vendredi 31 octobre 2025

Fleury, le mercredi 15 octobre 1997.

 « Bien cher Jean-François, 

Ta “ lettre-fleuve ” de huit pages partie le 7 octobre de Coconi nous est arrivée hier (elle a mis sept jours). Maman l'a lue et aussi Christine et Olivier qui nous a porté quelques kakis (il y en a peu cette année et ils sont petits sauf exceptions) ; arrivé en 2 CV, il s'est retrouvé en panne sèche en bas de la rue avant de se dépanner assez vite. Ils ont aimé aussi tes détails concernant le timbre « Visage de femme », ta rencontre avec le receveur puis avec Bouchata de Sada qui en a été le modèle. 

Nous sommes brusquement passés du plein été à la fraîcheur de l'automne, en attendant de pied ferme l'été de la Saint-Martin, « l'estivet de San Marti » qui en général ne manque pas à l'appel ; la température a bien baissé et le cers qui maintenant semble se calmer, était assez froid. Mon dernier bain date du 7 octobre, hier le 10, j'aurais pu aussi, je n'ai pas osé, j'aurais vraiment été le seul ! 

Pense au billet d'avion, on sait que pour la famille de Claude, à destination de Maurice, c'était déjà complet quatre mois avant. 

Je continue mes travaux de peinture : alabastine et deux couches. 

Originaire de Brno, la professeur de tchèque de Laeti leur a conseillé de s'informer et de lire sur Bohumil Hrabal, figure attachante de la littérature tchèque contemporaine, qui vient de mourir à Prague (né en 1914). Bon, il est vrai, porté sur la bière, ramené quelquefois chez lui sur une brouette par ses camarades, mais son œuvre est intéressante. Le Petit Larousse parle de sa liberté subversive (qui lui a valu la censure communiste), son écriture colorée et baroque. Sur ses œuvres, son interdiction de publication, sa célébrité, bien que plus ancien, le GDEL est plus complet.  

D'après  « Mluvite cesky ? » (parlez-vous tchèque ?), un livre de Laeti, Vaclav Havel ne se prononce pas “ Vaklav Avel ”. De même, ne pas dire “ Ko to jai ? ” pour “ Co to je ?” (“ Tso to yé ? » Qu'est-ce que c'est ? ”). Figurent aussi des questions et réponses simples, une initiation aux conjugaisons. 

Quand j'allais poster mon envoi des 3-6 octobre, j'ai lu devant la mairie l'avis de décès de Jean SEGURA (obsèques le 11 en l'église St-Paul-Serge de Narbonne) ; je t'ai sans doute annoncé le décès de PLA mais pas le “ coup de folie ” d'Adrien FOUNEAU qui ne reconnaissait plus sa femme Marinette... Il n'avait jamais épousé une femme aussi vieille, disait-il. Il a fallu l'interner. 

23 h 30, il se fait tard. A demain sans trop penser au foncier payé hier. 

Jeudi 16 octobre 1997. En parlant d'impôts, trouvant qu'elle payait trop cher, N. B. de Fleury a fait venir un inspecteur des impôts. Or, trouvant que même le grenier était habitable, cet inspecteur a tout modifié de l'imposition. Elle, par contre, s'en voulait de sa bêtise... une année de crainte et plus de mille francs... en moins. Ouf ! 

Brassica_rapa_subsp._pekinensis_'Manoko' 2021 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Krzystof Ziarnek, Kenraiz


14 h 15. Le vent est tombé, le soleil brille, mais l'atmosphère reste fraîche, l'automne a vraiment fait sa rentrée. nous avons lu avec intérêt les prix des divers légumes. Ici, les tomates ont passé le cap des dix francs, ces jours-ci même à 14 ou 15 francs, les avocats à 4 F pièce. Christine nous dit que dans la région un gros avocatier fructifie, ce qui est complètement inattendu chez nous. Il y en a un, à Fleury, dans la petite rue Emile Zola. Si les courgettes sont meilleur marché ici, les haricots paille sont aussi chers qu'à Mayotte. Cet été les haricots verts étaient entre 14 et 16 F., ceux que j'avais acheté n'avaient rien valu. Je ne connaissais pas le “ pé-tsaï ” ou chou de Chine ; je découvre ce nom suite à ta lettre. Le Grand Larousse GDEL dit : Chou chinois (Brassica chiniensis), feuilles vert pâle, nervures aplaties, larges, blanches, partie pommée allongée, famille des crucifères. Le XXe signale qu'il est apprécié pour sa croissance rapide et sa douceur. Mon ancien Larousse Gastronomique en fait aussi mention à l'article « Chou ». Pour notre part, hier nous avions un chou-fleur avec pommes de terre (9.95 F) et du concombre en entrée (3.95 pièce). 

Merci pour ton récit du mariage ; Olivier a trouvé que les rations étaient limitées. Et ta collègue qui voulait doucher son chien chez toi ? Tu fis bien de l'envoyer ailleurs ! 

Ravis de voir que ton emploi du temps te convient pleinement, il ne nous reste plus qu'à te souhaiter une excellente santé, courage et patience. le bonjour à Gilbert. 

Nous t'embrassons bien fort. 

Maman et papa.     


mercredi 29 octobre 2025

Écrits croisés, 27 oct. 1997.

 « Fleury-d'Aude, lundi 27 octobre 1997

Bien cher fils, 

Une nouvelle semaine commence avec l'heure d'hiver et la fraîcheur matinale, mais les journées sont très ensoleillées, agréables. Hier même, les voisins à la mer se sont baignés serait-ce vite fait, l'eau étant à 18 degrés. Leur fils, poids-lourd entre Perpignan et l'Espagne, qui dort souvent dans le camion, les rejoint chaque semaine. 

Stamp_of_Anjouan -1900 -1929 Colnect_215579_-_Trype_Groupe Domaine Public Author Post of Anjouan
 

Hier, comme d'habitude, j'ai regardé le télétexte, une dépêche était titrée d'Anjouan : 

« ANJOUAN - REFERENDUM SUR L'INDEPENDANCE. 
Les habitants de l'île d'Anjouan, dans l'archipel des Comores, ont voté dimanche massivement par référendum pour se prononcer pour ou contre l'indépendance. 
Ce référendum, dont le résultat sera connu lundi, est désapprouvé par l'OUA et critiqué par des dirigeants séparatistes, car il fait peser des risques sérieux sur l'avenir de l'île. 
Le “ oui ” à l'indépendance devrait l'emporter, et l'OUA (Organisation de l'Unité Africaine) a annoncé qu'elle considérerait “ nuls et non avenus ” les résultats du référendum. » 26. 10. 97 16 h 36 JB/CJ

Mardi 28 octobre, huit heures. 
Je dois te signaler l'accident dont a été victime notre cousin Jackie Andrieu sur la route de Gruissan. En camion, il revenait de s'approvisionner en fruits et légumes et a subi une collision : devant enfoncé, la portière s'est ouverte et il a été heureusement éjecté. Il a eu des dents arrachées, une clavicule, une ou plusieurs côtes brisées, les deux pieds brûlés. Germaine qui attendait le car pour aller voir “ l'oncle Ernest fatigué ” m'a dit que ça allait mieux mais que le pied met longtemps à guérir, le docteur parle d'une greffe si les chairs ne remontent pas. 

Comme tu vois, mes nouvelles ne sont pas gaies mais nous approchons de la Toussaint. J'ai sous les yeux ma leçon de morale de novembre 1933 (j'avais onze ans, c'était avec monsieur Teisseire [pas de “ y ” disait-il) : « Pensons aux morts. A l'occasion de la Toussaint, souvenons-nous que notre génération doit tout au long travail des générations successives qui nous ont précédés. le souvenir des morts est un culte sacré. » C'est par ces quelques lignes de “ morale ” que nous commencions ce mercredi 15 novembre, curieusement bien en retard sur ce jour particulier. 

Je continue mes petits travaux... à suivre donc surtout que Milou se demande pourquoi sa promenade tarde tant. Je vais le satisfaire. 

Gouffre_de_l'Œil_Doux 2016 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Auteur François de Dijon.

17 h 30. Il fait un peu frais, avec une petite averse. Vendredi dernier nous avons regardé « Le Garçon d'Orage » avec l'Œil doux plusieurs fois mais sans distinguer Olivier, peut-être en vert et de trois-quarts dos. C'est agréable mais loin de constituer un chef-d'œuvre. 

Nos petits-fils déménagent deux éléments de la cuisine en pin. Partis à 14 h, ils devaient rendre le camion à Hyères, à 19 h au plus tard. 

Gros baisers de nous tous. le bonjour à Gilbert. 
Papa François, maman Jirina (mentions manuscrites).  

mardi 28 octobre 2025

L'EXPRESS 97 sur MAYOTTE (fin)

Deuxième volet de l'article inclus dans la correspondance paternelle depuis l'Aude vers Mayotte où je travaillais par contrat. (article de Michèle Georges dans L'Express en date du 21 août 1997, avec, de ma part, seulement un condensé subjectif commenté entre parenthèses). 

Selon la journaliste, il n'empêche que bien des problèmes viennent entraver l'intégration de Mayotte : une société de « structure musulmane, teintée d'animisme ... », le néocolonialisme, « beaucoup de laisser-faire » sont aussi mis en avant... et de prendre pour exemple le manque de cadastre ( sauf que lorsque l'acte de propriété existe, même l'administration locale peut tenter de s'accaparer indûment le bien d'autrui... je connais personnellement la cas d'Ali qui a failli se faire déposséder et qui a été longtemps malade de la bataille infligée afin de faire valoir ses droits... Par contre, encore avec des pincettes, qu'en est-il, en pensant aussi aux bidonvilles, des constructions illégales peut-être dans la bande littorale où il incomberait à l'État de se payer les taxes afférentes ?) 

L'article poursuit avec la difficulté liée à la contribution foncière pour un banga concernant un paysan vivant de « la cueillette de banane et d'un peu de manioc ». (il est vrai qu'en métropole, si la chasse aux constructions illégales prennent bien des années, la moindre propriété coûte tous les ans un impôt excessif au propriétaire déjà sollicité en amont et qui devra payer sa vie durant l'équivalent d'un loyer... la France est un pays très libéral pour les grandes fortunes à l'enrichissement indécent... la France est un pays communiste rackettant les moyens et les petits qui ont eu le malheur de vouloir sortir de leur condition...). 

(Ensuite les noms de famille alors qu'après le prénom, la tradition faisait porter le prénom du père : cela s'est fait souvent en adoptant le nom d'un aïeul sinon en gardant ledit prénom. De même pour l'état civil jadis géré par les cadis, juges de paix musulmans... réputés « illettrés dans toutes les langues (arabe, shimaoré, français...) et facilement corruptibles... ». (Ainsi, changer de date de naissance, prendre le nom de son frère pour pouvoir postuler [un instituteur m'en a témoigné], par exemple, était monnayable). 

Pénurie d'eau... statut de la femme... 

Et surtout, cette loi cadiale, religieuse, confirmait le statut inférieur de la femme : répudiation, divorce toujours en faveur des hommes qui laissent leur progéniture en pertes et profits (l'appartenance à la France confortée par la départementalisation amènera à l'émancipation des femmes. Le permis, la voiture, l'emploi [pour le dire vite], dénotent de leur libération de l'emprise masculine, de leur dépendance financière, de l'obligation d'engendrer. En outre, la prétention à la polygamie au motif qu'elle serait plus honnête que la relation extraconjugale, le cas du président Mitterand étant souvent mis en avant, n'a plus rien de patent).

Michèle Georges, l'envoyée de l'Express, rappelle le rôle majeur des « chatouilleuses » dans la bataille pour Mayotte française, (un combat certes pour l'égalité de droits et de devoirs [ces derniers trouvant à s'appliquer pratiquement aussitôt alors que les droits ne seront assurés qu'à long terme... et du même ordre je relevais dans un article d'Agoravox, le 31 mars 2018, que Mayotte, alors 0.3 % de la population française ne recevait que 0.2 % de redistribution par l'État et, chiffre plus récent, que Mayotte ne recevait que 62 % de ce que reçoit la Guyane] alors pourquoi rabaisser le niveau du débat en avançant que la motivation mahoraise serait “ l'argent-braguette ” des Antilles ou le RMI-Toyota de La Réunion).  

Wikimedia Commons Maritime_boundaries_between_Seychelles_and_France-fr.svg Auteur Sémhur (talk)

  

L'EXPRESS 97 sur MAYOTTE (1)

Envoi de mon père depuis la métropole, un article de Michèle Georges dans L'Express en date du 21 août 1997, (de ma part seulement un condensé subjectif commenté entre parenthèses). 

« Mayotte : « Nous voulons être comme la Lozère »

« Ils ont choisi la France dès 1976 » (Ils veulent être département, ce qu'ils demandent au moins depuis 1958) ; la révolte des séparatistes d'Anjouan jusqu'à brandir le drapeau tricolore, conforte les « 130.000 » Mahorais dans cette demande 

(difficile de se baser sur les chiffres de l'INSEE aux ordres, le nombre des Français de l'île serait aujourd'hui plus que doublé sauf que... les autorités étatiques se refusant à donner des chiffres sur l'immigration, il est de plus en plus admis que le nombre d'immigrés est supérieur sur l'île à celui des nationaux... à l'époque, un calcul judicieux s'était basé sur la consommation d'un produit importé, le riz... résultat : champions du monde les Mahorais avec le double par habitant que les Malgaches, lauréats coutumiers... une conclusion dénigrée, vilipendée même par les voies officielles. Néanmoins, le temps historique s'avérant bien plus lent que le temps humain, pas plus tard qu'hier, le ministre de l'Intérieur a lâché une info parlante : en métropole les clandestins seraient 700.000... ce qui pourrait amener à penser que la consommation de riz donne une estimation acceptable de la situation).  

Anjouan-invasion-2008 Domaine Public Author CIA & Brianski. En 1997, Anjouan et Mohéli, demandant en vain le rattachement à la France, affirment leur séparatisme. Les coups ultérieurs de force à Anjouan du colonel Bacar, d'État à la Grande-Comore du colonel Azali (désormais président jusqu'en 2029), ajoutent au record des convulsions séditieuses, au chaos politique d'une prétendue Union des Comores...  

À propos de la révolte d'Anjouan, la journaliste note « une franche jubilation, pimentée d'un zeste d'esprit de revanche » dans le ressenti à Mayotte (l'inquiétude prévalant sur une situation qui les laisse vigilants, la jubilation me paraît exagérée sinon accessoire). 

Cuisine collective de la cantine “ offerte ” par J. Chirac à la commune de Sada « ... ne pas mettre la charrue avant les bœufs... »


(En promettant une consultation toujours remise à plus tard, la France continue de faire durer le statut de Collectivité Territoriale, statut qu'elle confortera pour dix ans de plus... Jacques Chirac, président de la République n'a-t-il pas, en octobre 1986, déclaré aux Mahorais « Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs » ? Convenons certes mais que dire des bœufs qu'on ne veut, des lustres durant, manifestement pas préparer à tirer ladite charrue ? c'est qu'on craint la grande puissance comorienne, le machin onusien, l'Union Africaine, nos cocos, tous pour « le territoire comorien de Mayotte » ! Holà ! et que fait-on de l'Histoire ? Allons -y dans ce cas pour revendiquer le “ territoire français des îles Anglo-Normandes ”, le “ territoire espagnol de Gibraltar ” et ces îles grecques des Sporades thraces, orientales, du Dodécanèse qui étranglent l'espace maritime turc ? ). 

L'article poursuit opportunément avec les paroles du sénateur Marcel Henry (1926-2021), de toujours ardent défenseur de Mayotte française « Nous voulons être comme la Lozère, c'est à dire irréversiblement français... » après « ... tellement d'efforts pour éviter d'être largués par la France ». Pour le sénateur Paris freinerait en raison du coût or l'essentiel serait plutôt d'appartenir à une entité rationnelle plutôt qu'additionner « ... comme les Comores [...] 2 assassinats de chefs d'État, 17 coups d'État et une misère générale... » (du qu'en-dira-t-on international et, entre autres relents de corruption, le fait par exemple que le président Abdallah faisait mettre sous séquestre par ses mapinduzi, le riz de l'aide internationale dans l'attente d'une hausse des prix, sinon, serait-ce à prendre avec des pincettes, le taux de BMW à Anjouan alors que, clandestins, les miséreux partent toujours plus nombreux pour Mayotte). (à suivre) 

  

vendredi 24 octobre 2025

Dernier mois d'automne 97 à Fleury.

Vignes et moulin en automne. Diapo François Dedieu. 
 

Samedi 15 novembre — Magnifique journée d'automne. le vent est absent, les feuilles encore sur les plantes prennent des tons mordorés, le tapis de feuilles mortes attend sous la rosée matinale un balai qui ne viendra pas, notre soleil méridional darde ses rayons sur les vignes aux coloris divers et un village à la fois lourd de son passé historique bien que tourné vers l'avenir. Songeur sur l'automne, j'entends des coups de marteau lancinants depuis la maison d'Emilienne devenue depuis peu le siège de “ Fleury Immobilier ”. Le “ marteleur ” doit mettre à bas quelque pan de mur à coups de burin, c'est que la maison a dû jadis souffrir de la présence des vaches, du fumier, du purin. 

Fleury, fête patronale de la Saint-Martin 1990. Photo François Dedieu.

Les jours de fête ont été bien tristes, comme tu peux l'imaginer; les forains ont eu quand même du monde le 11, le concert traditionnel a été remplacé par un récital de chansons dont je n'ai eu aucun écho, vu les circonstances je ne suis allé ni au Monument aux Morts, pas plus qu'au vin d'honneur offert par la municipalité. La mort rôdait dans les parages et elle exige calme et recueillement. 

Je suis passé au cimetière puis à notre maison natale. Quelques lettres de condoléances sont arrivées : de Marinette Founau, la femme d'Adrien, depuis peu avec son mari dans une maison aux environs de Béziers, après Salvaing ; de leur fils Henri, le docteur, déjà veuf ; de Lucienne Pujol, veuve de Roland neveu de l'oncle Noé, de Salvador et Cécile Pérucho de Fabrezan. 

17 h 30. Nous revenons de la mer, le coffre plein de bois. A la fin de la première mi-temps contre les Springboks, nous en étions à 19 - 15 ; le temps de rentrer au village, ils nous menaient 29 - 15, une étrillée ! Heureusement nous avons assisté au sursaut tardif des nôtres et avec trois essais, nous ne perdions que de quatre points... Si les deux transformations eussent été réussies, c'était 36 - 36. l'adversaire était redoutable et après tout, ce n'est qu'un jeu...

Il y a un moment, le haut-parleur du manège appelait les enfants pour le prochain tour (3), mais tout est redevenu bien calme, en attendant demain après-midi, sans doute, pour quelque supplément dans la caisse. Lundi, le démontage va sans doute commencer, la ronde incessante des gens du voyage se poursuivant traditionnellement par la fête de Murviel. 



Je t'ai photocopié le texte d'origine du « Doublidaïre » en orthographe languedocienne. 

Nous avons été heureux de savoir que la “ pluie des mangues ” avait réjoui le cœur des Mahorais, et que les restrictions d'eau ne seraient plus qu'un mauvais souvenir (4). Laeti et Pierrot ont bien reçu tes mots, tes fleurs et ta page de tchèque. Tu t'en sors bien dans cette langue difficile, pour ne jamais l'avoir étudiée !   

Avec tous ces tristes événements mes travaux de peinture ont été suspendus [...] à condition de ne pas attendre trop longtemps quand même ! (5) Le “ bleu séraphin ”de Corona est mon ancienne couleur, maintenant j'ai pris “ bleu glacier ” de Valentine.

Les bolets et les crabes devaient être bien savoureux. La pêche de ces derniers est donc interdite pendant la période de reproduction. Il serait en effet dommage de les voir disparaître. 

(mentions à la main) Mardi 18 /XI. Encore un coffre de bois à St-Pierre. Temps gris aujourd'hui : on en profite pour se faire vacciner contre la grippe. La place du Ramonétage s'est vidée dès hier. 

Tendres embrassades, François Dedieu 

Jean-François, jen par slov. Venku prsi ale zima neni, pry rostou houby. (seulement quelques mots. Il pleut mais il ne fait pas froid, les champignons devraient pousser). Maman Jirina. 

(3) la fête foraine s'installait alors sur la place multiple du Ramonétage.  

(4) ce qui depuis n'a pas été le cas? Dernièrement, les coupures pour manque d'eau sont passées de deux jours sur trois à trois jours sur quatre... (oct. 2025).  

(5) Aïe ! faudra bien que je m'y mette, à âge égal, trois décennies plus tard...    

jeudi 23 octobre 2025

Miscellanées d'automne

 « Fleury-d'Aude, le 13 novembre 1997 »

La lettre démarre avec la fin d'une tante qui songeait la veille à une qui avait eu la chance de mourir dans son sommeil. Elle, ne s'est pas réveillée. Rapprochements avec l'âge, le décès du père juste trente ans avant. Obsèques, église, enterrement... 

Papa n'écrit que d'un œil pour cause d'hémorragie. 



Plage jonchée cette fois sans troncs à l'image. 


Sinon, les grands aiment aussi jouer aux cabanes des petits grâce au bois flotté... 

Beaucoup de bois sur la plage, ramonage avant la mauvaise saison, beaucoup de fleurs sur la tombe, mon chien Dionysos mort, empoisonné par le pizzaïolo voisin, sans cœur, sans-gêne, obsédé par les rongeurs (ces derniers détails ne relèvent que de moi).  

Sauf que la barque de la vie divague vers l'irrévocabilité du destin, sans laisser de sillage comme le considérait Machado sinon, avec une trace, dans une vision moins sombre, moins dépressive, relativement plus partagée... En écho à ma relation de voyage à Madagascar, mon père a parcouru les douze pages d'une revue Atlas sur la guerre russo-japonaise 1904-1905, texte, photos, caricatures de « L'Assiette au Beurre » (fév. oct. 1904), fac-similés « Le Petit Journal » (samedi 9 avril 1904), « La Presse » (jeudi 4 août 1904), « Le Figaro » (mardi 30 mai 1905, « Le Matin » (vendredi 9 juin 1905), sans rien trouver sur Nosy Bé (1). 

Papa, je te rends la parole : 

« [...] Nous avons mangé plusieurs fois des châtaignes du bord de la route. Finalement, il y en avait peu de mauvaises. Comme nous n'avons plus de « padena castanhièra » (orthographe savante), nous les avons mangées bouillies. Suivant les conseils de tante Adeline de Pézenas — la mère d'Etienne — qui nous avait raconté comment, dans sa jeunesse, on préparait “ lous castagnous ” (graphie savante “ castanhons ”) sur des claies alignées le long des murs d'un cabanon spécial au centre duquel se faisait le feu, avec du bois sélectionné à cet effet ; suivant ses conseils, donc, je partageais d'abord la châtaigne bouillie en deux, ce qui évite, si elle est mauvaise, de l'éplucher ! 

[...] Nous étions à la clinique pour ma maculopathie ; la secrétaire nous a conduits : 

« M. Dedieu, je vous ai eu pendant deux ans comme professeur de français et je suis même venue à l'initiation au russe, ce sont de très bons souvenirs. » 

Je lui ai demandé son nom, du moins son nom de jeune fille : Huc, ce qui a facilité ma recherche. Dans mes “ Carnets de bord ”, je lis, classe de cinquième IA, après Hérail Christophe, Huc Martine, de Saint-Marcel, du 11/2/1962 de parents viticulteurs, avait obtenu les encouragements, une “ bonne ” élève. Après des achats à Continent nous sommes rentrés. Pour l'instant l'alerte est passée et je vois assez bien l'écran pour continuer ma lettre. 

Avant-hier, à la sépulture, Jackie (2) (sic) a pu venir. Son pied droit est encore bandé, mais la chair remonte, il n'aura pas besoin d'une greffe. Ses brûlures un peu partout ont été causées par la ligne électrique tombée sur le fourgon. Il a bien failli finir électrocuté dans cet accident, d'avoir pu être éjecté (il n'avait pas la ceinture) l'a sans doute sauvé : volant et tableau de bord touchaient le siège après cette terrible collision ! 

Je vais manger avant de continuer pour te dire par exemple  : Verdun que tu dois connaître a vendu sa maison à Saint-Pierre pour acheter  à Fleury celle de Georges Bonnet récemment décédé. A plus tard, bon appétit. (à suivre) 

(1) au sujet d'une « Baie des Russes ». 

(2) Jacky, mon pauvre cousin (1952-2007), alors rescapé, décédé suite à un accident de chasse, consécutif peut-être à un problème de santé. 


mardi 21 octobre 2025

Les chats de Bohumil Hrabal

Suite de la lettre des 5 et 6 décembre 1997. 

... lui, ex-urbaniste, a fait honneur aux vins de Fleury et vidait souvent le verre offert à l'entrée (40 francs pour le repas). Ils étaient venus avec des voisins de la mer mazamétains ; tous étaient enchantés de leur soirée. Il était minuit moins dix quand nous avons quitté les lieux, Momon et moi, et sommes allés prendre le café chez lui, comme ce soir-là où nous y étions avec toi au sortir de cette conférence fantaisiste sur les cathares à la Maison vigneronne, tu dois t'en souvenir. Et il m'a ressorti sur la table la bouteille de fine au verseur effilé, avec, prisonnière, cette grosse poire dont la présence pose problème au profane. Bref il était minuit et demi (et non “ et demie ”, je viens de vérifier) quand je regagnais la maison, accueilli par les aboiements de Milou quand j'ai sonné. 

8 h 40 : rapide promenade avec le chien, zéro degré, passants rares, emmitouflés et pressés; Chez toi aussi, Olivier a rallumé, ils n'avaient que 13° dans la cuisine. Hier, j'ai acheté un kilo de miel toutes fleurs de Salles-d'Aude (Toustou apiculteur). 

Chat_tigré 2013 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license auteur Mulhouseville 

Pour terminer, je te mets le passage sur les chats qui continue le chapitre de Hrabal : 

« [...] voilà que j'avais oublié mes chats... Ici à Kersko (1), il fait si froid que l'eau a gelé dans le petit seau de l'entrée. Cassius (son chat noir NDLR) était un peu mal fichu, il a fallu que j'aille à sa rencontre, que je le prenne dans mes bras, je lisais la peur dans ses yeux, je lui ai versé du lait comme aux autres, mais j'ai une mauvaise nouvelle à vous apprendre, lorsque je suis arrivé par le car, deux petits chats du voisinage venaient à ma rencontre, des chatons déjà grands, des tigrés, toujours ensemble, de conserve, ils couraient toujours l'un à côté de l'autre comme attelés par un fil invisible, tête contre tête, on aurait cru qu'ils tiraient une invisible carriole toute chargée de bonheur, quand ils galopaient sur le long sentier bordé d'une clôture blanche, ces chatons me souriaient 

Bohumil_Hrabal_na_zahradě_své_chaty_v_Kersku,_1989_(vpravo_básník_Jaromír_Pelc) under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Author Filons

[...] moi je leur donnais à manger, je les caressais, ces chatons avaient la même nature que Cassius, ils se laissaient caresser, et quand ils avaient assez mangé, alors côte à côte tel un attelage ils repartaient où ça leur chantait, mais toujours ensemble, côte à côte... mais un jour j'ai vu accourir un seul chaton, il neigeait un peu, un genre de semoule de neige... et moi, j'avais déjà compris qu'il était arrivé un malheur, j'avançais le long du chemin juste saupoudré... et là, près du portail, un petit chat étendu de tout son long, mort, mon chat porte-bonheur... et la carriole invisible qu'il tirait pour me rendre heureux avait disparu comme dans un conte de fées triste... lorsque j'ai soulevé le petit cadavre tigré, son empreinte est restée sur la neige fraîche, de la neige partout et le contour sombre du corps du petit chat étendu de tout son long... Et le chat qui restait, ce petit orphelin, courait à mes côtés... j'ai emporté le petit chat mort à la maison, lorsque la terre aura un peu dégelé je vais l'enterrer à l'endroit où reposent déjà plusieurs chats que j'ai perdus [...] Maintenant, en forêt de Kersko, dans mon jardin, j'enterre le petit chat dont la neige gardera l'empreinte jusqu'à tant qu'il en retombe de la fraîche ou qu'il se mette à pleuvoir... » 

Chata_Bohumila_Hrabala_(2018) under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Michal Louc

Je te quitte donc ici : tu vois que cette page de Hrabal, à la ponctuation si inattendue, en valait la peine. Gros baisers de nous deux, bon et heureux voyage (Stastnou cestu !). Papa et maman.  

(1) Note : à 35 kilomètres de Prague, dans la région du Polabi, de la vallée de l'Elbe au climat plus propice aux cultures et arbres fruitiers, forêt de Kuba, Kersko, touchant la forêt de Kuba, forme comme un village de résidences secondaires prisé des Praguois avant guerre, devenu depuis un ensemble de chalets de loisirs (chaty comme sur le bord de l'étang Hamr, non loin de chez mes grands-parents d'Holoubkov, de même qu'au village voisin de Hurky), souvent de charmantes maisons “ naines ” sur un petit carré de verdure, appréciées lors des week-ends et congés. Bohumil Hrabal (1914-1997) y avait une maison achetée en 1965 ; il y a soigné et nourri jusqu'à 25 chats à demi sauvages mais fidèles...       

lundi 20 octobre 2025

Emplâtrer ?

Aux étudiants en philosophie :

« ...et troisièmement et c'est ce pour quoi sont punis les gens qui se sont emplâtrés, bureaucratisés, Lao Tseu nous enseigne : prendre à la légère la résistance du peuple équivaut à perdre ses joyaux... »
Lettres à Doubenka, jour des Rois 1990.

Le lendemain du honteux cambriolage au Louvre, merci Bohumil Hrabal... (au lendemain de la nomination de Vaclav Havel comme président). 

PS : emplâtrer, ça ne voudrait pas dire aussi s'en mettre plein les poches ? 

Fête du vin nouveau 1997.

 « Fleury-d'Aude, le 10 décembre 1997. 

Bien cher fils, 

[...] Ici, le temps s'est grandement amélioré, les températures sont d'un coup supérieures de six degrés aux normales saisonnières et nous ne saurions nous en plaindre. Ce matin, le thermomètre extérieur marquait six degrés mais à côté des - 2 ou - 3 d'il y a à peine trois jours, c'est un “ réchauffement ” considérable. 

2010. Les-Cabanes-de-Fleury après une tempête d'octobre. 

[...] Hier aux Cabanes, quelques voitures sur le parking pierreux : un monsieur venait chercher... son bateau qui, lui avait-on dit, avait été pris par les eaux, rejeté sur la plage, et devait se trouver retourné et à moitié ensablé près du rivage ; il expliquait cela à un ami. En repartant, nous avons pris le chemin vicinal au bord de l'Aude... pour être arrêtés à la Pointe de Vignard — c'était notre vigne la plus lointaine — par un tas de décombres barrant carrément le chemin : la rivière a continué son travail de sape, ledit chemin a disparu à moitié dans son lit [...] Milou s'est perdu dans les glouterons, grat(t)erons et autres glaterons que nous désignons en occitan par le terme « gafarots » (sorte de bardane ?). 

Je vais te quitter ici, je te joins les cinq pages du « Mirage Grec » 

Tendres embrassades de nous tous. 

Fleury-d'Aude, le 5 décembre 1997. 

Bien cher Jean-François, 

[...] Le froid persiste et dure; Il va même s'amplifier demain. Pour le moment, il est seize heures trente et notre thermomètre extérieur du premier indique invariablement quatre degrés depuis dix heures du matin (31° de différence avec la température que vous avez sous la varangue). 

[...] En ville, je voulais voir si je pouvais me procurer un livre de Hrabal : rien chez Tosi, mais cinq titres différents chez Privat, la nouvelle et luxueuse librairie (filiale de Privat-Toulouse) ouverte depuis deux ans dans la rue de l'Ancien Courrier. j'ai ainsi acheté « Les Millions d'Arlequin » (titre original « Harlekynovy Miliony » paru en 1981 à Prague, traduit en 1995 chez Robert Laffont, « Vends maison où je ne veux plus vivre » (titre original « Inzerat na dum, ve kterem uz nechci bydlet » 1987, trad. chez R. Laffont, 1989) et enfin « Lettres à Doubenka » (« Listopadovy uragan » 1991, Ed R. Laffont 1991 pour la traduction française.

C'est de ce dernier livre que je viens de te copier la première moitié de l'ultime chapitre, qui donne une idée assez juste de la façon d'écrire de cet auteur buveur de bière qui est désormais mondialement connu (mais j'ignorais jusqu'à son nom avant l'émission  « Un siècle d'écrivains ». 

castanhos e vin nouvel

Samedi 6 décembre 1997. Hier soir c'était la fête (la huitième) du vin nouveau et le froid assez vif faisait craindre une assistance clairsemée. J'y suis allé malgré mes yeux encore malades. j'ai gardé la place de Momon, mais c'était inutile, les chaises vides étant nombreuses vers 19 h 20. [...] Comme chaque année, nous avons attendu deux bonnes heures avant le début des agapes, mais c'était bien : apéritif, assiette anglaise, excellente saucisse grillée, entrecôte cuite à point et bien chaude, ce qui est rare, chips, fromage (à choisir) et à nouveau plaquette individuelle de beurre, une orange bien froide, des châtaignes bien grillées, le tout arrosé de tous les vins de divers domaines ; je me suis limité à trois dont un excellent vin rouge Syrah avec déjà beaucoup de goût — il faut dire que cette fête avait lieu beaucoup plus tard que d'habitude —. Les déguisements de ces messieurs du Tastevin étaient heureusement absents. le maire a été bref, Guy Sié y est allé de sa courte histoire en occitan (Noé et le plant de vigne), l'animation musicale fut correcte sans excès. A côté de nous était un couple de Hollandais vivant leur retraite à saint-Pierre : (à suivre )

dimanche 19 octobre 2025

Coup de mer déc. 1997.

« Bien cher Jean-François, 

            Nous voici enfin rassurés après ton appel téléphonique d'hier lundi 12 à onze heures, nous annonçant ton arrivée après ce grand voyage mouvementé. Tout est bien qui finit bien, mais tu te serais certainement passé de certaines émotions fortes que tu n'es pas près d'oublier (1). 

Samedi 17 janvier 1998. Hier le soleil n'a fait que de timides apparitions, nous avons eu droit à quelques petites averses ; aujourd'hui, grand ciel bleu et soleil généreux. Finalement nous ne sommes pas allés à la mer, le temps n'y invitant nullement. Il fait toujours aussi doux, je n'allume le grand poêle qu'un jour sur deux, on se contente d'une flambée dans le Godin du premier. 

Mes yeux évoluent « lentement, très lentement, comme dit le maître affineur Maurice Astruc dans la publicité du roquefort. 

[...] j'ai entrepris depuis deux jours le tri des vieux papiers ; il y a de quoi faire. Hier j'en étais aux lettres de monsieur Sanchon (2), beaucoup plus nombreuses encore que ce que je croyais. La plus ancienne (pour l'instant) m'a causé un petit choc affectif. 

« Paris, le 19 mai 1927
Chers amis, 
Nous recevons à cet instant des nouvelles d'Etienne (NDLR : son frère, notamment facteur à Fleury, qui vendangeait pour nous de même que leur propre père, le vieux carrier) nous annonçant la mort de Mme Dedieu ; nous sommes surpris et navrés de ce qui vous arrive, jamais nous n'aurions pensé une chose pareille, car elle avait une santé vraiment bonne et florissante. 
Nous prenons part à votre douleur et veuillez agréer, chers amis, l'expression de nos sincères condoléances. 
Mr Rimont (FD : père de madame Sanchon, Maria) qui avait gardé un si bon souvenir de vous, se joint à nous pour vous souhaiter une rapide convalescence et une bonne santé à tous. 
Mme et Mr Sanchon. » 

(FD : papé Jean avait alors une attaque très grave de tuberculose pulmonaire, avec “ caverne ” caractérisée au poumon, il devait s'en sortir presque miraculeusement, après une longue maladie et avec une volonté de fer pour la suralimentation, alors que dans ce cas on n'a nulle envie de manger. Je me souviens de nombreuses boîtes qui avaient la forme bizarre d'un petit obus, contenant une poudre de viande que je trouvais nauséabonde pour mes narines d'enfant de cinq ans). 

Tu l'as compris, il s'agissait de la mort, à 61 ans seulement, de mamé Isabelle (3), mère de papé Jean, que j'avais à peine connue, elle qui m'appelait (ce devait être dans son esprit une immense preuve d'amour) “ le soldat de la Vierge Marie ” alors que je ne devais jamais être véritablement soldat... Stani nous rachète tous deux à ce sujet ! 

Je croyais être à court d'idées et voilà que j'en suis à la fin de ma deuxième page, au moment d'aller chercher le pain... A tout à l'heure donc... J'abuse des points de suspension (4), mais comment faire autrement, sauf à écrire comme Bohumil Hrabal qui se moque royalement d toute règle de ponctuation ? 

Episode méditerranéen Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 Travail personnel Babsy.

Dimanche 18 janvier 1998. Avant-dernier dimanche de janvier : le temps passe et les jours s'allongent, on s'en aperçoit surtout le soir. Hier samedi, il faisait beau, nous sommes allés passer l'après-midi à Saint-Pierre, où les bouteurs (recommandation officielle pour “ bulldozers ”) ont commencé à épandre sur la plage les véritables montagnes de sable tirées des rues et boulevards, mais il y a beaucoup à faire pour retrouver notre station estivale (5). Le frigo, le congélateur sont hors service ; l'humidité remonte toujours, laissant du blanc au sol, le carrelage n'en finit pas de suer. Il faut dire que le cers a particulièrement brillé par son absence et des journées comme celle d'hier sont bénéfiques mais trop rares.  

Aujourd'hui le ciel est gris pour le moment, la température est à peine à cinq degrés — dix heures du matin tout de même ! — J'ai allumé le grand poêle du bas. 

Je vais pouvoir conclure cette première lettre de 1998 en te souhaitant plein de bonnes choses , courage et satisfaction dans ton travail. Le bonjour à tous ceux que je peux voir encore, mais qui se font plus rares au fil des ans, avec les retours en métropole ou autres mutations. 

Tendres embrassades de nous tous, et à bientôt de tes bonnes nouvelles. 

Papa. (mentions manuscrites « François, maman Jiina » 

PS : aujourd'hui 19/01 température 14° mais froid annoncé pour demain (3° le matin et neige un peu partout sauf étroite bande côtière médit.)  

(1) et bien si, justement, complètement oublié, difficile de revenir sur ce voyage pourtant à part, avantages et inconvénients de la relation téléphonique... les écrits, eux, restent... 

(2) Emmanuel Sanchon (15.01.1892 Fleury-d'Aude / 24.03.1986 Fleury). 

(3) Isabelle ? je vois « Peyre Anne (27 mars 1866 Esplas-de-Sérou, 21 avril 1927 Fleury) » Merci Josette pour tes recherches généalogiques ! 

(4) à qui le dis-tu ! 

La “ digue-promenade ” en direction du camping municipal (Saint-Pierre-la-Mer). 

(5) violente tempête des 16-18 décembre 1997 sur le Golfe du Lion (Roussillon et Languedoc) se traduisant par des pluies diluviennes (aigat) sur les reliefs et une immersion marine (30 ? 40 cm au-delà de la “ digue-promenade du camping ” laissant du sable jusqu'aux boulevard et rues de la station balnéaire de Saint-Pierre-la-Mer, au pied du massif de La Clape.  

Autre vue de la digue-promenade, l'été, en direction du Sud. 


samedi 18 octobre 2025

Soleil Noir ? 4

C'est vrai, j'avoue passer du coq à l'âne avec cette conversation à bâtons rompus, c'est que ça me pousse, ça pousse en moi, de la graine à la plante, en tout ce que je suis, depuis l'enfance, avec un engrais culturel (prétentieux va !) faisant humus au fil des ans... et nous savons trop bien que notre destin est pareil à celui des plantes... Pardon. 

Comment ne pas croire à cette évasion d'un beau dimanche d'octobre ? Sauf qu'une triste réalité s'est mise à occuper tout l'espace, à instiller, à noircir et mes mots et mon être. 

« ...Comme il disait ces mots,
Du bout de l’horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs... » 
Le Chêne et le Roseau, La Fontaine. (Merci messieurs Rougé, Robert, Carrère, merci l'instituteur, merci l'école... toujours vivantes, les images évoquées...).  

Déguerpir. Un instant m'est alors venue l'illusion que la douceur programmée d'un séjour sous les tropiques y remédierait. Las, dans la seconde, elle a pris le tour d'une fuite vaine, inutile, sans plus de havre où retaper son moral... Pauvre  Mayotte... Ne plus entendre le petit souimanga (sorte de colibri), si petit mais au chant si puissant et joli, certainement anéanti par Chido le terrible cyclone (15 déc. 2024), en plus de la forte pression démographique... et des idéologues entêtés de la politique... et d'Arte...  

« Ma philosophie, c'est le contraire de celle de l'escargot : ne jamais emporter sa demeure avec soi, mais au besoin apprendre à habiter celle des autres qui peuvent aussi habiter la vôtre » Lisières 1999, entretien. (1)

Fuite en avant : souper rituel, puis mécanique du film dimanche au soir. Chaînes plurielles, un grand choix, pas comme avant. Pourquoi pas « Sur les Chemins Noirs ». Dujardin j'aime bien (2), l'idée du chemin pour se perdre, se retrouver, aussi mais aller, de ce fait, à la rencontre des autres. Aussitôt, ce ne peut qu'être l'histoire de Sylvain Tesson, d'accident dû à l'alcool ponctuel ou addictif, à en croire le film. Et puis, bien avant Dujardin-Tesson, le lyrisme positif de Jacques Lacarrière, « Chemin Faisant », des Vosges aux falaises hellènes de Leucate-La Franqui, un de mes livres-guides, jalons de vie. 

Pour finir, comme si Musk n'y suffisait pas, présent par ses bagnoles au cul boudeur... sur la petite route entre l'Aude et Saint-Pierre-la-Mer. Encore un milliardaire voulant dominer la planète, un nommé Ellison, Larry de son prénom, parlant d'intrusion numérique dans la rétine à fin de contrôle sociétal généralisé peut-être plus poussé encore que dans la Chine de Xi Jinping. Classé vieux le type, atteint de jeunisme, et apparemment toujours aussi con. Mais le fils suit, ça promet... Promesse de sombres futurs, d'oppression, de dictature, certainement une Terre à la Mad Max qui nous est promise...  

Serait-ce désastre, l'antithèse d'astre ? Le progrès ne correspondrait-il pas à l'expansion d'une erreur d'autant plus insidieuse qu'elle s'habille aussi d'amélioration ? Et une balade pathétique doit-elle augurer d'un « soleil noir » plus noir que celui d'Hugo ? Brrrr...  

(1) moins discutable que pour dire d'aller jusqu'au bout au prétexte que  l'escargot ne ferait jamais demi-tour...   
(2) de même que sa cérémonie d'ouverture de la Coupe du Monde de Rugby 2023, décriée par une bande de bobos à part, de jamais contents, si France des minorités exclusives, si réussie et appréciée des gens tranquilles ne bannissant pas le passé (le pain oui, le triporteur « petit canaillou » de Darry Cowl 1957, et oui, le cinéma au village...), satisfaits d'être français, d'être ce qu'ils sont.  

PS1 : pour ceux qui aiment, dans ce blog, une bonne dizaine d'articles sur le « ruisseau du Bouquet » et autant sur le Verdouble des Corbières.   

vendredi 17 octobre 2025

Astre et désastre 3.

[...] Et toujours des arbres morts, ici un boutelhetié, là des cognassiers, disparus... finies les gelées d'azeroles et pâtes de coings... Sitôt la côte amorcée bien qu'en travers, très progressive, le corps se refuse à l'effort. En haut la route des Cabanes, les bagnoles, le coup de téléphone. Un pontil de ciment se propose ; renonçant aux principes (portable porté seulement en tant qu'appareil photo, or, hormis celles du voilier, pratiquement pas de photos), je décroche trop tard pour un appel raccroché. Oh ! un épagneul passe le bord de la vigne ; chien de chasse égale chasseur. Ils viennent après, casquettes orange fluo, monsieur, et madame derrière, pour la balade sûrement. Est-ce l'ouverture dans les vignes ? 

Repartir. 

Quel courage serait-on tenté de dire pour l'eau, réconfort vital alors qu'une grave sécheresse nous affecte à présent depuis des années. 

Oh ! hasard heureux, un ruisselet par ces temps de rude sécade. Une source ici ? Miracle ! Qui part vers la pousarenco, le chadouf, le balancier à puiser l'eau de l'oncle Noé (01.10.1901 / 21.03. 1978) ? Souvenir, mirage d'un potager plantureux... 

« Bonjour l'oncle, plus rien pour ton jardin ! tu sais, Claude Nougaro a chanté son Verdouble, je trouvais qu'il poussait un peu son surréalisme « [...] Ô, ô mon eau, ma belle eau, ma bonne eau... », un surréalisme de plus en plus réel de rivières à sec dont notre ruisseau du Bouquet aux eaux claires... quand je pense que même Louis m'a eu dit en avoir bu de cette eau-là... ». Dur, pas facile de mourir à ce passé dans le présent...    

Qui croirait qu'au point le plus bas de cette traverse, si claire après avoir filtré les rajols fous de la garrigue, ce qui rageait lors des orages, l'eau du ruisseau passait par dessus la chaussée ? Et dire qu'il y a des marmites de géants dans la garrigue, comme quoi, il est beau et bon, le surréalisme de Nougaro...   

Côte de La Magnague, l'aimable, l'avenante, la gentille, en français,  en parlant d'une vigne apparemment généreuse. L'astre solaire décline vers le couchant, portant vers une mélancolie bilieuse. La lucidité nous aidera-t-elle à supporter ce qui ressemble de plus en plus à une longue mais certaine agonie de l'anthropocène ? Pauvre nature que nous sacrifions en pillages au profit des plus virulents, ne voulant en rien limiter la possession, milliardaires de leur état desquels ne ruisselle qu'appât du gain, accaparement, spéculation. En deux ou trois centaines d'années, nous avons mis à mal ce que la Terre a mis des millions d'années à transformer, à rassembler. Jaloux des riches ? certainement pas... juste à constater que le système qui les favorise à l'excès amènera à l'extinction de l'espèce... Finalement, tant mieux pour la planète... Mais quelle tristesse pour nos enfants... 

Non loin de l'entrée du village, ce n'est pas le jeune pin, pourtant seul, sans concurrence, qui pourrait rasséréner : brunes les aiguilles, mortes de soif...  

PS1 : la balade date de dimanche, les photos, plus souriantes, avec l'eau qui ruisselle, les oiseaux qui viennent boire, le soleil, d'hier.  
(à suivre)


jeudi 16 octobre 2025

Les DESSOUS du DESSOUS des Cartes ARTE

 Informer sur ce qui se passe à Madagascar est légitime... Occulter une part de l'info sinon d'une réalité collatérale ne peut être que répréhensible... 

La présentatrice introduit une situation géopolitique de l'île, peuplée de 31 millions d'habitants, comparable en superficie à la France... la France, présente par son outremer... La Réunion...les Îles Éparses revendiquées par Madagascar...   

Et Mayotte ? Nada, kavu, rien ! Un rien qui veut tout dire et plus encore ! 

Pour Arte, Mayotte n'est pas un département français, Mayotte n'est pas française ! Et ces îles revendiquées ? Comme Mayotte l'est par Moroni ? C'est qu'Arte est pour la décolonisation ! Arte France est pro-comorienne ! Un tiermondisme poussé pour le moins, trop loin, non ? 

Premier hic, ces Îles Éparses étaient désertes, sans humains à coloniser... 

Deuxième hic concernant les revendications, puisqu'ils relèvent la proximité de Juan de Nova à moins de 200 kilomètres, selon le principe du c'est à côté donc c'est à moi, prolongeons alors plus près que le Timor Oriental, sur les Îles Anglo-Normandes ou Gibraltar... il est toujours utile de se replonger dans l'Histoire... et permettez que je prolonge sur la volonté d'un petit peuple maoré optant pour la puissance colonisatrice de la France plutôt que celle, historiquement violente, du voisin comorien. 



ARTE, une chaîne d'opinion ? Et cette dame a priori docte, bien présentable, bien polie, use d'un procédé se voulant subtil et pourtant bien grossier... ARTE tout comme les radios et chaînes d'État sont des médias d'opinion... une malhonnêteté flagrante vis à vis du paysage politique français... 

Des DESSOUS pas nets du tout !   

PS1 : s'il est possible de leur envoyer ce commentaire, à voir s'il sera accepté par la modération. 

PS2 : hier, c'était le jour... Arte (comme Wikipedia), c'est bien tant qu'ils n'ont pas à revendiquer leur engagement... Sinon, hier, en hommage à Keaton, Diane, l'actrice, pas Buster du muet, dans un film de Woody Allen, les prises de vues remuaient tellement dans tous les sens que j'ai changé de chaîne. Mais ce n'est qu'un point de vue personnel... les goûts, les couleurs, l'art...  

mercredi 15 octobre 2025

Serait-ce désastre ? 2.

[...] Serait-ce désastre le contraire d'astre ? C'était par un dimanche d'octobre de beau soleil...


Consolation du repas familial sous le mûrier-platane... apéritif et vin, je m'en voudrais si les gendarmes qui n'en sont jamais à contrôler le 30 à l'heure dans notre petite Camargue, en venaient à “ éthylotester ”  les pédaleurs ! 

« La mer, la mer, toujours recommencée ! » Paul Valéry. 

Passer les maisons encadrées de verdure, aloès, tamaris, pin, olivier, et ces petites fleurs jaunes rappelant le parterre garni du no man's land covidien.  Promeneurs et passants sur le front-de-mer, de ci, de là. Sur la plage, le bord, encore des gens, bien qu'épars, au sec ; une dame en deux pièces d'été, à entretenir un bronzage déjà brun, sur le sable, dont le pêcheur de loups aux cannes plantées, droites et tendues, tous, sauf le courageux, le seul, le nageur intrépide, peut-être Francis, le copain d'enfance au village qui se baignait encore il y a peu... en lien avec la photo du voilier drossé sur un banc de sable. 



Échoué à présent le coursier du Golfe, sur la grève carrément... Personne pour le réclamer ? le retrouver ? le récupérer ? Orphelin, bateau fantôme au gréement intact, enroulé sur le mât, la grand-voile pliée sur la bôme. La mer l'a poussé au bord ; résistera-t-il au prochain coup de tabac ? Brinqueballé, secoué, repoussé, il arrive au navire ce qui arrive à l'humain bousculé, mis sur la touche, abandonné dans un monde cherchant le progrès dans l'erreur... Il suffit d'un déséquilibre sur la corde raide, pour si peu que la santé, l'âge s'y mettent, la vie peut vite défaillir, faillir, finir fracassée, comme un voilier jeté à la côte... Allons, plaisantons, digressons avec cette vieille loi de la mer, sûrement désuète, faisant du premier occupant le nouveau possédant d'une épave...  

Retour. Écailleuses les croûtes de goudron, telles les feuilles de tamaris en grand, si désagréables au guidon. Toujours autant de circulation, toujours quelques inconscients au volant... homo bagnolus... c'est de plus en plus dangereux de pédaler... Toujours pas de chants d'oiseaux, sinon les cris braillards de goélands pas sympas mais protégés, de ceux qui noient les pigeons inexpérimentés ou tourmentent cruellement les baleines au pied de la Peninsula Valdés... univers de prédation en écho à Mad Max... 

En bas de La Clape, deux papillons, simples piérides, consolation et affliction, tout comme les frênes et leur superbe. En bas de La Clape coule l'Aude ; oh ! un poisson qui saute, entendu, pas vu, réminiscence instantanée du temps où, inconscients d'une nature généreuse qui ne durerait pas, nous partions de bon matin, à bicyclette pour une partie de pêche, sans Paulette, plutôt entre copains ! En face, La Bâtisse, la campagne au pigeonnier percé, à l'allée majestueuse de vieux pins, carte postale idéale de la rivière (des scènes du Petit Baigneur y ont été tournées). 
Affliction alors qu'une compagnie de perdrix monte vers la garrigue, dans un silence seulement troublé par les bruissements d'ailes. 
Au Pont des Pastres, prendre à gauche afin de se hausser sur le coteau en direction du village un tant soit peu hors de portée des colères du fleuve et caché aux razzias mauresques. Bucoliques, des grelots... Oh ! un troupeau qu'on entend sans le voir, présence rare évoquant pâtres et bergères ; et l'endroit s'appelle « Pastural ». Puis pan ! un coup de fusil ! c'est vrai que pour « perdrix », le chasseur dit « perdreau ». (à suivre )