Et pourquoi pas une proximité poétique ? Pas en langue de Mayotte, certes, mais universelle, ni blanche ni noire, en partage. Et pourquoi pas, suite au « Chant de l'Eau » d'Émile Verhaeren, « Le Dormeur du Val », Arthur Rimbaud ? Pas seulement pour ces vers incroyables de structure, de grande qualité ; surtout grâce aux débuts extraordinaires d'un poète de seize ans aussi talentueux concernant une versification classique, qu'il le sera en s'en libérant par la suite avant de clore à jamais cette phase de sa vie ;
sûrement en tant que val inondé de verdure, vallon promu par le ruisseau permanent bien que modeste mais qui s'est creusé un lit bien avant que l'Homme ne s'introduisît, aussi envahissant que les plantes et animaux venus avec lui ; peut-être aussi pour la dualité vie-mort, son aboutissement à l'échelle de l'individu bien que rémanente se rapportant à la vie sur Terre.
Le soldat de 1870, lui, d'une jeunesse hélas dans son dernier sommeil, évoque la mort inutile suivie de la débâcle face aux Prussiens ; en fond, le rejet de l'empereur, sa proximité avec la défaite à Sedan offusquant d'autant plus le natif de Charleville. De plus, Rimbaud, auteur, dans les pas de Hugo et Coppée, des « Étrennes des orphelins », ne pouvait qu'être communard contre la politique bourgeoise d'ordre de monsieur Thiers et ses implacables Versaillais.
Serait-ce maladroit, mal à propos, si le lit vert du vallon où la lumière pleut me ramène à Mayotte, elle, d'une jeunesse vivace, attestant d'une résilience à l'Histoire à coup sûr entrée dans ses gênes de fille toujours confrontée aux grands, qu'ils veuillent l'adopter de force ou qu'ils s'apparentent à une mère-patrie versatile, insensible, sarcastique ? Mayotte reste vivante ! Elle se remet d'un terrible cyclone tout comme elle sait surmonter les maltraitances subies, l'oppression psychologique quant à son avenir, toute de fausses promesses, de doutes constamment instillés, de doubles jeux, de lendemains toujours remis à plus tard en raison d'intérêts partisans cyniques, à peine cachés. Il en reste un post-colonialisme certain, descendant d'une gestion très Troisième République, se voulant exclusive car porteuse d'une prétendue “ civilisation de progrès ” cachant, jusqu'à la traite d'humains, une réalité de pillage systématique assurant sous des dehors démocratiques la domination d'une bourgeoisie d'affaires, d'accapareurs (1)...
Décidément, face aux bassesses et turpitudes parce que « Le Président », le film reste d'une actualité certaine, je ma réfugie dans le souvenir de la soif d'apprendre, d'imprégnation de mes petits élèves du collège de Chiconi, dit « du Centre » afin de ne point froisser le voisinage. Dans une belle ambiance studieuse que seul le prof agrémentait d'un grain d'humour par ailleurs bien partagé, comme ils savaient enrichir leur double culture (2) de la sensibilité poétique de Victor Hugo ou La Fontaine du Pot au lait de Perrette...
Du « Dormeur du Val » de Rimbaud au lit vert de la nature de Mayotte où la lumière pleut, en passant par l'amoralité d'un système qui perdure, il se peut que cet exercice de contorsionniste ne plaise pas à certains...
(1) Voilà quelques jours, la Chaîne Parlementaire donnait « Le Président » de 1961 avec Gabin très Clémenceau, Briand, de Gaulle... Et aujourd'hui les « deux cents familles » ne sont-elles pas toujours aux commandes ?
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