11 novembre 2016

LES OIES DE GUINÉE DU 11 NOVEMBRE / Fleury en Languedoc.

Pour la fête du village, le cagnard pourtant bien exposé ne retentissait plus des blagues, moqueries et autres ragots coutumiers.
C'est qu'une baraque foraine se montait devant, une loterie où se gagnaient des oies de Guinée. 

Le tenancier venait de Courniou, dans l'Hérault, non loin de Saint-Pons, au pied des Monts du Somail, sur la route du Tarn.
Sa casquette et le mouchoir à carreaux sur le micro pour les postillons, complétaient l'ambiance rustique d'une époque où une volaille vivante ramenée à la maison causait le plus vif des plaisirs.
 

Il devait aller dans la soixantaine... j'allais dire plus mais on faisait plus vieux alors, à âge égal. De près ou de loin, la Grande Guerre avait dû le marquer.

Il devait y penser, c'est sûr, hors les heures d'affluence, quand il ouvrait et se préparait... Pouvait-il en être autrement ?

De l'autre côté du boulevard, au milieu des fleurs, depuis son poste d'observation, le Poilu du monument ne le quittait pas des yeux.
Il veille encore notre Poilu, donne à méditer et interpelle ceux qui le saluent intérieurement et qui ne craignent pas de croiser son regard. 



lundi 31 octobre 2016

PLUTÔT SE TAPER LA CLOCHE ! / Fleury d'Aude en Languedoc


En 1895, les paroles de Jean Prax (1), curé depuis 1890, traduisent bien la joie générale, et tant pis pour la "mandarelle" (2) qui aurait été fondue ou déménagée pour Notre-Dame-de-Liesse... Finalement, toute la population communie dans un même mysticisme, qu’il émane de l’esprit ou de l’âme. 

Personnellement, de savoir que mon arrière-grand-mère Joséphine vécut ces moments heureux et que nos cloches ont précédé de peu la naissance d’Ernestine et de Jean, mes grands-parents, de l’oncle Noé, de tante Céline, ne saurait me laisser insensible. Raison de plus pour que ma joie demeure !

Néanmoins, au temps de l’égoïsme exacerbé, quand certains voisins (et pas seulement les nouveaux arrivants) font taire le coq du matin et ne veulent plus entendre le message des cloches, oublieux qu’ils sont que leur baptême, avec parrain et marraine, dépasse le fait religieux et transcende sans conteste leur statut d’objet pour les intégrer à l’intimité villageoise, je regrette de faire entendre un autre son de campane, et si je ne veux pas de l’orage, de la foudre, de la grêle, juste pour être rassuré quand le clocher les éloigne, laissez-moi cependant regretter le 14 janvier 2003, jour fatidique de la descente des cloches, laissez-moi dire à ceux qui sont tout feu tout flamme pour le changement, que la discrétion apeurée des tintinnabulements trop timides du carillon me chagrine, que ces abat-sons qui renvoient seulement des tintements enfermés me déçoivent. Et si j’admets en partie l’argument de la vue retrouvée du clocher d’avant 1895, je ne vois plus, depuis la garrigue, même si mes yeux sont en cause, la petite aiguille, à une heure près, maintenant que le cadran de l’horloge est doublement rabaissé, sous les abat-sons et tourné seulement vers la place aux poires... Permettez aussi que je reste réservé sur les comptines jouées pour les enfants à la sortie de l’école ou ces chants patriotiques entonnés depuis ce lieu alors que le tocsin, dans le malheur, ou la libération du pays, pour un bonheur salué à toute volée, ne marquaient que des évènement heureusement exceptionnels. 
Le clocher en 2016
 En conclusion, sans polémiquer sur la manière peu démocratique, un peu à la cloche de bois inversée, d’induire un changement globalement dérangeant, acceptez la position que l’âge m’impose. Un âge qui, entre nous, m’autorise à penser que nos cloches ont aidé à ma mise au monde, la tradition l’admet... Bref, souffrez que les mots, admirables, de Montaigne sur l’amitié me fassent dire « parce que c’étaient elles, parce que c’était moi... » 

Et si, concomitamment, je n’y suis pour rien si ces pages à Fleury comptent autant dans ma ligne de vie, je souhaite, pour rester positif, que la nouvelle configuration du clocher marque, pour longtemps, la sensibilité de quelques uns, dans leur esprit ou leur âme, afin qu’au-delà des bisbilles, une certaine harmonie collective fasse perdurer la mémoire du village.
Alors, si je me fais sonner les cloches, croyez bien qu’au comble du ravissement, je ne saurais que bredouiller "Merci"...

(1) voir aussi l'article précédent DING, DENG, DONG.
Dans la liste des curés et vicaires (De Pérignan à Fleury / page 62) il semble que le vicaire J.L Astruc (XXème) parti ensuite à Termes et auteur du livre Termes en Terménès, manque à l’appel.
(2) De "mandar", presque comme en français alors que l’occitan admer le mandarèl, la mandarèla en tant que "convoqueur", "convoqueuse". 

photo 1 François Dedieu / tirée d'une diapo (1979) avec pour légende "Quand on regardait l'heure au clocher"... (à méditer).

dimanche 23 octobre 2016

LES TROIS CLOCHES / Fleury d'Aude en Languedoc


Dessin du clocher de Fleury du temps où les trois cloches trônaient sur la plate-forme, rythmant les heures, les joies, les peines, rapprochant la communauté villageoise.
Chaque message d'ici-bas daignant décrocher de très haut pour rebondir et se joindre aux voix familières et du voisinage, chacun, dans le secret de son esprit ou de sa foi les portait en soi avec un respect plus ou moins mystique. Je suis sûr, que les hommes, dans les terres, savaient jusqu'où elles portaient, nos cloches, suivant le vent, la température, la saison, le moment. Ils savaient aussi, si le glas sonnait pour une femme, un homme ou un enfant. Grave, le timbre des campanes vibrait longuement au plus profond des êtres. Plus léger, pour que la vie perdure, que la joie demeure, il entretenait la promesse céleste. Cette exaltation, entre le recueillement et la satisfaction modeste d’une journée bien remplie, Millet l’a si bien rendue avec ce couple de paysans en prière pour « L’Angélus ». 



ENCORE TROIS CLOCHES... 

Cette communion, le soir venant, entre le dur travail accompli aux champs (1), le bon vouloir des cieux et l’espoir fervent des hommes, est présente aussi, chez Victor Hugo célébrant cet autre temps fort des campagnes, celui des semailles :

« ... Pendant que, déployant ses voiles,
L’ombre, où se mêle une rumeur,
Semble élargir jusqu’aux étoiles
Le geste auguste du semeur. »
V. Hugo / Saison des semailles. Le soir.

 Le semeur de Jean-François Millet et celui de Vincent Van Gogh. 
Pour les enfants loin de tout comprendre, les cloches tintaient surtout pour rendre solennelles des joies plus terre à terre, certes à l’unisson des fêtes chrétiennes mais non sans une aura bienveillante pour des libations et des bonheurs apparemment plus païens. Quand je passe aux pins de Barral, la pensée me vient toujours que, vers mes huit ou neuf ans, le printemps m’offrit ici un « Premier matin du monde » et son souvenir poignant me travaille toujours davantage, un demi-siècle plus tard, tant je crains de ne pouvoir en transmettre aux plus jeunes que la vision nostalgique d’un paradis perdu.

(1) ils récoltent des pommes de terre. Dans l’œuvre de Jean-François Millet, figure aussi « Le semeur » toujours dans un travail jouant de l’ombre et de la lumière.

photos autorisées commons wikimedia.