Waidhaus Wikimedia Commons Author Alois Köppl, Gleiritsch (=Zusatz) |
Une petite route coquette, au ruban impeccable, bien
signalée, bordée de verdure, comme épargnée par les grandes chaleurs de 2018… peut-être les 500-600 m. d'altitude encadrés
par ces croupes à près de 900 mètres de l'Oberpfälzer Wald, Český les[1] pour
les Tchèques. La route de Waidhaus, dernier village de Bavière (2.200 hab.), dernière
station aussi avant la frontière : l’indication reste même quand ça vaut
davantage le coup de l’autre côté. Charme et confort intérieur pour compenser
le manque de soleil… jadis les gros édredons-couettes de plumes en étaient
représentatifs. Un symbole à reconsidérer à présent concernant les modes de
vie plus standardisés et l’impact des bouleversements climatiques…
Ce qui reste du poste de douane côté allemand 2018Auteur Florian Dedieu. |
Le poste-frontière encore en 2009. Auteure Djaz. |
La frontière ! Le douanier allemand facilitait la
sortie. Et cette vague inquiétude au panneau « Vous quittez la
République Fédérale Allemande », comme au checkpoint Charlie le secteur
américain. Concentrés au passage du petit ruisseau, silencieux presque parce que nous changions de bloc,
on se sentait seulement tolérés.
La douane tchèque, très militaire, faisait obstruction, du moins les supérieurs hiérarchiques tenus d’afficher l’idéologie politique. Ne pas démontrer un signe quelconque d’hospitalité, par principe, que du dégoût. Exprimer le rejet d’un monde dit libre mais assujetti à l’argent. Calmes, silencieux, respectueux de recommandations parentales plus qu'évidentes, nous restions patients, stoïques presque, indifférents à la longue attente, dans les bureaux, pour les passeports, le voucher, le change obligatoire, tant par personne et par jour.
A la voiture les hommes du rang devant fouiller, parfois si l'un d'eux se retrouvait seul, tout en faisant mine de fouiner, adressait un regard, un sourire, quelques mots plaisants à voix basse : une empathie prévalant sur l’idéologie politique. Plus que des signes cordiaux. Pour eux, plutôt que des produits, des vecteurs de l’impérialisme, nous étions seulement des êtres désireux de retrouver les leurs sinon des visiteurs. De par leur situation, par ce qu’ils savaient de parcellaire (les organisations étatiques glauques cloisonnent leur fonctionnement afin que chaque service en sache le moins possible sur celui d’à côté), ils se positionnaient par principe dans le camp de la dignité, de l’humain. Au bout souvent de deux heures (on positivait sur la relative ouverture du régime si le passage ne prenait qu’une heure), enfin libérés, nous les saluions d’un geste discret.
Rovadov celnice douane tchécoslovaque Carte postale ancienne. Foto E. Einhorn |
La douane tchèque, très militaire, faisait obstruction, du moins les supérieurs hiérarchiques tenus d’afficher l’idéologie politique. Ne pas démontrer un signe quelconque d’hospitalité, par principe, que du dégoût. Exprimer le rejet d’un monde dit libre mais assujetti à l’argent. Calmes, silencieux, respectueux de recommandations parentales plus qu'évidentes, nous restions patients, stoïques presque, indifférents à la longue attente, dans les bureaux, pour les passeports, le voucher, le change obligatoire, tant par personne et par jour.
A la voiture les hommes du rang devant fouiller, parfois si l'un d'eux se retrouvait seul, tout en faisant mine de fouiner, adressait un regard, un sourire, quelques mots plaisants à voix basse : une empathie prévalant sur l’idéologie politique. Plus que des signes cordiaux. Pour eux, plutôt que des produits, des vecteurs de l’impérialisme, nous étions seulement des êtres désireux de retrouver les leurs sinon des visiteurs. De par leur situation, par ce qu’ils savaient de parcellaire (les organisations étatiques glauques cloisonnent leur fonctionnement afin que chaque service en sache le moins possible sur celui d’à côté), ils se positionnaient par principe dans le camp de la dignité, de l’humain. Au bout souvent de deux heures (on positivait sur la relative ouverture du régime si le passage ne prenait qu’une heure), enfin libérés, nous les saluions d’un geste discret.
En entrant dans le pays, cette pression s’estompait et s'évacuait au
bout de quelques kilomètres. Nous en oubliions les chicanes, sur l’autre voie,
les énormes pyramides de béton, le militaire de faction qui braque le faisceau
de la lampe à l’intérieur du véhicule, fait ouvrir le coffre et confirme
aussitôt le nombre d’occupants au poste frontière.
Rozvadov, premier village : les maisons décrépies,
abandonnées laissent seulement accroire que, malgré les encouragements du
gouvernement, les Tchèques ont historiquement rechigné à coloniser cette zone tampon d’où les
Allemands furent « expulsés[2][3] »
dès la fin de la guerre.
https://www.cairn.info/revue-revue-d-etudes-comparatives-est-ouest1-2009-1-page-99.htm
Compartimentation des infos, liberté de parole inhibée, omerta, chacun sait qu'il peut être dénoncé, même la bière et les petits verres d'alcool ne doivent pas délier les langues…
Un peu comme quand un jour nous apprend que nous sommes passés sans le savoir, à quelques kilomètres d’un camp de concentration, l’Internet permet de préciser un tant soit peu.
https://www.cairn.info/revue-revue-d-etudes-comparatives-est-ouest1-2009-1-page-99.htm
Compartimentation des infos, liberté de parole inhibée, omerta, chacun sait qu'il peut être dénoncé, même la bière et les petits verres d'alcool ne doivent pas délier les langues…
Un peu comme quand un jour nous apprend que nous sommes passés sans le savoir, à quelques kilomètres d’un camp de concentration, l’Internet permet de préciser un tant soit peu.
https://www.radio.cz/fr/rubrique/faits/il-y-a-60-ans-le-rideau-de-fer-devenait-realite-en-tchecoslovaquie |
https://www.radio.cz/fr/rubrique/faits/il-y-a-60-ans-le-rideau-de-fer-devenait-realite-en-tchecoslovaquie |
La frange frontalière a formé une zone
interdite large de six à douze kilomètres. Villages rasés, champs
abandonnés : la campagne déshumanisée est redevenue sauvage. Sont restées
les petites villes avec l’obligation d’un passeport spécial pour les habitants.
A la limite du pays, des barbelés multiples, des fils électrifiés (à partir de 1953), des
patrouilles à pied accompagnées de bergers allemands pour attaquer devant et de
chiens croisés avec des loups[4] pour
agresser par derrière tout individu non autorisé et non encore abattu dans la zone
interdite ! Les rondes en véhicule ont facilité le travail des
gardes-frontières (au nombre de cent pour cinq ou six kilomètres). Ce qui était
présenté comme une ligne de défense contre l’occident impérialiste, une vision
bien partagée par un peuple émancipé de l’Autriche seulement en 1918 et envahi
par l’Allemagne d’Hitler en 1938, avait seulement pour but d’empêcher les
fuites à l’ouest.
De ce point de vue, le rideau de fer tchécoslovaque a été d’une efficacité redoutable. Combien ont réussi à passer ? On parle seulement de 145 victimes entre 1951 et 1989 et ce même peuple jadis convaincu, bien que trompé, accuse et exprime un désamour pour ces ex-18.000 gardes dont des représentants complètement idiots ont eu, maintenant que la frontière extérieure est celle de l'UE, l'idée d'un monument à leur gloire ! Des gardes désormais embêtés de devoir dire que c'était leur devoir d'obéir, des gardes penauds de ne plus savoir comment se dédouaner de cette barbarie.
De ce point de vue, le rideau de fer tchécoslovaque a été d’une efficacité redoutable. Combien ont réussi à passer ? On parle seulement de 145 victimes entre 1951 et 1989 et ce même peuple jadis convaincu, bien que trompé, accuse et exprime un désamour pour ces ex-18.000 gardes dont des représentants complètement idiots ont eu, maintenant que la frontière extérieure est celle de l'UE, l'idée d'un monument à leur gloire ! Des gardes désormais embêtés de devoir dire que c'était leur devoir d'obéir, des gardes penauds de ne plus savoir comment se dédouaner de cette barbarie.
Il fait jour tard encore ce 30 juillet. Le crépuscule qui s’annonce
apporte la rémission espérée par ces temps de fortes chaleurs. La nuit vient
soulager du soleil qui accable. Peu de voitures ; du calme ; des
localités aux rues vides alors qu’on voudrait qu’une terrasse d’auberge
estampillée « Česká kuchyně » (cuisine tchèque) nous fasse signe !
Des restos fermés. Personne dehors. Ah si, une femme promène son teckel sur la
piste cyclable. Si au moins entre le clair sur les cultures et l’obscur qui
monte dans les forêts, apparaissait le mauve d’un champ de pavots ! Mais
seule, au loin, une fumée ocre poursuit une moissonneuse phares allumés.
A Tlučná, si le web dit vrai, le restaurant est ouvert jusqu’à 23 heures !
Suivons la piste plutôt que de douter et qui plus est, de frustrer nos jeunes !
On laisse la belle route, d’une qualité d’autant plus remarquée qu’elle semble
là pour nous seuls ! La belle route en chansons quand les hectomètres se faisaient de plus en plus légers vers la destination finale... Finie la belle route, un détour avec des cataplasmes de goudron et des trous, à 40-50 à l’heure,
peut-être moins.
Quelle importance ! Dans le voyage, c’est la route qui compte…
Quelle importance ! Dans le voyage, c’est la route qui compte…
[1] Wald
= les (lire lès) = forêt.
[2] Terrible
la terminologie officielle parle de « déportation » ; en octobre
1945, le décret d’Edvard Beneš
mentionne expressément, à propos des Sudètes : « konečné řešení
německé otázky » littéralement « solution finale à la question
allemande » (Wikipedia). Un même vocabulaire, héritage de
l’assujetissement aux nazis ? Un peuple gentil, modéré, certes parce que
petit, cela ne saurait être, cela n’existe pas !
[3]
Angela Merkel, à l’occasion de la Journée Mondiale des réfugiés, a qualifié
l’expulsion des Allemands de « conséquence immédiate de la guerre et
des crimes horribles commis par la dictature
national-socialiste ». « Cela ne change rien au fait qu’il n’y
avait aucune justification, pas plus politique que morale, à cette
expulsion »... A l'international, l'Allemagne qui ne remet pas en question cette page d'histoire, n'a cependant pas indemnisé les victimes tchèques du nazisme ; c'est encore plus tendancieux en politique intérieure : les groupes de pressions sudètes restent revendicatifs sur le droit au retour, la restitution des biens, l'abrogation des décrets Beneš... invasion nazie contre expulsion des Sudètes...
[4] Race
aujourd’hui reconnue.
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