Les caprices de l’Aude, fleuve aussi travailleur que coléreux, l’ont poussé à serpenter dans ses dépôts accumulés (1) : des errements plus marqués encore aux abords respectifs des déversoirs naturels que sont pour les crues les étangs de La Matte (Lespignan) et celui de Vendres.
Concernant Salles-d’Aude et Fleury d’Aude, ces sinuosités ont porté les limites des communes et du département au-delà du lit canalisé actuel. Aussi, quand nos voisins héraultais nous lancent des piques sur notre supposée propension à les envahir, nous n’avons, avec un sourire égal et la complicité de ceux qui s’apprécient pour se chicaner depuis les temps historiques, qu’à leur rappeler cette réalité géographique.
Ainsi les limites septentrionales de Salles et de Fleury se trouvent à la même latitude que les Orpellières au bord de l’Orb (Sérignan-Plage, au-delà de Valras). La proximité étant plus parlante, c’est à la même hauteur que le domaine de Clotinières.
Après le mas des Lauzes, un temps guinguette au début des années 90, avant Clotinières et les tournants où la Dame Blanche, à en croire les vieilles histoires, aurait évité bien des accidents, il faut prendre à droite, le chemin vicinal à peine au-dessus du niveau de la mer. Depuis le Pont de la Muscade, plus de narcisses dans les prés. Plus loin, à moins de faire erreur, un drôle de tamaris à la floraison argentée. Sur un pontet, des femmes, armées de monoculaires sur pied, de ces lunettes très grossissantes pour observer... des ornithologues peut-être.
Au loin de grandes ailes blanches aux lents battements, qui ne s’élèvent que pour passer un alignement d’arbres.
Au carrefour de l’accès privé au domaine de Saint-Joseph, nous laissons l’Hérault : c’est l’ancien lit de l’Aude. Nous sommes bien à hauteur des bâtiments de Clotinières. Des frênes puissants se plaisent «... sur les humides bords des Royaumes du vent... ». Des canaux se croisent aussi et les massives martellières laissent imaginer les quantités d’eau qui peuvent affluer ici.
Majestueux, un rapace explore lentement... Plus gros qu’une buse, un busard des roseaux ? Je me demande. Si le Cers souffle, des escargots traînent encore sur le goudron. La longue ligne droite rejoint les bords d’Aude. Les vignes ont souffert du gel d’avril, les nouvelles pousses, rouillées et crispées, en témoignent. Pilleurs, avec Jean, pour les gros nids de pies qui de loin nous faisaient signe, nous venions jusqu’ici tant la concurrence était rude. Les arbres isolés n’existent plus : le remembrement a eu raison un jour des parcelles trop petites pour ne pas disparaître. Et à présent, on peut aller jusqu’à s’étonner de ce vignoble en plaine. L’heure n’est plus aux gros rendements ; la jolie cave coopérative de Lespignan, avec ses beaux raisins en relief sur la façade, a disparu, elle aussi.
(1) parmi les fleuves les plus travailleurs de France avec 4 millions de tonnes de dépôts par an.
crédit photo : 1. IGN (Institut géographique National)
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