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dimanche 18 août 2024

INDIEN des vieilles LUNES, l'entrée en TCHÉCO (19)

Pohranicni_straz1- garde-frontière Source Radio Prague
 

«… La frange frontalière a formé une zone interdite large de six à douze kilomètres. Villages rasés, champs abandonnés : la campagne déshumanisée est redevenue sauvage. Sont restées les petites villes avec l’obligation d’un passeport spécial pour les habitants. A la limite du pays, des barbelés multiples, des fils électrifiés (à partir de 1953), des patrouilles à pied accompagnées de bergers allemands pour attaquer devant et de chiens croisés avec des loups (race aujourd’hui reconnue) pour agresser par derrière tout individu non autorisé et non encore abattu dans la zone interdite ! Les rondes en véhicule ont facilité le travail des gardes-frontières (au nombre de cent pour cinq ou six kilomètres). Ce qui était présenté comme une ligne de défense contre l’occident impérialiste, une vision bien partagée par un peuple émancipé de l’Autriche seulement en 1918 et envahi par l’Allemagne d’Hitler en 1938, avait seulement pour but d’empêcher les fuites à l’ouest.

De ce point de vue, le rideau de fer tchécoslovaque a été d’une efficacité redoutable. Combien ont réussi à passer ? On parle seulement de 145 victimes entre 1951 et 1989 et ce même peuple jadis convaincu, bien que trompé, accuse et exprime un désamour pour ces ex-18.000 gardes dont des représentants complètement idiots ont eu, maintenant que la frontière extérieure est celle de l'UE, l'idée d'un monument à leur gloire ! Des gardes désormais embêtés de devoir dire que c'était leur devoir d'obéir, des gardes penauds de ne plus savoir comment se dédouaner de cette barbarie… ». 

 

Une idée du Rideau de Fer / Source Radio Prague.

https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2018/09/voyage-en-tcheco-11-la-frontiere.html (en date du 18 sept 2018… pour ne pas oublier). Un bémol néanmoins : la vision de l’idéal communiste harcelé par les forces du mal occidental émanait d’une minorité profitant du système, la majorité, elle, silencieuse presque par définition, ne pouvait que se cantonner dans une neutralité discrète évitant toutes sortes d’ennuis (pour avoir soutenu le Printemps de Prague [1968] et Alexander Dubček [1921-1992], le champion olympique et colonel Emil Zátopek [1922-2000] devra devenir éboueur à 49 ans [1971] puis mineur dans les mines d’uranium de Jachymov [jusqu’en 1974]). Décidément, la nature humaine... mais quand donc pourra-t-on “ chasser le naturel ” aux répercussions aujourd'hui avérées criminelles pour la planète ?

Comme pour solder ce passé aussi collectif que subjectif, pour adhérer aux évolutions politiques humaines de ce point de vue progressistes dans la cohabitation des peuples européens, le camion se refuse à passer le petit ruisseau, le barrage frontalier, la longue côte vers Rozvadov, le marché vietnamien des derniers achats, en sens inverse, vers l’Allemagne ; un besoin d’évasion, de grand air le pousse à chercher une de ces petites routes qui aujourd’hui se jouent d’une Histoire trop lourde : de Vohenstrauß à Eslarn, plus précisément Tillyschanz… Quel joli nom avec un peu de Till Eulenspiegel, le saltimbanque qui en français a donné « espiègle », à moins d’un rapport avec le général Tilly, l’impérial qui, durant la Guerre de Trente Ans, a épargné la ville protestante de Rothenburg-ob-der-Tauber en échange d’un cul-sec réussi de plus de trois litres ! Une chance ce village, hameau de 13 habitants en 1990. Le dos des maisons semble collé à la démarcation entre les deux pays.

Et d’un coup, le goudron change de couleur, change de pays. Que le nom soit Eisendorf en allemand,  Železná en tchèque, il signale qu’il y a du fer, le village a aussi compté des verreries, des commerces, des artisans divers. Dès le Moyen-Âge, les activités industrieuses souvent grâce à la force hydraulique des martinets ont généré une intense déforestation ; de ce point de vue, le Rideau-de-Fer a sauvegardé un no man’s land de forêts, un cordon d’une dizaine de kilomètres en moyenne le long de la frontière. Bien que tchèque, le territoire était allemand avec, en 1930, 1092 résidents allemands pour seulement 35 Tchèques…

Vae victis… malheur aux vaincus… 1919, le Traité de St-Germain-en-Laye qui créait la Tchécoslovaquie incluait dans ses limites la forte minorité des Allemands des Sudètes… Vae victis… malheur aux vaincus… La mégalomanie du führer promettant un empire de mille ans a causé un désastre humanitaire des plus grands avec, d’abord l’exode des populations fuyant l’avancée de l’Armée Rouge et ensuite l’expulsion brutale de peuplements allemands (pardon de le dire ainsi d’autant de personnes devant laisser leurs biens, leurs maisons, leurs morts) parfois vieux de mille ans dans toute l'Europe orientale (ceux des Sudètes, sur toutes les marges de la Bohême, étaient là depuis le XIIIe siècle). (à suivre) 

samedi 5 septembre 2020

UN BROUSSARD DANS LA VILLE

Chouette ! Sans rendez-vous ! Et oui, c'est pour des plaques d'immatriculation. Plaques achetées, pose payée, je stationne devant le poste prévu "pneumatiques". Des ouvriers mais qui lambinent on dirait... Puis un attroupement. Un qui semble être le chef me dit "On arrive" sauf qu'il disserte d'un véhicule qui posa problème puis du port du masque "on peut le baisser pour reprendre l'air mais pas à côté d'un collègue". Il joint le geste à la parole... C'est vrai que c'est une collègue qui est à côté. "Si l'un de vous ne respecte pas je risque ma place alors je n'hésiterai pas..." prévient-il. 

Et moi avec mes plaques ? Je me mets à faire les cent pas pour ne pas rester transparent. Un ou deux me remarquent mais le chef poursuit d'une voix posée et calme... Je crois voir le mari de Miruska dirigeant le kolkhoze dans ce qui fut la Tchécoslovaquie socialiste ! 
Comme s'il lançait "Camarades" à chaque phrase ! 

Mais la France n'est-elle pas le pays le cul entre deux chaises ? Une France communiste pour imposer la solidarité de ceux qui ont un peu, qui se font imposer doublement sur leurs économies, et triplement s'ils héritent, au profit de ceux qui n'ont rien, plutôt cigales ? Une France capitaliste, on dit libérale de nos jours mais c'est vrai que les gros sont libres de capter ce qui reste au fond des poches des solidaires forcés et encore plus libres de planquer le magot sans payer à l'Etat qui t'a tenu ferme pourtant, pour qu'on te dépouille mieux ! Deux qui te tiennent, un qui... 

J'ai l'air malin, mes plaques à la main ! Oh un gonfleur ! Au moins j'aurai fait la pression des pneus. Mais c'est qu'il est troué le caoutchouc ! Ah non alors ! ça me mettrait le pneu à plat ! J'appuie mes doigts sur les trous. Oh le joli sifflement de pétomane pressurisé ! Le soviet en a quelques oreilles qui sifflent mais le dirigeant n'en finit pas de pérorer ! Et l'assurance qui doit fermer à midi ? 

Enfin on s'occupe de moi. 
"Je peux prendre les vieilles plaques en souvenir ? 
- Ach nein ! interdit, verboten ! La loi est la loi ! Ce ne sont pas les tresses (13) pièces que fous avez dû fournir pour la carte grize, ni les 32 euros de procédure (au lieu de 4 avant en sous-préfecture) qui vous autorisent, achtung !"  
- Au revoir monsieur, merci."

Je ne suis qu'un dégonflé !     
.

mercredi 13 février 2019

ESPAGNE février 1939

"Chaque homme est une humanité, une histoire universelle." Jules Michelet. 

Des hommes forgés par l'Histoire, battus, détrempés, distordus par le destin mais qui comptent dans leurs rangs, des qui parlent, peignent, sculptent, écrivent, chantent, jouent, composent, bâtissent, se lèvent, se battent au nom de tous, dans le sens voulu par Michelet, apportant au pot commun l'émotion en partage, narguant à jamais la fatalité et la mort.    

Alors laissons l'exposé d'Histoire qui nous veut neutre, objectif, froid pour tout dire. Plutôt des êtres de chair et de sang. Ici, pour illustrer la Retirada, la retraite des Républicains espagnols devant les forces réactionnaires et fascistes de Franco, Josep Bartoli (Barcelona 1910 - New-York 1995), témoignant par sa vie, ses dessins. 

Merci France Culture : pour ce diaporama, j'ai copié sans vergogne... Pourtant, plus qu'un petit retour d'impôts sur mon actionnariat dans la radio publique, c'est seulement l'expression de ma gratitude pour les porteurs de mémoire... 
En accompagnement, j'aurais aimé, pour honorer la Catalogne et toujours apporter au creuset d'humanité, le Tango en Ré d'Isaac Albeniz, le musicien bohème de Camprodon, Barcelone et Paris. Ou Asturias pourtant plus "andaloumauresque" que celtibère... Heureusement que le boléro de Ravel était disponible...  


Attention néanmoins aux schémas aussi spécieux que malveillants, en écrivant "militant du parti communiste" alors que Bartoli est au POUM (Partido Obrero de Unificacion Marxista), une gauche marxiste opposée à un stalinisme, masqué en communisme, qui finalement préfèrera noyauter puis torpiller la gauche républicaine plutôt que de vaincre Franco !

Dernier point : reprendre les mots bruts d'Albert Sarraut "camp de concentration" renvoie aussitôt à la Shoah et à l'élimination des opposants alors que les camps pour parquer les réfugiés les regroupaient certes, dans des conditions lamentables et une désorganisation n'honorant pas la France, mais ne pouvant en rien être rapprochées de la politique barbare d'extermination des nazis.

Merci Bettina d'avoir partagé :

https://www.franceculture.fr/histoire/josep-bartoli-et-lexode-espagnol-son-crayon-est-une-arme





vendredi 14 septembre 2018

VOYAGE EN TCHÉCO (11) / la frontière germano-tchèque




Waidhaus Wikimedia Commons Author Alois Köppl, Gleiritsch (=Zusatz)


Une petite route coquette, au ruban impeccable, bien signalée, bordée de verdure, comme épargnée par les grandes chaleurs de 2018…  peut-être les 500-600 m. d'altitude encadrés par ces croupes à près de 900 mètres de l'Oberpfälzer Wald, Český les[1] pour les Tchèques. La route de Waidhaus, dernier village de Bavière (2.200 hab.), dernière station aussi avant la frontière : l’indication reste même quand ça vaut davantage le coup de l’autre côté. Charme et confort intérieur pour compenser le manque de soleil… jadis les gros édredons-couettes de plumes en étaient représentatifs. Un symbole à  reconsidérer à présent concernant les modes de vie plus standardisés et l’impact des bouleversements climatiques… 

Ce qui reste du poste de douane côté allemand 2018Auteur Florian Dedieu.

Le poste-frontière encore en 2009. Auteure Djaz.

La frontière ! Le douanier allemand facilitait la sortie. Et cette vague inquiétude au panneau « Vous quittez la République Fédérale Allemande », comme au checkpoint Charlie le secteur américain. Concentrés au passage du petit ruisseau,  silencieux presque parce que  nous changions de bloc,
on se sentait seulement tolérés. 


Rovadov celnice douane tchécoslovaque Carte postale ancienne. Foto E. Einhorn


La douane tchèque, très militaire, faisait obstruction, du moins les supérieurs hiérarchiques tenus  d’afficher l’idéologie politique. Ne pas démontrer un signe quelconque d’hospitalité, par principe, que du dégoût. Exprimer le rejet d’un monde dit libre mais assujetti à l’argent. Calmes, silencieux, respectueux de recommandations parentales plus qu'évidentes, nous restions patients, stoïques presque, indifférents à la longue attente, dans les bureaux, pour les passeports, le voucher, le change obligatoire, tant par personne et par jour.
A la voiture les hommes du rang devant fouiller, parfois si l'un d'eux se retrouvait seul, tout en faisant mine de fouiner, adressait un regard, un sourire, quelques mots plaisants à voix basse : une empathie prévalant sur l’idéologie politique. Plus que des signes cordiaux. Pour eux, plutôt que des produits, des vecteurs de l’impérialisme, nous étions seulement des êtres désireux de retrouver les leurs sinon des visiteurs. De par leur situation, par ce qu’ils savaient de parcellaire (les organisations étatiques glauques cloisonnent leur fonctionnement afin que chaque service en sache le moins possible sur celui d’à côté), ils se positionnaient par principe dans le camp de la dignité, de l’humain. Au bout souvent de deux heures (on positivait sur la relative ouverture du régime si le passage ne prenait qu’une heure), enfin libérés, nous les saluions d’un geste discret.
En entrant dans le pays, cette pression s’estompait et s'évacuait au bout de quelques kilomètres. Nous en oubliions les chicanes, sur l’autre voie, les énormes pyramides de béton, le militaire de faction qui braque le faisceau de la lampe à l’intérieur du véhicule, fait ouvrir le coffre et confirme aussitôt le nombre d’occupants au poste frontière.
Rozvadov, premier village : les maisons décrépies, abandonnées laissent seulement accroire que, malgré les encouragements du gouvernement, les Tchèques ont historiquement rechigné à coloniser cette zone tampon d’où les Allemands furent « expulsés[2][3] » dès la fin de la guerre.

 https://www.cairn.info/revue-revue-d-etudes-comparatives-est-ouest1-2009-1-page-99.htm

Compartimentation des infos, liberté de parole inhibée, omerta, chacun sait qu'il peut être dénoncé, même la bière et les petits verres d'alcool ne doivent pas délier les langues…
Un peu comme quand un jour nous apprend que nous sommes passés sans le savoir, à quelques kilomètres d’un camp de concentration, l’Internet permet de préciser un tant soit peu.

https://www.radio.cz/fr/rubrique/faits/il-y-a-60-ans-le-rideau-de-fer-devenait-realite-en-tchecoslovaquie

https://www.radio.cz/fr/rubrique/faits/il-y-a-60-ans-le-rideau-de-fer-devenait-realite-en-tchecoslovaquie
          La frange frontalière a formé une zone interdite large de six à douze kilomètres. Villages rasés, champs abandonnés : la campagne déshumanisée est redevenue sauvage. Sont restées les petites villes avec l’obligation d’un passeport spécial pour les habitants. A la limite du pays, des barbelés multiples, des fils électrifiés (à partir de 1953), des patrouilles à pied accompagnées de bergers allemands pour attaquer devant et de chiens croisés avec des loups[4] pour agresser par derrière tout individu non autorisé et non encore abattu dans la zone interdite ! Les rondes en véhicule ont facilité le travail des gardes-frontières (au nombre de cent pour cinq ou six kilomètres). Ce qui était présenté comme une ligne de défense contre l’occident impérialiste, une vision bien partagée par un peuple émancipé de l’Autriche seulement en 1918 et envahi par l’Allemagne d’Hitler en 1938, avait seulement pour but d’empêcher les fuites à l’ouest.
De ce point de vue, le rideau de fer tchécoslovaque a été d’une efficacité redoutable. Combien ont réussi à passer ? On parle seulement de 145 victimes entre 1951 et 1989 et ce même peuple jadis convaincu, bien que trompé, accuse et exprime un désamour pour ces ex-18.000 gardes dont des représentants complètement idiots ont eu, maintenant que la frontière extérieure est celle de l'UE, l'idée d'un monument à leur gloire ! Des gardes désormais embêtés de devoir dire que c'était leur devoir d'obéir, des gardes penauds de ne plus savoir comment se dédouaner de cette barbarie.
Il fait jour tard encore ce 30 juillet. Le crépuscule qui s’annonce apporte la rémission espérée par ces temps de fortes chaleurs. La nuit vient soulager du soleil qui accable. Peu de voitures ; du calme ; des localités aux rues vides alors qu’on voudrait qu’une terrasse d’auberge estampillée « Česká kuchyně » (cuisine tchèque) nous fasse signe ! Des restos fermés. Personne dehors. Ah si, une femme promène son teckel sur la piste cyclable. Si au moins entre le clair sur les cultures et l’obscur qui monte dans les forêts, apparaissait le mauve d’un champ de pavots ! Mais seule, au loin, une fumée ocre poursuit une moissonneuse phares allumés.
A Tlučná, si le web dit vrai, le restaurant est ouvert jusqu’à 23 heures ! Suivons la piste plutôt que de douter et qui plus est, de frustrer nos jeunes ! On laisse la belle route, d’une qualité d’autant plus remarquée qu’elle semble là pour nous seuls ! La belle route en chansons quand les hectomètres se faisaient de plus en plus légers vers la destination finale... Finie la belle route, un détour avec des cataplasmes de goudron et des trous, à 40-50 à l’heure, peut-être moins. 

Quelle importance ! Dans le voyage, c’est la route qui compte…       



[1] Wald = les (lire lès) = forêt.
[2] Terrible la terminologie officielle parle de « déportation » ; en octobre 1945, le décret d’Edvard Beneš mentionne expressément, à propos des Sudètes : « konečné řešení německé otázky » littéralement « solution finale à la question allemande » (Wikipedia). Un même vocabulaire, héritage de l’assujetissement aux nazis ? Un peuple gentil, modéré, certes parce que petit, cela ne saurait être, cela n’existe pas !   
[3] Angela Merkel, à l’occasion de la Journée Mondiale des réfugiés, a qualifié l’expulsion des Allemands de « conséquence immédiate de la guerre et des crimes horribles commis par la dictature national-socialiste ». « Cela ne change rien au fait qu’il n’y avait aucune justification, pas plus politique que morale, à cette expulsion »... A l'international, l'Allemagne qui ne remet pas en question cette page d'histoire, n'a cependant pas indemnisé les victimes tchèques du nazisme  ; c'est encore plus tendancieux en politique intérieure : les groupes de pressions sudètes restent revendicatifs sur le droit au retour, la restitution des biens, l'abrogation des décrets Beneš... invasion nazie contre expulsion des Sudètes...     
[4] Race aujourd’hui reconnue.