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mercredi 5 mai 2021

Variation "Sur les chemins de Pierre" / "... Il est mort par un éclair blanc... "

Vous savez la feuille avec le poème de Pierre, "Viens avec moi, petit...", elle traînait depuis un mois au moins, ouverte pour ne pas qu'on l'oublie, sur mon coin-bureau. Rien de perturbant. Au contraire, avec l'idée paisible de trois chroniques autour de la fête de Pâques au village, la vie qui va, comme l'Aude, notre rivière dans la plaine, depuis toujours.  


Croyant avoir fait le tour de ces périodes de Pâques marquées parfois, comme cette année, par des gelées mémorables, pas contagieuses mais noires comme les pestes les plus tueuses, je voulais passer aux années suivantes sauf que deux autres lettres patientaient, me guettaient même, résolues, malgré le temps qui passe, à interpeler l'arbitraire du souvenir. 
Et ce que j'ai lu m'a complètement affligé, me laissant faible, accablé. Quand notre fleuve, gonflé de colère limoneuse n'a que faire des remèdes des hommes pour le calmer. Sa rage passe outre son lit canalisé, les étangs déversoirs miraculeusement présents : Capestang, Lespignan, Vendres. Ses tourbillons funestes n'en finissent pas de frémir. J'imagine en prime ce pendu dont on me détourna à l'époque, au pied de la pile du pont. La crue puissante me submerge. 
 
 29 novembre 2014. Photo S. Sire. Gros poutou Sylvain

Lettre de mon père : Fleury-d'Aude, le 29 avril 1998. 
 
"Bien cher fils,  
 
.../... Mais ce soir, à vingt-et-une heure quinze, alors que la pluie se remet doucement à tomber, je veux commencer par une nouvelle qui va sans doute t'émouvoir : Pierrre BILBE vient de mourir. j'ai fait la visite dans la maison de sa fille voisine de la sienne où il repose - chez lui c'était chauffé -. Comme j'étais en train de signer et de mettre "Très sincères condoléances en notre nom et en celui de Jean-François qui pense souvent à vous", sa fille est sortie pour aller à côté, m'a vu et m'a dit "Entrez M. Dedieu, maman sera contente de vous voir". J'avais entendu les pompiers à quatre heures et plus tard "C'est monsieur Bilbe qui est tombé dans la rue". mais je ne pensais pas à une issue fatale aussi rapide. Sa femme Germaine, très abattue comme tu peux l'imaginer, m'a précisé : "Après le feuilleton qui suit le journal télévisé, il est sorti pour aller voir vers le bureau de tabac où en étaient les travaux, et peu de temps après on me le rapporte mort. je ne sais pas si je vais pouvoir le supporter". en tombant il s'est blessé à la pommette gauche et du sang coulait de son oreille..."  
 
La vie continue comme on dit et la mort en fait partie même si on ne le dit pas. On ne se répand pas non plus des "si j'avais su" et autres "j'aurais dû", ces lapalissades qui nous travaillent toujours trop tard, sur lesquelles il est vain de revenir. 

Me reviennent les mots de J.J. Goldman prolongés par ceux d'H. de Balzac :
 
"... A tous les masques qu’il aura fallu porter
A nos faiblesses, à nos oublis, nos désespoirs 
... A nos actes manqués."   
Jean-Jacques Goldman 1990.   
 
 "Notre cœur est un trésor, videz-le d'un coup, vous êtes ruinés. Nous ne pardonnons pas plus à un sentiment de s'être montré tout entier qu'à un homme de ne pas avoir un sou à lui." 
Honoré de Balzac --Le Père Goriot 1835. 

Alors rien n'a plus voulu sortir depuis près d'une semaine, le cerveau se retrouvant aussi embrouillé que celui de l'ado que je ne suis plus... Une complainte est heureusement venue pour maintenir ma tête hors de l'eau, se répétant au fil des jours, invocation toujours reprise, mantra universel pour infuser jusqu'au dernier suc tout, tout ce qui est dans le non-dit volontairement tu :  

"Il est mort par un éclair blanc, 
Tous derrière et lui, devant..." 
De Paul Fort, "Le petit cheval" si bien chanté par Georges Brassens. 

Pierre, tu es mort par un éclair blanc, toi devant pour ce que l'amour de la nature a exalté de ton humanité aimante et comme tu étais aimé et admiré par Germaine, ton épouse, force indéfectible du premier carré. Toi devant et nous derrière, moi avec, si malheureux de ne le réaliser que plus tard, toujours trop tard, mortifié des par les regrets... Dans son interprétation, avec le polissage, l'usure du temps, cette nouvelle de papa enfonce le couteau dans la plaie que chacun veut bien virtuellement s'infliger. Tout être ayant la philosophie de vie qu'il peut... pourquoi ne pas se propulser dans le futur de nos enfants grâce à la force, aux appuis, aux expériences léguées par nos disparus ? 
 
Sur le chemin de Pierre.

En avril, je m'efforce de ne pas oublier Louis Pergaud (33 ans) qui sait si bien nous mettre en accord avec la vie sauvage, l'inhumanité des proches et pourtant compatriotes, Louis Pergaud des mots enluminés, mort par un éclair blanc à la guerre, le 8 du mois en 1915 et Jean-François Knecht (49 ans), ce frère - forcément quand on cohabite une année scolaire - même si je dois partager la fraternité avec la motivation politique qui l'animait, JFK comme on lui disait, touché au cœur par un éclair blanc le 18 avril 2007. Et Pierre à présent... mieux vaut tard...
 
Aux poussières d'étoiles qui papillotent sur le miroir pas toujours tranquille du fleuve dans la plaine, plus encore à celles qui nous éclairent de leurs trajectoires éphémères... 
A Louis, à Jean-François, à Pierre...  
 
 
 
https://ant-pw0404.anticor.org/2007/05/02/communique-suite-au-deces-de-jean-francois-knecht/

mardi 4 mai 2021

"Il est mort par un éclair blanc..." / Sur le chemin de Pierre.

Le feu atudé (éteint) par un souffle puissant, comme foudroyé par une onde pyroclastique, étouffé d'un coup... Oppression violente... Vous savez la feuille avec le poème de Pierre, "Viens avec moi, petit...", traînait depuis un mois au moins, ouverte pour ne pas qu'on l'oublie, sur mon coin-bureau. Sur ces entrefaites coula l'idée paisible de ces trois chroniques autour de la fête de Pâques au village, la vie qui va, apparence d'une rivière douce, vers l'aboutissement, la conclusion preuve de sa raison d'être. Une paix plus en "souciance" que soucieuse, une pensée qui sans préoccuper, interroge, et dont la réponse ne sera donnée que pour ne plus se poser de question, de quelque ordre que ce soit... 
 
Croyant avoir fait le tour de ces périodes de Pâques marquées parfois, comme cette année, par des gelées mémorables, pas contagieuses mais noires comme les pestes les plus tueuses, je voulais passer aux années suivantes avant de trouver deux autres lettres. Et ce que j'ai lu m'a complètement affligé, me laissant faible, accablé. Ce que la conscience peut être trompeuse...
 
Lettre de mon père : Fleury-d'Aude, le 29 avril 1998. 
 
"Bien cher fils,  
 
.../... Mais ce soir, à vingt-et-une heure quinze, alors que la pluie se remet doucement à tomber, je veux commencer par une nouvelle qui va sans doute t'émouvoir : Pierrre BILBE vient de mourir. j'ai fait la visite dans la maison de sa fille voisine de la sienne où il repose - chez lui c'était chauffé -. Comme j'étais en train de signer et de mettre "Très sincères condoléances en notre nom et en celui de Jean-François qui pense souvent à vous", sa fille est sortie pour aller à côté, m'a vu et m'a dit "Entrez M. Dedieu, maman sera contente de vous voir". J'avais entendu les pompiers à quatre heures et plus tard "C'est monsieur Bilbe qui est tombé dans la rue". mais je ne pensais pas à une issue fatale aussi rapide. Sa femme Germaine, très abattue comme tu peux l'imaginer, m'a précisé : "Après le feuilleton qui suit le journal télévisé, il est sorti pour aller voir vers le bureau de tabac où en étaient les travaux, et peu de temps après on me le rapporte mort. je ne sais pas si je vais pouvoir le supporter". en tombant il s'est blessé à la pommette gauche et du sang coulait de son oreille..."  



Se regarder dans la glace. Que reste-t-il de convenable, en surface ? Bien obligé de voir aussi ce qui l'est moins dans la profondeur de l'âme, caché mais pas secret du tout car typiquement humain, en non-dits trop bien partagés par notre espèce. Honteux du pas joli méprisable perçu par tous mais qu'il ne faut jamais avouer sous peine de rejet, d'ostracisme. 

Me reviennent les mots de J.J. Goldman prolongés par ceux d'H. de Balzac :
 
"... A tous les masques qu’il aura fallu porter
A nos faiblesses, à nos oublis, nos désespoirs 
... A nos actes manqués."   
Jean-Jacques Goldman 1990.   
 
 "Notre cœur est un trésor, videz-le d'un coup, vous êtes ruinés. Nous ne pardonnons pas plus à un sentiment de s'être montré tout entier qu'à un homme de ne pas avoir un sou à lui." 
Honoré de Balzac --Le Père Goriot 1835. 

Alors rien n'a plus voulu sortir depuis près d'une semaine, le cerveau se retrouvant aussi embrouillé que celui de l'ado que je ne suis plus... Une complainte est heureusement venue pour maintenir ma tête hors de l'eau, se répétant au fil des jours, invocation toujours reprise, mantra universel pour infuser jusqu'au dernier suc tout, tout ce qui est dans le non-dit volontairement tu :  

"Il est mort par un éclair blanc, 
Tous derrière et lui, devant..." 
De Paul Fort, "Le petit cheval" si bien chanté par Georges Brassens. 

Pierre, tu es mort par un éclair blanc, toi devant pour ce que l'amour de la nature a exalté de ton humanité aimante et comme tu étais aimé et admiré par Germaine, ton épouse. Toi devant et nous derrière, moi avec, si malheureux de ne le réaliser que plus tard, toujours trop tard, mortifié des par les regrets... Dans son interprétation, avec le polissage, l'usure du temps, cette nouvelle de papa enfonce le couteau dans la plaie que chacun veut bien s'infliger. Tout être ayant la philosophie de vie qu'il peut... pourquoi ne pas se propulser dans le futur de nos enfants grâce à la force, aux appuis, aux expériences léguées par nos disparus ? En avril, je m'efforce de ne pas oublier Louis Pergaud (33 ans) qui sait si bien nous mettre en accord avec la vie sauvage, mort par un éclair blanc à la guerre, le 8 du mois en 1915 et Jean-François Knecht (49 ans), même si je dois partager sa fraternité avec la motivation politique qui l'animait, touché au cœur par un éclair blanc le 18 avril 2007. 
 
Aux poussières d'étoiles qui pour certaines nous éclairent de leurs trajectoires éphémères... 
A Louis, à Jean-François, à Pierre...  
 
 
 
 
 

mercredi 10 mars 2021

A LIRE ET RELIRE "Le Vin Bourru" de J.-C. Carrière

 Te comprendre, t’accepter sans condition mais, et c'est contradictoire, parce que tu satisfis à la condition justement, en commettant ce Vin Bourru écrit fortuitement, un peu comme si tu n’avais eu rien d’autre en train alors, pour chercher, tu dis, si cassure il y avait entre l’enfant qui fut et l’homme qui va son chemin. T’aimer puisque tu as décrit ta vie fondue «dans la masse vivante à laquelle j’appartiens». T’aimer parce qu’un livre comme le Vin Bourru, présenté comme anecdotique est d’une force incroyable, il a le don de rapprocher ceux qui peuvent se reconnaître dans cette vie commune, de nous réunir, par-delà la naissance ou la mort... je ne reprends que tes mots...    

En ce moment j’entends ma mère qui n’en finit pas de s’extasier sur la vie exceptionnelle de Romain Gary et justement, a contrario, je pense avec toi «... la description d’une vie n’a d’intérêt que si cette vie est commune, que si d’autres peuvent s’y reconnaître...». Comment ne pas ressentir cette pointe contestable d’irritabilité à cause de «Au nom de tous les miens» de Martin Gray, rescapé de Treblinka et perdant une autre fois sa famille dans l’incendie du Tanneron. J'ai honte mais je ne veux pas compâtir... Est-ce un vieil instinct, aussi antédiluvien et naturel qu'animal qui pousse à abandonner à son sort celui plus vers la mort que la vie ? Je pense à une harde de chevaux sauvages en Australie, abandonnant à son sort celui qui a une patte cassée et qui finalement ne peut plus suivre...  

Ma mauvaise conscience médite Musset "... Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur..." et Balzac aussi : "Notre cœur est un trésor, videz-le d'un coup, vous êtes ruinés. Nous ne pardonnons pas plus à un sentiment de s'être montré tout entier qu'à un homme de ne pas avoir un sou à lui." Honoré de Balzac --Le Père Goriot (1835). Une vie dite exceptionnelle rabaisserait-elle les autres ? Une dernière pour alimenter la réflexion, bien que datant de la discrimination sexiste, tant par l'époque que par la personnalité de Jules Michelet, son auteur : " Chaque homme est une humanité, une histoire universelle."

Revenons au livre qui, sans égard aucun pour ton talent tous azimuts, arrive par hasard parce qu'en te promenant, pour meubler un dimanche peut-être, tu as visité un faux village écomusée. Un livre pour raconter tout ce que tu appris, tant de choses qui ne servirent à rien... mais qui restent si précisément dans ta mémoire... Certes tu ne provoques pas mais de ton ton calme, posé et souriant, tu aimes bien titiller, agacer, déstabiliser... une façon pour toi d'esquiver les flatteurs vains et indigents en retour. Que représente-t-il celui-là, parmi les quelques dizaines de ta main ? Oh plus, beaucoup plus que tu ne veux en laisser paraître ! Et dans ta longue carrière d'écrivain touche à tous les domaines ton Vin Bourru revient sans cesse, en fil conducteur, tant lors de tes entretiens que lorsqu'on veut un aperçu des couvertures de tes ouvrages... 

Puisque j'ose aimer, honorer et pleurer un enfant du Languedoc qui est nous (une démarche pouvant toutefois ouvrir sur les autres nombreuses facettes de ta personne), relisons-le ensemble ton Vin Bourru !