vendredi 23 mai 2025

La MONTAGNE NOIRE (5), forêts et landes.

André David, Roger Bels et Marcel Sinsollier, mon bon prof d’Histoire-géo1, un des « brillants soleils », aligné avec ceux qui vous remontent à la surface, grâce à qui, à me pencher, derrière papa que j’ai souvent déçu, j’ai pu accrocher ma vie, positiver, bâtir peut-être du positif, du bon sur du mal… à prendre sur moi, à force, plutôt que la facilité ’à imputer aux autres… De l’Ariège au Lauragais, jamais finie, cette portion de carte du tendre me révèle, tend à l'introspection… Pas plus tard que mercredi, une compatriote, généalogiste passionnée à ses heures, a confirmé qu’on disait bien « de Dieu » devenu « Dedieu », nom de famille répandu en Ariège, à propos d’un enfant trouvé. Et là, la Montagne Noire, abordée jusque là en papillonnant autour des filles du Poumaïrol, sort des brumes en me mettant face à moi-même. Je me revis déjà en enfant compliqué, puis en ado veule, vous m'en voyez bien désolé ; Baudelaire (1821-1867) me l’a bien fait comprendre :

« Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage, 

Traversé çà et là par de brillants soleils

Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage… »

Il en a fallu du temps pour un début de lucidité, restons modeste… Baudelaire, déjà marqué à 40 ans...

« …Qu’il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils… »

Charles Baudelaire la quarantaine Domaine Public grossissement du portrait par Étienne Carjat réalisé par Nolwist. 


Comment son spleen aurait pu évoluer s’il avait vécu plus de 46 ans ? “ Vermeils ” ou pas, ce qu’il me reste est que pour le peu qu’il y a à passer sur cette Terre, il faut dire aux autres qu’on les aime, que sacrée est leur existence, qu’elle constitue l’essentiel de nos fruits récoltés. Parce que, « Avec tout le mal que je t’ai fait… », une fausse citation je pense, mais c’est vrai que je ne vaux pas mieux qu’Ugolin implorant Manon des Sources...

Bien qu’exposé à la face du monde, merci Montagne Noire, de si bien me protéger, sous ta cape, des rafales et des intempéries. Une sérénité feinte qui permet d’évoquer tes aspects économico-démographiques. 

Verreries-de-Moussans Eglise St-Thomas 2017 wikimedia commons Author Fagairolles 34

C’est Serge, non, des deux amis partis pour le Poumaïrol2, Serge qui est admiratif de la beauté, de la hauteur des arbres, si grands, si étonnants pour les purs méditerranéens qu’ils sont ? Et Roger, en pensant à l’exploitation abusive des forêts, de seulement poursuivre : « Beaucoup de petites industries du verre dans le coin ; il en fallait du bois ! ». Un peu court, avouons, plus étique encore, à lire la somme de paramètres livrés par André David :

Sur fond de Pyrénées, Saissac 2010 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Jcb-caz-11

page 85 « les gens de Saissac sont obligés d’aller à quatre lieues de leur bourg, du côté des Cammazes, chercher le bois qui leur est nécessaire ; dans les fours comme dans les foyers domestiques, on ne brûle plus guère que des broussailles, sur tout le versant Sud. Au Nord, les forêts sont encore toutes délabrées… ». (à suivre) 

1 Je me revois, lors du contrôle des cahiers, penché à son bureau… il tourne les pages et sans la moindre répulsion pour les marron et orange combinés, association criarde de ces feutres multicolores dont j’abusais tant ça venait de sortir, il me complimente pour la justesse du schéma de la cluse dans un synclinal du Jura ! Inoubliable !

2, Voir les épisodes « Poumaïrol 12 et 13 »



mercredi 21 mai 2025

REMORDS tardifs pour CARNAVAL...

Tout lasse, tout passe dit-on, seuls quelques rappels sont capables de réveiller des pages oubliées. Si, à l'instar de Louis XVI notant « Rien » dans son journal à la date du 14 juillet 1789, il s'avère aussi global que laconique d'en dire autant sur les bas de la fête de Carnaval au village, d'en mentionner les hauts ne relève pas de la gloriole passéiste... 

Ainsi, l’esprit carnaval s’est néanmoins maintenu et parfois plus que maintenu jusque dans les années 90. Trente-cinq années plus tard, dans une dynamique mémorielle remarquable, Georges Sabatier, ancien correspondant pour la vie locale du quotidien L’Indépendant, nous ressort les articles d’alors. En mars 1992, avec le renouvellement du bureau d’Inox pétanque, est annoncée une reprise joyeuse des défilés carnavalesques après une pause due à une première Guerre du Golfe : 16 chars, 10 groupes, 5 bandas, les majorettes et tous les masques… Mystère sur les thèmes baladés par les tracteurs ainsi que sur le leitmotiv du Roi Carnaval. Depuis la coopérative par l’avenue de Salles, le tour du village suffira-t-il à contenir un défilé marquant pour une commune de moins de 2500 habitants ! Post scriptum d’importance, Carnaval sursoit pour un mois à son châtiment seulement différé d'une semaine, à Saint-Pierre-la-Mer, la station balnéaire. 

Bal masqué à la salle des fêtes 1990 / Avec l'autorisation de Georges Sabatier, correspondant rédacteur et photographe du quotidien L'Indépendant. 

Suite à l’apéritif offert par la municipalité, afin de renouer avec le plaisir toujours vivant de la danse conviviale, un grand bal masqué sera animé par l’orchestre Jacques Franck. 

Bal masqué à la salle des fêtes 1990 / Avec l'autorisation de Georges Sabatier, correspondant rédacteur et photographe du quotidien L'Indépendant. 

Bal masqué à la salle des fêtes 1990 / Avec l'autorisation de Georges Sabatier, correspondant rédacteur et photographe du quotidien L'Indépendant. 

À l’heure où le “ plaisir solitaire ” semble avoir pris le pas sur la liesse communautaire, n’étaient-ce que les derniers éclats d’un bouquet final ?

Note : l'école primaire reste fidèle à sa célébration annuelle de carnaval ; c'était cette année 2025, le 31 mars, par une très belle journée ! 

mardi 20 mai 2025

Sébastien SAFFON (1974-2025)

On se dit qu'il y a erreur, confusion sur le nom, que ce n'est pas possible... et puis c'est confirmé... c'est soudain, c'est brutal... 51 ans ! dans la nuit du 17 au 18 mai ! On se prend une claque ! “ La vie plus forte que la mort ” ? Des jours on n'y croit plus du tout... 



Depuis l'Aude Avignonet en Haute-Garonne, c'est tout à côté. Il partageait son pays tampon entre Aquitaine et Languedoc en donnant vie aux carnets d'Émile, son grand-père ; il le revivifiait si bien avec « Ceux de la Borde Perdue » ses deux tomes. Il persistait à sublimer ses vallons fertiles (1) avec sa trilogie « La Combe »  (« Le Silence de la Combe », « Un Château pour les Pigeons » et devant paraître ce mois de juin, « Des Ombres sur les Murs »). 

Modeste sur la qualité de ses écrits, il a mis vingt années pour passer le pas ; l'accueil fait à “ la Borde Perdue ” l'a à la fois rassuré et encouragé à poursuivre. « Il y a du Giono et du Michelet dans ce magnifique roman... » écrit La Dépêche en novembre 2023. 

Bien sûr il faut joindre à l'hommage que son enthousiasme restait égal en tant qu'élu de 2022, membre de sa MJC, comédien amateur d'Avignonet.  

Dessin Fotor d'après une photo détournée La Dépêche (pourquoi ne mentionnent-ils plus « du Midi » ?)

Plus personnellement, il était le collègue vivant d'Histoire-Géo ; je n'ose pas penser au grand désarroi des enfants de ses classes, lundi... Oui, professionnellement, d'une contemporanéité, d'une vitalité permettant d'évoquer sereinement notre communauté d'enseignants passionnés, David, le géographe que la Grande Guerre faucha, nos profs aussi, le « Jack », « Sinsolle » encore dans nos propos récemment encore, ou même « Chiquito » que notre cruelle inconscience de gosses n'arrêtait pas de chahuter...    

Depuis la Montagne Noire, le Lauragais c'est tout à côté et un vieux encore là, pas loin, dans son ombre, pleure aussi le petit frère en littérature qui, tel un aîné, montrait si bien le chemin des émotions partagées. 

Ce matin, après l'orage d'hier au soir, sous sa grisaille, le Marin continue de pleuvoir. Derrière le seuil de Naurouze il devient vent d'Autan, celui qui jadis faisait tourner les moulins. Ce matin, les journaux disent qu'il a apporté la grêle et causé des coulées de boue. Mais il y a pire chez les Saffon... Émile, le grand-père, n'est plus là pour noter les intempéries sur son journal ininterrompu, et Sébastien qui l'a rejoint, non plus. 
Le vent a tourné, « la virada dau Cerç » on dit en occitan... un Cers qui voudrait bleuir le ciel encore nuageux mais qui l'ouvre déjà un peu au soleil...  

« Quand on aime la vie, on aime le passé, parce que c'est le présent tel qu'il a survécu dans la mémoire humaine. » 
Les Yeux Ouverts; 1980, Marguerite Yourcenar. 

(1) il y a quelques jours à peine, il postait encore des photos de ses coteaux bien verts au printemps. 

samedi 17 mai 2025

La MONTAGNE NOIRE (4) Relief, pluie et vent.

Brodequins lacés, sac au dos, avec les David à l'horizon, la Montagne Noire s'offre entre le bassin de Castres et les plaines de l'Aude. 

Copié sur le travail de Roger Bels, instituteur / En pensant à mon prof de quatrième, Monsieur Sinsollier... La coupe part de Saint-Amans-Soult, kilomètre 0 et finit du côté de Pennautier. dans l'impossibilité de situer précisément les cuestas calcaires, je ne me suis pas risqué à faire figurer les points particuliers à cette coupe : Pradelles-Cabardès, le Mont Simel, La Combe-du-Saut, Villegailhenc,   

Au nord, le plateau chute brusquement sur la coupure du Thoré, bien arrosée par les pluies atlantiques, la pente porte de sombres et profondes forêts lui valant son nom ; le Sud, au contraire, au climat plus méditerranéen, offre un paysage de côtes exposé au soleil. À l'est, si André David mentionne le col de la Fenille (451 m. entre La-Bastide-Rouairoux dans le Tarn et Courniou dans l'Hérault), la vallée du Thoré, remonte, elle, au-delà des Verreries-de-Moussans. 
À propos du réseau hydrographique, le travail de l'auteur s'adresse comme pour le reste, aux spécialistes, référence faite à la géologie par exemple, aux cycles d'érosions. Rien n'empêche, néanmoins, d'en retirer une vulgarisation tous publics. 

Sur les 38 figures de l'ouvrage, les dessins au nombre de 19, sont du père Léo David. Ici la n° 17, la plaine éventrée de Castans. 

Relevé hydrographique d'André David. 


Dès lors, non s'en nous en excuser, comparons passé et devenir géologiques des reliefs et rivières par un biais anthropomorphique au vocabulaire déjà utilisé par David. Singulière, la ligne de partage des eaux raconte que, plus rapprochée du Nord, avançant plus loin, l'érosion méditerranéenne a fait gagner le Sud. Oui mais, partant du factuel, la science du jeune géographe est capable d'anticiper l'évolution d'une situation non figée. Le Nord reste cependant sur deux batailles gagnées, celles du Sor et de l'Arnette ; le Sor a capté les affluents du Lampy du coup raccourci, décapité ; de même, l'Arnette primitivement liée à l'Orbiel, a été capturée par le Nord. Sauf que, désireux de se venger, l'Orbiel annonce sa revanche prochaine... Déjà, tel un allié, le Clamoux (“ la ” pour l'IGN) a amputé l'Arnette de ses sources : le Sud est dans une dynamique de reconquête... Et la plaine de Pradelles-Cabardès étant appelée à disparaître, c'est à se croire dans l'épisode de l'enlèvement de la belle Hélène, prélude à la Guerre de Troie ! Chapeau l'artiste... je veux dire « André David » ! 
Pour ne rester que “ grand public ”, laissons le spécialiste à son talent d'enquêteur, retenons cependant que pour alimenter le Canal du Midi, les noms de Paul Riquet et Vauban sont liés aux Rigoles de la Montagne et de la Plaine (60 km environ pour l'ensemble), dédiées au captage des eaux nécessaires au Canal, entre les versants méditerranéen et atlantique. 

Relevé par André David. 

Pleuvait-il davantage, un siècle passé en arrière ? 
Lors de son étude, André David disposait de peu de ressources à propos de la pluviométrie ; c'est qu'à l'époque, l'appellation “ Montagne Noire ” va du Sidobre à Bédarieux, Avant-Monts compris. Si, à l'inverse du relief, les courbes se resserrent au sud, le plus étonnant relève du flou sur les abords de Nore où le schéma ne traduit pas l'abondance des pluies (le pic se retrouve souvent noyé de brume alors que le Cabardès est sous le soleil). 
Une vingtaine d'années plus tard, dans une étude sur « Les Conditions climatiques et la Végétation de la Montagne Noire » et des relevés plus étoffés, J. Dougados (1) note que les récoltes sèchent à Cabrespine « ...pendant que ceux de Pradelles maudissent les longues journées pluvieuses... ». 

Préfacé par A. Cuttoli, directeur de l'École Normale d'Instituteurs de Carcassonne. 

1966, le fascicule de haut niveau pour le public du primaire auquel il était destiné voit Roger Bels proposer une carte très lisible de la pluviosité annuelle du département avec les secteurs les plus arrosés du massif (entre 1300 et 1600 mm des secteurs de Laprade-Lacombe [dont la prise d'eau d'Alzeau à destination du Canal du Midi ], ainsi que celui de Nore entre Pradelles et Castans). 

Enfin, liés aux nuages porteurs de pluies, les vents. 

Comme c'est le cas pour le Cers qui se déleste dans les Corbières pour devenir la Tramontane (2) du Pays Catalan, André David mentionne ce vent amenant la pluie sur le versant nord de la Montagne Noire suivi d'une Tramontane en Bas-Languedoc. Sinon c'est le Marin humide et calme au sud devenant l'Autan violent, chaud et sec (E. de Martonne parle d'un effet de föhn). Le relief et la ligne de partage des eaux détermine cette réalité. Au début du XXème siècle, les vents d'ouest dominaient deux jours sur trois... Qu'en est-il à présent qu'une bascule semble avoir fait des vents venus de la mer des dominants... (Une quête vaine dit néanmoins [site de Montbrun-Corbières]que l'ensoleillement de la région narbonnaise dépasse les 3000 h/an alors qu'au dessus de 2800 h/an ne sont mentionnées que les villes de Marseille, Toulon et Nice...) Sur nos vents, faute d'éléments, ce n'est qu'un ressenti ; maintenant si quelqu'un peut préciser, son aide sera la bienvenue.   

(1) Pas moyen de faire la part entre Jules François Camille Dugados et François Jules Camille Dugados donnés pour être nés en 1855... un même ingénieur sorti de Polytechnique peut-être...  

(2) David met la majuscule aux noms des vents. 

Marcel Sinsollier (1932-2024)

En hommage à Roger Bels (1921 ?-2001 ? Carcassonne ?), instituteur, et toujours mon émotion pour Monsieur Sinsollier (1932-2024), Marcel de son prénom, la trentaine quand je l'ai eu en quatrième comme professeur d'Histoire-géographie et qui m'a instinctivement accompagné quand j'ai dessiné et colorié le schéma emprunté à R. Bels. 

jeudi 15 mai 2025

La MONTAGNE NOIRE, André DAVID (3 et fin)

André David, tout comme son père Léo David, sont de Saint-Germain-de-Marencennes5, en Charente-Maritime. De venir trois étés de suite sur les traces d'André relève donc du pèlerinage, du voyage consacré à la mémoire de l'enfant, du fils perdu... 

« Vois-tu, je sais que tu m'attends [...] Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. » 

« Demain dès l'aube », « Les Contemplations » 1856, Victor Hugo. 

Emmanuel_de_Martonne Photo antérieure à 1929. Domaine public. Čeština  byl francouzský geograf :  l'Europe Centrale est concernée par les frontières qu'il a contribué à tracer.  Auteur anonyme

Nous livrant à bien des prolongements, le livre sur la Montagne Noire est préfacé par Emmanuel de Martonne (1873-1955), professeur à la Sorbonne, éminent géographe et traceur de frontières. Loin de mettre en avant la technicité géographique brute du sujet entrepris, cette préface s’attache avant tout à la conjoncture humaine qui a tant su nous toucher. De Martonne nous apprend d’emblée qu’une balle allemande a abattu « un des espoirs les plus sûrs de l’école géographique française ». Il connaît personnellement André David, pour reprendre ses mots, plutôt frêle mais d’une bonne résistance physique, timide mais concentré, d’une puissance de travail remarquable, hardi dans ses idées et la verve de ses propos.  

Admis à l’École Normale Supérieure en 1912, à peine un an plus tard, son travail sur la Montagne Noire stupéfie ses éminents superviseurs au point de presque lui conseiller de garder cette production de débutant sous le coude, comme thèse de doctorat. Visiblement ému par ce destin hors normes, l’universitaire accompagne la publication du livre de sa chaleureuse humanité ; il nous confie que deux camarades qui l’aimaient avaient promis de finaliser les chapitres à peine ébauchés… Le premier s’écrasa avec son avion en Macédoine, le second, blessé à maintes reprises, finit aussi par mourir sur le front. Alors ce fut Mademoiselle Marre, amie d’enfance d’André et professeur au Puy qui s’est chargée des passages et même des chapitres incomplets. 

Page de titre.

La Société d’Études Scientifiques de l’Aude a bien voulu concrétiser tous ces efforts conjugués ; son imprimeur attitré, Bonnafous6, 50 rue de la Mairie à Carcassonne, a assumé le tirage du livre.

Ô armoire « ...du vieux temps, tu sais bien des histoires, […] Quand s’ouvrent lentement tes grandes portes noires » (Le Buffet, Arthur Rimbaud) sur les livres couverts de bleu aux belles étiquettes… la 102 pour André David et la Montagne Noire, la 113, sobrement intitulée « Poésies », toutes de Rimbaud… 

Au milieu, ces exemplaires blancs dépareillent, d'où la fausse bonne idée de les ranger par côté et ce, à cause du crochet de fermeture du battant gauche de l'armoire. 

Et si mon père habite toujours la maison de vie d’où j’écris, en ouvrant l’armoire aux livres, comme Nougaro, j’entends plus fort encore « la voix de papa ».

Suite à ce long avant-propos, suite au recueillement, ne perdons pas de vue l'intérêt initial pour notre Montagne Noire jusque là abordée aussi fortuitement que légèrement, suite à une “ leste motivation ”, disons, fomentée par la trouvaille fortuite d’un article de la revue Folklore « Les filles du Poumaïrol ». 

Depuis_le_pic_de_Nore, vue sur la plaine audoise 2018 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Auteur Lucas Destrem. Là où nous croyons tout voir, la vue globale fait heureusement l'impasse sur les vallées encaissées et un plateau de vie cachée comme Le Poumaïrol... 


5 Dans Wikipédia notamment, je ne comprends pas l’absence d’entrées  pour André et Téo David, et qui plus est sur la page de Saint-Germain-de-Marencennes, leur village natal pourtant. Personne, à ce jour, ne s’est chargé d’honorer leurs mémoires… 

Saint-Germain-de-Marencennes se situe à près de 500 kilomètres de la Montagne Noire. 

6 Imprimerie fondée en 1776, mise en liquidation en 2011 suite au décès brutal de Georges Bonnafous 59 ans ; six employés au chômage.  

La MONTAGNE NOIRE, André DAVID (2)

Et André qui nous complique si joliment la tâche à partir du moment où il faut s’engager en vue d’entrevoir l’originalité de la Montagne Noire, bastion avancé de la résistance à la surrection pyrénéenne. André David, si jeune dans le camp des 36 % entre 19 et 22 ans perdus pour le pays… Certes, mes deux grands-parents sans gueules cassées bien qu’au moral brisé au point de n'en pouvoir parler, ont eu la chance, chacun dans un camp adverse, de figurer dans les 64 autres pour cent qui en revinrent. Aridité, froideur des chiffres à côté de la flambée sanglante mais pathétique des coquelicots3… « ...il a deux trous rouges au côté droit »… Pardon, j’oblige André à rejoindre Arthur dans « Le Dormeur du Val »… et deux larmes aux coins mais à ceux des grands yeux mouillés, magnifiques, de Pénélope Cruz dans Volver, le film d’Almodovar que passe Arte ce soir et que je ne veux pas manquer… Je n’en suis pas à une digression près… Ne pas pleurer sur soi, sur ce qu’on a fait à la rigueur mais pleurer avant tout sur les autres.  


Planches de dessins de Léo DAVID (48 cm de long).


André David… Pour s’intéresser à la Montagne Noire, j’imagine4 qu’il est d’autant plus du coin que son père Léo David (1864-1952), professeur de dessin (peut-être trois années avant sa mutation à Libourne, en 1896, a enseigné en 1893 au collège de Pézenas que je devais humblement fréquenter près de 70 ans plus tard… pardon d’encore profiter des coïncidences comme faire-valoir !), son père donc, va courir, trois étés durant, tous les sentiers du fils, pour en tirer plus d’une centaine de vues dessinées. Si je n’ose pas m’embarquer vers le déchirement à vie d’un père qui perd son enfant (c’est déjà terrible seulement de penser que ça peut arriver)… une douleur qu’on pourrait ressentir à travers les innombrables traits minutieux de ses vues de la Montagne Noire… il faut arrêter d’imaginer même si on garde ses suppositions pour soi. 


Village de Pradelles et Pic de Nore 2006 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Jcb-caz-11

Mulets de l'armée suisse 1979 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Sonderegger Christof

3 Sans parler du symbole à rapprocher du bleuet d’une France allergique au rouge rappelant trop la Commune de Paris, la Semaine Sanglante (fin mai 1871), je veux encore relever dans les forums honorant les mémoires de 14-18, des relations plus sensibles relevant, après nos morts et blessés, des mêmes épreuves pour les équidés, ici, dans les Vosges, les mulets. Un journal de campagne, en effet, plus réceptif aux détresses et à la douleur des animaux, au delà des blessures et des morts, mentionne, en outre, que le caporal muletier J.F.M. a été cassé de son grade pour avoir toléré que les hommes prissent pour leur usage personnel, les couvertures affectées aux mulets… Tous n'étaient pas insensibles aux souffrances des animaux auxiliaires. 

4 J’imagine d’autant plus naturellement que mon grand copain José (1949-2024) se nomme David, qu’André David (1917-1987) était peut-être son père, qu’un autre André David (1929-2010) m’a laissé le bon souvenir d’un homme aussi souriant qu’avenant (il habitait, sauf erreur, impasse de la Couveuse) et qu’enfin, je n’oublie pas François David (1908-1993), de Vinassan, le dynamique « papé rambal » d’une disruption toujours gaie, grand-père de mon ex et avec qui j’ai partagé une même affection.


mercredi 14 mai 2025

La MONTAGNE NOIRE. André DAVID (1)

La Montagne_Noire sur la carte du Massif Central  under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Auteur Technob 105

Accrochée au Massif Central1 pour en être la pointe extrême du rebord oriental (longtemps appelé Cévennes), soulevé par les Alpes et ici par les Pyrénées, elle fait de l’Aude le second département sur deux systèmes montagneux2. Cette approche valait-elle de figurer dans le ressenti subjectif de ce quadrant Sud-Sud-Ouest de mon ancrage ? Jusque là, pas particulièrement. Il y a fallu encore un hasard, une coïncidence, une opportunité, que dire encore, un accident heureux dans l’exploration de l’intimité intellectuelle de mon père… une prospection qui hélas ne peut se conduire que post mortem, avec une dérangeante sensation de légiste sinon de découvreur de trésors autour d’une momie... 




C’est une large armoire plutôt pas sculptée comme le buffet d’Arthur Rimbaud, bien qu’elle ait aussi de lourdes portes à glaces ; mon père ne me les a jamais ouvertes. Néanmoins, les années filant, s’il m’est arrivé de l’ouvrir en passant, cette fois j’ai tourné la clé avec une impatience de découvreur… une caverne d’Ali Baba, deux, voire trois rangs de livres parfois avec celui caché par ceux devant ! 500 peut-être 600 ouvrages dont une collection d’une grosse centaine d’exemplaires, soigneusement recouverts de ce papier bleu d’une bibliothèque de classe primaire, aux étiquettes méticuleusement collées, bien droites tant sur le plat de devant que sur le dos, un soin des plus pratiques permettant de savoir le titre sans avoir à sortir l’objet de l’alignement. 


et toujours impeccable 84 ans plus tard... 


N° 102 André David, LA MONTAGNE NOIRE… 1941, la date, ne correspond pas à 1924, année d’édition.

André DAVID passe les grandes vacances de 1913 à courir la Montagne Noire, à noter sur un calepin, à dessiner, à prendre des photos. L’hiver qui suit, il complète sa quête dans les archives et bibliothèques. Profitant des trois semaines à Pâques, il finalise un travail remarquable même pour les parties seulement résumées.

Hélas, en regard des plus de deux millions de morts et disparus français, André, né en 1893, est tué le 8 mars 1915 dans sa vingt-deuxième année, sur le front des Vosges. Je ne pouvais ne pas ouvrir cet énième tiroir qu’il serait indécent de trouver digressif… Accompagnant chacun de nous, c’est tout un bataillon apparemment disparate qui va nous accompagner et enfler au fil des âges jusqu’à partir avec nous, possiblement transmis ou sombrant pour un temps sinon à jamais… Me concernant, c’est l’histoire de mes grands-pères et même d’un arrière-grand-oncle en bas de l'Hartmannswillerkopf. Une transmission amorcée par le géniteur avec, pour le descendant, la clause morale, la responsabilité d’apporter sa pierre sinon, a minima, de passer le relais… L’armoire, on dirait, du noyer « Très vieux… » tel le chêne du buffet à Rimbaud, et « qui a pris cet air si bon des vieilles gens… », enfin, cet air si bon et complice de papa, pas vieux du tout pour avoir gardé un allant vital constant que seul un traquenard du destin sut mettre à bas, à quatre-vingt-quinze ans passés. (à suivre) 

1 Défini en tant que « Groupe de hautes terres » par le géographe Paul Vidal de la Blache (1845-1918), natif de Pézenas et qui le nomma « Massif Central ».

2 Le premier étant le Haut-Rhin, à cheval sur les Vosges et le Jura.


lundi 28 avril 2025

Pitons de LA FOURNAISE, des NEIGES et RÉUNIONNAIS (fin)

Piton_de_la_Fournaise_&_piton_Rouge 2012 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author B.navez

La Fournaise, la fille-volcan fougueuse, révèle les Réunionnais, une mosaïque d'Afrique, de Swahili, de Madagascar, d'Inde, de Chine, d'Arabie, de Métis, d'Europe pour ce qu'elle a porté de chaînes... Et tout “ ça ” fait peuple... Un peuple si attachant dans ses pudeurs, sa réserve... un peuple volcan dans l'océan, un peuple discret, sans prétention sur le Monde qu'il agrandit à l'insu de son plein gré, donc sans s'en vanter, par la capacité de ses différences à coexister, à tolérer l'autre dans ses nuances. Certes, si la frustration peut culminer en colère, ce qui souvent caractérise les communautés trop quiètes en apparence, ce peuple irradie avant tout comme il brille en éclats d'olivine sur ces plages nouvelles qu'un océan peu rancunier crible incessamment, là où la mer bouillonna un jour sous un mur de lave. 

Piton_des_neiges_Reunion 2005 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author Mzelle Laure

Le Piton des Neiges, l'aïeul, le vieux, raconte les “ Rénionais ”. Mort pensez-vous ? Que nenni ! À plus de 3000 mètres de hauteur, il domine sa création, dernière-née (1) des entrailles terrestres, l'île jadis vierge puis par vagues investie. À la longue histoire géologique opiniâtre se greffe celle des Hommes, courte et bornée. Le père-volcan en témoigne. L'érosion et de possibles effondrements cataclysmiques ont formé quatre cirques. Si recouvert par une ultime coulée, celui des Marsouins, le quatrième, n'a pas offert de conditions favorables, trois d'entre eux, Salazie, Cilaos, Mafate, fermés par des abrupts et Remparts, restent marqués par le sursaut salutaire de ceux qui osèrent fuir l'asservissement, le travail forcé, les sévices, le traitement inhumain, le terrible racisme esclavagiste. 


Quelle misère que notre engeance, les libres devant faire front aux chasseurs de Noirs, souvent des petits Blancs infortunés, complices des gros colons, bien récompensés pour ramener les fuyards sinon leurs mains et oreilles coupées ! Quel bouleversement, l'Histoire révolutionnant souvent des situations qui, des métissages à l'origine du peuplement initial, ensuite entre chassés et chasseurs, a enrichi une diversité réunionnaise avec, suite à d'autres épisodes peu glorieux comme l'engagisme, l'espoir d'une dynamique qu'on désespère de voir enfin positive en faveur d'une créolité synonyme de race indivisible, de plus d'égalité de chances, en vue d'un avenir moins sombre qu'annoncé.  

Voilà comment depuis Toulouse, Montauban, les révoltés contre la dictature franquiste, Étienne Roda-Gil, le Cœur Volcan de Julien Clerc, nous sommes passés aux volcans de l'île de La Réunion, aux révoltés premiers de la liberté et à ceux, de nos jours, qui n'exigent que d'exister...   

Des volcans et des hommes - La Réunion, au coeur des volcans - Regarder le documentaire complet | ARTE

Mafate_Marla_from the Taibit pass 2012 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author Fabimaru

Émotion à voir et entendre à Marla, un des îlets de mémoire perchée, l'accueil aimant des marmay (les enfants) pour Marie-Paule (2), la maîtresse d'école avec l'accent du Midi, une émotion d'autant plus prenante pour avoir aussi connu là-bas, à La Réunion, à Mayotte comme ici en métropole, la confiance sans couleur, sans accent et sans âge que vous donnent tous ces enfants du Monde qu'on ne peut que soutenir et aimer... Remonte aussi le sentiment fort éprouvé à la vue du Piton Anchaing, du nom de cet esclave de légende mais si réel, accroché avec Heva son aimée sur ce pic inhospitalier où ils eurent des enfants... où ils eurent à subir la chasse à l'homme... Remonte encore ce bouquet de rameaux lourds de litchis laissé à notre intention en haut du mur par le voisin, toujours entendu malgré la discrétion de nos vies familiales mais jamais vu : un geste fort et marquant. Ne traînons pas sur ces frissons qui n'en finiraient pas de remonter des tréfonds de nos êtres tels les trémors d'avant éruption...      

Le Cœur Volcan,1971, paroles d'Étienne Roda Gil (1941-2004), musique Julien Clerc (1947-)

« Comme un volcan devenu vieux, mon cœur bat lentement la chamade... » oui mais plus que celle des yeux d'un être en amour, cette « lave tiède » corrosive coule dans « ...les veines malades... » du genre humain.  
        
(1) Le Piton des Neiges n'est peut-être que ce qui reste d'une montagne plus haute. À son origine, c'est le même point chaud qui a généré le Deccan indien, les Maldives, les Chagos, Rodrigues, Maurice. 

(2) la maîtresse de classe unique a pris sa retraite en 2022, après 12 ans à Marla, l'îlet le plus haut du Cirque de Mafate, seulement accessible après une longue marche de descentes et montées depuis le littoral. Le documentaire d'Arte ne précise pas de quelle ville de la côte elle part, tous les lundis matin.   


dimanche 27 avril 2025

De FIL en AIGUILLE jusqu'aux VOLCANS de LA RÉUNION (1)

Se raccrocher à des hasards, des coïncidences... ce doit être pour demander que vous excusiez l'inspiration au nom de chacun de nos semblables, depuis qu'un mot de Jules Michelet éclaire soudainement de sa justesse, convainquant, en substance, que, par son contexte unique, chaque être est une humanité, une histoire universelle. 

Nous étions avec Nougaro et un ami réagit aux articles : il ajoute que l'artiste avait besoin d'un remontant avant de monter sur scène, tant le trac l'éprouvait. N'était-ce pas pour excuser son inspiration, parce que ce souffle créateur exhalé dit trop de la part d'intimité, de toute une impudeur, finalement, livrée au public ? Un artiste ne se met-il pas à nu devant la frilosité relative de rangs d'oignons à plusieurs peaux ? 

Le_Pont-Neuf_de_Toulouse 2014 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Didier Descouens. 
  

Nous étions avec Nougaro en concert. L'album live qui a suivi joue avec les mots « hombre et lumière » sauf que c'est bien « hombre » qui est écrit. Tant pour la musique que dans les paroles, l'inspiration de Nougaro bat souvent au diapason de Toulouse, Toulouse refuge de survie de la République espagnole après 1939. Ce concert se déroulait Port Viguerie, non loin du quai devant être dédié, en 2009, aux Républicains espagnols exilés. 

On se raccroche aux hasards, aux coïncidences qu'on peut ou alors, c'est que ces dernières sont des boules de bardane que le sort et les autres accrochent à nos basques. Chansons, Toulouse, Espagne, guerre civile, exil, Garonne, presque un champ lexical où s'ajouterait Montauban, pas loin de Toulouse... 

Montauban, nous y sommes avec Estèva Roda-Gil (1941-2004), né de parents catalans réfugiés à Montauban, encore la brûlure à vif de la guerre civile espagnole qui remonte. Et aussi qu'il faut vivre tant que la mort nous épargne... Étienne Roda-Gil est parti à 62 ans, comme son père Antonio Roda Valles (1908-1966). À Paris, ils eurent à affronter la xénophobie... Xénophobie ? un mal à ajouter à notre champ lexical ? 

Étienne Roda-Gil était un des paroliers attitrés de Julien Clerc ; en 1971, on lui doit la poésie du « Cœur Volcan », de quoi m'obliger à joindre “ destin ” aux hasards et coïncidences. C'est que la destinée m'a amené à passer des années à La Réunion, l'île volcan, dont trois juste au pied de la Fournaise, à Piton-Sainte-Rose... un chapitre qui, tel le magma 3000 km sous nos pieds, n'arrête pas de couver. Rien dans ce blog jusque là ; à croire encore que le temps reste devant soi alors que la camarde fauche sans discernement. Hier encore, avec un film et l'évocation de Marcello Mastroianni (1924-1996) elle a rappelé que pour tous, célèbres ou anonymes, le temps du rêve est compté et que si j'avais connu le sort de Marcello il y a longtemps que je ne serais plus. 

Piton_de_la_Fournaise éruption de 1981 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Auteur Jean-Claude Hanon

Alors cela devient fâcheux de toujours se hâter lentement, de patienter l'irruption éruptive sempiternellement latente, de se croire Piton de la Fournaise, rouge, pas à blanc, surtout pas en chandelles et bombes volcaniques de ces tueurs que sont les volcans gris. Qui plus est, de ne pas parler des larmes de la Terre (1) s'épanchant en fontaines, même en gerbes jaillissantes, découlerait d'une ingratitude alors qu'à la nuit tombée, depuis l'Enclos, jardin du géant, la vue peut donner loin sur les fontaines de sang et tout près sur la coulée qui barre la route, coagule mais ouvert de ses crevasses sur un flot rougeoyant. Et un regard sur l'assistance où badauds nous faisons corps, ouvre sur tout un peuple uni au spectacle. 

(1) on doit cette jolie image du volcan qui pleure au dessin d'un marmay (enfant) de là-bas... 





mercredi 23 avril 2025

DÉTOURS dans les CORBIÈRES pour NOUGARO (fin)

1962, une petite fille en pleurs, 1963, je sors du collège historique de Pézenas (1597) : mystère en dehors des remparts mais, dépassant le repli moyenâgeux du château à l'abri de ses murs, la résidence du domaine de la Grange des Prés, carrément en rase campagne, lui est antérieure. (Comme le prisme des violences actuelles et l'Histoire forcément condensée nous portent à croire que le passé n'était que sang et batailles). 

Pézenas Façade du vieux collège Henri IV, avec, au dessus de mon petit bouchon, la plaque honorant Paul Vidal de la Blache


De petites rues étroites donc, avec des petits balcons de faubourg espagnol, dont un échangeant presque avec celui en face... Par une fenêtre ouverte s'échappe « Cécile ma fille ». Nougaro a poussé à jamais ma porte. C'est sous ce balcon que je crois entendre aussi « Je suis sous », mystère encore puisqu'en 1964, à la sortie de la chanson, je ne suis plus à Pézenas. Mais quelle prétention à faire venir ainsi à soi un artiste majeur ! plus encore, si on me pousse, à bien vouloir le partager en dehors de l'Occitanie ! Vanités des vanités et omnia vanitas, quelle stupéfaction d'apprendre que Nougaro s'est trouvé un refuge dans les Corbières, lui qui dit « ... moi qui suis plutôt un nougarat des villes qu'un Nougaro des champs... » et moi, pauvre ver de terre en amour pour les étoiles, qui ose partager ce sentiment pour nos Corbières au motif que plus d'une vingtaine de mes articles cernent ce massif... Toujours cette prétention à se faire valoir par un meilleur que tous, que soi. Pour ce qu'ils valent, ces articles d'une vanité impuissante à me transformer un jour en ne papillon... 

Magne-Nougaro-Mones1980 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur LDME15 autre version File Michel Magne 1980
Michel Magne (1930-1984, ruiné, a mis fin à ses jours) a composé nombre de musiques de films célèbres (Wikipédia). À droite Bruno de Monès (1952-), photographe, a réalisé des affiches pour les concerts de Nougaro en 1981 ainsi que deux pochettes de disques dont « Chansons nettes » l'album de 1981. 

Nougaro (1929-2004), Claude de son prénom (avec “ Aude ” dedans, pas moyen de se guérir de l'impudence), a aussi su faire rimer rivière et Corbières, ces “ hautes ” terres souffrant avant tout du manque d'eau, d'un trop peu de pluies. Sacré Nougaro, “ Clode ”, qui, des Rimes au Verdouble, en passant par Cécile et Marie-Christine, me fait passer par tous mes états. Bien sûr il y a l'hymne « Ô moun pais, ô Toulouse », la Garonne à qui il a offert sa rivière du massif audois. 
« Rivière », un bien grand mot pour un ruisseau souvent à sec (2). Enfin, la poésie ne se discute pas... adhérer sinon passer son chemin... faut choisir, pas de juste milieu ! 
C'était un live, rive gauche, un concert port de la Viguerie, le 21 juillet 1998. Il a introduit sa chanson en évoquant les Corbières ; bien que prématuré, un Cers nocturne soulève les longs cheveux de son musicien aux claviers (3) alors que le poète poursuit avec « Beaucoup de vent » : un réconfort pour l'humain saturé de ville et qui peut enfin s'attarder sur la lune, les étoiles, la garrigue, le rocher, la vigne, les clochers avec, tant pis, la comparaison aux églises mexicaines, bien que surréaliste.        
Nougaro a eu la prudence de ne pas citer nommément Paziols (4), se contentant de faire rimer avec des bestioles : l'œil d'or des grenouilles, les poissons, les cigales et même l'hirondelle. 

Et hier, au-dessus du temps passé sur l'écritoire, de celui du néflier qui depuis décembre nourrit les fruits de ses fleurs, dans le bleu d'un ciel vierge, tout en haut, pour la première fois, une dizaine d'hirondelles, tout en bas les martinets fauchant l'air, criant si bien la vie, et entre les deux, le vol faussement nonchalant des crécerellettes. 

Faut vraiment grossir pour voir quelques oiseaux... finalement ce n'est pas plus mal... 

« Le ciel est, par-dessus le toit, si bleu, si calme... » Paul Verlaine. 
Le concert en plein air, Port de la Viguerie, a donné un album live « Hombre et Lumière », rime douloureuse, rappelant aussi la Retirada sous un ciel gris de neige, lui. « Hombre », homme d'Espagne, qui plus est pour Nougaro chantant sur ce « Quai de l'Exil Républicain Espagnol »... 

(1) Même l'Agly, fleuve côtier, ne coulait plus suite à plus de deux années de sécheresse avant qu'il ne reprenne, par le miracle d'un printemps 2025 plus arrosé. 
(2) membres de l'orchestre ne se cantonnant pas à accompagner, souvent impliqués pour la musique des morceaux : Nougaro ne manque pas, dans son tour de chant, de les citer
(3) entre curieux et autres paparazzi, de mentionner le village de Paziols aurait pu nuire gravement à sa tranquillité. Pas mariol du tout, il pouvait aller librement au café, échanger et y manger des sardines.