lundi 31 mars 2025

TOI et les PETITS OISEAUX ! (1)

Quand l'attente patiente le renouveau, d'abord secouée dans sa somnolence par l'amandier en fleur, réveillée ensuite, dans une garrigue retrouvée, par la vivifiante quête d'asperges sauvages, puis ébranlée d'un coup par le “ tchitchi ” des crécerellettes, on aimerait que cet enthousiasme n'en finisse pas de monter. Alors, aidés en cela par un azur où enfin notre Cers a pu se prévaloir de son souffle, trop puissant mais pour le moins bénéfique, cherchant confirmation, on regarde le ciel. Dès potron-minet, l'ondoiement bruyant d'un vol de corneilles ; à la première heure aussi,  toujours ces goélands, suffisants, peu sympathiques, mal aimés et pourtant protégés... ; craintifs encore de ces chassés-croisés, moins culottés qu'à l'habitude, nos commensaux de pigeons ne rasent plus que les toits ; parfois passe vite un étourneau, non plus en groupe, peut-être retardataire en vu d'un mariage, plus au nord. 

Hirondelle_rustique 2021 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic license. Auteur Pierre-Marie Epiney

Et comme j'aimerais voir les premières hirondelles. Fin mars nous sommes, sont-elles trois dans le bleu ? cinq deux jours plus tard ? On positive, on se dit que ce n'est qu'un début, on ne veut pas admettre que c'est seulement se raccrocher au peu qui reste... On s'empêche de réfléchir aux petits moineaux devenus rares depuis qu'il est mal vu de laisser des trous dans ses murs, on regrette le souvenir de l'apuput régulier d'une huppe, celui du chardonneret, si beau à voir et à entendre. Et l'enthousiasme retombe comme un soufflet. Plus encore à penser que là-bas, le cyclone a dû exterminer le souimanga (nectariniidae confondu avec le colibri), le foudy (rouge cardinal), le zostérops à lunette, aussi endémique que le souimanga... 
Le ciel reste vide d'un spleen trop plein ; des hirondelles j'ai dû rêver ; même à l'heure d'été le soleil voudrait réchauffer les cœurs ; il ne reste plus que l'ordinateur, qu'on croit, en consolante... Consolation de prime abord, encore à chercher mes hirondelles, à faire la connaissance d'une poétesse jusque là ignorée, Reine Garde :     

« L'hiver au doux printemps vient de céder la place
Mars de sa tiède haleine a réchauffé l'espace,
La prairie étale ses fleurs :
Revenez donc, mes hirondelles,
Ne me soyez point infidèles,
Revenez, le bruit de vos ailes
A l'instant suspendra mes pleurs... » Reine Garde (1810 -1883). 

Et non, ce n'est pas un nom de la poétique moderne, mais celui d'une femme ancrée dans un temps d'avant, d'abord simple servante puis couturière et commerçante mais femme de lettres aussi, voilà déjà près d'un siècle et demi. Le sésame de l'internet ouvrant bien des portes, on ne devrait pas tomber dans l'anachronisme, un piège lorsqu'on rejette des pratiques passées : 

« ...Dans ta captivité je semblais te suffire,
Tu comprenais mes pas, ma voix,
Mon nom même, en ton chant tu savais me le dire ;
Dès que tu me voyais sourire,
Tu le gazouillais mille fois !.. »

Chardonneret élégant du Tarn 2012 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Photographe Pierre Dalous.

Difficile d'accepter les cages à oiseaux de la part de partisans de la liberté. Ces « Vers à mon chardonneret » de Reine Garde ont été relevés par Alphonse de Lamartine (1790-1869). 
Marie Agnès Reine Garde tenait absolument à rencontrer le poète qu'accompagnaient tant d'hommages et louanges. Depuis Aix-en Provence, sans rien dire, elle a pris le train pour Marseille où Lamartine et son épouse étaient en villégiature. Signe des temps aussi, Lamartine, rentrant d'une sortie accepte sans façon cette visite inopinée. Dédié à Reine Garde, son roman « Geneviève » relate en détail cette rencontre avec une dame de peut-être 35-40 ans, qui rougit à plusieurs reprises d'avoir été si audacieuse et parce que sa vie intéresse l'illustre personnage. 
Comme on passe des oiseaux à une poétesse pré-Félibrige, écrivant en français et en provençal, reconnue par Frédéric Mistral en tant que troubarello dans un trio de femmes. (à suivre) 


jeudi 27 mars 2025

Plus compliqué que SAUCISSE et JAMBON (5 et fin).

 Et mon père alors, qui me porte, moi qui suis dans sa maison ? 

Papa, tu es beau ! 


* François Dedieu (1922-2017), professeur de français, de russe, passionné de langues, de mots... (debout, bras tendus, les classeurs empilés de notre correspondance remontent du milieu des cuisses jusqu'au menton). Des lettres et courriels, dans l'acceptation de l'absence physique, plus apaisés que le geste si fort au moment de la séparation pour des mois, à des milliers de kilomètres, qui nous voyait serrés dans les bras l'un de l'autre, dans un « Au revoir papa ! » disant « Je t'aime ! » sans le prononcer. Et merci de m'aimer moi, l'enfant difficile, l'adolescent à problèmes que je fus, si souvent sur la corde raide. Ce qui est sûr est qu'après avoir longtemps imputé mes refus et rejets aux autres, en premier à mon père, j'ai mis très longtemps à reconnaître mes torts. J'ai été un sale gosse... voilà ce qui doit être dit en premier plutôt que de mettre en avant des circonstances “ minimisantes ”... Certains bons côtés auraient-ils quelque peu compensé, à la longue ? Redevant à mon père l'amour des langues, des livres, des mots, par un stratagème qu'il a feint d'ignorer, par le biais de souvenirs que l'âge se permet d'ouvrir, ne serait-ce que pour nos descendants, j'ai osé entreprendre la publication de nos vies pour ce qui les lient au village. Papa a si bien répondu et prolongé que force était de reconnaître qu'un deuxième tome s'écrivait en miroir, un diptyque donc avec « CABOUJOLETTE, Pages de Vie à Fleury-d'Aude II » le concernant, lui, pour un vécu plus loin dans le temps. Resté admiratif et peu critique de la matrice parisienne, avec les années, il n'en est pas moins revenu à reconnaître en lui l'attache vitale au languedocien, variante de l'occitan exclusivement pratiquée entre ses parents bien que bilingues appliqués, exigeants en orthographe, grammaire, conjugaison, bien français et pourtant binationaux qui s'ignorent. 

Tout passe, tout s'efface sauf si on s'efforce à repenser, à recréer, à revivre, à rechercher. Au delà de cette « Festa dal porc » que je retrouve bien qu'oubliée de moi, papa précise « seguida » (1), de la présentation du « Vin Bourru » qu'il me fit, je ressens fort la dette fructueuse que doit chaque fils au père qui continue de le porter (2) (penser l'inverse est une erreur, une vanité n'ayant pas lieu d'être).   

Plus légèrement, en conclusion, à propos de cochon, une des rares choses sympa chez les Parigots, Gabin et Bourvil fourguant du porc au noir dans « La Traversée de Paris », un film d'Autant-Lara, (1956) et encore... d'après une nouvelle de Marcel Aymé (1902-1967), il est vrai “ agent double ” dans la capitale malgré son attachement d'origine à la Franche-Comté...  

(1) terme peut-être local, non trouvé ailleurs, Mistral dans Lou Tresor dau Felibrige notant seulement « tua lou porc », tuer le porc. 

Côté terre, l'étang de la chasse aux canards, entre nous, une petite Camargue magnifique offerte par l'Aude, le fleuve, modeste au point de ne pas se prévaloir de son delta, le fleuve qu'on dit rivière tant il nous est familier... 
 

(2) Guy, professeur d'occitan, portant à bout de bras, chaque mois, une quarantaine d'élèves plus chenus que vermeils, apporte qui il est en plus du cours de langue. La fois dernière, il raconte la double trace de pas laissée dans le sable, au retour bien chargé d'une nuit jadis au canard (les appelants, le matériel avant tout...) ; s'ouvrant à son père, compagnon de chasse, d'un rêve en période triste, étrange et marquant, d'une seule trace de pas derrière eux, il reçut cette réponse aussi spontanée qu'éclairante « Ès ieu que te portavi... », « C'est moi qui te portais... ». 

mercredi 26 mars 2025

La « TUE-COCHON » petite anthologie... suite et au-delà (4)

Suite du sentiment que je dois à Jean-Claude Carrière, serait-ce en divergences et reproches mais toujours avec reconnaissance et amour...   

Partager le Voyage: JEAN-CLAUDE, il faut que je te dise... / A J-C Carrière (fin).

Partager le Voyage: LE VIN BOURRU (J.C. Carrière) / Les vendanges dans le Sud

Partager le Voyage: LE VIN BOURRU de J.-C. Carrière / lecture à quatre z'yeux

Le sentiment n'empêche pas d'exprimer ses divergences, en particulier à propos de cette peur du peuple ressentie par une élite autoproclamée, en cela très jacobine, ethnocentrée, parisienne pour résumer, derrière laquelle Jean-Claude Carrière s'est rangé. Or, cette hantise pourtant, se doit d'être ressentie en sens inverse : le peuple n'a-t-il pas à subir une répulsion au nom d'une caste dirigeante impudente de ses privilèges exagérés lorsqu'elle demande toujours des sacrifices aux moins bien lotis (sécurité sociale, retraites, écologie boboïsante et discriminatoire...) ? Une caste qui se paie sur la bête (mais où donc passe le pognon dans un pays des plus soumis à l'impôt au monde ? ), une caste privilégiant l'assistanat par anticipation d'une révolte plausible, une minorité servant les puissances d'argent (marchés publics faussés au profit des offres les plus dispendieuses... Renvois d'ascenseurs ? république des copains ? ), une minorité servie par des médias courtisans, soumis et opportunistes, peu soucieux d'honneur et de vérité, une minorité considérant le peuple comme un corps étranger... Royauté, République... aux répressions contre les Bonnets Rouges, Croquants ou autres Va-nu-pieds a succédé la Semaine Sanglante, l'écrasement du peuple par les Versaillais. De nos jours encore, les rapports dominants-dominés persistent dévoyant le « par le peuple pour le peuple » de la Constitution aux principes vains... égalité - fraternité, tu parles ! Et liberté... bref... les gouvernants, hauts-fonctionnaires, élus, restent foncièrement contre le peuple dont ils ont peur (1) et qu'ils voudraient changer sinon lobotomiser... À quand une nuit du 4 août contre des privilèges non plus féodaux mais aussi récurrents qu'abusifs ?  

Partager le Voyage: CARRIERE, SALAME, TESSON… CAMPES SUR LEUR ESPACE VITAL ! / ces courtisans disqualifiés du régime. 

Provincial revendiqué, Carrière serait-il, par définition lié au pouvoir de la capitale (une autre étymologie de « province » apparenterait à “ rattachée car vaincue ”), sinon complètement émancipé de l'acception si méprisante du mot « terroir », “ parisiennement ” parlant... 

Jean-Claude Carrière httpswww.facebook.comwatchref%20arts

Emporté que je suis par cet arbitraire révoltant, vais-je me laisser détremper par une nostalgie émolliente, une tendre pensée, un amour qui fait revenir vers ceux qu'on a aimés et qui ne sont plus ?  Aimer quelqu'un n'est-ce pas en accepter toutes les facettes, confluentes ou divergentes avec les siennes propres ?  Jean-Claude Carrière, je continue de l'aimer fort pour son « VIN BOURRU » valant profession de foi, en faveur de la reconnaissance d'un Languedoc aux racines occitanes encore vives en dépit des outrages et mépris persistants de la capitale. Il est de ceux tels Arène, Giono, Brassens, Chamson, Pagnol, sudistes montés à Paris pour s'ouvrir les chemins de la renommée, plus ou moins arrivistes, le terme serait-il trop fort, mais non au point de vendre leur âme... En signe de reconnaissance, la volonté de ne pas perdre l'accent (malgré des concessions opportunistes, il faut l'admettre), le choix de reposer à jamais dans la terre des ancêtres... Il en est, Carrière, de ceux qui finalement et malgré les contradictions partagées chez tous les humains, font ou ont fait un pied-de-nez à un parisianisme même pas capable d'accompagner dignement la France en rang désormais, ne serait-ce que de puissance moyenne...  

Et mon père alors, (à suivre) 

(1) même s'il est vrai que le peuple peut favoriser l'ascension d'un Mussolini ou d'un Hitler comma l'avançait Carrière... 


mardi 25 mars 2025

La « TUE-COCHON » à Fleury et à Colombières (3)

 (suite du travail de charcutailles à Fleury-d'Aude).  

Hachoir_à_viande_pour_saucisses_-_Purullena 2015 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Dfbdfbg6543654

... puis, avant de recevoir la « machine » commandée à la Manufacture Française d’Armes et Cycles de Saint-Etienne (on ne disait pas encore « Manufrance » ou a fortiori « la Manu ») et destinée à faire la saucisse de façon plus commode et plus rapide, c’étaient les doigts de l’imposante Léonie qui poussaient la viande hachée jugée à point, à l’aide d’un entonnoir spécial sur l’embout duquel se pressait le rouleau d’un boyau humide bien propre, et nous voyions émerveillés la belle saucisse se former au bout et occuper plus tard une place de choix sur la table de nos cochonnailles annuelles.

Que dire encore ? Cette grande affaire durait évidemment plusieurs jours ; Léonie était naturellement des nôtres à la table familiale où nous savourions les premiers fritons et quelques belles côtes de porc sauvées de la tourmente et qu’appréciaient seulement les adultes. Les caisses destinées au salage des jambons avaient été préparées et pourvues d’une quantité de sel impressionnante pour nous, puis placées dans un coin d’une chambre du premier étage, vide et réservée en particulier à cet usage. Les beaux jambons y étaient déposés avec tout le soin requis, disparaissaient sous le sel, pour fournir des mois plus tard ces délicieuses tranches qui agrémentaient nos repas. J’appris beaucoup plus tard que cette préparation du jambon était bien originaire de notre pays, et que déjà les Gaulois, grands amateurs de cochon, savaient bien les élever et avaient acquis une grande renommée dans l’art de saler et aussi de fumer et préparer les diverses pièces du porc. Nous étions donc de dignes descendants.

Entre nous soit dit, la place réservée aux « caisses des jambons » n’était sans doute pas idéale : la saumure résultant du salage avait fini par traverser le bois des caisses et d’abîmer un peu notre plafond de la cuisine, située justement sous la chambre en question… »

CABOUJOLETTE, Pages de Vie à Fleury à Fleury-d’Aude II, 2008, François Dedieu.

Chez Jean-Claude Carrière, les femmes vont laver les tripes à un ruisseau qui, à l’époque de l’écriture du livre, ne coulait plus. Les enfants tournent la manivelle du hachoir à viande. L’auteur ne donne pas ensuite le détail de la confection des cochonnailles ajoutant seulement que viandes et graisses sont mises à cuire. 

Pris par le petit bout de la lorgnette, pourtant si important, suivant les circonstances, dans l'économie ménagère des familles, l'engraissement du cochon. Suite à une modeste recherche, nous avons retrouvé ce “ plus petit commun diviseur ” avec : 

* Arnaud Daguin (1935-2019) chef étoilé du Sud-Ouest et du Pays Basque s'indignant de l'élevage industriel. 

* Madame Tricoire, institutrice à Lavelanet, par son témoignage repris dans la revue Folklore (décembre 1941). 

* Mon oncle Stanislav (Tchécoslovaquie puis Tchéquie) dans son système D de débrouille autarcique face aux ratés, insuffisances et défaillances de la gouvernance communiste. 

* Robert Reverdy (1908-1999), de Pouzols-Minervois et son cousinage en marge des Hautes Corbières, à Laval (route du col frontière historique de Saint-Louis), vers Quillan de la haute vallée de l'Aude, lui valant un poème des plus réussis. 

* Les montagnards de Sorgeat au-dessus d'Ax-les-Thermes. 

* En Périgord, l'Albine, le personnage porteur de savoirs et de toute une culture rurale, de Fernand Dupuy (1917-1999) marquant de sa présence en compagnie d'Henri Vincenot (1912-1985), « APOSTROPHES », l'émission culte de Bernard Pivot (1935-2024). 



* Jean-Claude Carrière (1931-2021) d'un cosmopolitisme brillant au cinéma, au théâtre, en littérature, jusqu'à sa vie privée, ce qui n'a pas empêché son attachement viscéral à Colombières-sur-Orb, le village de naissance. Resté fidèle à son Sud, ne lésinant pas sur le temps donné aux autres notamment lors de la Mirondela dels Arts (peut-être aussi Les Estivales de l'Illustre Théâtre), il a gardé le bon accent de chez lui. Cette fidélité il en témoigne par son bilinguisme occitan-français et le soin apporté à son ouvrage  « LE VIN BOURRU » dont le riche chapitre sur les mots occitans francisés. De sa part, quatre ans après qu'il est parti, je reste toujours aussi ému de cette reconnaissance à l'égard des racines languedociennes qui nous unissent, de ce qu'il a été et qu'il représente. Carrière aussi a écrit un long paragraphe sur « Le sacrifice du cochon ». 

Pour ceux qui restent curieux de mes hommages, états d'âme et bavardages :  

Partager le Voyage: « ... ENFANT, J’ETAIS BILINGUE, OCCITAN-FRANCAIS… » / En bas des châtaigniers, la vallée des cerisiers.

Partager le Voyage: J'AIME ce qu'ils ont dit des VENDANGES / 2. Jean-Claude Carrière.

Partager le Voyage: JEAN-CLAUDE CARRIERE... il nous a tant aimés...

Partager le Voyage: JEAN-CLAUDE, il faut que je te dise... / A J-C Carrière, 1ère partie 

(à suivre)


 


lundi 24 mars 2025

La « TUE-COCHON » chez CARRIÈRE et DEDIEU (2)

Colombières-sur-Orb_St-Pierre 2007 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Auteur Fagairolles 34

Et à Colombières, au pied des Cévennes, dans Le VIN BOURRU, 2000, Plon, Jean-Claude Carrière raconte que la veille le cochon sait qu’il va mourir. Entend-il les préparatifs ? Après une mauvaise nuit à grogner, à crier parfois, il recule et hurle dans son réduit, avant qu’on ne le touche. Armand Cazals, le grand-oncle de Tarassac « ...fort, jovial, un peu rouge… » doué pour découper, est sollicité par son entourage pour l’abattage. Après un verre de vin blanc, en tablier, son matériel à portée, il demande que la bête lui soit amenée. Les hommes la tirent par ses pattes attachées. On le tient fermement tandis que l’oncle cherche le bon endroit où planter son couteau. Une femme récupère le sang qui jaillit et empêche qu’il ne coagule. Les hurlements de l’animal faiblissent, les sursauts se calment ; instant de calme dans l’assistance, sans regret mais comme pour respecter cette fin de vie, ce sacrifice. Ensuite il faut verser l’eau très chaude pour ébouillanter et racler les soies avant que l’oncle Armand ne joue de ses couteaux «… comme les ogres dans les contes de fées… ». Allongée sur le ventre, la carcasse « qui fait la prière » (1) se voit découpée dans la longueur du dos. Un repas « le plus gros de l’année » avec le sanquet et la tindello (2) précède une longue après-midi de travail jusqu’à la nuit tombée. (synthèse tirée du livre Le Vin Bourru, 2000, Plon, Jean-Claude Carrière). 

Jean-Claude_Carrière_2016 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic license Author Fryta 73

(1) Luis Buñuel, le cinéaste avec qui il a souvent collaboré, lui confirma qu’ils faisaient et disaient de même dans la province de Teruel.

(2) Sanquet, sanqueto : “ omelette ” du sang du cochon. La tindello : tranche de lard ou de viande. 

Fleury avant Noël. 

Et à Fleury-d’Aude, le témoignage encore de François, père de François fils, notre pêcheur de tenilles (à l'image d'Olivier, l'alter ego, témoin, commutateur commode pour une narration autobiographique évitant le “ JE ”, non haïssable en soi mais incommodant justement) : 

«… Je me souviens que Léonie nous préparait aussi « la saumo (3) », sorte de gros galabart dit parfois « boudin du Sud-Ouest », et qui permettait d’utiliser à bon escient un gros boyau. Le boudin était alors cuit longuement dans un gros chaudron placé sur son fort trépied dans l’antique et pour nous immense cheminée où flambait un feu nourri. Les deux tables de la maison avaient été mises côte à côte pour la circonstance, les nappes blanches étaient de rigueur et disparaissaient presque entièrement sous cette quantité impressionnante de victuailles. Nous nous faisions rappeler à l’ordre de temps à autre, pour gêner un peu le travail des grandes personnes si important pour la famille, et nous dévorions des yeux toute cette « fête du cochon » qui était pour nous un divertissement prisé.

Je vois encore sur le gril, près du chaudron aux boudins, les échantillons de viande hachée, salée et poivrée, placés sur une petite plaque de métal « pour goûter » afin de juger l’assaisonnement [...] (à suivre)

(3) étrange cette dénomination, la saumo désignant l'ânesse en occitan. 

Papa. 


dimanche 23 mars 2025

PÉZENAS, le CARNAVAL, mars 2025. (fin)

 Samedi 1er mars à 19 h, spectacle à la Maison du Peuple (1), de danses humoristiques par « Lous Machous » (10 €). 

Dimanche 2 mars, de 8 à 18 heures, 5ème concours mondial du ragoût d'escoubilles suivi d'une dégustation dans la cour d'honneur de la mairie.  

2 mars, 20 h 30, soirée déguisée à la Maison du Peuple « Les Machous font leur cirque » (10 €). 

Samedi et Dimanche-gras, « Lous Machous », comme leur nom l'indique, clabaudent et cancanent quand ils ne vilipendent pas en partant des ragots qui ont pimenté les rencontres impromptues des “ braves gens ” (tels que Brassens les percevait) de la ville aux commissions ou sur le marché des samedis ordinaires... À Pézenas cette “ machade ” reste bien dans la tradition séculaire de carnaval (avec l'accent de Villanova, je ne vous dis pas !).  

Pézenas Lo_polin_de_Pesenàs pendent lou carnaval dels escoliers 2019 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Reipetit
 

Le 3 mars, de 14 à 15 h 45, carnaval des écoles, musiques, danses et crémation du Roi Carnaval (Place Boby Lapointe). Ce Lundi-gras au soir, la chasse au Tamarou est accompagnée de tambourins et de fifres ; les « Fadas du Tamarou » animent un charivari qui voit le Tamarou, animal fabuleux faisant penser à un dragon, faire peur et provoquer les braves gens. Foncièrement par ailleurs provocateurs et mauvaises langues, faisant office de buffetaires, en chemises et bonnets de nuit, les Machous accompagnent au rythme de danses traditionnelles du genre “ feu aux fesses ”, “ danse du soufflet ”. Merci encore à Cyril Feybesse, talentueux photographe, qui a su si bien rendre et partager le dernier évènement.  

Pour Mardi-gras, le 4, précédé de masques costumés, de buffetaires au panel remarquable, le poulain totémique parcourt les artères névralgiques de la ville.   

Bien des associations locales tiennent à maintenir le lien entre Piscénois locaux, émigrés ou qui, comme moi, le sont de cœur. Le carnaval de Pézenas, comme bon nombre d'autres carnavals en France, a été inscrit en 2019 à l'Inventaire national du patrimoine culturel immatériel, dans la rubrique « Pratiques sociales et festives »

(1) anciennement « Foyer des Campagnes ». 

Pézenas, Lo Tamaro, animal fantastique, s'engouffre dans la vieille ville. Photo Cyril Feybesse.

Sources : Cyril Feybesse, Wikipédia, Hérault Tribune, Hérault tourisme, étymologie occitane. 

Note : à ceux qui regretteraient qu'il n'y ait rien sur Limoux... figurent déjà au moins quatre articles dans ce blog sur son fameux carnaval... il suffit de taper “ Limoux ” pour la recherche...  

PÉZENAS, le CARNAVAL, février 2025 (1).

Oh Pézenas ! que j'y ai été heureux trois années scolaires durant ! Dans ce bonheur, après les fèves des gâteaux des rois sur plus d'un mois, figurait bien sûr le carnaval. Bon, il est vrai que comme partout suivant les périodes, il se montre à géométrie variable, parfois réduit à une simple expression comme dans ces année 1961, 62, 63 avec bien sûr les sorties du poulain accompagné de masques mais, me semble-t-il, les jours seulement autour de Mardi-gras (je n'avais pas l'âge de retenir d'éventuelles dates de bal masqué... et le nombre des associations n'exprimait pas alors le souci de maintenir une tradition en danger). De nos jours, avec la crainte de voir s'effacer ces acquis culturels, nous assistons à un regain, à un retour aux sources, à une volonté plus marquées de carnaval en tant que manifestation traditionnelle populaire. À Pézenas, de nos jours, des premiers jours de février à ceux de mars. 

Ainsi l'accent est mis, dès début février, sur la Saint-Blaise, protecteur de la ville, en surimpression de l'archaïque sortie de l'ours hors sa tanière. Elle donne lieu à une déambulation festive ouvrant la Temporada de carnaval suivie, au prix raisonnable de 10 €, d'un ragoût d'escoubilles (1) à la Maison du Peuple... là où se donnaient jadis les conférences appréciées de « Connaissance du Monde » (2). À 21 h 45, le groupe « Castanha e Vinovel » a proposé un Grand Baléti occitan (entrée libre). 

Pézenas Collégiale_Saint-Jean 2011 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Auteur Thierry de Villepin

Les 8 et 9 février, on fêtait Saint-Blaise à la Collégiale Saint-Jean ainsi qu'à Saint-Ursule... À propos de cette dernière église, la posture des statues avait donné lieu à une vieille plaisanterie faisant dire à la première montrant la deuxième « As petat ! » ; démenti formel de cette dernière “ haut les mains ” tandis que la troisième accuse la dernière faisant comme si de rien n'était « Es èl ! » (3)... Une farce déjà dans l'air de carnaval...  

Blason, armes, ville_fr_Pézenas_(Hérault) 2008 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Artist Spedona


Les vendredis 14 et 21 février, à 19 h, chants traditionnels de carnaval à l'occasion d'apéros chantants. 

Le 21 février à 21 h, danses bufatièra et feu aux fesses. 

Le 28 février, Soirée Blanche costumée « Tous en Panel » à la Maison du Peuple (10 €).  (à suivre)

(1) de l'escoubo, le balai, avec “ escoubilles ”, provenant du latin “ scopiliae ”, les balayures. À Lyon, ils disent “ équevilles ”, en Espagne “ escobilla ” pour, plus globalement, tout ce qui doit être jeté. Avant les déchèteries, les déchets et vieilleries étaient jetés aux escoubilles. Pour le ragoût de ce nom dans la vallée de l'Hérault, un plat mijoté de légumes et de viandes est dérivé de cette manière d'accommoder les restes, à l'origine.

(2) « Connaissance du Monde » présente toujours un programme de tournées... malheureusement pas une localité de toute l'Occitanie n'est concernée cette année...

(3) traductions « Tu as pété ! » et « C'est lui !

samedi 22 mars 2025

La “ TUE-COCHON”, Jean-Claude CARRIÈRE et François DEDIEU (1)

La relecture et correction d'un projet « Un Languedoc Fleur d'Amandier » m'amènent à compléter dans la rubrique « Pauro bestio », pauvre bête à propos du cochon tué pour apporter aux humains. Jean-Claude Carrière puis mon père sont mis à contribution pour apporter un complément au sujet. 

Jean-Claude_Carrière_à_la_BNF 2008 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported2.5 Generic2.0 Generic and 1.0 Generic license.Auteur Roman Bonnefoy

À Colombières, au pied du Caroux dont on voit la dent de chez nous, Jean-Claude Carrière indique que l’élevage du cochon se pratiquait avant 1940 et qu’avec la guerre, à cause des restrictions, cela fut nécessaire, les apports en viande, charcuterie et matières grasses ne pouvant mieux tomber. Les familles s’équipèrent d’une porcherie afin d’engraisser un cochon, parfois deux. Devant la maison, dans un gros chaudron de cuivre se cuisait la ration du pensionnaire : farines, châtaignes, herbes… Le cochon reste familier, reconnaissant d’être nourri, caressant même lors de ses petites sorties dans le jardin. On le soigne avec sérieux ! C’est à qui aurait la plus belle bête de plus de deux cents kilos ! 

Même en Moravie (Rép. Tchèque) Creative Commons Attribution 2.0 Générique Auteur kitmasterbloke.

À propos d'embonpoint, une lettre (janvier 1949) de la grand-tante de François fils, Céline (1903-1988) :

« […] Chez Paule on a tué hier le deuxième porc, le premier pesait 180 K et celui d’hier 225 K. Quant à nous qui en avons un mais plus jeune, il se fait joli et doit peser dans les 150 K nous le saignerons le mois prochain d’ici là il fera quelques kilos de plus… » 

« La fèsta dal porc (seguida).

Tout jeunes, nous n’étions pas autorisés à voir saigner par le boucher, appelé pour la circonstance, la magnifique bête qui allait fournir à toute la famille tant de vivres pour de longs mois. Plus tard, j’ai imaginé le cochon pendu par ses pattes de derrière à une poutre de notre cave, solidement maîtrisé par les puissantes mains de mon père et de son oncle, notre « oncle Pierre », [...] proprement saigné par le spécialiste malgré ses cris de désespoir ; le sang recueilli jusqu’à la dernière goutte dans une bassine des plus propres. Alors, le boucher-charcutier le coupait en deux dans sa longueur, et repartait, son travail terminé.

Ce n’est que quelques années plus tard que j’ai pu voir tous les détails : le cochon tué au pistolet automatique spécial qui enfonçait le crâne de l’animal et avait déjà remplacé l’antique merlin d’étourdissement de nos abattoirs de village ; l’eau très chaude versée dans l’auge impressionnante contenant le cochon devenu porc par sa mort ; la chaîne introduite sous le corps et servant à débarrasser ce dernier de ses soies ; et, une fois l’épilation terminée, le porc suspendu devant le charcutier, celui-ci coupait en deux la carcasse et pratiquait l’éviscération. Les boyaux étaient ensuite soigneusement lavés et conservés pour la fabrication de la saucisse, des saucissons et du boudin… »

CABOUJOLETTE, Pages de Vie à Fleury à Fleury-d’Aude II, 2008, François Dedieu. 

Papa




mercredi 19 mars 2025

LAGRASSE, le CARNAVAL...

Yeux et oreilles chastes, passez votre chemin...  

Encore une référence de la revue FOLKLORE, traînant dans mes brouillons... 

A Lagrasse, les moines auraient, par de mauvais exemples, inspiré des écarts de carnaval, en un latin détourné moquant la liturgie, par exemple, avec la « bito-cono ». 


L'un d'eux est désigné par le père abbé... s'agissant des Moines Paillards (1912) de José Frappa (1854-1904), anticlérical déclaré, on pourrait en déduire bien des choses... Under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Relevé par Hélène Rival en 2019

Les cornes, défenses de sanglier ou de cochon que tous les hommes mariés sont obligés d'embrasser sauf qu'on devrait l'origine de cette coutume au droit de cuissage qu'avaient les moines (en février 1684 le scindic des religieux a porté plainte contre le sieur François Ville qui a dit le 23 janvier, jour du Conseil, à propos d'un enfant exposé à la grille de l'hôpital de l'abbaye « qu'il pourrai estre de quelque religieux... » Alors les moines ? paillards ou diffamés ? et pas qu'au Moyen-Âge... 

Camembert-Abbaye-Aunay-sur-Odon-Calvados-2024 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Rundvald... Les fromages avec des moines bien portants, parfois rougeauds, sur les boîtes et emballages sont gages de produits nourrissants. Le petit peuple les dénigrait avec raison, en tant qu'exploiteurs, à l'égal des nobles... Des moines dont certains faisaient fi des privations de Carême, par exemple en considérant qu'à cause de sa queue plate à écailles, le castor pouvait être consommé...  

L'essentiel des festivités se passe en chants et danses souvent grivoises, triviales... mais plus en sous-entendus néanmoins : 

« ... Je la baise quand je veux, 
Je vous la ferai baiser à tous 
Car je n'en serai jamais jaloux (bis)... . Et l'assemblée reprend en chœur 
— Car c'est une bouteille 
D'une liqueur sans pareille !  
— [...] Abaissez-y le devant
Relevez-y le derrière... [...]
De sa complaisance (celle du maître de maison) je vous en réponds
Car vous n'irez jamais au fond... 
— [...] Elle est grosse sans malice
Elle a reçu tout son mal 
Par le trou où elle pisse... » Et l'assemblée en chœur " car c'est une bouteille... " 

Lagrasse vue vers le sud,le village à gauche (rive droite de la rivière Orbieu), à droite (rive gauche) l'abbaye Sainte-Marie. 2007  under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license Author MartinD. 


Pour Mardi-Gras, à minuit, dans la salle de bal, ils chantent et miment la " Bito-cono ". Le chef, de sa baguette, fait épeler et lire une phrase au tableau " Il-lu-mi-na-Bito-cono-Da-mo " (c'est vrai qu'aujourd'hui on chanterait " lui, mit, la, bite, au, con [con, c'est vrai, insulte mysogine, se référant ici à la " Damo ", utilisée de nos jours dans bien des circonstances])... Même les notes, parce qu'il y a la musique, insistent sur cette paillardise : " belle noire, belle blanche, queue en haut, belle qui n'en a guère etc "

Il faudrait en rester là non ? mais comme il serait criminel de ne pas transmettre ce fond d'humanité intemporel, 340 ans quand même ! passant outre mes mœurs prudes et ma réserve naturelle, encore " La cansou das asclairés ", les fendeurs de bûches, enfarinés, portant le bonnet de coton, la chemise de femme, une hachette à la talholo, la taillole rouge : 

« Sé nous bailhats de joubé bouès 
Ou caouco pièço de résistenço
Pourtan dé pigassous esprès 
Palpan la béno amé pacienço 
La biran, la rébiran 
Nous aous l'asclan coumo la desiran... » 
Je vous laisse le soin de traduire (mais ce sera avec plaisir si vous demandez !)... un indice, la « béno », « begno » dans Lou Tresor dou Felibrige de F. Mistral, serait, la banne ou manne, ce grand panier allant par deux de chaque côté de l'échine de l'âne ou du mulet, et ils y mettent la main... Quant à “ ascler ”, c'est fendre le bois... fendre, fente... dans le contexte de carnaval, les allusions sont à la portée du premier venu. 

Lagrasse halle du XIVème s. 2012 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Auteur Inocybe. Classé dans les plus beaux villages de France, Lagrasse compte nombre de vieilles maisons, des ruelles pavés, des remparts avec la Porte de l'Eau... 

Bien sûr, entre chaque couplet (au nombre de sept), après le refrain, ils font tourner le baral, le tonnelet de vin. Le cérémonial se répétait sur les places et carrefours du village. Un seul tonnelet y suffisait-il ? 

Un témoignage transmis par D. BARBOTEU d'après un cahier dans lequel M. E. Mazet notait, le 17 mars 1926, les « Chants et danses de Carnaval, des us et coutumes de la ville de Lagrasse ». Revue FOLKLORE n°70, printemps 1953. (Par exemple pour la « Danse de la Mané », avec indications de la partition du Rondeau, ainsi que toute « La Cansou das asclaires », l'article se devant de limiter les références salaces). Même la revue Folklore s'excuse de n'avoir pu joindre « L'Air des Cornes du Mardi-gras ». 

PS : pas étonnant que le Supérieur de l'abbaye de Lagrasse ait été transformé en âne pendant sept ans pour avoir péché gravement, et dire que ce conte populaire audois, en occitan siouplèt, s'il vous plaît, figure aussi  dans un numéro de la revue FOLKLORE !

lundi 17 mars 2025

FLEURY, balade photos entre Derrière l'Horte et Fontlaurier


 






FLEURY, balade en CHANSONS... (2)

 « ... Et sur ma route il y a des trous... », oui, des trous de mémoire, sûrement ou des trous d'air puisque ma vie a continué sous les tropiques de l'Océan Indien. 

Je n'ai pas vu «...tant de rues » et « tant d'églises », sauf peut-être à La Réunion... 



« ...Mais les plus belles étaient chez nous... », non, “ la plus belle ” c'est celle de Saint-Martin à Fleury, chez nous, plus chaleureuse qu'une cathédrale même si jadis, les logis accolés, la pissotière, l'abri pour les vagabonds, celui pour les feux d'artifice, lui donnaient l'air d'une grande... 

« Mon village est loin, à l'autre bout du Monde... », non, il est toujours resté là vu que les pensées, plus encore les mots échangés, le gardent à portée, lui, sa famille et les gens qu'on aime... 

Divergences ensuite, avec les paroles de Delanoé malgré « ... Les chemins qui mènent à nos collines Avaient des pierres douces à nos pieds... » 

Vite il faut le bâcler ce topo nombriliste, se mettre en cuisine, que le tripat, même en trichant à la cocotte, ça prend du temps. Et puis ce ne sont pas mes camarades qui m'ont oublié... ces choses-là ne se disent pas... la larme à l'œil, seulement seul, en secret... Que tous ceux qui font mon ciment me soient sauvegardés, trésors vivants qu'ils sont, puisque persistent en moi les copains trop tôt partis... proches sinon plus ou moins côtoyés, sinon par leurs parents et familles : Adrien, Alain, André, Antoine, Arnold, Bernard, Christian, Christophe, Claude, Daniel, Éric, Francis, Georges, Gérard, Gilbert, Guy, Henri, Jacky, Jean, Jean-Claude, Jean-Luc, Jean-Michel, Jean-Philippe, Jean-Pierre, Jean-Yves, Jérôme, Joël, Joseph, José, Louis, Marc, Michel, Norbert, Olivier, Pascal, Patrick, Paul-Serge, Philippe, Pierre, Raoul, René, Richard, Roger, Roland, Serge, Stéphane, Sylvain... les filles aussi Africa, Annie, Catherine, Chantal, Chloé, Colette, Danielle, Évelyne, Francette, Gisèle, Jackie-Jacqueline, Joëlle, Josette, Marguerite, Marie-Agnès, Marie-France, Marie-Josée, Marie-Thérèse, Martine, Maryline, Maryse, Mauricette, Michèle, Nathalie, Sylvie, Sylvette... pardon pour les prénoms oubliés mais que la rue, la maison, ponctuellement ne manquent pas de rappeler... une litanie telle celle de Marie Laforêt (1939-2019) « Anton, Ivan, Boris et moi Rebecca, Pola, Yohanna et moi... » : 

«... Sur le chemin de bruyères
Tout le long de la rivière 
On cueillait la mirabelle 
Sous le nez des tourterelles... » 
Paroles Marnay Eddy (1920-2003), compositeur Stern Émile (1913-1997). 



Mince, il faut rentrer, c'était juste pour le romarin et le thym du tripat, surtout que j'ai pris le temps d'une botte d'asperges. Au-dessus du talus où le vélo est caché, une vigne mais toute sèche, qui, lambrusque, n'ira pas courir dans la Montagne de Jean Ferrat (1930-2010), que le printemps ne viendra pas attendrir  : 

« ... Les vignes, elles courent dans la forêt
Le vin ne sera plus tiré... »

Enfance, jeunesse, boulot aussi avec cette chanson idéale pour expliquer l'exode rural en classe de 4ème... Nostalgie multiple donc... Un chien costaud du museau passe sur la piste tracée désormais sur les friches, sans maître. Qu'il ne me sente pas malgré le Cers léger ; le coteau est devenu parcours pour les coureurs, les promeneurs, les baladeurs de toutous mais ce jour, heureusement, pas de moto tous terrains venue chambouler cette paix survivante (1)...  Et tant que nous sommes là, sous quinze degrés, malgré un ciel que le soleil n'a pas encore le courage de bousculer, ne suivons pas, finalement, les mots prémonitoires du parolier à l'intention de l'interprète :  

« ...Pas de discours et plus de larmes, 
Venez mes frères me dire adieu. » dans la bouche de Joe Dassin, devant mourir dans sa quarante deuxième année, si loin, à Papeete... 

(1) un jour j'en ai croisé un très prudent certes, attendant son petit garçon également sur un mini engin... je n'en pense pas moins que pour ces motos de mer au potin invivable... 

Ps : à propos des photos, commentez vous-mêmes que je suis enquiquiné : après 45 minutes, elles manquent de cuisson les tripes et j'ai dû les remettre sur le feu... 

Et les chansons, à la demande, vous saurez les trouver non ?