Finalement, en relisant ses écrits, j’en sais davantage que
lorsque j’habitais au village. Heureux ceux qui tiennent un journal quotidien…
Avec le temps, le train-train, la routine cristallisent en témoignages de plus
en plus précieux.
Papé Jean au Mourre, une vigne sur la route des Cabanes, avant de monter dans la garrigue de Bouisset. Photo François Dedieu |
Papé et tonton qui finissent de charger au Courtal Cremat, sur la route de Saint-Pierre. Photo François Dedieu |
Lettres de François Dedieu (1922-2017) ; extraits :
Du 6 oct 1994. « … Les vendanges sont terminées
depuis une quinzaine de jours et se terminent dans le Minervois et dans la
région de Carcassonne-Limoux… / … Voilà huit jours, les vendanges
battaient encore leur plein dans le Minervois héraultais et nous avons vu d’assez
nombreuses « colles », ce qui nous changeait des machines
rébarbatives et froides de notre « pays bas »… »
Du 24 sept 1996. « …Depuis ton départ, le temps a pris une
allure automnale dès avant l’arrivée de la mauvaise saison, les matins se sont
révélés plus frileux (11 ou 12degrés à peine) et la pluie s’est mise de la
partie pour contrarier des vendanges qui n’ont plus le charme ni l’ambiance d’antan
et font circuler dans nos rues ces monstres modernes que constituent ces
énormes machines obligées quand même de s’arrêter si les propriétaires ne
voulaient pas ajouter trop d’eau dans les bennes, à cause des secousses
imprimées aux ceps. Avec le cers salvateur et un timide soleil retrouvé, les travaux
ont repris, même s’ils passent pratiquement inaperçus. La récolte est faible en
degré et ne va sans doute pas constituer un fameux millésime… Et les vendanges
d’autrefois défilent dans ma tête, avec leurs couleurs et leurs bruits, la
théorie des chariots se dirigeant vers les vignes à l’allure de nos anciens
chevaux de trait, percherons, bretons, ardennais, voire ariégeois ; leurs
travaux pénibles aussi, surtout les premiers jours où il fallait s’habituer à
voir les autres libres dès l’arrivée au village alors que les tout petits
exploitants que nous étions devaient achever leur journée de labeur à la lueur
vacillante de la bougie, les jours devenant plus courts et les comportes devant
impérativement être vidées dans les foudres. Avec cela, papé Jean commençait
parfois sa longue journée à quatre heures du matin, pour profiter un peu de la
pression de l’eau qui permettait de laver les cuves. Et chaque jour il fallait
bien étriller Lamy et lui permettre de manger avant le départ.
Vignes à Bouisset en 2014. |
Vigne à Bouisset où la pointe de la Clape domine la plaine de l'Aude. Au fond, le village de Vendres. |
18 heures ; Nous sommes allés cet après-midi à Bouisset et
avons constaté avec plaisir que quelques « colles » de vendangeurs se
trouvaient dans les vignes, bien entendu avec des tracteurs et la hotte, mais
sur la droite de la route en allant vers Les Cabanes, un garçon chargeait sa
remorque avec des comportes de bois, chose rarissime de nos jours. Malgré le
vent, et sans doute grâce à lui, le soleil était de la partie, ce qui ne gâtait
rien… »
25 sept 1996. « … Vers huit heures et demie j’ai aperçu
mon neveu qui m’a fait un grand signe de la main. Il amenait une benne de
raisins à la Coopé. Son beau-frère et associé, lui, s’est démoli le pied en
chassant un chien-loup venu attaquer son chien. Il marchait péniblement avec
deux béquilles. Je ne sais pas s’il a repris les vendanges… »
Depuis Bouisset en regardant vers les collines de Nissan-lez-Ensérune (au fond). |
Côte de Bouisset, la route passe le seuil de la croix de la Belle, de la Bello, à l'origine de l'Adèlo. Vigne de mon pauvre cousin Jojo, sauf erreur de ma part... |