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lundi 21 décembre 2015

«TRADITIONS, NOËL, SUD, LANGUEDOC, AUDE...» / Aude & Languedoc


J’ai dû taper « Noël », « traditions », « Sud », « Languedoc », « Aude » et en moins de temps qu’il n’en fallut cette fois là à tonton pour prendre un brochet de 70 centimètres, l’ordi en a sorti des mètres. Des pages et des pages, en effet, un peu comme si, pour le poisson que je voulais accrocher, on avait vidé toute l’eau du lac. Force est donc de trier, de fouiller, en évitant la vase, à savoir l’incitation à consommer, toujours sous-jacente sur le Net mais sur-représentée puisque, en la circonstance, en premier, ce sont des invitations destinées à détourner le chaland vers la magie artificielle des marchés dits de Noël.
Patience, constance... Il est surtout question de persévérance quand on pose son bouchon dans l’espoir d’une bonne fortune... Sinon, pas de pêche miraculeuse, pas de petit poisson d’or tel celui du joli conte russe (1)... Demandez si ça vous dit mais ce serait hors de propos de le raconter ici... Le mien, de petit poisson surprise, attendait en deuxième page, et ses écailles brillantes m’ont pareillement ravi !
Le site invite à rencontrer Joseph Delteil (1894 -1978), l’écrivain-poète monté à Paris mais retourné vivre au pays, « al pais », puisque c’était écrit (2). Né d’un père charbonnier et d’une mère « buissonnière », à Villar-en-Val, mystérieux petit pays perdu dans des Corbières à l’écart des trépidations et trafics modernes, puis installé à Pieusse, terre de Blanquette (3), Delteil a gardé un vif souvenir de ses Noëls d’enfant, autour des années 1900. Lors d’un bref entretien radiophonique de 1970, Delteil a su faire partager l'importance qu'avait pour lui la célébration heureuse de Noël en famille. 


Puisque mon petit poisson d’or est aussi réel que mon Père Noël, vous devinez le bonheur que j’ai eu d’écouter, de passer et repasser l'entretien, pour transcrire puis lire et relire et revenir encore sur la parole de Delteil. Au-delà de la spontanéité de la discussion, de la grande exigence du direct qui ne rendent l'invité que plus humain, le message ne peut être plus clair. Et son accent valant mieux que mon inspiration incertaine, ci-joint les sites qui nous le gardent si présent pour passer et partager ce qu’il appelle « ses rites », transmis de père en père depuis l’antiquité.
Sources : merci Wikipedia, merci le Web !
Photo :  maison de Delteil à Pieusse / commons wikipedia / auteur : pinpin.

(1) Сказка о рыбаке и рыбке, Skazka o rybake i rybke) Le Conte du pêcheur et du petit poisson d’Alexandre Pouchkine, écrit le 14 octobre 1833, publié en 1835 dans la revue Biblioteka dlia tchteniia (Bibliothèque pour la lecture).
(2) est retourné vivre en Languedoc, à la Massane, un domaine proche de Montpellier. Dans ses oeuvres, des titres qui me parlent : Sur le Fleuve Amour 1922, Les Poilus 1925, Ode à Limoux 1926, Perpignan 1927, de J.-J. Rousseau à Mistral 1928, La Belle Aude 1930, La Cuisine Paléolithique 1964, La Delteilherie 1968... Joseph Delteil de même que son épouse Caroline Dudley, créatrice de la Revue Nègre, reposent au cimetière de Pieusse.
(3) La Blanquette de Limoux de la moyenne vallée de l’Aude, disputant au Champagne l’antériorité de ses bulles et d’un excellent rapport qualité-prix !

dimanche 22 novembre 2015

LES PLUS BÊTES NE SONT PAS CEUX QU’ON CROIT ! / Mayotte, France en Danger.

 « Nos amis les bêtes ! » : ne leur dites surtout pas, cela les ferait ricaner car les plus bêtes sont ceux qui se laissent engluer dans leurs propos mielleux. Politiques ou administratifs (les tenants du pouvoir, comme cul et chemise), ils sont experts, en effet, pour manier la xylolalie dite encore xyloglossie. L’art de la langue de bois, compétence de base de bien des incapables, consiste donc à parler beaucoup pour ne rien dire, à ne pas répondre aux questions dérangeantes tout en endormant béatement l’administré de base. Pis, il permet à ces gens-là de tromper, de mentir sans le moindre pic de vergogne ! Pour un père qui agirait de même envers son enfant, on dirait « dégueulasse » et pour eux, il faudrait s’abstenir ?

Bien à la hauteur de ce qu’attendent les sinistres crétins de l’Éducation nationale, la vice-recteur continue d’ajouter au "dégueu", avec une finesse qui fit particulièrement défaut à un de ses prédécesseurs, François-Marie Perrin, pour ne pas le nommer, célèbre pour ses considérations sur le vagin des Mahoraises et l’accent local  ! 



Au "dégueu" des écoles aux wc sales ou bouchés (Chiconi, Sada), aux fosses septiques débordantes (Chiconi, M’Gombani), quand les bâtiments ne se retrouvent pas carrément interdits pour dangerosité (Sada1 : voir précédents billets), se superpose le manque d’hygiène pour des enfants obligés de manger dans une cage d’escalier (Chiconi)(1)... 

Triste constat et pour cause ! En vrac et parce que ce cercle vicieux est un vrai maelstrom :
- une réforme des rythmes, pas  "dégueu"  du tout, au contraire, belle, enthousiasmante, si bonne pour les petits en dépit des vilains parents, des écoles à 80 % hors normes  !
- quelques euros pour appâter les élus, manière d’entretenir leur « opportunisme », c’est d’autant plus "dégueu" qu’on ne sait plus trop dans quel puits sans fond ils tombent (les € !), surtout quand le contrat des intermittents de l’extra-scolaire n’est pas renouvelé !
Et par dessus tout ça, Constance Cynique, la vice-rectrice, en remet plusieurs couches ! Si, dans un premier temps, elle déplore, la rengaine habituelle se fait vite entendre : « .../... Que les élus (de Chiconi) prennent contact pour les aider à planifier l’organisation de leur personnel pour s’assurer du bon fonctionnement des écoles...»... On croirait entendre une xylocope (2) sauf que les dits élus, affranchis depuis longtemps, ça les fait bien rigoler !
Encore sollicitée par la journaliste, la supplétive des sinistres crétins (enfin, elle en est aussi), d’abord condescendante, fait feu de tout bois à propos de Sada : «... Je comprends les parents qui ne veulent pas de ces rotations contre lesquelles nous luttons (tu parles ! NDLR). La commune de Sada a une bibliothèque, des terrains, des lieux d’accueil. La circonscription pourrait tout à fait organiser des choses et il y a des projets qui sont mis en place dans les écoles. Moi je suis persuadée qu’avec un travail que l’IEN a essayé de conduire, on arriverait à trouver des solutions avec des enfants qui auraient école et qui continueraient à apprendre sur une échéance courte puisqu’il me semble que la maire de Sada s’est engagée à faire en sorte que les travaux soient faits le plus rapidement possible...» 
C’est dit, à force, à la fin de la logorrhée, sinon, à l’entendre, c’est le rêve ! Salement "dégueu" de parler ainsi... Le déni complet de la situation ! A vomir ! Il y a des jours où on se satisferait de la mention « la vice-rectrice n’a pas souhaité répondre » ! 
«Une jolie fleur dans une peau de vache, une jolie vache déguisée en fleur...»... "puis qui vous mène avec des mots menteurs"... mais ça ce n'est pas Brassens qui l'a chanté ! 

(ne manquez pas le prochain épisode, avec le préfet !)

jeudi 12 novembre 2015

MAYOTTE Touits touits récents

#‎Mayotte‬ Candeur de Pau-Langevin :" Mais Mayotte n'est là que depuis le XIXème !" Moralité, normal que le petit dernier DOM n'ait rien !

#Mayotte Alibi de la ministre "la construction des écoles ne peut suivre la hausse des effectifs" Mais rien sur l'afflux dû aux clandestins!

#Mayotte Pau-Langevin "les transferts de l’État pr l'île st les + forts" Chante ministre, nov 2014 c'était 0,2 % pour 0.33 % de la populatN!

#Mayotte Blocages, grève générale Hier la ministre envolée sans tambour, fâchée, vexée... ça s'est même mal passé avec les journalistes.

#Mayotte barrages, opérations escargot, hélicos de CRS ! Qu'est-ce que tu es venue foutre George Pau-Langevin ? Mentir ? Encore promettre ?

 #‎Mayotte‬ Mot sinistre de la ministre "Ns avons déjà fait beaucoup !" Sauf que ce n'est jamais trop pour le peuple qui vous paye trop, lui !

#‎Mayotte‬ Circonstances atténuantes pour la ministre "Nous savons que ce qui se fait n’est pas suffisant..."
#Mayotte Circonstances aggravantes quant à la tergiversation de l’État qui envoie des missions alors qu'il sait déjà et depuis longtemps !

COTE OUEST ! DU RIFIFI A MANGAJOU ! / Mayotte en danger


Si les gendarmes ont ouvert le barrage de l'école maternelle de Mangajou, celui du village a aussitôt été dressé par les habitants.
La maire, médiatrice (petit soldat plutôt) des autorités n'est arrivée qu'à 9 heures.
Fermes, les irréductibles de la baie ont seulement chargé la messagère de convaincre en haut lieu qu'il n'est pas question d'envoyer les enfants l'après-midi et que cette exigence n'est pas négociable !
Que Constance Cynique, "M" le maudit et leur clique servile, zélés promoteurs de réformes d'autant plus lamentables que le territoire est sinistré, se le tiennent pour dit !
Quant à la solidarité, une banderole explique qu'elle n'est possible qu'avec un invité respectueux des locaux et du travail de son hôte (vols, locaux négligés).
Les jeunes du village en ont profité pour exiger de retrouver leur parc fermé par des tôles. A ceux qui trouvaient qu'ils étaient hors sujet, ils ont répondu qu'il était intelligent et positif, au contraire, de profiter d'un blocage pour faire passer un lot de revendications !

PS : ce 9 novembre est aussi un jour de grève générale à Mayotte !
Photos : merci DUNGULULU !

lundi 19 octobre 2015

DE PASSAGE A FLEURY, AFFRE LE TENOR / Fleury d'Aude, Languedoc

    Au café Billès, ils sont une petite troupe dont mon grand-père, ses copains : Félix Pujol, Zéphyrin, Henri Coural sûrement. Ils se pressent autour du gramophone. Attentifs à l’aiguille en suspens au-dessus du disque, ils espèrent déjà le ut, le ut dièse sinon le contre ut que le ténor va faire monter de son organe. Le sillon grésille avant que le speaker n’annonce « Roméo et Juliette, cavatine, chanté par Affre de l’opéra ». Le recueillement est à son comble quand retentit le carillon de porte. « Chut, s’il vous plaît ! » intiment-ils presque en chœur à l’importun qui n’a plus qu’à refermer derrière lui, précautionneusement.


    « Ah ! lève toi ! lève toi ! Parais ! Parais !.. » nasille le pavillon. Le nouveau venu s’approche, discret. Mais voilà-t’y pas qu’il se permet d’intervenir, de gâcher le moment ! Les mines teigneuses vont l’agonir de reproches quand il achève de les sidérer :
    « Plutôt que d’écouter ma voix sortie du fond des âges, je vais vous le chanter Roméo ! » annonce le nouveau venu en grimpant lestement sur une table ! Il a le sens du théâtre ! Ils se regardent, stupéfiés ! Et quand il entonne «Ah ! lève-toi soleil, fais pâlir les étoiles...» ils en restent babas !
    On s’en voudrait même qu’il ne déchire sa gorge, pour eux, spécialement, a cappella et en toute simplicité. Heureusement il a de la ressource, Affre ! Et quel coffre !
    Mais comment auraient-ils pu reconnaître le ténor de Saint-Chinian en cet homme petit et fort ? Et la barbiche et la moustache à la Van Dick restent indémodables encore vers 1920 ! Et puis qu’est-ce qui a bien pu amener Affre à Fleury, ce jour-là ? 



    Auguste Affre dit Gustarello (les documents liés à l’opéra disent “Agustarello”) est né le 21 octobre 1858 à Saint-Chinian dans l’Hérault chez un père fileur. Menuisier mais aimant la musique et doté d’une belle voix, il s’inscrit à l’orphéon du village.
    A 25 ans, il est remarqué lors d’un concours à Narbonne. Monsieur Rabaud (Hippolyte-François ?), violoncelle à l'Opéra, professeur au Conservatoire, et Marcelin Coural, maire de Narbonne (1), le poussent à rejoindre le Conservatoire de Toulouse. Auguste y étudiera de 1885 à 1887 avant d’intégrer le Conservatoire de Paris et d’être engagé à l’Opéra en 1890.
    Sa polyvalence en fit une valeur sûre du répertoire : aussi bien Eléazar que le prince Léopold dans La Juive, Ascanio dans le titre éponyme de Saint-Saëns, le Duc de Rigoletto, Fernand dans La Favorite, Roméo et aussi le modeste Tybald dans Roméo et Juliette, Laërte d'Hamlet, Don Gomès de Henry VIII, Lohengrin. Il chanta aussi Jonas du Prophète et le grand-prêtre Shahabarim, de Salammbô. 
     A Lyon, il créa Paillasse de Leoncavallo et l'Attaque du moulin d'Alfred Bruneau.
    Revenu à Paris, il fut Radamès en 1895 (Aïda), Faust un an plus tard, Raoul des Huguenots (1897), Samson (1898), Arnold de Guillaume Tell (1899), Vasco de l’Africaine en 1902...
    Sa voix souple et sonore permit de reprendre des oeuvres difficiles :  la Statue d'Ernest Reyer (Sélim) et l'Enlèvement au sérail (Belmont) en 1903, Armide (Renaud) en 1905.

    Peu de renseignements concernant sa vie privée. On sait seulement qu’il s’est marié le 5 mai 1881 avec la fille de son patron menuisier. La page qui en fait mention
http://www.appl-lachaise.net/appl/article.php3?id_article=2623
ne manque pas d’humour : “...ce fut un mariage d’amour, qui dura 18 ans, mais 18 ans seulement car Affre divorça le 19 mai 1899...”.
    Le site nous apprend aussi qu’Auguste Affre vendit sa villa à Cabourg pour se retirer sur la Côte-d’Azur. Il mourut à Cagnes-sur-Mer le 27 décembre 1931 à l’âge de 73 ans après avoir chanté Le Credo et Minuit Chrétien pour Noël.
    Il repose au Père-Lachaise. Un buste et un hommage de Saint-Chinian honorent sa mémoire. 

    Souvent, la vie des gens célèbres se caractérise par cette distance qu’ils prennent avec leur terre natale. Affre s’exila, comme plus tard Trénet tandis que Léon Escalaïs choisissait de revenir dans son village natal. Nous reparlerons de lui une fois prochaine.

(1) Charles Trénet soutient qu’un Affre de l’Opéra, ouvrier de son grand-père, chantait la Marseillaise dans la tonnellerie. Il doit mal interpréter des souvenirs qui lui ont ét racontés car, si Affre a été menuisier à Narbonne, la tonnellerie de son grand-père ne date que de 1914. A cette époque, le ténor de 56 ans, retraité de l’Opéra où il était entré en 1890, a peut-être rejoint le domaine viticole acquis dans le Narbonnais. Les sources ne le citent plus après ses rôles dans la Gloire de Corneille (Polyeucte) de Camille Saint-Saëns, le 6 juin 1906 puis dans La Thamara (Nour-Eddin), de  Louis Bourgault-Ducoudray, en 1907 (livret de Louis Gallet). En 1908, Affre quitte l’Opéra mais chantera encore en province, à la Nouvelle-Orléans et à La Havane.
    Notons que Charles Trénet a lui-même vécu quatre ans à Saint-Chinian (1919 -1923), entre sa sixième et sa dixième année quand son père y était notaire. 

Voir aussi http://www.artlyriquefr.fr/personnages/Affre%20Agustarello.html (extraits numérisés)
D’autres extraits d’époque sur disque sont disponibles sur youtube notamment.



photo du café Billès aujourd'hui disparu / livre "De Pérignan à Fleury" 2009.
pour le portrait d'Auguste Affre, voir les sites conseillés (pas une photo libre de droits). 
Vue générale de Saint-Chinian / auteur Guillaume "Frozman" Calas / commons wikimedia. 
Les Allées de Saint-Chinian / Auteur "Moi, propriétaire du copyright et qui le mets dans le domaine public..." / commons wikimedia. 

mardi 6 octobre 2015

“ LA VIE EST A PEINE PLUS VIEILLE QUE LA MORT” / Československo / Holoubkov ma forêt perdue...

 “ LA VIE EST A PEINE PLUS VIEILLE QUE LA MORT.” Paul Valéry.    

Vendredi 2 octobre 2015. 13 heures à Mayotte, une de moins sur un chemin à l’orée d’une forêt tchèque, de celles qui annoncent déjà la taïga russe, le galop des Cosaques vers l’est lointain et, dans l’autre sens, la chevauchée des hordes aux yeux bridés. Aujourd’hui, pourtant, ce n’est pas l’enfant qui se laisse aller à sonder ses mystères profonds et magiques, c’est l’adulte qui, par la pensée, passe et repasse sur ce chemin familier où certains se retrouvent écrasés par la force du destin, parce qu’on n’en revient pas quand sonne l’heure. Vendredi à midi, tonton a pris ce chemin sans retour ; il a rejoint les nôtres, ceux qui reposent dans la clairière et vivent dans nos souvenirs. 

                                                                                     Tonton Stáňa (août 1965).

    Est-ce que je peux être là-bas malgré les kilomètres par milliers qui nous séparent ? Comment est-ce possible alors que l’installation d’une guirlande et des lampions est prévue, qui plus est, parce que ce 2 octobre marque aussi les neuf ans de mon dernier ? Qui se permettrait de gâcher la fête, d’entamer chez les enfants un pécule d’optimisme si précieux pour la suite ? Pas moi en tout cas ! Va aussi pour la musique malgache : quel que soit le ferment, tout vient, tout irradie de l’intérieur... comme quand tu t’exclamais, tonton, avec gourmandise, à propos du métissage de mon fils « Takovej pěknej čokoládovej ! » (un si joli "chocolaté") ! 

                                                      Florian vers ses 3 ans (juillet 2009)

                                                                                          Tonton Stáňa (juillet 1969)

Sa mère a fait des gâteaux au chocolat, justement ! La Vzpominka na Zbiroh de Vačkař, ce sera pour un autre moment, au calme. “To chce klid”... On le dit ainsi, non, au pays des sombres forêts ? J’ai posté des photos pour les miens, sur facebook en me demandant s’il était convenable de s’afficher ainsi ? Mais puisque ça vient de l’intérieur... Et puis nous savons tous que tout et son contraire trouvent à se justifier urbi et orbi ! Il y a des pays où les gens banquettent et trinquent sec pour un enterrement !
    Chacun garde les portraits, les scènes et les décors qu’il peut, distillés, passés par le filtre des ans, contrairement au film accéléré qui défile pour ceux sur le point de franchir le pas, s’il faut en croire ce qui en est dit. Mes images convergent, lumineuses, dans le clair-obscur du chemin où l’armée des sapins tolère une délicate bordure de noisetiers. Dessous, des framboisiers dont la tendre verdure avait attiré une biche, une fois. Instantané fugace et fragile d’un regard partagé, exaltation même de la vie avant qu’elle ne se fonde dans la coulisse ! Sûr que pour l‘avoir précédée, elle est plus forte que la mort ! Sa sérénité rassure, grandissante, palpable quand le chemin donne dans la lumière foisonnante, au grand soleil du matin.
    Dormez tranquilles, cœurs aimants... Une première ligne d’arbres garde et protège la clairière. Derrière, en renfort, la forêt veille sur l’empreinte d’un passé qui seul peut répondre de  nos traces. La famille, les amis s’en retournent et moi je reste là, les yeux baissés, la semelle roulant mes pensées avec le gravier léger, du laitier peut-être, là où la biche s’est enfuie.
    Oui, tonton, chacun partagera ses images, ses sensations, en prenant soin d’éviter les sujets qui fâchent. Nos tableaux familiers s’animeront, dans la cuisine, au jardin, près du clapier, sous les pommiers, autour du taborak, le feu de camp, dans la forêt pour les myrtilles, les champignons, pour la bière du samedi dans la fumée de l’auberge, au lac... Dis, tu te souviens du brochet qui voulait se réfugier dans les roseaux ?
    Par-dessus les pointes des sapins, une locomotive poussive halète son effort dans la côte et si l’herbe est désormais lavée du poussier des escarbilles, l’écho des bouffées se répète comme ces voix qui se sont tues mais continuent à porter...
    Excuse-moi tonton, je pars chercher tante Joséphine : j’allais l’oublier, avec ses fleurs, sur la photo de famille... 

                                                                    Tante Joséphine, assise, avec des lunettes (1985).

dimanche 4 octobre 2015

Yves, pêcheur du Golfe (XIII) : “ L’ALLEMAND”, “MARCEL”, “LE BEAU MONDE !” / Fleury d'Aude en Languedoc


“ L’ALLEMAND”. En été, à la traîne, dès 6 heures du matin, il y avait déjà 200 personnes qui badaient. Un a demandé s’il pouvait photographier et filmer. J’ai répondu qu’il n’y avait pas de problème... Pourquoi refuser à partir du moment qu’on ne te gêne pas dans ton travail ?
A la fin du bol, il a même demandé s’il me devait quelque chose. Quelle question !
Chaque année, il revenait, je me souvenais de lui et une fois, j'ai eu l’idée de lui demander ce qu’il faisait des films.
“C’est que les hivers sont très rigoureux en Allemagne et nous avons beaucoup de plaisir, en famille et avec les amis, à regarder ces beaux souvenirs de l’été, de la Méditerranée !” 

“MARCEL”. Quand j’étais aux Cabanes, j’étais copain avec Marcel, un type qui avait échoué de l’autre côté de l’Aude, dans une paillote entre la plage et l’embouchure.... Les gens laissaient entendre qu’il avait un passé louche ; ils ne l’aimaient pas ; il le leur rendait bien, mais moi il m’avait à la bonne ; il vivait surtout de chasse, de pêche, de braconne s’entend... Il savait y faire... Il portait des alouettes aux restaurateurs de Béziers ou des hirondelles à la place... va voir la différence, une fois plumées ! Il avait entrepris de m’apprendre la pêche à la ligne. Si tu savais tous les loups qu’il a pu prendre en remontant l’Aude. Boh, moi, je suivais sans trop profiter des leçons... tu comprends, quand tu as les bastets du maître-nageur (voir le premier épisode) et la peau déjà cuite par le sel, la canne et lou moulinet (en occitan ce “t” final se prononce), c’est pour les demoiselles. Par contre lui, je sais pas comment il faisait mais avec une carabène et un coton, il était fort... et il ne s’en cachait pas, au contraire même... Il avait le chic pour s’en aller ferrer, en deux temps trois mouvements, juste au nez d’un de ces beaux messieurs de la ville, avant de recommencer devant le suivant alors qu’eux ne prenaient rien ! Ils en étaient babas, je te dis que ça !..
Les gens l’aimaient pas... soi-disant qu’il avait tué un garde-chasse et qu’il était là parce qu’interdit de séjour... Va savoir...” 



“LE BEAU MONDE !”. “ Tu sais qu’on peut être bête, saes (1), quand tu penses que pendant des années, pour le 14 juillet et le 15 août, on a régalé du beau monde... Ah, parlons-en du gratin ! C’est ma tante qui invitait la bonne société de Mazamet mais c’est nous qui étions bons pour la bouillabaisse, depuis le matin !.. ma pauvre mère surtout, aux fourneaux, dès l’aurore ! Et pour des gens riches qui portaient même pas le pain ! Cal esse bestio, saes !(“Il faut être bête, tu sais !")
(1) contraction de sabes, “tu sais” du verbe saupre = savoir alors que le nom “savoir” se dit “saber”... sauf fausse interprétation de ma part...
photos 1 & 2 La plage entre Les Cabanes et Saint-Pierre.
3 & 4 commons wikimedia hirondelle auteur Haltostress / alouette auteur Ómar Runólfsson Denmark
5, 6 & 7 assortiment, bouillabaisse.



mercredi 23 septembre 2015

SALUT POILU, C'EST ENCORE MOI ! (fin) / Pézenas, Languedoc, France


Qu’on ne s’offusque pas, surtout : cette familiarité n’a rien de condescendant. C’est l’affection qu’elle exprime, la complicité unique entre un grand-père et son pitchoun en serait une bonne illustration, quand l’aïeul blague et que le petit rit... Même que le Poilu a vu quand le passant a souri... Un passant convaincu, qui plus est, d’un clin d’œil en prime, je peux en témoigner, oui, mais pas pour le mot d’esprit dont l’enfant rit encore. Sûr que, plus vivant que jamais, le combattant insiste auprès des adultes, suggérant que rien et que tout séparent un soldat tué d’un papé toujours debout, rappelant combien l’horreur de la guerre n’est qu’ordinaire pour des êtres pourtant dotés de raison sinon de conscience.
Et cette façon directe de s’adresser aux présents, sans la moindre pique, sans la solennité guindée des cérémonies... N’allez pas vous méprendre : la communauté ne serait pas sans les rituels, sauf que ceux qui donnent dans l’emphase, l’affectation en excès, plutôt que de ranimer la flamme, l’étouffent plutôt, à leur corps défendant...


C’est vrai que j’ai pensé “épatant” et presque “formidable”, sans qu’il soit question ici de surenchère, de provocation, ou de cette prétendue arrogance que de vils dirigeants étrangers nous prêtent pour mieux flatter des leurs, les bas instincts... Bien sûr que la guerre, déplorable, haïssable pour certains, n’a rien de formidable. Loin de gommer le tragique de notre Histoire intemporelle, il s’agit ici d’apprécier seulement ce que l’atmosphère, dans le Square du Poilu, a de vivant, de moderne, d’accessible et surtout pas d’émoussé.
Et pour être passé devant toi plusieurs fois par jour, une année durant, sans pour autant te croiser, à l’âge où la fascination pour un grand-père entretient l’optimisme sinon l’euphorie, la vie indéfectible, le monde beau et gentil, je te salue, Poilu... Finalement, c’est toi qui es venu à ma rencontre... C’est mieux ainsi. 

Dans la quête d’un bon angle, si je papillonne en évoquant les grenouilles de tes voisins asséchés, les poissons, je tiens à te confirmer que nous t’avons aperçu, cet été, avec notre oncle Pierre, sur le front d’Alsace, sur les crêtes de l’Hartmannswillerskopf... Trois générations sinon quatre, main dans la main avec nos Poilus, les drapeaux claquant vers le ciel dans le silence et le vent froid... Un grand moment...
Et maintenant, au grand soleil, entre nous, tu le vois ce bonhomme de huit ans qui voltige sur le gros ressort de l’aire de jeux, il y était, dans la froidure, sous son béret, comme les grands ! Et c’est bien qu’il soit là aujourd’hui... Il lui reviendra un jour que ta présence sereine répète inlassablement que les folies mènent aux catastrophes. Dans nos villes, nos villages, tes semblables apaisés, désabusés mais forts d’une conviction profonde, bien que raillés, un temps méprisés, ne le cèdent en rien, pas plus aux fantassins des combats glorieux qu’aux victimes pour l’exemple. 
Tu sais ce qu’a pu dire Valéry :
"La guerre, un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas." (Paul Valéry).
Salut Poilu, à la prochaine ! Tape à nouveau sur mon épaule, pour que ce frisson ne meure ! Ce sera beau, fort comme une première fois ! 

photos 1. square du Poilu depuis le haut du cours Jean Jaurès. 
2. la ville depuis le square. 
3. Salut Poilu !
4. Une grenouille du bassin aux poissons, à sec. 

jeudi 17 septembre 2015

SALUT POILU, C‘EST ENCORE MOI... / Pézenas, Languedoc, France

“Qu’importe si tu rechignes à remonter ton cours, les flots, un jour, t’emporteront.” 

Sur le web, chacun grappille ce qu’il veut bien cueillir ou transplanter à son profit. Une lapalissade, d”un genre qui affleure la conscience des hommes au point de ne plus savoir laquelle des deux vient effleurer l’autre, arrive ainsi et résonne non sans raisons...
 
Celle-ci est venue flotter avec le bois peut-être charrié par la Peyne, lorsqu’un épisode pas toujours cévenol (je préfère dire “aigat") marque une fin d’été déjà teintée d’automne (https://www.youtube.com/watch?v=AezveVDQA2g attention la vidéo date d’un an). Quoi qu’il en soit, c’est la Lergue qui vient de faire les unes des eaux en furie. En attendant, ma jolie rivière piscénoise s’est invitée chez moi et j’ai pu lui exprimer le plaisir que j’ai eu, à la revoir au mois d’août  : “Je n’ai pas trop changé, qu’elle m’a fait ? ” 

Cela vous étonne qu’on puisse parler à sa rivière, sans être cabourd ou caluc (1) ? Ce n’est pas plus déplacé que de s’adresser à son dieu pour un déiste ou à sa vigne pour un vigneron. J’ai échangé quelques mots aussi, avec le Poilu, vous savez, celui du jardin public, en haut du cours Jean Jaurès, au niveau de la route de Roujan... C’était fin avril, (http://dedieujeanfrancois.blogspot.co/2015_04_01_archive.html), je lui avais promis de revenir, pour des photos, manière d’arranger la pauvre impression du cliché étique d'alors. 

 
Et puis, avant l’alerte aux fortes pluies, un post des amis de Pézenas, justement, ou de la ville, ou encore de l’Office du Tourisme, m’a fait l’effet du réveil qui sonne. Entre parenthèses, cette communication s’est envolée, comme fait exprès, malgré mes recherches sur le monument aux morts (face de bouc, je t’en veux !).
C’est que la dépêche semblait vouloir lui donner la parole, à notre Poilu sur sa canne ! La dénomination d’abord, “Square du Poilu”, marquant plus de proximité, de sentiment qu’un habituel “Monument aux Morts". 
Les autres morts, puisque vous le demandez, ceux de 40-45, d’Indochine, d’Algérie, loin de s’en formaliser, ne sont pas mécontents, au contraire, d’avoir ceux de 14 comme porte-parole.
 
Le square du Poilu me plaît vraiment ! Au point de le trouver carrément “épatant”... J’exagère ? Vous trouvez ?
(à suivre)

(1) “fada” en Provence... 

photos 1 & 2 La Peyne depuis le pont désaffecté du chemin de fer. 
3 & 4 Le poilu de Pézenas. 

dimanche 19 avril 2015

LA BUVETTE DES ROSIERS / Pézenas (fin).



Entre le jardin public et la buvette mais de l'autre côté de la promenade, de l'avenue mort-née, les jeunes filles en fleur du collège ne lui ont rien laissé. Il n‘a pas de mal à visualiser le chemisier blanc d‘un uniforme et sa jupe plissée, bleu marine, mais même les fantasmes de l'adolescence à venir ne sauront donner un visage, une allure, cette présence qui fondent l‘attirance vers les filles. Est-ce que sa cousine Françoise a travaillé ici ? Ce collège n'est pour lui qu'une grande, une imposante bâtisse sans vie dont le temps est rythmé par les platanes au fil des saisons. Longtemps ce furent les feuilles mortes de décembre avec une poésie lancinante sur une après-midi fânée, d‘Albert Samain. Aujourd'hui, en prime, il perçoit cet ardent débourrage de printemps, couvrant les branches d'un duvet doré, qu‘il ne savait voir alors. 





« Les platanes n'étaient encore qu'un nuage blond, un essaim d'or hésitant sur les branches. » (Henri Bidou). En face de la buvette justement, un portail ouvert, la branche basse, avenante, affectueuse d'un cèdre en majesté (1) ; au fond d'un jardin luxuriant, au milieu de chats en méditation, en contrebas, une maison, la maison aux fleurs d'une poétesse. Était-ce une maîtresse d'école à la retraite ? Il aimait bien l'endroit, la grand-mère aux chats : une atmosphère accueillante, rassurante, pour personnalité fuyante. Les chats dans l‘esprit du lieu, ne puant pas la pisse, comme rue Calquières-Basses où ils étaient avant. Raison de plus pour s‘apprivoiser un peu, oublier un instant le monde menaçant des adultes devant lequel il ne savait que se défiler, prompt à prendre la tangente. Les années passant, jamais il ne sut ou voulu mettre de mots sur ce malaise. Une question de survie peut-être... C'est à peine si aujourd'hui, il veut bien considérer quelques éléments d'explication mais presque pour cautionner, tant on ne doit pas faire confiance aux adultes. Il n‘empêche, dans son insatisfaction ambiante, agaçante, le doute prégnant, les contradictions intimes, ce havre de poésie lui tint lieu de levain. La rencontre d‘une muse, sûrement, lui ouvrit les voies de l‘inspiration. Quelques vers en restent, quelque part, sous un protège-cahier vert. Que pouvait-il alors fixer d‘un fusionnement brouillé de perceptions, de sentiments, de sensations mêlées ? Ce fil poétique arrivait-il à le détacher de son mal de vivre ? 


Paradoxalement, des lignes de force tangibles fouillaient déjà. Peut-être le vieux pont de fer sur la rivière conciliait-il, au-delà d‘une courbe sans rail, l'appel de lointains horizons et l'aventure à nos portes. Le labyrinthe paresseux de la Peyne, un monde où s'affrontent la terre, l'eau et le ciel, avant le cours forcé dans la rigole de béton, a certainement initié ou conforté un éveil à la nature. Un verdier dans un frêne, un rideau de carabènes (2) au vent du nord, un trou abrité des risées, une couleuvre entre les iris jaunes aux longues tiges, un dytique vorace dévorant un têtard, un garçon de douze ans sacrifiant un petit-gris pour une pêche illusoire. Quelle idée !
Cette présence rustique apaisante alliée aux prémices poétiques concrétisait la fuite possible, l‘évasion, un refuge qui alimenterait mauvaises raisons et fausses excuses pour remettre toujours à plus tard le moment, le pas inévitable, l‘abordage qui le verra se coltiner aux autres, aux adultes et avant tout avec lui-même... 

Il habita une drôle de maison dans un drôle de quartier. Il habite un âge dit mûr, lui permettant d‘accepter enfin le gosse qu‘il fut. Comme un bernard-l‘ermite qui regarderait ses coquilles usagées, méditant sur ce qu‘il était et a bien pu devenir, il peut désormais considérer son passé sans éluder, non pas pour se tromper encore en triant le bon et le mauvais mais pour tout garder. Les blocages, les refus, les opinions, les idées en gestation sont indispensables aussi pour grandir et évoluer. Il a suffi d‘une lecture pour que le processus s‘enclenche et parce qu‘on ne voit l‘évolution que dans ce qu‘elle a de constructif et positif, ce déclic lui a rouvert des souvenirs longtemps refoulés. Une barrière s‘est levée sur une métamorphose difficile, sans mettre à mal, cependant, le jardin secret qu‘est l‘enfance.
Une vie comme livrée aux caprices de la rivière, une maison originale dans un quartier qui ne l‘est pas moins, au-delà des faubourgs, en marge des terres, entre deux mondes. Avait-il seulement envie de retrouver ce paragraphe invité au détour d‘une page ? Maintenant que la carte affective en a été tracée, cela ne lui déplairait pas de tout revoir : le Foyer des Campagnes, le monument aux Morts (3) plutôt que les poissons rouges du jardin public, les platanes devant le collège des filles, la gare au toit vraiment vosgien. Finalement, excepté l‘écartèlement psychologique, loin d‘être éthéré, dans un autre monde, cet épisode a cristallisé du concret en formation. Avec l‘attrait pour la poésie s‘est conjugué l‘éveil à la nature. La maison de la poétesse, les limites imprécises entre la terre et la rivière amènent sûrement à réfléchir sur le temps qui nous façonne différents.

Est-ce parce que l‘enfance et la poésie ne meurent qu‘avec nous que le souvenir de la "Buvette des Rosiers" n'est pas près de faner ?

 
(1) "... Les châtaigniers se baissaient jusqu'à terre pour la caresser du bout de leurs branches..." La chèvre de M. Seguin / Alphonse Daudet. 
(2) roseau méditerranéen nommé aussi "canne de Provence", appellation injustement restrictive peut-être, géographiquement et historiquement parlant. en occitan, se dit "carabeno".
(3) loin de paraître comme une originalité sinon une anomalie, la canne du Poilu, représentée dans la sculpture, témoigne d‘une histoire qui mérite d‘être connue. A propos du centenaire de la Grande Guerre injustement oubliée un temps (nécessaire sûrement pour la considérer plus unanimement comme un terrible échec du genre humain), le 8 avril marqua le centenaire de la mort de Louis Pergaud, tombé pour la France près de Marchéville-en-Woëvre (front de Verdun), en 1915.


photos autorisées 1, 3, 4 : wikimedia commons. 2. François Dedieu 1963. 

mercredi 15 avril 2015

LA BUVETTE DES ROSIERS / Pézenas (suite).

LA BUVETTE DES ROSIERS / Pézenas (suite).

Or, curieusement, l'accès direct au boulevard "de ceinture" avec la possibilité de rejoindre l‘ancien cours Molière où se tient le traditionnel marché du samedi, est resté, ou devenu, piétonnier. Une promenade bordée de platanes court en effet vers la ville, mais sur à peine plus d‘une centaine de mètres, stoppée, fermée net par la balustrade style rocaille d‘un jardin public, avec son portillon grillagé, ses arbres, ses massifs, son buste commémoratif, son bassin aux poissons gonflés d'œufs (1). Existait-il antérieurement à la gare et à la promenade ? On se dit qu'il y eut bataille entre les classiques et les modernes. Qui a gagné ? Qui y perdit ? Le collège de jeunes filles, sur cette promenade en cul-de-sac, a-t-il pesé sur l‘accessibilité des lieux ? Et dans quel sens ? Entre la gare et la ville, la circulation hippomobile puis automobile se fait, à droite, de façon détournée, en joignant la route de Roujan. Ce qui a pu être une belle avenue ne forme qu‘un trajet confidentiel, une allée aux platanes, réservée, presque, au collège de jeunes filles. Bloqué par la balustrade, il continue néanmoins, descendant à droite jusqu‘à l‘habitation du voisin, l‘initiateur à la pêche au bouchon dans la rivière proche. Sa famille est la seule, je crois, de ce côté de maisons-immeubles qui donnent aussi, à l‘opposé, mais un niveau plus haut sur la route de Roujan. Encore à droite, donnant dans ce terrain en contrebas qui commence à se lotir, le tracé en £, le symbole de la Livre anglaise en reste à sa boucle.

Un mot sur la place (aujourd’hui un rond-point), au-delà du square, aux limites du territoire, en bordure de la ville. En face des cabinets publics, une salle ou un foyer des fêtes ou du peuple, il a oublié, où se donnaient les conférences de Connaissance du Monde (2). Un dimanche après-midi, agacé de sentir le lundi si proche, il en a même voulu à ces petits chanteurs orphelins portant leur croix qui bêlaient „Ne pleure pas Jeannette...”, comme si tous les enfants obligés de reprendre la classe, et lui en premier, n‘étaient pas à plaindre, eux...

A gauche de la buvette, toujours en regardant la ville, le rail, par un pont de fer, traversait „... un trou de verdure où coule une rivière...” ; la Peyne, un paradis de joncs, de roseaux à cigares, de plantes aquatiques dans le courant, de calmes plus profonds où brèmes, gardons et goujons taquinaient le bouchon rouge vif d'un pêcheur au coup. On en oublie que la voie ferrée, les routes et les chemins semblent exhaussés et qu'en aval le lit de la rivière est bétonné tant elle inquiète la ville. Corsetée, forcée dans un canalet central, l'eau vive ondule de longues algues vertes, cheveux d‘une ondine qui se hâterait de fuir cet aménagement urbain, pressée de recouvrer sa pleine nature. Un gentil débit. Gardons-nous, cependant de moquer l‘ondine... Comme tous les cours d‘eau méditerranéens, la Peyne peut offrir le spectacle dantesque d‘une crue causée par un aigat, „l‘épisode cévenol” des météorologues, quand les quartiers bas se retrouvent inondés et que le niveau dans le lit bétonné atteint l‘arche du pont de la nationale (3).


Mais revenons au pont, désaffecté, de la voie ferrée. Au delà de l'enchevêtrement calculé de poutrelles, comme un hameau rustique, un havre oublié, tout proche pourtant, de tuiles, de potagers et de vergers imbriqués, bien lové au bord de la rivière libre, bien qu‘ exposé à ses colères.

Pour situer le coin, en rayonnant depuis la gare : dans la perspective, le jardin public, à droite la route de Roujan, à gauche le pont, le hameau, la rivière. Et lui au milieu puisque son père travaille ici. La famille loue "La Buvette des Rosiers", vidée depuis longtemps de ses rires, des vives discussions, des allées et venues vers le bourg. Il y a belle lurette que les élégantes et leurs ombrelles ont déserté la tonnelle rouillée... Sa mémoire cherche en vain un rosier grimpant. De l'autre côté du carrefour délaissé, dans la Dauphine bleu séraphin du papa, à l'abri sous ce large auvent de gare qui n'a rien de languedocien, sur la plage arrière, il voit une minette qui attend, habituée à nomadiser, le temps d'un jeudi, d'un dimanche ou des vacances scolaires, du lieu de travail jusqu‘au village, ancrage aussi natal que viscéral. (à suivre).


(1) il s‘agit plutôt du Monument aux Morts, avec le soldat à la canne entourée d‘un serpent, portant son casque de l‘autre main. La mémoire persiste à induire en erreur. Alors que le monument est imposant, avec un portique en arc de cercle où les morts sont inscrits, elle fait confondre avec le square, vers la passerelle sur la Peyne, où se dresse le buste de Molière. Est-ce que cela correspondrait, au début des années 60, à un oubli volontaire des guerres dont la Grande, la première ? Comment le devoir de mémoire était alors transmis aux jeunes générations ?

(2) Les Mahuzier en Afrique, Lionel Terray à l‘Annapurna, pour celles qui reviennent en mémoire et encore, vu que je confondais avec Maurice Herzog...

(3) ces aigats soudains survenaient plutôt en automne lorsqu‘une perturbation en forme de crosse d‘évêque fait tomber un déluge sur le rebord du Massif-Central avant de le faire dévaler sur l‘amphithéâtre languedocien. En 1907, la crue a démoli la passerelle donnant sur la distillerie et le quartier des Calquières Hautes.
 

photo 1 & 4 autorisées commons wikipedia / 2 & 3 François Dedieu 1963.

lundi 6 avril 2015

PAS QUE... / Fleury d'Aude en Languedoc

Pas que... pas que ça...
Peu importe si nissan (1) est antérieur à Nicée... Mais non, pas la marque nippone (ni mauvaise non plus) ; ensuite, si vous prononcez "niquée", c'est que vous confondez avec l'Athéna, qui l'était, et majuscule qui plus est ! Peu importe si la Pâque prélude aux Pâques, ce qui préexiste sans contestation aucune, sous les climats à quatre saisons, c'est l'équinoxe de printemps, le renouveau, la promesse de la terre, l'espérance universelle que demain encore sera. « Que sera, sera... » (2)





Alors tous les signaux, même exhibés en signes de ralliement au nom de dogmes sectaires, je me les récupère car je les aime, mes semblables quand, cessant les fanfaronnades, ils se regroupent pour s'en remettre à plus fort qu'eux. Alors chez moi, quand les bourgeons gonflent, dehors et dans ma tête, fin mars, début avril, je me les fais miens les lauriers, le buis, l'olivier et tous ces rameaux élevés vers le ciel : je leur fais dire la même chose qu’en troupeau, mais autrement, en marmonnant, doucement pour qu'on croie avoir entendu, sans comprendre vraiment. Mais c'était avant, c'est apaisé maintenant... Pas comme là-bas, de l'autre côté, où une bête immonde exhale sa barbarie, où "... Pas besoin d'être Jérémie pour d'viner l'sort qui..." leur est promis.

Non, non, contrairement à ce que vous croyez, je ne vais pas encore vilipender nos dirigeants mouillés un tant soit peu et valant si peu, d'ailleurs. Je reste avec Pergaud et Brassens, vaut mieux...
Fichtre ! un peu de hauteur, ça sent meilleur là-haut ! La chasse aux papillons, Pâques fleuries, mon clocher et ces volées de souvenirs qui grifferont jusqu'au dernier jour...
Je cours relire, avec une envie toujours renouvelée, ce que nous écrivions avec papa, à quatre mains presque. Lui, reprend un martelet que j'ai dû évoquer même si c'était un peu tôt, de la part des jeunes désœuvrés, pour taper chez les gens endormis. Sa touche personnelle, plus captivante, vient juste après : 


« ... Dimanche des rameaux 1953 : Le mauve de la glycine qui étale ses grappes près d’un portail de la place du Ramonétage m’a fait penser à l’entrée monumentale du château de Saint-André-de-Sangonis, et en ce jour des Rameaux je revois Marcellin, le vieux serviteur zélé jonzacois qui, de retour de la messe, parcourait une à une les pièces de la grande maison pour laisser dans chacune d’elles une branchette de laurier bénit destinée à remplacer celle de l’année précédente. Pauvre Marcellin, si gentil au fond, qui revenait avec nostalgie sur ses cinquante années passées au service des familles Martin, puis Gaudion de Conas, Romilly enfin ; il évoquait la cure à lui payée jadis annuellement à « Châtel » (Châtelguyon), les tenues de service auxquelles il avait droit, bref les beaux moments de sa vie de fidèle domestique. Et maintenant ? La comtesse, toujours à court d’argent, lui devait même sept mois de gages, quelle misère ! Aurait-il mieux fait de rester au service de la maison Martell qui portait si haut depuis si longtemps le renom du cognac français, celui de son pays qu’il ne reverrait plus ?.. » François Dedieu, p. 185 Le Renouveau  / Caboujolette 2008.


Moi : « ... Le samedi reste empreint de mystère mais notre communauté villageoise renaît le dimanche dans l'église inondée de soleil, pleine de monde, lorsqu'une élégante voulant se mettre en évidence se signe en retard devant le bénitier. Ensuite les familles se retrouvent pour le repas de fête avec les œufs au mimosa, farcis d'anchois, le gigot de l'agneau pascal et le bras de Vénus à la crème pâtissière.

Une tradition qui n'a rien de religieux veut que l'omelette pascale soit préparée pour le pique-nique du lundi de Pâques. La Saint-Loup (3) est un jour férié. Les groupes joyeux se retrouvent dans les pins, dans les prés, à la mer aussi… aux Cabanes, à Saint-Pierre... » Jean-François Dedieu, p. 161 Le Renouveau / Le Carignan 2008.   




Lundi de Pâques 6 avril 2015, comment laisser passer un jour indissociable de son dimanche, sans trop penser à « l’agnus pascalus » qui a eu plus de chance que son alter ego « paschalis » parce que « sans le latin, sans le latin... », même Brassens n’a plus voulu suivre (4) ! 



(1) mois hébraïque.
(2) « When I was just a little girl
I asked my mother, " What will I be ?
Will I be pretty, will I be rich ? "
Here's what she said to me... » Doris Day (1956).
(3) Quel est ce saint mystérieux ? A Coursan, ils disent « faire pâquette ».
(4) langue de l’Eglise alors que la Nouveau Testament est écrit en grec. 

photos 1 tulipes F. Dedieu 1965. 2 & 3 ciste cotonneux et ciste de Montpellier JFDedieu.

mercredi 1 avril 2015

LA BUVETTE DES ROSIERS (Pézenas) I / Fleury d'Aude en Languedoc


Il a habité un drôle de coin, au delà des faubourgs, eux-mêmes hors les remparts d‘un château ruiné. En fait, il n'a fait que passer, seulement une petite année, une année d‘école dont il ne lui restait que des bribes. Le cadre seulement, d‘une photo jaunie, rongée par des auréoles brunes, une lèpre traduisant bien son mal de vivre d‘alors, un mal être de pré-adolescent ne s'acceptant guère, plein de rancœur contre un monde continuant à tourner rond mais sans lui. Il lui fallut longtemps pour accepter ce passé glauque, ou plutôt réaliser qu‘un cap franchi dans sa vie d‘adulte lui faisait désormais revisiter son passé sous un angle aussi inédit qu‘apaisé. Des choses qui arrivent sans demander la permission, dévoilées au hasard d‘une circonstance fortuite, ici une lecture. Page 111, un passage plein de tendresse sur les buvettes, signé Jacques Lacarrière : „ Dans une buvette, on ne consomme jamais, on boit... /... (elle est) la chaumière des boissons fraîches, la chaumine où l‘on se désaltère...” (1). C'est le mot "buvette" qui le laisse pantois parce qu‘il est étonné d‘en revoir une, sous un jour nouveau, apaisé, sous une douce lumière fleurie. Réconcilié avec une part de lui-même, il découvre des lambeaux de temps ignorés qui se recollent autour de sa buvette. Jamais ce quartier des Rosiers ne lui était apparu aussi frais et singulier. 




La ville ne manque pourtant pas de charme et d'originalité. Les pierres renaissance gardent le souvenir de Molière, des lourdes perruques talquées de l'Hôtel d'Alfonce. Celui de Bobby Lapointe, aussi, avec un "Ta Cathy t'a quitté...", qui semble descendre du perron de cette grande demeure sur le cours. 



 Entre province et capitale, nous sommes à Pézenas, un gros bourg indépendant, assez loin de Béziers au Sud, de Montpellier au Nord-Est, célèbre au Moyen-Âge pour ses foires. C'est peut-être cette situation de carrefour, entre le rivage méditerranéen, ourlé d'une voie romaine et ce débouché de l'intérieur, depuis Clermont-Ferrand et Paris, par le Massif Central, qui en fit une capitale du Languedoc. Deux siècles durant, Pézenas rayonna de l‘intérieur et vers l‘extérieur. De la fusion avec la Provence, elle garde les vers à soie, les compétitions de tambourin sur un mail si vaste qu'il ne dépareillerait pas les fanfaronnades d'un Tartarin d'outre-Rhône. De l‘amont du fleuve impétueux, elle partage une tradition drapière et, plus anecdotiquement, ce jeu de longue qu'on n'ose pas nommer "lyonnaise" mais qu'il ne faut surtout pas confondre avec la pétanque. Et ce fronton de pelote basque ou de paume française, que faut-il en penser ? Pézenas, la collégiale St Jean, son gros clocher protecteur. Le cours Jean Jaurès et son marché du samedi qui remonte à Jacques Cœur sinon aux foires du Moyen-Âge. 



Le parc presque sauvage de "Sans souci" malgré son mur d'enceinte bien policé. La promenade du Pré et ses platanes, dominant la rivière. Pézenas, la coquetterie d'une ville à la campagne : les squares avec les ronds dans l'eau des poissons rouges, le fumet de quelque cuissot rôti par un disciple de Vatel dans les cuisines du Grand Hôtel. Et cette campagne où le plus grand vignoble au monde semble le céder, sur les coteaux crayeux, aux câpriers, à l'amandier des talus, et dans les alluvions de la Peyne et de l'Hérault, aux arbres fruitiers, au pêcher rose "noir et chenu" (2), à l'olivier, au mûrier de la Grange des Prés, et à l‘abricotier, le préféré des écoliers (3). Un petit bijou de ville serti dans son empan de plaine languedocienne, entre le promontoire de Castelnau-de-Guers sculpté par le fleuve, celui des sources chaudes et ferrugineuses de Saint-Siméon, à l‘opposé, et les coteaux de Chichéry vers Nizas et Caux, au nord-ouest.

Dans cette histoire à travers les âges, un petit paragraphe montrerait la gare avec des paysans venus des villages un jour de marché, hommes et femmes mêlés. Des blouses, des tabliers sous les chapeaux et bonnets, de lourdes corbeilles, des paniers ventrus. Le verbe haut, on trinque sec dans la "Buvette des Rosiers". Sous la tonnelle, une élégante et son ombrelle. Une nostalgie de guinguette qui vous fait voir autrement un tableau de Renoir. Étonné, il n'imaginait pas tous ces gens avant lui, ici, dans ce quartier singulier de maisons et jardins, une tranquillité que le train vint un jour bousculer, apportant sa modernité au grand marché du samedi.

Les lignes de la gare aujourd'hui désaffectée exposent l'architecture du chemin de fer triomphant, un temps où le rail conquérant n'imaginait pas que la route blanche de poussière l'emporterait un jour avec son moteur à explosion. Une époque où la plupart des localités s‘accrochaient au réseau, où chaque village s'était rapproché des autres en se facilitant l‘accès à la ville, grâce au petit train. La gare fut certainement la raison d'être de ce quartier. (A suivre).

(1) page 111, Chemin faisant, Jacques Lacarrière, Fayard 1977 & 1997.
(2) ” J‘ai vu fleurir le pêcher rose...” Au mois d‘avril Madeleine Ley.
(3) En juin et cela marquait la fin de l‘année scolaire. A la récréation, les enfants lançaient des noyaux d‘abricots sur des sujets à déquiller, avec, comme aux billes, des gagnants et surtout des perdants. 

photos autorisées 1. Pézenas vue générale en.wikipedia / 2 & 3. commons wikimedia /  4 & 5. Le marché F. Dedieu 1963.