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lundi 4 octobre 2021

J'AIME ce qu'ils ont dit des VENDANGES / 2. Jean-Claude Carrière.

 Les Vendanges à Colombières-sur-Orb, Jean-Claude Carrière

Au pied du Caroux (1091 m [IGN]) sur la commune de Colombières-sur-Orb où est né Jean-Claude carrière, les châtaigniers des micaschistes font la transition entre les hêtres (à l'origine) de l'Espinouse et en bas, sur les terrains sédimentaires, les vignes, les oliviers et cerisiers. 

Son livre, "Le Vin Bourru", ne manque pas d'évoquer les vendanges.    

En 2000 il note que depuis les années 30, elles débutent encore entre le 12 et le 25 septembre (1). Né le 19 et inscrit par erreur le 17, l'auteur en déduit que toute la population est fort occupée et perturbée par cette période cruciale, la plus importante de l'année. Le cycle va-t-il les récompenser avec une bonne récolte ou les pénaliser des efforts fournis à cause des aléas météorologiques et des maladies de la vigne ?  

L'oncle Pierre et Pierre Campourcy aux pals semaliers / vigne de la carrière, lieu-dit Caboujolette, Fleury-d'Aude.

Ils vendangent en famille et avec les voisins. Les enfants, les vieux, tous ceux qui le peuvent participent mais certains décampent parfois une heure ou deux pour aller aux champignons ou relever un filet à la rivière. Comme à Fleury, le garçon qui est aux seaux est chargé de la masse pour tasser les grappes dans les comportes. Dès l'âge de treize ans, ils peuvent être "promus" charrieurs aux pals semaliers, ces barres pour porter ensemble par les anses et dans un même pas cadencé, la comporte (2) pleine. L'auteur indique qu'elles contiennent chacune cent kilos de raisins or, il ne tient pas compte du récipient avec les douelles, les cerclages, les poignées... Si le dernier voyage n'était pas trop chargé les femmes et les enfants montaient, ces derniers, juste derrière le gros cul du cheval. On dit "Hi", "Ho", "Bio", "Arrié" pour le mener (et comment dit-on "à gauche" ?).   

Au village voisin de Saint-Martin, ce sont toujours les mêmes groupes de travailleurs qui descendent de la montagne pour deux ou trois semaines. Dans le salaire, le vin et une part de nourriture sont compris. Carrière garde le souvenir de repas marquants, bien arrosés avec des "gabaches" (les mountagnols) qui "parlaient à voix très haute et toujours en patois". 


 Monté à Paris avec ses parents en avril 1945, Jean-Claude Carrière a su mener une double vie fidèle au pays de naissance. Il revenait le plus souvent possible dans la maison familiale et s'il a exprimé, trop légèrement à mon sens, qui plus est avec l'accent d'ici, que tout ce qu'il apprit alors ne lui a que très peu servi, il a pourtant éprouvé le besoin de témoigner de cette vie d'avant dans "Le Vin Bourru" (en français et en occitan). Décédé le 8 février 2021, il repose dans le petit cimetière non loin de chez lui.  

(1) depuis elles sont en avance d'une quinzaine de jours bien que cette année; à cause des conditions climatiques, elles soient plus tardives, ce qui a posé un problème pour la main d’œuvre estudiantine moins disponible à partir de la rentrée.

(2) la formation du mot dit bien "porter avec". Ce fut le cas jusqu'à la mise en service de la brouette à vendanger sauf dans les grandes propriétés pour employer les salariés du domaine. 

PS : thème déjà évoqué mais quand on aime on ne compte pas. 

Colombières-sur-Orb_Eglise Saint-Pierre wikimedia commons Author  Fagairolles 34

 

mercredi 10 mars 2021

A LIRE ET RELIRE "Le Vin Bourru" de J.-C. Carrière

 Te comprendre, t’accepter sans condition mais, et c'est contradictoire, parce que tu satisfis à la condition justement, en commettant ce Vin Bourru écrit fortuitement, un peu comme si tu n’avais eu rien d’autre en train alors, pour chercher, tu dis, si cassure il y avait entre l’enfant qui fut et l’homme qui va son chemin. T’aimer puisque tu as décrit ta vie fondue «dans la masse vivante à laquelle j’appartiens». T’aimer parce qu’un livre comme le Vin Bourru, présenté comme anecdotique est d’une force incroyable, il a le don de rapprocher ceux qui peuvent se reconnaître dans cette vie commune, de nous réunir, par-delà la naissance ou la mort... je ne reprends que tes mots...    

En ce moment j’entends ma mère qui n’en finit pas de s’extasier sur la vie exceptionnelle de Romain Gary et justement, a contrario, je pense avec toi «... la description d’une vie n’a d’intérêt que si cette vie est commune, que si d’autres peuvent s’y reconnaître...». Comment ne pas ressentir cette pointe contestable d’irritabilité à cause de «Au nom de tous les miens» de Martin Gray, rescapé de Treblinka et perdant une autre fois sa famille dans l’incendie du Tanneron. J'ai honte mais je ne veux pas compâtir... Est-ce un vieil instinct, aussi antédiluvien et naturel qu'animal qui pousse à abandonner à son sort celui plus vers la mort que la vie ? Je pense à une harde de chevaux sauvages en Australie, abandonnant à son sort celui qui a une patte cassée et qui finalement ne peut plus suivre...  

Ma mauvaise conscience médite Musset "... Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur..." et Balzac aussi : "Notre cœur est un trésor, videz-le d'un coup, vous êtes ruinés. Nous ne pardonnons pas plus à un sentiment de s'être montré tout entier qu'à un homme de ne pas avoir un sou à lui." Honoré de Balzac --Le Père Goriot (1835). Une vie dite exceptionnelle rabaisserait-elle les autres ? Une dernière pour alimenter la réflexion, bien que datant de la discrimination sexiste, tant par l'époque que par la personnalité de Jules Michelet, son auteur : " Chaque homme est une humanité, une histoire universelle."

Revenons au livre qui, sans égard aucun pour ton talent tous azimuts, arrive par hasard parce qu'en te promenant, pour meubler un dimanche peut-être, tu as visité un faux village écomusée. Un livre pour raconter tout ce que tu appris, tant de choses qui ne servirent à rien... mais qui restent si précisément dans ta mémoire... Certes tu ne provoques pas mais de ton ton calme, posé et souriant, tu aimes bien titiller, agacer, déstabiliser... une façon pour toi d'esquiver les flatteurs vains et indigents en retour. Que représente-t-il celui-là, parmi les quelques dizaines de ta main ? Oh plus, beaucoup plus que tu ne veux en laisser paraître ! Et dans ta longue carrière d'écrivain touche à tous les domaines ton Vin Bourru revient sans cesse, en fil conducteur, tant lors de tes entretiens que lorsqu'on veut un aperçu des couvertures de tes ouvrages... 

Puisque j'ose aimer, honorer et pleurer un enfant du Languedoc qui est nous (une démarche pouvant toutefois ouvrir sur les autres nombreuses facettes de ta personne), relisons-le ensemble ton Vin Bourru !  

 



lundi 14 octobre 2019

LE VIN BOURRU (J.C. Carrière) / Les vendanges dans le Sud

Jean-Claude_Carrière_2016-12-11 Wikimedia Commons Author Fryta 73 from Strzegom


J. Claude Carrière est né en 1931 à Colombières-sur-Orb dans l’Hérault. 
Romancier (La controverse de Valladolid), scénariste de Buñuel, de Schlöndorf (Le tambour), de Forman (Valmont), de Godard (Sauve qui peut la vie). En souvenir du petit garçon goûtant du bout des lèvres la récolte de l’année, il a écrit « Le vin bourru » en l’an 2000. 


« … Les bonnes années, quand la récolte était suffisante et le degré d’alcool élevé, mon père faisait vivre la famille avec le seul argent du vin, c'est-à-dire avec un hectare de terre, ce qui parait aujourd’hui invraisemblable.[…]

Les vendanges commençaient (…) entre le 12 et le 25 septembre. […]

Pour vendanger, nous nous aidions entre familles et entre voisins […]

Saint-Martin-de-l'Arçon,_Hérault Wikimedia Commons Author Christian Ferrer


A Saint-Martin, les viticulteurs faisaient venir des coles, c'est-à-dire des troupes d’ouvriers agricoles, de vendangeurs, qui descendaient de la montagne pour deux ou trois semaines. Nous leur fournissions le vin (denrée toujours précieuse, une partie de la nourriture et un salaire. Les mêmes revenaient souvent l’année suivante. […]

Les vendanges marquaient l’apothéose de l’année […]
Elles étaient à la fois une récompense et un souci : peur de l’orage, peur de la pourriture et d’un travail perdu. Il fallait faire vite. Même les vieux venaient à la vigne, même les enfants coupaient les raisins aux sécateurs (…). On leur confiait aussi la masse qui servait à tasser les fruits dans les comportes. Plus tard, vers l’âge de douze ou treize ans, s’ils étaient assez forts, on mettait les garçons aux sémaliers avec les hommes… »

En suivant, l’auteur précise les circonstances dans des terrains souvent en pente, parfois avec des escaliers. Il n'est bien entendu pas question de charrier avec une brouette... D’ailleurs les pals semaliers sont munis d’anneaux pour éviter que la comporte ne glisse. Cela joue aussi pour le chargement plus ou moins lourd de la charrette parfois avec un second cheval devant.  
Il raconte que la journée commençait au début du jour avec, vers 9 heures, une pause pour le déjeuner et à midi pour le dîner à la maison sinon au grand air. En famille les horaires étaient souples et quelqu’un pouvait s’absenter pour des champignons ou des filets à la rivière. L’ambiance était plus relâchée qu’à l’habitude pour des plaisanteries et même des contacts plus intimes... 

« …  Les femmes les plus graves (…) s’en amusaient. Parfois les hommes leur écrasaient par surprise une poignée de raisins noirs sur le visage. Cela s’appelait se faire farder. Toutes les jeunes filles devaient le subir au moins une fois, comme un baptême… »  



Note 1 : Le Vin Bourru a été traduit en occitan. 

Note 2 : Jean-Claude Carrière s'est prononcé, posément et théoriquement en évoquant surtout le chaos qui succède habituellement aux crises sociales, contre le mouvement des Gilets Jaunes. 

Note 3 : logique puisque, en 2017, il s'est retrouvé adoubé par le couple Macron en tant que commandeur de la breloque d'honneur...