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lundi 28 avril 2025

Pitons de LA FOURNAISE, des NEIGES et RÉUNIONNAIS (fin)

Piton_de_la_Fournaise_&_piton_Rouge 2012 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author B.navez

La Fournaise, la fille-volcan fougueuse, révèle les Réunionnais, une mosaïque d'Afrique, de Swahili, de Madagascar, d'Inde, de Chine, d'Arabie, de Métis, d'Europe pour ce qu'elle a porté de chaînes... Et tout “ ça ” fait peuple... Un peuple si attachant dans ses pudeurs, sa réserve... un peuple volcan dans l'océan, un peuple discret, sans prétention sur le Monde qu'il agrandit à l'insu de son plein gré, donc sans s'en vanter, par la capacité de ses différences à coexister, à tolérer l'autre dans ses nuances. Certes, si la frustration peut culminer en colère, ce qui souvent caractérise les communautés trop quiètes en apparence, ce peuple irradie avant tout comme il brille en éclats d'olivine sur ces plages nouvelles qu'un océan peu rancunier crible incessamment, là où la mer bouillonna un jour sous un mur de lave. 

Piton_des_neiges_Reunion 2005 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author Mzelle Laure

Le Piton des Neiges, l'aïeul, le vieux, raconte les “ Rénionais ”. Mort pensez-vous ? Que nenni ! À plus de 3000 mètres de hauteur, il domine sa création, dernière-née (1) des entrailles terrestres, l'île jadis vierge puis par vagues investie. À la longue histoire géologique opiniâtre se greffe celle des Hommes, courte et bornée. Le père-volcan en témoigne. L'érosion et de possibles effondrements cataclysmiques ont formé quatre cirques. Si recouvert par une ultime coulée, celui des Marsouins, le quatrième, n'a pas offert de conditions favorables, trois d'entre eux, Salazie, Cilaos, Mafate, fermés par des abrupts et Remparts, restent marqués par le sursaut salutaire de ceux qui osèrent fuir l'asservissement, le travail forcé, les sévices, le traitement inhumain, le terrible racisme esclavagiste. 


Quelle misère que notre engeance, les libres devant faire front aux chasseurs de Noirs, souvent des petits Blancs infortunés, complices des gros colons, bien récompensés pour ramener les fuyards sinon leurs mains et oreilles coupées ! Quel bouleversement, l'Histoire révolutionnant souvent des situations qui, des métissages à l'origine du peuplement initial, ensuite entre chassés et chasseurs, a enrichi une diversité réunionnaise avec, suite à d'autres épisodes peu glorieux comme l'engagisme, l'espoir d'une dynamique qu'on désespère de voir enfin positive en faveur d'une créolité synonyme de race indivisible, de plus d'égalité de chances, en vue d'un avenir moins sombre qu'annoncé.  

Voilà comment depuis Toulouse, Montauban, les révoltés contre la dictature franquiste, Étienne Roda-Gil, le Cœur Volcan de Julien Clerc, nous sommes passés aux volcans de l'île de La Réunion, aux révoltés premiers de la liberté et à ceux, de nos jours, qui n'exigent que d'exister...   

Des volcans et des hommes - La Réunion, au coeur des volcans - Regarder le documentaire complet | ARTE

Mafate_Marla_from the Taibit pass 2012 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author Fabimaru

Émotion à voir et entendre à Marla, un des îlets de mémoire perchée, l'accueil aimant des marmay (les enfants) pour Marie-Paule (2), la maîtresse d'école avec l'accent du Midi, une émotion d'autant plus prenante pour avoir aussi connu là-bas, à La Réunion, à Mayotte comme ici en métropole, la confiance sans couleur, sans accent et sans âge que vous donnent tous ces enfants du Monde qu'on ne peut que soutenir et aimer... Remonte aussi le sentiment fort éprouvé à la vue du Piton Anchaing, du nom de cet esclave de légende mais si réel, accroché avec Heva son aimée sur ce pic inhospitalier où ils eurent des enfants... où ils eurent à subir la chasse à l'homme... Remonte encore ce bouquet de rameaux lourds de litchis laissé à notre intention en haut du mur par le voisin, toujours entendu malgré la discrétion de nos vies familiales mais jamais vu : un geste fort et marquant. Ne traînons pas sur ces frissons qui n'en finiraient pas de remonter des tréfonds de nos êtres tels les trémors d'avant éruption...      

Le Cœur Volcan,1971, paroles d'Étienne Roda Gil (1941-2004), musique Julien Clerc (1947-)

« Comme un volcan devenu vieux, mon cœur bat lentement la chamade... » oui mais plus que celle des yeux d'un être en amour, cette « lave tiède » corrosive coule dans « ...les veines malades... » du genre humain.  
        
(1) Le Piton des Neiges n'est peut-être que ce qui reste d'une montagne plus haute. À son origine, c'est le même point chaud qui a généré le Deccan indien, les Maldives, les Chagos, Rodrigues, Maurice. 

(2) la maîtresse de classe unique a pris sa retraite en 2022, après 12 ans à Marla, l'îlet le plus haut du Cirque de Mafate, seulement accessible après une longue marche de descentes et montées depuis le littoral. Le documentaire d'Arte ne précise pas de quelle ville de la côte elle part, tous les lundis matin.   


dimanche 27 avril 2025

De FIL en AIGUILLE jusqu'aux VOLCANS de LA RÉUNION (1)

Se raccrocher à des hasards, des coïncidences... ce doit être pour demander que vous excusiez l'inspiration au nom de chacun de nos semblables, depuis qu'un mot de Jules Michelet éclaire soudainement de sa justesse, convainquant, en substance, que, par son contexte unique, chaque être est une humanité, une histoire universelle. 

Nous étions avec Nougaro et un ami réagit aux articles : il ajoute que l'artiste avait besoin d'un remontant avant de monter sur scène, tant le trac l'éprouvait. N'était-ce pas pour excuser son inspiration, parce que ce souffle créateur exhalé dit trop de la part d'intimité, de toute une impudeur, finalement, livrée au public ? Un artiste ne se met-il pas à nu devant la frilosité relative de rangs d'oignons à plusieurs peaux ? 

Le_Pont-Neuf_de_Toulouse 2014 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Didier Descouens. 
  

Nous étions avec Nougaro en concert. L'album live qui a suivi joue avec les mots « hombre et lumière » sauf que c'est bien « hombre » qui est écrit. Tant pour la musique que dans les paroles, l'inspiration de Nougaro bat souvent au diapason de Toulouse, Toulouse refuge de survie de la République espagnole après 1939. Ce concert se déroulait Port Viguerie, non loin du quai devant être dédié, en 2009, aux Républicains espagnols exilés. 

On se raccroche aux hasards, aux coïncidences qu'on peut ou alors, c'est que ces dernières sont des boules de bardane que le sort et les autres accrochent à nos basques. Chansons, Toulouse, Espagne, guerre civile, exil, Garonne, presque un champ lexical où s'ajouterait Montauban, pas loin de Toulouse... 

Montauban, nous y sommes avec Estèva Roda-Gil (1941-2004), né de parents catalans réfugiés à Montauban, encore la brûlure à vif de la guerre civile espagnole qui remonte. Et aussi qu'il faut vivre tant que la mort nous épargne... Étienne Roda-Gil est parti à 62 ans, comme son père Antonio Roda Valles (1908-1966). À Paris, ils eurent à affronter la xénophobie... Xénophobie ? un mal à ajouter à notre champ lexical ? 

Étienne Roda-Gil était un des paroliers attitrés de Julien Clerc ; en 1971, on lui doit la poésie du « Cœur Volcan », de quoi m'obliger à joindre “ destin ” aux hasards et coïncidences. C'est que la destinée m'a amené à passer des années à La Réunion, l'île volcan, dont trois juste au pied de la Fournaise, à Piton-Sainte-Rose... un chapitre qui, tel le magma 3000 km sous nos pieds, n'arrête pas de couver. Rien dans ce blog jusque là ; à croire encore que le temps reste devant soi alors que la camarde fauche sans discernement. Hier encore, avec un film et l'évocation de Marcello Mastroianni (1924-1996) elle a rappelé que pour tous, célèbres ou anonymes, le temps du rêve est compté et que si j'avais connu le sort de Marcello il y a longtemps que je ne serais plus. 

Piton_de_la_Fournaise éruption de 1981 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Auteur Jean-Claude Hanon

Alors cela devient fâcheux de toujours se hâter lentement, de patienter l'irruption éruptive sempiternellement latente, de se croire Piton de la Fournaise, rouge, pas à blanc, surtout pas en chandelles et bombes volcaniques de ces tueurs que sont les volcans gris. Qui plus est, de ne pas parler des larmes de la Terre (1) s'épanchant en fontaines, même en gerbes jaillissantes, découlerait d'une ingratitude alors qu'à la nuit tombée, depuis l'Enclos, jardin du géant, la vue peut donner loin sur les fontaines de sang et tout près sur la coulée qui barre la route, coagule mais ouvert de ses crevasses sur un flot rougeoyant. Et un regard sur l'assistance où badauds nous faisons corps, ouvre sur tout un peuple uni au spectacle. 

(1) on doit cette jolie image du volcan qui pleure au dessin d'un marmay (enfant) de là-bas...