mardi 2 décembre 2025

Si t'as été à NAIROBI, t'as presque été au BURUNDI (12).

 Ouf ! je me suis lâché... enfin vous avez compris ! Quelques pas à nouveau, pourquoi pas vers ce comptoir 20B tout au fond, suffisant, suffisamment discret pour des partants à destination d'un confetti de l'Océan Indien... Oui faudrait refaire du muscle... et à la tête aussi, oui, je vous ai compris. Un vol pour Maurice embarque ; un jeune plutôt routard parle de 670 € l'aller-retour (ne pas se baser sur les prix d'appel trop beaux pour être honnêtes...). Retour vers la grande salle d'attente... Mais non, des années en arrière que je les trouve dures, les assises de Nairobi... Je pense à la dame derrière disposant à côté d'elle d'une dizaine de chapeaux à larges bords empilés : 

« Vous êtes français ? c'est mon voisin 

— Oui, comment savez-vous ? 

— Vous attendez à la porte prévue pour Mayotte... 

— Ah oui ? (je me suis tourné et, effectivement, nous sommes bien à la porte 16 avec la mention « Mayotte », je ne m'en étais pas rendu compte). Et vous ? vous parlez bien français... 

Burundi localisation 2021 Public domain. Author Sanjay Rao

— J'attends pour Bujumbura, je suis burundais, oui le français est langue officielle, avec l'anglais et le kirundi qui déborde sur le Rwanda, la Tanzanie, le Congo... Alors l'Afrique ? 

— Sur bien des points, rien à redire, et surtout à ne pas vouloir être aussi con, excusez du terme, que Sarkozy à Dakar avec son Africain qui ne serait pas « assez entré dans l'Histoire ». 

— Vous n'êtes pas respectueux envers un Président de la République... Chez nous...

— Pardon (je le coupe) mais peut-être qu'il est dangereux chez vous de dire le fond de sa pensée... encore une chance chez nous même si les dirigeants sont allergiques aux critiques et voudraient serrer la vis... Je préfèrerais tant être en accord avec ceux qui parlent au nom du pays... j'en suis navré mais la soif de pouvoir se traduit par des attitudes indignes jusqu'à la tête du pays... 

— Vous parliez de Sarkozy... 

— On ne peut rien vous cacher. Bien sûr, chacun a ses défauts, moi le premier, mais de penser qu'un type honnête ne peut pas gouverner parce que seule une solidarité de copains et coquins sait maintenir en haut de la pyramide un malhonnête qui leur profitera me dégoûte. Sarkozy vous dites ? Il est dans les affaires jusqu'au cou, celles qui rapportent et celles qui devraient lui coûter sauf qu'ils ont tant de pouvoir que les procès ne viennent que plus de dix ans après les faits et qu'une bande d'adorateurs décérébrés restent indéfectibles à les soutenir... Et là il va leur fourguer son bouquin de prisonnier pour 20 jours... de bagne sûrement ! 

— Je vous suis, vous êtes de ceux qui pensent que la démocratie peut mener à la démocrature, première étape vers la dictature... 

— Oh, je vous en dit trop, mais vous le faites exprès aussi de m'entraîner sur les rapports entre l'Europe des blancs et l'Afrique des Noirs ; je peux vous demander ce que vous faites dans la vie ? 

— Je suis professeur d'Histoire contemporaine à l'université du Burundi... 

— Bravo ! je sentais que la discussion pouvait prendre ce tour avec vous. 

— Mais ne le prenez pas tant à cœur... C'est vrai que les Blancs, enfin ceux qui à un moment donné dominent, tombent dans les excès... Noire, blanche ou mélangée, la créature humaine est plus qu'imparfaite... Et vous qu'est-ce que vous faites de beau à Mayotte ?

Il a raison, j'ai trop tendance à vider mon sac d'un coup... les gens en vue voient leurs biographies épluchées jusqu'au moindre geste, dernièrement celle d'Ingrid Bergman avec ses parts d'ombre sauf que ça la regarde tandis que la réalité de nos politiques publics nous regarde, nous. C'était à bâtons rompus. J'y suis allé de Giscard grand chasseur de trophées et tombé à cause des diamants de Bokassa à Mitterand. Que diable, avec sa cagade Turquoise était-il allé fourrer la France dans les tueries et génocides Hutus Tutsis, qui plus est sur d'anciennes colonies belges ? plus choquant encore que Denard et ses Katangais ! Mon interlocuteur m'apprend qu'au Burundi aussi et qu'une guerre civile a duré une dizaine d'années (promis j'irai voir sur Wikipedia). (à suivre) 

PS : au moment du titre, sûrement afin d'alléger le sujet, ne pas traîner les casseroles des autres... les miennes y suffisent... la muse me dit de plagier la chanson « Si t'as été à TAHITI »... 1958, rien sur Paola la chanteuse et tant sur l'année de mes huit ans...    



NAIROBI, fesses et discriminations (11)

Un peu perdu je me retrouve à un contrôle absent de ma mémoire. À mon tour, quand je dis au policier aux passeports quelque chose comme « Good morning sir, I am in transit to Mayotte », il me rend le document et, certainement à cause de mon anglais trop basique, joignant le geste à la parole, il s'applique à bien articuler une réponse où je comprends « follow... left... checkpoint... ». Quelle idée aussi de lui souhaiter “ un bon matin ” ! Oui, « hello » aurait mieux convenu : de suivre à gauche dérouille le cerveau, c'était pour ceux qui descendent ici. Ah... je reconnais le contrôle habituel. La fouille au corps n'est pas si tatillonne qu'à Paris. Ensuite, c'est le même duty-free central mais je ne sais plus s'il y a toujours la boutique de chasse que l'ami Jean-Pierre ne put voir la fois où ils furent cantonnés, encadrés qu'ils étaient par des militaires, mitraillette à la hanche, sans en savoir la cause (début des années 90)... elle ne doit plus s'y trouver à présent que le sentiment général est à la préservation, au safari-photo et non plus à la traque sanglante aux trophées... 

Les mêmes sièges qu'en 2017. 

Beaucoup de monde. Ah... mes fesses se souviennent, elles, de l'assise trop ferme des sièges. Sur les joints du carrelage de l'allée centrale, les roulettes des valises chantent un claclac claclac presque ferroviaire. Se lever, manière de se décompresser le fessier, pour aller aux toilettes aussi ; en permanence, un préposé à la propreté veille à l'état impeccable des lieux ; il procède, pratiquement à chaque passage. Ah... deux chaises longues sont libres, pas celle où la femme d'à côté a allongé les jambes... ce n'est pas le legging avantageant ses formes qui doit tout autoriser, non ? loin de moi l'idée d'aller m'imposer, plutôt celle avec un monsieur pour voisin ; il anticipe, enlève sa sacoche. Une meilleure répartition des kilos devrait soulager là où ça comprime sauf qu'au bout d'un temps certain ça fait mal à nouveau. Signe de jeunesse et avant tout de masse musculaire perdue... et au niveau de la tête, je ne veux pas savoir ! 

Non loin, un couple d'Indiens à manger et à boire, grands et adipeux qu'ils sont, visiblement sans souci de moyens ; madame est allée dans le recoin à sieste avec de quoi recharger tout ce qui est électrique, électronique, qui s'est libéré ; elle demande à monsieur de la rejoindre ; il se charge de toutes les affaires et fait sa navette. Réconfortant une femme “ libre ” non occidentale. De même, dans toute cette aile, l'invisibilité d'un salon réservé aux privilégiés, pas comme Air France, compagnie nationalisée qui n'a de cesse d'exposer la différence de traitement en faveur des riches : salons “ Gold ”, “ Platinum ”, “ Elite Plus ”, enregistrements, embarquements “ Sky Priority ” ! jusque dans l'autoritarisme parfois cassant des hôtesses de cabine, arrogantes jusqu'aux claquements délibérés des talons-aiguilles ! les seules génératrices de prises de bec, pas étonnant qu'il y ait des guerres... Pas mal pour le pays de la Révolution ! plutôt payer moins cher avec, en prime, des équipages, déjà qui ne défilent pas comme un 14 juillet, n'affichant pas une prédisposition atavique à la domination, qui n'ont pas la grosse tête ! Et ce Président “ monarque républicain ” ! N'en jetez plus ! aux oubliettes la nuit du 4 août d'abolition des privilèges ! Enfin, ce que j'en dis... belle lurette que je les évite... un instinct sûrement venu d'aïeux ariégeois descendus dans le Bas-Pays pour cause de famine...         

      

lundi 1 décembre 2025

« Mon VILLAGE est LOIN... », dernières heures vers Nairobi (10)

Elles sont agréables les places du fond vu qu'il n'y a personne derrière, que d'incliner le siège ne gêne en rien, que les toilettes sont à portée ; des désagréments néanmoins : les casiers sont en bonne partie pris par l'équipage et le réassort lié aux places qui seront occupées, nous sommes servis en dernier, d'où le plus de « chicken », ce que n'a pas apprécié mon tarabusté de voisin, pas « fish » du tout et qui s'est rabattu sur les « vegetables », les seniors seraient plus commodes dit-on... bis repetita pour le “ plus de crème ” sur le plateau présenté au moment du café... Que diable ! l'essentiel est d'arriver entier ! 

Extrémité occidentale de la Crète lors d'un vol retour.  


Mer_rouge 2005 Domaine public Author NASA. 

L'évitement de la Libye, une fois oui, une fois non ; toujours à l'époque d'un terrorisme certain (de nos jours on sait quand même qu'il reste latent) ; le ciel crétois une fois abordé, le vol décrivait alors un coude en direction de la Mer Rouge à cause de son algue bleue... C'est ce que fait l'avion cette nuit du 10 au 11 sauf qu'au lieu de couper la Corne de l'Afrique jusqu'à Mogadiscio avant de plonger au dessus de l'Indien vers La Réunion, à destination de Nairobi, il va couper par l'Éthiopie. 
Le vieux professeur qui sommeille ne peut effacer en lui des images de Mussolini, de la “ sécession ” de l'Érythrée (fédérée par l'Onu à l'Éthiopie, en 1952)(1), de la guerre civile au Tigré, des famines marquantes laissant le visage souriant d'un petit de Givors des années 70 se disant solidaire des « Tchoupis », et la chanson «... loin des yeux et loin du cœur... » pour celle de 1984, et le Négus, et Rimbaud, et Henry de Montfreid, et Djibouti où Régine, la fille Comparetti, partit enseigner... et le Somaliland séparatiste non reconnu (encore une lubie schyzophrène de l'Onu), et les Oromos clandestins pour l'Arabie Séoudite, détroussés, violés, coincés au Yémen, revendus, tués sur les routes du déracinement, les peuplades buveuses de sang de l'Omo, un des fleuves qui n'arrive jamais à la mer. Bien sûr c'est sommaire, juste un diaporama mais ouvrant sur plus d'intérêt et de curiosité, celle à faire germer en priorité chez nos jeunes... 
« Qui sommeille », je disais et c'est vrai que les huit heures de cette partie du voyage passent plus vite si on peut dormir (marrants ces habitués au coussin autour du cou, un peu “ j'arrive en ”). Un bon dodo peut-être en plusieurs tranches mais sereines, sans ronflements, pleurs de bébés, problèmes divers de promiscuités, et le diaporama de l'espace parcouru ne déroule ses images qu'au réveil, en regardant la trajectoire matérialisée de l'appareil au dessus du continent africain... Zut je n'ai pas pris de photo... Pas de file d'attente du matin aux toilettes contrairement aux gros-porteurs. Le voisin est sollicité pour la grille de mots croisés de madame ; dans le partage des tâches et une égalité des sexes ne reflétant pas hélas la condition ordinaire de la femme, stewards et hôtesses ont retombé la veste pour le service : petit-déjeuner, pain confiture et quoi encore... je n'ai pas noté... Fini le parfait voyageur !     
5h 45, décalage horaire, Nairobi, atterrissage, lumières de la ville ; le niveau zéro n'est pas celui de la mer, la capitale kenyane se trouve à 1600 mètres d'altitude. (à suivre) 

(1) annexion  de facto par l'Éthiopie en 1962, ce qui provoque une guerre d'indépendance qui verra l'Érythrée vaincre en 1991. l'indépendance officielle date de 1993 mais les deux pays sont restés en état de guerre jusqu'en 2018. Merci l'Onu... (un point de vue utile en considération de son arbitraire affiché à l'encontre de Mayotte et des arguments plombés des tenants d'une prétendue unité comorienne justifiant qu'on la revende...)