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jeudi 27 mars 2025

Plus compliqué que SAUCISSE et JAMBON (5 et fin).

 Et mon père alors, qui me porte, moi qui suis dans sa maison ? 

Papa, tu es beau ! 


* François Dedieu (1922-2017), professeur de français, de russe, passionné de langues, de mots... (debout, bras tendus, les classeurs empilés de notre correspondance remontent du milieu des cuisses jusqu'au menton). Des lettres et courriels, dans l'acceptation de l'absence physique, plus apaisés que le geste si fort au moment de la séparation pour des mois, à des milliers de kilomètres, qui nous voyait serrés dans les bras l'un de l'autre, dans un « Au revoir papa ! » disant « Je t'aime ! » sans le prononcer. Et merci de m'aimer moi, l'enfant difficile, l'adolescent à problèmes que je fus, si souvent sur la corde raide. Ce qui est sûr est qu'après avoir longtemps imputé mes refus et rejets aux autres, en premier à mon père, j'ai mis très longtemps à reconnaître mes torts. J'ai été un sale gosse... voilà ce qui doit être dit en premier plutôt que de mettre en avant des circonstances “ minimisantes ”... Certains bons côtés auraient-ils quelque peu compensé, à la longue ? Redevant à mon père l'amour des langues, des livres, des mots, par un stratagème qu'il a feint d'ignorer, par le biais de souvenirs que l'âge se permet d'ouvrir, ne serait-ce que pour nos descendants, j'ai osé entreprendre la publication de nos vies pour ce qui les lient au village. Papa a si bien répondu et prolongé que force était de reconnaître qu'un deuxième tome s'écrivait en miroir, un diptyque donc avec « CABOUJOLETTE, Pages de Vie à Fleury-d'Aude II » le concernant, lui, pour un vécu plus loin dans le temps. Resté admiratif et peu critique de la matrice parisienne, avec les années, il n'en est pas moins revenu à reconnaître en lui l'attache vitale au languedocien, variante de l'occitan exclusivement pratiquée entre ses parents bien que bilingues appliqués, exigeants en orthographe, grammaire, conjugaison, bien français et pourtant binationaux qui s'ignorent. 

Tout passe, tout s'efface sauf si on s'efforce à repenser, à recréer, à revivre, à rechercher. Au delà de cette « Festa dal porc » que je retrouve bien qu'oubliée de moi, papa précise « seguida » (1), de la présentation du « Vin Bourru » qu'il me fit, je ressens fort la dette fructueuse que doit chaque fils au père qui continue de le porter (2) (penser l'inverse est une erreur, une vanité n'ayant pas lieu d'être).   

Plus légèrement, en conclusion, à propos de cochon, une des rares choses sympa chez les Parigots, Gabin et Bourvil fourguant du porc au noir dans « La Traversée de Paris », un film d'Autant-Lara, (1956) et encore... d'après une nouvelle de Marcel Aymé (1902-1967), il est vrai “ agent double ” dans la capitale malgré son attachement d'origine à la Franche-Comté...  

(1) terme peut-être local, non trouvé ailleurs, Mistral dans Lou Tresor dau Felibrige notant seulement « tua lou porc », tuer le porc. 

Côté terre, l'étang de la chasse aux canards, entre nous, une petite Camargue magnifique offerte par l'Aude, le fleuve, modeste au point de ne pas se prévaloir de son delta, le fleuve qu'on dit rivière tant il nous est familier... 
 

(2) Guy, professeur d'occitan, portant à bout de bras, chaque mois, une quarantaine d'élèves plus chenus que vermeils, apporte qui il est en plus du cours de langue. La fois dernière, il raconte la double trace de pas laissée dans le sable, au retour bien chargé d'une nuit jadis au canard (les appelants, le matériel avant tout...) ; s'ouvrant à son père, compagnon de chasse, d'un rêve en période triste, étrange et marquant, d'une seule trace de pas derrière eux, il reçut cette réponse aussi spontanée qu'éclairante « Ès ieu que te portavi... », « C'est moi qui te portais... ». 

jeudi 25 mai 2017

LE MONDE NE DEVRAIT ÊTRE QUE CHANSON ET MUSIQUE... (9 & fin) / ratés existentiels

«... Moi j’avais le soleil.../... dans les yeux d’Émilie, je réchauffais ma vie à son sourire, moi j’avais le soleil dans les yeux de l’amour et la mélancolie, au soleil d’Émilie, devenait joie de vivre... »

https://www.youtube.com/watch?v=vEFGQN9qLkQ Dans les yeux d’Émilie / Joe Dassin. 



Les escaliers vers le gros bus et c’est le soleil d’Afrique qui desquame les états d’âme. Vite, le haut plateau déroule son manteau uniforme et cuivré. Elle lui a dit « Écoute "Maman" de Papa Wemba. Il est mort tu sais... »

https://www.youtube.com/watch?v=of15-bd2faw Maman / Papa Wemba (moins sensibilité féminine, je préfère Rail On entre autres rumbas).  
 
Il s’était retenu de lui dire qu’il croyait la rumba aussi rythmée que sensuelle. Il s’était retenu de critiquer ces sapeurs chaussés de croco, tout dans le paraître. Tout ça pour s’être pincé les lèvres parce que le charme qui le touchait participait de ces rencontres ouvertes sur des éventualités impossibles. En direction de l’océan, les taches de verdure se multiplient et prennent de l’ampleur. Celles qu’on n’a pas eues, pour le dire sans élégance, serait-ce le titre d’un film, plutôt les quelques unes qu’on a croisées sans faire route ensemble après...

Věra lui revient soudain en mémoire. Oubliée malgré ce retour trop loin dans son passé. Oublié depuis si longtemps le souvenir de la jolie Pragoise. Mal à l’aise, honteux un peu parce qu’il ne conçoit pas qu’un coup de cœur qui marque tant la vie sentimentale, puisse s’oublier, ce fantôme le surprend... Il n’avait osé, il n’avait su se déclarer... Ils allaient sur leurs dix-huit ans et son attirance pour elle s’était noyée dans les bières et les chansons à boire de la taverne de Bleda Lady ! Comment a-t-il pu dissocier le visage de Věra (1) de ce mois d’août 1968 de sinistre mémoire en Tchécoslovaquie ? Et il revient ici, au-dessus du Kenya parce que la petite vendangeuse espagnole est revenue le hanter !

En parlant de fantôme, l’idée de donner âme et corps à Maiité (Maria Theresa) le travaille. Est-ce pour retrouver les sèves montantes qui ont enfiévré sa jeunesse (2) et se prouver qu’il peut encore séduire, comme si faire durer une relation stable et fidèle n’équivalait qu’à s’emmurer vivant ? Mais la vie de tous les jours, souvent raillée et considérée comme un train-train mortifère, n’est-elle pas au contraire, le "tiens" qui vaut tous les "tu auras" ? Un demi-siècle résumé en quelques lignes, quoi de plus pathétique ? Des années durant, elle et les siens ont pris le train à Murcie pour Narbonne tandis qu’il faisait la rentrée sur Lyon, engagé dans sa vie de mari, de papa. Puis l’émigration des suds, pour elle vers la Catalogne et enfin le retour au pays, l’heure de la retraite venue. Elle a deux enfants, cinq petits-enfants et un ménage qui " bat de l’aile ". Par opportunisme il déguise aussitôt en chevalier servant même en prince charmant le profiteur, le prédateur sommeillant en lui, espérant seulement surprendre un moment de faiblesse.


 


Par tribord, trouant une mer de nuages, les coulées de neige du Kilimandjaro, telles les mèches gominées de sucre glace d’un chauve qui voudrait compenser, quitte à s’imaginer un sursaut d’amour-propre, en apothéose romantique, une ascension épuisante pour finir ses jours dans le cratère...

https://www.youtube.com/watch?v=Mf1vBzl6ei4 P. Danel Les neiges du Kilimandjaro

« ... Elles te feront un blanc manteau... »... elles se meurent aussi, les neiges du Kilimandjaro.
Il sent, il sait l’Océan Indien proche comme le ronron de son petit bonheur qui l’incite de plus en plus à la raison. La fille des îles qui l’accompagne...

https://www.youtube.com/watch?v=UmqxNlo8UzM Francis Cabrel La fille qui m’accompagne

Cet amour qu’il croit tranquille sinon monotone doit bien vivre de sa vigueur propre puisqu’il tient depuis vingt ans. Et ce petit que sa présence ferme de père doit aider à grandir ? Alors, un fantasme d’âge mûr qui refuserait de vieillir ?

Non, pour entretenir l’illusion d’un amour qui se confond trop avec le désir, il ne dira pas que les filles du sud ne renouvellent plus le sang du pays depuis que les vendanges relèvent de l'industrie vinicole, même pas que la maison du maître vient de se vendre (300 000 €), que Gilbert le tractoriste si doux et gentil vient de mourir à 89 ans. Dans un élan de romantisme, en réalité une vilaine expression hypocrite, tant il se ment à lui-même, il lui enverra « N’écris pas », le beau poème de Marceline Desbordes-Valmore :

https://www.youtube.com/watch?v=EgcULJSRK7M Les séparés Julien Clerc

« Je t’aime », écrire ces mots c’est lui mentir sans qu’elle l'ait demandé d'ailleurs, et pour lui c’est se raconter des histoires. Adieu Maiité ! On meurt d’une vraie histoire d’amour qui tourne mal... mais puisque l’amour de la vie l’emporte !..

Alors, c’était pour louer mais se défendre de ces pulsions de vie délirantes qu’il tenait tant à bouger en se soûlant de musique ? Oui, tel Zorba le Grec, égal aux dieux, pour esquiver des forces supérieures et en libérer la pression, rien ne vaut la danse, le chant. Les femmes ne font rien oublier... Adieu Maiité !

https://www.youtube.com/watch?v=QskFT7AaKH0 le sirtaki de Zorba - Mikis Theodorakis (2)



Les bleus de l'Indien succèdent d'un coup aux verts tropicaux de la côte et avec les tons laiteux qui ourlent Zanzibar, mille kilomètres plus au sud se précisent les visages désirés d’une fille des îles qui n’a pas pris son cœur pour un hôtel (3) et d’un enfant adoré, dernier espoir de son passage...

https://www.youtube.com/watch?v=-5n3U2yjfDM Salade de fruits / Bourvil.



Il revient chez lui et soupire comme libéré des miasmes laissés dans le sillage, petit dans sa petite île, libre d’entretenir un bonheur grand à force de soins, des tartines du matin sur la terrasse aux doux rayons du crépuscule sur la brousse malgré la nuit qui tombe vite... « ... n’importe qui aimant quelqu’un, le roi de rien... /... n’importe qui, tellement quelqu’un, le roi de rien... »

https://www.youtube.com/watch?v=tR8Yv-P9xIw Le roi de rien Delpech

Et quand sous la clarté éternelle et rassurante de la Croix du Sud, résonne la voix forte et chaude de Joajoby, il est certain que sans un « Je t’aime », même la Terre ne pourrait nous emporter à plus de cent-mille kilomètres par heure autour de son soleil... 



https://www.youtube.com/watch?v=5ONAVih5QZk  Jaojoby Tia anao zaho   

(1) Věra est décédée le 15 juillet 2023, à l'âge de 74 ans (née en 1949). Elle se serait noyée dans le “ lac ”, l'étang du village. 
(2) emprunt à  Louis Pergaud : « ... quand les sèves montantes ont enfiévré dans leurs veines le sang ardent des mâles...» Le viol souterrain / De Goupil à Margot / Prix Goncourt 1910.
(3) Dans « Les lacs du Connemara » Michel Sardou a aussi exprimé que « la folie ça se danse ».

Note : OUT OF AFRICA passait tout à l'heure et en 1985, le Kilimandjaro était plus blanc de ses neiges...
 



Crédit photos wikimedia commons : 
7. Kilimandjaro_1987 Author Viault
8. Kilimandjaro_in_Amboseli_national_park 2012 Author Benh LIEU SONG