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lundi 4 janvier 2016

PAGNOL AUSSI ÉTAIT INVITÉ POUR NOËL ! / Fleury d'Aude en Languedoc


Ces jours-ci, la télé a contribué à nous garder dans l’atmosphère de Noël, avec notre Midi en place d’honneur, grâce, notamment aux films d’Yves Robert, tirés des souvenirs d’enfance de Pagnol : « La Gloire de mon Père », « Le Château de ma Mère ».

    Dans l’extrait joint, l’air de rien, l’auteur nous donne à voir un large aperçu des traditions avec, dans la cheminée, un cérémonial de la bûche accompagnée des voeux "A l’an que vèn, si sièn pas maï, que sioguèn pas mèns" version Lili, le copain des collines qui passe le réveillon chez Marcel. Sur la table de fête, les treize desserts de Noël qui tiendront lieu de réveillon.
    On sent l’omniprésence de la religion, mais apaisée, le goupillon sans le glaive et le fanatisme de l’inquisiteur (1). Certes, la perception qu’en a Pagnol est anachronique, les souvenirs d’enfance datant de 1957-58. Et puis n’a-t-il pas eu, deux ans avant, l’imprudence (l’impudence aussi) d’écrire « Judas » pour le théâtre, une pièce reçue par les catholiques en tant qu’apologie du traître, ressentie par les juifs en tant qu’expression antisémite ? Si le sujet reste toujours aussi difficile et délicat à aborder, il est plus que nécessaire de réfléchir, plus d’un siècle après ce Noël dans la garrigue marseillaise, alors que des monothéismes agressent, s’autorisent le prosélytisme, étouffent et confisquent le libre consentement, imposent même sous peine de mort.

    Dans ces souvenirs, les traditions chrétiennes ont au contraire, tout perdu de leur tyrannie.
    Lili, le petit paysan qui réveillonne chez Marcel, témoigne que son père n’a pas peur de regimber contre Dieu  : « Mon père il dit que c’est un jour (Noël) comme les autres jours.../... il n’y va pas (à la messe) jusqu’à ce qu’il pleuve, parce qu’il dit que le bon dieu, il faut qu’on lui fasse comprendre ! ».
    Chez Pagnol, l’aspect pratiquant, le minuit très chrétien, entrent en scène avec l’arrivée tonitruante de l’oncle Jules, père Noël en pelisse de motocycliste (2) et qui en revient, lui, de la messe qu’il ne manque jamais : «... cette messe a été très belle ; il y avait une crèche immense, l’église était tapissée de romarins en fleur et les enfants ont chanté d’admirables noëls du XIVème siècle. C’est pitié que vous ne soyez pas venu ! »  
    On se doute que Joseph va réagir. Mais si la main d’Augustine, l’épouse, sur son épaule puis dans son dos, est censée prévenir tout écart, on suppute déjà que le père de Marcel sait, suivant les circonstances, mettre de l’eau dans son vin... L’heure n’est pas aux polémiques sur la papesse Jeanne et les turpitudes des Borgia ! (3)
Joseph : «... Je ne serais venu qu’en curieux et j’estime que les gens qui vont dans les églises pour le spectacle et la musique ne respectent pas la foi des autres... 
~ Voilà un joli sentiment ! » répond l’oncle Jules, plus conciliant et qui dit avoir prié pour eux.
Joseph poursuit après avoir évoqué le « Tout Puissant » pour ne pas nommer « Dieu » :
~ Je ne crois pas, vous le savez, que le créateur de l’Univers daigne s’occuper des microbes que nous sommes mais votre prière, mon cher Jules, est une belle preuve de l’amitié que vous nous portez... Et je vous en remercie.
¾ Joyeux Noël, mon cher Joseph ! » s’exclame chaleureusement l’oncle Jules.
Les deux hommes se serrent alors la main puis s’embrassent de toute leur amitié.

    Magnifique de communion, de fraternité ! Le voilà l’esprit de Noël à l’origine et quelles que soient ses déclinaisons ! C’est vrai qu’à côté, la nouvelle année puis le gâteau des rois ne sont plus que des jours, de fête certes, mais des dates, seulement, sur le calendrier...   

(1) le Midi et en particulier le Languedoc ont eu à souffrir de la tyrannie des inquisiteurs, avec ses tortures, ses condamnations lapidaires, ses bûchers plus particulièrement liés à l’éradication du catharisme (Croisade des Albigeois).
(2) Mais qui vient d’appuyer son vélo dehors.
(3) dans le premier tome « La Gloire de mon Père » 1957.
 
https://www.facebook.com/Marcel.Pagnol.groups/videos/788495841262841/



Photos autorisées wikipedia commons 
1. anonyme / Marcel Pagnol portrait 1931. 
2. La Bastide Neuve aux Bellons (état actuel) by Fr.Latreille

vendredi 25 décembre 2015

EN LAURAGAIS, DES SOUVENIRS AUSSI PRÉCIS QUE PRÉCIEUX... / Noël en famille.


EN LAURAGAIS, DES SOUVENIRS AUSSI PRÉCIS QUE PRÉCIEUX...
Né au Mas Saintes Puelles le 22 juillet 1923, Alfred Cazeneuve a passé son enfance dans ce village du Lauragais audois, entre Castelnaudary et le Seuil de Naurouze. Dans "Le Goût de la Vie dans le Lauragais d’Autrefois" (La Gouttière, mars 2005), il raconte la fête de Noël vers 1930 avec un père Noël s’émancipant de la religion omnipotente, une autre idée de la bûche, une vision arrêtée du réveillon. Extraits :
    « .../... Des santons, beaucoup de papier multicolore plantant le décor, des anges, statuettes dont l’une avait la tête articulée et qui semblait dire merci quand une pièce de monnaie était glissée dedans. Je me souviens avoir mis, tout gosse, des pièces dans cet "ange". L’abbé Rieux nous avait distribué, une fois, une pièce de deux sous au cours du catéchisme et nous avait accompagné à la crèche pour la remettre à l’ange. Il était sûr de récupérer l’argent à la sortie !... /...
    Les gens avaient veillé, même les enfants ; ils avaient passé la veillée de Noël au coin de l’âtre. On avait mis dans la cheminée la bûche de Noël, une grosse bûche qui devait durer jusqu’à minuit. Avant le départ à la messe, on éteignait le foyer, une étincelle pouvant provoquer un incendie, mais on gardait un bout de tison consumé. Pourquoi ? Certaines croyances voulaient qu’on glisse le tison sous le lit de la parturiente afin que l’accouchement se passe bien.../...
    Le Père Noël allait passer dans la nuit. Les sabots astiqués et cirés étaient alignés devant la cheminée. En rentrant dans la nuit du Loto, le père les garnissait d’un paquet de bonbons, et d’un petit sabot en chocolat dans lequel un petit Jésus tout rosé trônait. Peu de jouets chez les gens modestes : quelquefois un vêtement, des sabots, mais toujours le paquet de bonbons contenant des dragées, des fondants, des pralines. Je n’ai jamais entendu parler de réveillon ! La crèche restait encore quelques jours dans la chapelle, puis, on rangeait les santons pour l’année prochaine.../... »

    Alfred Cazeneuve mentionne aussi un LOTO presque rituel dans les années trente et tel que nous l’avons connu il y a peu encore. Or le nom même de LOTO semble avoir disparu du vocabulaire sans qu’on s’en aperçoive, comme, entre parenthèses, les 40 % des passereaux de nos campagnes... Et parce qu’on se sent bête de n’en rien savoir depuis des mois et des mois, ça fout un coup sur le coupet (occiput, nuque en languedocien) ! J’ai cru un instant que nous en étions plus coupables, à Fleury, où les publications mensuelles font seulement état de « loteries familiales » peut-être réservées aux seuls adhérents d’associations. En fait, la nouvelle appellation, loin de répondre à un effet de mode, semble seulement découler de la législation. Nous la devons à des parlementaires certainement plus vertueux s’agissant du contrôle des bénéfices générés par les lotos que pour l’utilisation très opaque des 500 millions que l’Assemblée s’alloue elle-même avec la loi de finances ! Et comme, sans parler du Médiator et du sang contaminé, nos chers élus se soucient tant de notre santé, les grains de maïs pour marquer sont aussi interdits, des fois qu’ils nous inoculeraient la grippe aviaire !

    Manière de ne pas gâcher la fête avec ces signes de démocratie confisquée, je voulais prendre congé en vous laissant le lien « Couleur Lauragais » pour ce que je n’ai pas repris des écrits d’Alfred Cazeneuve (http://www.couleur-lauragais.fr/pages/journaux/2007/cl98/histoire.html), quand le moteur de recherche m’a mis sous les yeux : http://www.ladepeche.fr/article/2010/09/22/911451-mas-saintes-puelles-un-paysan-poete-nous-a-quittes.html.
    Et moi qui ai raccroché suite à un message de répondeur incompréhensible, pas plus tard qu’hier, alors que je voulais le remercier, demander la permission pour des extraits et souhaiter un bon Noël. Je me suis senti d’autant plus bête qu’un site permet toujours de lui commander ses livres... Et puis je n’avais pu m’empêcher un parallèle avec papa, parce qu’Alfred Cazeneuve suivait, à un an près, parce que les témoignages de cette génération sont des plus précieux et qu’il faudrait être superficiel ou très inconscient pour ne pas trouver leurs capacités admirables et passer à côté de ce que leur expérience liée à une belle mémoire peut nous transmettre.   L’Internet est une belle machine qu’il ne faut pas remettre en question. Il n’empêche, ça fout un còp sur lou coupet !


Photo Commons Wikipedia : village du Lauragais (Saint-Félix) sur fond de Pyrénées / Didier Descouens. Et 2 auteur Asabengurtza.

mercredi 23 décembre 2015

DANS LA MONTAGNE, DES LUMIÈRES QUI MARCHENT... / Noël occitan


DANS LA MONTAGNE, DES LUMIÈRES QUI MARCHENT...
Parlant de ses parents, Joseph Delteil rappelle toutes ces lanternes qui avancent par les chemins vers la messe de minuit. Aussitôt, un conte de Noël vient cogner au portail, d’Alphonse Daudet, dans « Les Lettres de mon Moulin », un livre qui compte et fédère autour de nos identités occitanes... Comme quoi tous les méridionaux qui "montaient à Paris" n’y perdaient pas tous leurs âmes... Dans ce sens, Daudet a certainement contribué à la défense de l'esprit, de la culture occitane, et ce, dès l'enfance. Pourrait-il en être autrement avec le secret de Maître Cornille, la chèvre de Monsieur Seguin, le curé de Cucugnan... Si j’aime à jamais Les Vieux pour la chaleur de l’été et le thème douloureux de l’absence, la magie de Noël, l’évocation des tables chargées pour les fêtes me ravissent également. Et puis il y a l’hiver, le froid et la neige, les veillées idéalisées qui réunissent la famille autour du feu, du moins pour des gosses, libres encore du réalisme de l'âge adulte. Aussi, dans « Les Trois Messes Basses », les petits se trouvent vite pris dans la magie et les mystères des "Noëls Blancs". Suivons Daudet qui situe ce conte au pied du Mont Ventoux, « en l’an de grâce mil six cent et tant » :

 «... Dehors, le vent de la nuit soufflait en éparpillant la musique des cloches, et, à mesure, des lumières apparaissaient dans l’ombre au flanc du Mont Ventoux, en haut duquel s’élevaient les vieilles tours de Trinquelage. C’étaient des familles de métayers qui venaient entendre la messe de minuit au château. Ils grimpaient la côte en chantant par groupes de cinq ou de six, le père en avant, la lanterne en main, les femmes enveloppées dans leurs grandes mantes brunes où les enfants se serraient et s’abritaient. Malgré l’heure et le froid, tout ce brave peuple marchait allègrement, soutenu par l’idée qu’au sortir de la messe, il y aurait, comme tous les ans, table mise pour eux en bas dans les cuisines. De temps en temps, sur la rude montée, le carrosse d’un seigneur précédé de porteurs de torches, faisait miroiter ses glaces au clair de lune, ou bien une mule trottait en agitant ses sonnailles, et à la lueur des falots enveloppés de brume, les métayers reconnaissaient leur bailli et le saluaient au passage :
~ Bonsoir, bonsoir maître Arnoton !
~ Bonsoir, bonsoir, mes enfants !
La nuit était claire, les étoiles avivées de froid ; la bise piquait, et un fin grésil, glissant sur les vêtements sans les mouiller, gardait fidèlement la tradition des Noëls blancs de neige... » 




Notes : en plus du livre, le film de 1954 est passé à Fleury, au cinéma Balayé. Je pense aussi à Paul Préboist, acteur marseillais dans l’élixir du père Gaucher mais dans un autre film puisque Rellys tenait le rôle dans la production de Pagnol... Toi qui sais, si tu me lis...
Hier sur la 3, une très belle reprise de Marius par Daniel Auteuil, très réussie. mardi prochain ils donnent Fanny !Si ce n’est pas dans l’ambiance de Noël, notre Méditerranée est bien présente : ce serait dommage de s’en passer... 



Photos : 1. le Ventoux wikipedia england.
2. Le Ventoux depuis ST-Trinit le 4 décembre 2010 / commons wikipedia / auteur Véronique Pagnier. 
3. Daudet jeune (Les Lettres de mon Moulin, écrites avec Paul Arène,  datent de 1865 (l’auteur avait 25 ans).
4. Le Moulin de Daudet à Fontvieille.

dimanche 6 décembre 2015

Yves, pêcheur du Golfe XIV « C’EST LE MEXIQUE ! » / Fleury d'Aude en Languedoc

Avec une pensée particulière pour mon ami Philippe qui se damnerait pour des coquillages ou autres fruits de mer !

Yves, le pêcheur, raconte :
« Une année, avec Tiaido, le fils, on avait trouvé un banc de sable appelé « Le Mexique », entre la Yole et le casino de Valras. Jusque là, les tenilles, on en faisait 7-8 kilos à peu près en 3-4 heures... Et là qu’on y était avec le barcot (la barque), à chercher un banc de sable, on se retrouve à une maille, environ une centaine de mètres de la côte. Et sitôt sauté à l’eau, on aurait dit qu’on était sur une route tant on avait des cailloux sous le pied. On a fait 25 kilos chacun en une heure et demi, guère plus. 

                                                  Tenilles avant cuisson (tellines en français)

L’embêtant, c’est qu’à la rame, depuis Les Cabanes, c’était long et fatigant, surtout que la tenille baraille (1) avec le nord et le courant de « grebi » (vers le sud, en gros, par rapport à la côte). Alors on laissait le vélo de l’autre côté de l’Aude, oh, un vélo sans frein sans rien, seulement de quoi nous transporter, le tenillier sur le dos. Pour aller au banc, raï, mais pour revenir, avec l’engin et 25 kilos de tenilles ! Moi j’y arrivais mais le collègue, il avait du mal ! Je suis allé le chercher ! Une fois ça va, sinon c’est un coup pour y rester tous les deux. On aurait pu trouver une combine, avec une corde mais attends, on était jeunes ! 

Alors autant y aller seul... Qu’est-ce que tu veux, la vie était pas facile ; il était pas fait pour, ça l’a pas empêché de réussir dans le commerce de gros, à Sète ou à Frontignan... T’en faguès pas (te fais pas de souci), il s’en est mieux tiré que moi, il est pas à plaindre...
J’ai dû y aller un mois en tout, sinon un peu plus, et puis, les courants peut- être : le gisement a disparu... Fini le Mexique ! »

(1) barailler = vadrouiller en parlant des escargots ou des tenilles 

                                                                         En persillade photo 2 Commons wikimedia.

mardi 3 novembre 2015

GARE AUX AMIS QUI VOUS VEULENT DU BIEN ! / Mayotte, France en Danger

A gauche toute, les “droitsdel’hommistes” à tout crin ont des idées néfastes (on ne peut accueillir toute la misère du monde et il serait normal de s’occuper d’abord des siens, non ?)
A droite toute, les “yaqu’àfautqu’on” sont pires car ils mentent, manipulent les sources et exagèrent pour justifier des analyses extrêmes allant jusqu'au racisme. Leur parole devient exponentiellement infecte quand les quidams qui la gobent et la répètent sans réfléchir ni vérifier en démultiplient la nocivité sur les réseaux sociaux.
Ce matin un pauvre “àl’insudesonpleingré” a cru faire passer une info altruiste en subordonnant son opinion à une publication d’un site partial, partiel et provocateur, pour ne pas dire puant.
Le mot en question est d’un nommé Manuel Gomez, journaliste, écrivain. Il a joint sa photo : ses affidés doivent trouver qu’il a une bonne bouille, moi non...
Commençant par titrer “ MAYOTTE : CHARIA ET POLYGAMIE APPLIQUEES DANS CE DEPARTEMENT FRANCAIS !”, jouant au faux modeste “Je ne suis pas très calé en géopolitique aussi je souhaiterais qu’un éminent spécialiste...", il ne cache rien de ses sympathies politiques quand il feint de se demander pourquoi Sarkozy a fait de l’île un département.
Sur ce point, qu’il daigne déjà entendre deux mots de la part “de l’éminent spécialiste” que je suis (vous en doutiez ?). Si les présidents des Français détiennent un pouvoir rappelant celui des rois de l’Ancien-Régime, Nicolas Ier a juste eu le mérite d’être en fonction à l’échéance fixée par la République pour la départementalisation de Mayotte. Simple concomitance. 
Ce monsieur relève ensuite “ le taux de fécondité le plus élevé d’Europe ”, sa seule remarque censée et audible se complétant par une remise en cause du “ droit du sol”...  Relevons encore qu’à la date de son papier (nov 2014), si ses 50 % de clandestins sont plausibles, on peut ajouter qu’il est admis aujourd'hui (même si les chiffres souffrent de rétention de la part des autorités) que la population de Mayotte se situerait entre 300 et 400.000 personnes et que les étrangers, légaux ou pas sont plus nombreux que les Français (1). Et quand il pense que le nombre de naissances à Mayotte (il vise aussi la Guyane) nous plombe, qu’il sache que l’Empire Français s’honorait de compter 110 millions et 623.000 habitants en 1936...
Ensuite, que Manuel Gomez souffre que je lui dise “FAUX” pour les 300 millions d’euros que coûteraient chaque année les reconduites aux frontières ! En effet, les reconduites par la PAF, la gendarmerie, la douane, la marine, la sécurité publique, correspondraient à une dépense de 5 millions alors que l’entretien des clandestins qui restent s’élève, lui, à 60 millions/€ (surtout pour l’Éducation Nationale et la Santé).
Manuel voudrait ensuite nous en faire avaler de grosses lorsqu’il ment effrontément en disant qu’il y a le RMI, les allocations et les aides dispensés aussi généreusement qu’automatiquement (qu’il feuillette donc les archives de “Mayotte en Danger” pour constater combien les allocations familiales sont très inférieures et limitées à trois enfants !)
Quelle honte, ensuite, quand ce monsieur ose parler du milliard et des 300 millions d’€ que coûte Mayotte à la France, comme s’il fallait chiffrer ce que “coûte” une région métropolitaine ou la part de budget engloutie par Paris... comme s’il fallait comparer aux 360 millions d’aide au Mali (dernièrement sous le règne de François II le Piteux)...
Toujours dans la surenchère, Gomez veut revenir sur l’Histoire et plus particulièrement sur le refus des Comores en 1974, ce qu’il déplore puisque la départementalisation en a été la conséquence à terme. Ah ! ces Mahorais qui, après les Anglais, les Prussiens et les Russes, nous ont envahis en 1841 et qui ne veulent plus nous libérer !
La langue de vipère en rajoute avec les 95% de musulmans, la polygamie et qu’ils “ ne parlent pas notre langue” ! Que lui répondre sinon que tant que quiconque est Français avant d’être musulman, sa situation ne contredit pas les principes républicains. La polygamie, elle, n’est pas plus réglementée ou légalisée que les pratiques adultérines. Quant à la langue nationale, elle a toute sa place sur l’île, sa juste place (on aimerait ajouter "rien que sa place" !).
Concernant les cadis qui appliqueraient la charia, si, malheureusement, un flou juridictionnel a pu occasionner des dérapages condamnables tel ce jugement, en 1991, d’une femme adultère condamnée à être enterrée vivante avec son amant, arborant deux cachets “République Française” (voir post du 8 septembre 2015, toujours dans Mayotte en Danger), si les autorités manquent à leurs obligations en allouant de l’argent public pour lesdits cadis, les secrétaires et la location des bureaux afférents, il est exagéré de parler de charia en tant que gouvernance étatique. 
Gomez embraye ensuite sur tout ce que la polygamie entraînerait comme dépenses sociales avec la déclaration des épouses de premier rang et les autres... je lui laisse la responsabilité de comptes dont je doute et qui, pour le moins, sont à l’opposé des quelques sources à ma disposition (2).
Ensuite, c’est le chapitre “fainéantise” pour celui qui touche l’assistance de l’État tout en étant libre d’aller à la pêche et de cultiver le lopin de terre... Gomez nous fait du copié-collé d’un autre site bleu-blanc-rouge qui prétend “riposter” et il ajoute qu’un Francilien n’est pas aussi bien loti qu'un Mahorais !
En vertu de quoi, l’auteur avance que le peuple de France a le droit de choisir ou de rejeter Mayotte. Je lui conseillerais aussi un référendum du même genre pour l’Alsace, la Bretagne, la Corse, les Basques, l’Occitanie ? Il va même jusqu'à travestir la vérité concernant l’Algérie (3) où les Algériens n’auraient pas eu le droit de voter... sauf que wikipedia (qui doit mentir ou au moins se tromper, précise “.../... Ont voté les électeurs de la métropole, de l'Algérie.../..." 

Décidément les scribouillards patentés lepénistes abusent la conscience de ceux qui les suivent et lisent aveuglément. L’un d’eux, Manuel Gomez, soi-disant écrivain journaliste, les trompe et les méprise avec des approximations et des mensonges. Même si les déficiences d’un État, desservi par des politiques retors alliés à des hauts fonctionnaires complices et liés tels des vases communicants, font que des citoyens toujours plus nombreux veulent changer les règles du jeu, ce n'est pas en suivant les patrons de Gomez que le changement se fera (certaines de leurs revendications seraient-elles légitimes). Marine et sa clique convoitent seulement les bonnes planques aux frais du contribuable et après la peste PSUMP, c’est le choléra qui nous plomberait, encore pour des lustres !     

(1) un rapport du sénat de M. Henri Torre dit déjà en juillet 2008 “ .../... la perspective d'une population majoritairement composée d'immigrés clandestins ne pouvant être, à terme, totalement exclue..../...”   
(2) une simulation sur le site de la CAF donne, pour une mère isolée avec 5 enfants (2, 4, 7, 9 et 11 ans) 626,49€/mois d’allocations, 575,14 au titre du Paje, pas de RSA ni d’alloc logement.
(3) La question posée était : « Approuvez-vous le projet de loi soumis au peuple français par le président de la République et concernant l'autodétermination des populations algériennes et l'organisation des pouvoirs publics en Algérie avant l'autodétermination ? »

Le rapport du Sénat est ici http://www.senat.fr/rap/r07-461/r07-46117.html... Allez chercher vous-même celui de Gomez, si le cœur vous en dit : je m’en voudrais de faire de la publicité positive à ce genre d’individu.

jeudi 22 octobre 2015

LA RUSSIE EST EUROPEENNE !

Un grand salut et un grand merci à la Russie si fidèle au blog !

Большая безопасность (приветствие) и одно спасибо в России, настолько преданной журналу!
(pardon de ne pas parler le russe... la traduction est du site Reverso... Est-ce correct ? C'est la question...

Un lien sur un article très intéressant d'Agoravox.


http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/la-chine-aide-la-russie-a-173182

dimanche 4 octobre 2015

Yves, pêcheur du Golfe (XIII) : “ L’ALLEMAND”, “MARCEL”, “LE BEAU MONDE !” / Fleury d'Aude en Languedoc


“ L’ALLEMAND”. En été, à la traîne, dès 6 heures du matin, il y avait déjà 200 personnes qui badaient. Un a demandé s’il pouvait photographier et filmer. J’ai répondu qu’il n’y avait pas de problème... Pourquoi refuser à partir du moment qu’on ne te gêne pas dans ton travail ?
A la fin du bol, il a même demandé s’il me devait quelque chose. Quelle question !
Chaque année, il revenait, je me souvenais de lui et une fois, j'ai eu l’idée de lui demander ce qu’il faisait des films.
“C’est que les hivers sont très rigoureux en Allemagne et nous avons beaucoup de plaisir, en famille et avec les amis, à regarder ces beaux souvenirs de l’été, de la Méditerranée !” 

“MARCEL”. Quand j’étais aux Cabanes, j’étais copain avec Marcel, un type qui avait échoué de l’autre côté de l’Aude, dans une paillote entre la plage et l’embouchure.... Les gens laissaient entendre qu’il avait un passé louche ; ils ne l’aimaient pas ; il le leur rendait bien, mais moi il m’avait à la bonne ; il vivait surtout de chasse, de pêche, de braconne s’entend... Il savait y faire... Il portait des alouettes aux restaurateurs de Béziers ou des hirondelles à la place... va voir la différence, une fois plumées ! Il avait entrepris de m’apprendre la pêche à la ligne. Si tu savais tous les loups qu’il a pu prendre en remontant l’Aude. Boh, moi, je suivais sans trop profiter des leçons... tu comprends, quand tu as les bastets du maître-nageur (voir le premier épisode) et la peau déjà cuite par le sel, la canne et lou moulinet (en occitan ce “t” final se prononce), c’est pour les demoiselles. Par contre lui, je sais pas comment il faisait mais avec une carabène et un coton, il était fort... et il ne s’en cachait pas, au contraire même... Il avait le chic pour s’en aller ferrer, en deux temps trois mouvements, juste au nez d’un de ces beaux messieurs de la ville, avant de recommencer devant le suivant alors qu’eux ne prenaient rien ! Ils en étaient babas, je te dis que ça !..
Les gens l’aimaient pas... soi-disant qu’il avait tué un garde-chasse et qu’il était là parce qu’interdit de séjour... Va savoir...” 



“LE BEAU MONDE !”. “ Tu sais qu’on peut être bête, saes (1), quand tu penses que pendant des années, pour le 14 juillet et le 15 août, on a régalé du beau monde... Ah, parlons-en du gratin ! C’est ma tante qui invitait la bonne société de Mazamet mais c’est nous qui étions bons pour la bouillabaisse, depuis le matin !.. ma pauvre mère surtout, aux fourneaux, dès l’aurore ! Et pour des gens riches qui portaient même pas le pain ! Cal esse bestio, saes !(“Il faut être bête, tu sais !")
(1) contraction de sabes, “tu sais” du verbe saupre = savoir alors que le nom “savoir” se dit “saber”... sauf fausse interprétation de ma part...
photos 1 & 2 La plage entre Les Cabanes et Saint-Pierre.
3 & 4 commons wikimedia hirondelle auteur Haltostress / alouette auteur Ómar Runólfsson Denmark
5, 6 & 7 assortiment, bouillabaisse.



lundi 28 septembre 2015

Yves, pêcheur du Golfe (XII) « AVEC LA LÈBRE , TU AS DE LA BIDOCHE ! »

« Yves, tu parlais des loups et des dorades... La dorade, justement, on n’en voit plus beaucoup alors qu’elle rentrait dans les étangs par bancs entiers...
- Si, si, à Sète, ils sont toujours à "quicho-pourrit" (1), au bord du canal, quand elles sortent de Thau, à l’automne... Et en mer, ça revient, figure-toi. L’autre jour, il en a pêché une de 3 kilos et ils foutent des coups de filets avec 50-80-100 kilos. Maintenant, ils prennent aussi du merlan... A l’époque y en avait pas... Et une autre fois, que je te raconte avant d’oublier, ce fut une pêche "monumentale" : on était aux dernières villas de Narbonne-Plage et on voyait les sardines, à 100 mètres, qui poussaient dans la "mélette" (2)... 


- ... Les thons dans le maquereau, les maquereaux dans la sardine, les sardines dans la mélette...
- Et oui, l’éternel recommencement... Enfin, faut le dire vite ! En attendant, on va faire bol ! J’ai calé une maille, j’ai encerclé, on la voyait sauter, dis... On a eu 7,5 tonnes de sardines, et attends, il devait y en avoir le double sinon 20 tonnes mais j’ai levé les plombs pour ne pas crever le filet. Écoute, c’est pas compliqué, à 9 heures le soir, avec le mareyeur, on était encore à charger le camion. Aqui tabe, can sei annat per l’argent, là encore, quand je suis allé encaisser, il m’en a donné 2F 50 du kilo !


- Aujourd’hui, j’ai vu le maquereau à 6,90 euros.
- C’est qu’on mange plus du poisson comme avant, c’est devenu du luxe alors qu’avant les pauvres pouvaient se le payer et je te dis pas par chez nous, tout frais pêché...
- Et oui, quand l’appariteur annonçait Saborit sur la place avec lou bairat (le maquereau) de Las Cabanos !
- Tè, on avait beau dire que la viande était idéale pour les travailleurs de force, seuls les riches en mangeaient souvent... Tiens, tu parles de Fleury... Tu sais que j’étais bien avec Soldeville justement, le boucher... Ero un cassaire, c’était un chasseur et moi aussi j’ai eu chassé quand j’étais jeune aux Cabanes et quand je tuais le lièvre, Isidore, s’appelabo : «Isidore, on fait échange standard...

         - Qu’est-ce que tu me proposes ?
        - Et bé, voilà, je te propose (j’étais maquignon aussi...)... le lièvre il fait 4 kilos contre autant de bidoche !
        - Ça marche qu’il répond le boucher ! Garde-moi les ! Tout ce que tu peux tuer, je prends !
Ma mère était contente « tu as fait une bonne affaire » qu’elle m’a dit... Eh, faut se débrouiller ! Lui, je pouvais y compter. Une fois j’en ai eu trois de lièvres (3) ! Il venait, Isidore, aux Cabanes, il tournait même dans les campagnes...
Il avait une fille, qu’il la couvait comme la prunelle de ses yeux...

(1) littéralement : pressé, serré au point de pourrir comme le fruit du panier qui gâte les autres.
(2) « Meleto, s. f., nom de divers petits poissons de mer qui ont une bande argentée sur les côtés ; argentine, joel athérine.../... PROV. « Per prene un toun, asardo uno meleto. »  Mistral / Trésor du Félibrige.
« melet » peis = sardinelle / « meleta » peis = sprat Dictionnaire occitan-français Arve Cassignac. 
(3) en occitan, "lèbre, lèbro" est du genre féminin. 

Photos autorisées 1. Banc de sardines (wikipédia). 
2. Publicité dessin de Benjamin Rabier. 
3. Le lièvre de la Fontaine toujours de B. Rabier. (si quelqu'un le demande, pour le prix d'un, j'ajoute celui qui est avec la perdrix, plus conforme aux lièvres d'Yves !)

dimanche 27 septembre 2015

Yves, pêcheur du Golfe : LES COUPS DE TRAÎNE. (XI) / Fleury, Golfe du Lion


Quand on faisait des coups de traîne à 10, 12 mailles, j’ai eu porté 2-300 kilos de rougets quand même ! Y avait de tout, des demoiselles, des maquereaux, ils faisaient des sous et moi j’étais payé avec un lance-pierre, je débutais... Pendant une paire d’années, j’étais pas payé : il fallait apprendre, on était matelots et ils en profitaient. 

La vente du poisson : une fois j’ai fait un gros coup, té, en face de chez toi, à droite du poste... Eh bé, c’était pour la fête de Sète, oui pour la Saint-Louis ; là j’avais que des copains : on fait un bol on en a eu une quinzaine, 20 kilos, des loups, et des beaux, de belles portions de 2-3 kilos. 




On remet le filet dans la barque. Un me dit « On pourrait faire un bol de l’autre côté, Marc y est allé, y a un trou, il pourrait y avoir quelques loups ! ». Allons-y, c’était tout près, on calait à 300 mètres. On va, on cale, je te dis pas : 350 kilos de loups et des pièces de 3-4 kilos !


- Qu’est-ce qu’ils peuvent manger si regroupés ?
- J’en sais rien, c’était dix, douze ans avant que j’achève, alors entre 1980 et 1982. E aro, per vendre aco ? ( Et maintenant, pour vendre ça ?) Je me débrouillais, j’avais des ramifications, je servais des restos à Port-Vendres et personne n’en voulait ! Jusqu’à Monaco, Nice, Marseille ! Couchanlegi est venu le chercher : y en avait 320 kilos sans compter ce que les copains ont pris... Quand y’a du poisson, faut pas faire le radin.
Je suis allé encaisser trois jours après, j’en ai eu péniblement 12 euros... pardon c’était en francs ! Que dalle quoi ! Ils sont durs en affaires et c’est pire chez nous... A cette époque le loup se vendait  entre 25 et 30 Francs parce que, à Sète, dans l’Hérault le poisson s’est toujours mieux vendu que dans l’Aude, toujours beaucoup plus payé qu’à La Nouvelle ! Au lieu de 8-10 ici, là bas, 12- 15... L’océan vient le chercher, la Côte-d’Azur qui arrive, les "Italianos". - Et dans les PO ?     
- C’est pareil que dans l’Aude, les mêmes types et maintenant à La Nouvelle, n’en parlons pas, c’est géré par les copains des copains de la chambre de commerce... Attendi, il y a quelques temps, une paire d’années, le jeune avait pêché une dorade de 4-5 kilos, ils n’ont pas pu la vendre mais ils ne l’ont pas retrouvée la dorade... elle avait fait des petits... ça n’avait pas traîné ! 



Photos autorisées : 
1. avec un rouget grondin /commons wikimedia, auteur Calcineur.  
2. loup wikipedia 
3. loup pêché à Marsillargues / iha.fr 
4. Dorade wikipedia

jeudi 24 septembre 2015

Yves pêcheur du golfe / LES TORTUES (X) / Languedoc, Golfe du Lion.

HÔTES RARES ET ÉTONNANTS : LES TORTUES... 
(Le pêcheur du Golfe Xème tableau) 
Le 14 juillet 1949, Yves le pêcheur a directement participé à la prise d’une tortue “avec des dents énormes”, en face de Port-La-Nouvelle. Il ne faut pas s’étonner si des animaux pouvant atteindre 900 kilos ont été décrits périodiquement comme monstrueux (1). Et Yves n’exagère pas plus que Wikipédia :  “... Sur le bec supérieur, on peut observer une pointe médiane très marquée entourée de deux grandes encoches. L'intérieur de la bouche est occupé par une multitude de cônes, utilisés aussi bien pour l'oxygénation que l'alimentation... /... 
... Les tortues n'ayant pas de dents et les méduses étant difficiles à déchiqueter, les scientifiques se sont demandé comment les tortues luth pouvaient s'alimenter avec ces animaux. On a découvert que l'œsophage de la tortue luth, tapissé d'épines, avait pour fonction le dépeçage des proies...”

En un peu plus de quatre siècles, sur les côtes françaises de la Méditerranée, Corse comprise, seules 30 captures ou observations de tortues luth ont laissé une trace. La moitié provient du Golfe du Lion formé surtout de plages sableuses. Le tiers de ces comptes-rendus concerne la portion de côte entre Sète et Palavas-les-Flots. On ne peut rien en déduire, le premier témoignage sur sa présence daterait-il de 1588 ! Est-ce que ce sont des tortues luth traversant l’Atlantique et passant le seuil de Gibraltar ? Sont-elles issues de pontes en Méditerranée, seraient-elles rarissimes ?  
http://www.seaturtle.org/pdf/ocr/OliverG_1986_VieMilieu.pdf
D’après Wikipédia “... De nombreux lieux de ponte autrefois fréquentés par les tortues luth ne le sont presque plus ou plus du tout, comme la Sicile, la Turquie, la Libye ou Israël...”
Il n’empêche que la fréquentation de nos côtes est confirmée :
“... En France, plusieurs espèces de tortues marines peuvent être observées. D'observation très rare en mer, elles sont pourtant observées mortes dans les filets de pêche (Tortue luth plus particulièrement) ou occasionnellement échouées sur nos côtes...”
http://batrachos.free.fr/tortuesaq.htm


Pour la période dont a témoigné Yves (voir les épisodes sur “le pêcheur du Golfe”), les cinq pages de la communication de Guy Oliver font état,  de trois captures :
* Le 17 août 1949, un mâle de 2 mètres et 350 kilos a été pris par la barque “Idéal", appartenant à M. L. Molle, à 6 milles au large de Maguelonne (Hérault) (Harant, 1949). 
* le 9 septembre 1950, une femelle de 2.01 m. et de 350 à 400 kilos a été prise dans les filets à thons de M. Étienne Rossie, au large de La Nouvelle (Aude) (Petit, 1951). 
* Le 21 août 1955, un mâle de 2.14 m. pour environ 300 kilos a été pris encore au large de La Nouvelle (Harant 1956).
 http://www.seaturtle.org/pdf/ocr/OliverG_1986_VieMilieu.pdf

En 1951, le professeur Petit précisait, à propos de la prise d’une tortue luth à La Nouvelle :  : “ en raison de la rareté (...) toute capture avec au minimum l’indication de date, des dimensions de l’animal et du sexe, mérite d’être signalée."  (PETIT G. 1951. Capture d’une tortue luth à La Nouvelle (Aude) Vie Milieu 2 / 154- 155).
La tortue luth est protégée par des conventions internationales, et en France, depuis 1991... En France, justement, la portée de cette protection est malheureusement affaiblie au prétexte que les données sont insuffisantes... Comme s’il ne suffisait pas de convenir que cette alliée contre les méduses contribue au maintien des poissons, en tant que ressource planétaire ! Ah la logique française confinant à la bêtise ! Agaçant, non ?     

(1) le fond des histoires de régalec, ce roi des harengs parfois assimilé au serpent de mer, ou de calmar géant, liées aux soirées arrosées des marins en escale (aussi pour dissuader les concurrents de cingler vers les mêmes destinations), correspond bien à une réalité (voir aussi Jules Verne). 




photos autorisées sous wikipédia & wikimédia commons dont :
2. régalec par Wm Leo Smith. 
3. calmar colossal copyright Citron

mercredi 23 septembre 2015

SALUT POILU, C'EST ENCORE MOI ! (fin) / Pézenas, Languedoc, France


Qu’on ne s’offusque pas, surtout : cette familiarité n’a rien de condescendant. C’est l’affection qu’elle exprime, la complicité unique entre un grand-père et son pitchoun en serait une bonne illustration, quand l’aïeul blague et que le petit rit... Même que le Poilu a vu quand le passant a souri... Un passant convaincu, qui plus est, d’un clin d’œil en prime, je peux en témoigner, oui, mais pas pour le mot d’esprit dont l’enfant rit encore. Sûr que, plus vivant que jamais, le combattant insiste auprès des adultes, suggérant que rien et que tout séparent un soldat tué d’un papé toujours debout, rappelant combien l’horreur de la guerre n’est qu’ordinaire pour des êtres pourtant dotés de raison sinon de conscience.
Et cette façon directe de s’adresser aux présents, sans la moindre pique, sans la solennité guindée des cérémonies... N’allez pas vous méprendre : la communauté ne serait pas sans les rituels, sauf que ceux qui donnent dans l’emphase, l’affectation en excès, plutôt que de ranimer la flamme, l’étouffent plutôt, à leur corps défendant...


C’est vrai que j’ai pensé “épatant” et presque “formidable”, sans qu’il soit question ici de surenchère, de provocation, ou de cette prétendue arrogance que de vils dirigeants étrangers nous prêtent pour mieux flatter des leurs, les bas instincts... Bien sûr que la guerre, déplorable, haïssable pour certains, n’a rien de formidable. Loin de gommer le tragique de notre Histoire intemporelle, il s’agit ici d’apprécier seulement ce que l’atmosphère, dans le Square du Poilu, a de vivant, de moderne, d’accessible et surtout pas d’émoussé.
Et pour être passé devant toi plusieurs fois par jour, une année durant, sans pour autant te croiser, à l’âge où la fascination pour un grand-père entretient l’optimisme sinon l’euphorie, la vie indéfectible, le monde beau et gentil, je te salue, Poilu... Finalement, c’est toi qui es venu à ma rencontre... C’est mieux ainsi. 

Dans la quête d’un bon angle, si je papillonne en évoquant les grenouilles de tes voisins asséchés, les poissons, je tiens à te confirmer que nous t’avons aperçu, cet été, avec notre oncle Pierre, sur le front d’Alsace, sur les crêtes de l’Hartmannswillerskopf... Trois générations sinon quatre, main dans la main avec nos Poilus, les drapeaux claquant vers le ciel dans le silence et le vent froid... Un grand moment...
Et maintenant, au grand soleil, entre nous, tu le vois ce bonhomme de huit ans qui voltige sur le gros ressort de l’aire de jeux, il y était, dans la froidure, sous son béret, comme les grands ! Et c’est bien qu’il soit là aujourd’hui... Il lui reviendra un jour que ta présence sereine répète inlassablement que les folies mènent aux catastrophes. Dans nos villes, nos villages, tes semblables apaisés, désabusés mais forts d’une conviction profonde, bien que raillés, un temps méprisés, ne le cèdent en rien, pas plus aux fantassins des combats glorieux qu’aux victimes pour l’exemple. 
Tu sais ce qu’a pu dire Valéry :
"La guerre, un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas." (Paul Valéry).
Salut Poilu, à la prochaine ! Tape à nouveau sur mon épaule, pour que ce frisson ne meure ! Ce sera beau, fort comme une première fois ! 

photos 1. square du Poilu depuis le haut du cours Jean Jaurès. 
2. la ville depuis le square. 
3. Salut Poilu !
4. Une grenouille du bassin aux poissons, à sec. 

jeudi 17 septembre 2015

SALUT POILU, C‘EST ENCORE MOI... / Pézenas, Languedoc, France

“Qu’importe si tu rechignes à remonter ton cours, les flots, un jour, t’emporteront.” 

Sur le web, chacun grappille ce qu’il veut bien cueillir ou transplanter à son profit. Une lapalissade, d”un genre qui affleure la conscience des hommes au point de ne plus savoir laquelle des deux vient effleurer l’autre, arrive ainsi et résonne non sans raisons...
 
Celle-ci est venue flotter avec le bois peut-être charrié par la Peyne, lorsqu’un épisode pas toujours cévenol (je préfère dire “aigat") marque une fin d’été déjà teintée d’automne (https://www.youtube.com/watch?v=AezveVDQA2g attention la vidéo date d’un an). Quoi qu’il en soit, c’est la Lergue qui vient de faire les unes des eaux en furie. En attendant, ma jolie rivière piscénoise s’est invitée chez moi et j’ai pu lui exprimer le plaisir que j’ai eu, à la revoir au mois d’août  : “Je n’ai pas trop changé, qu’elle m’a fait ? ” 

Cela vous étonne qu’on puisse parler à sa rivière, sans être cabourd ou caluc (1) ? Ce n’est pas plus déplacé que de s’adresser à son dieu pour un déiste ou à sa vigne pour un vigneron. J’ai échangé quelques mots aussi, avec le Poilu, vous savez, celui du jardin public, en haut du cours Jean Jaurès, au niveau de la route de Roujan... C’était fin avril, (http://dedieujeanfrancois.blogspot.co/2015_04_01_archive.html), je lui avais promis de revenir, pour des photos, manière d’arranger la pauvre impression du cliché étique d'alors. 

 
Et puis, avant l’alerte aux fortes pluies, un post des amis de Pézenas, justement, ou de la ville, ou encore de l’Office du Tourisme, m’a fait l’effet du réveil qui sonne. Entre parenthèses, cette communication s’est envolée, comme fait exprès, malgré mes recherches sur le monument aux morts (face de bouc, je t’en veux !).
C’est que la dépêche semblait vouloir lui donner la parole, à notre Poilu sur sa canne ! La dénomination d’abord, “Square du Poilu”, marquant plus de proximité, de sentiment qu’un habituel “Monument aux Morts". 
Les autres morts, puisque vous le demandez, ceux de 40-45, d’Indochine, d’Algérie, loin de s’en formaliser, ne sont pas mécontents, au contraire, d’avoir ceux de 14 comme porte-parole.
 
Le square du Poilu me plaît vraiment ! Au point de le trouver carrément “épatant”... J’exagère ? Vous trouvez ?
(à suivre)

(1) “fada” en Provence... 

photos 1 & 2 La Peyne depuis le pont désaffecté du chemin de fer. 
3 & 4 Le poilu de Pézenas. 

samedi 12 septembre 2015

UNE LUTTE ÉPIQUE DES PÊCHEURS DU GOLFE (IX) / Fleury d'Aude en Languedoc

« ... Figure-toi que le 14 juillet 1949, c’est facile à retenir, nous avions quelque chose de lourd, de costaud dans le filet, une masse sombre... Ce ne pouvait être qu’une épave, une périssoire entre deux eaux... Oh ! mais quand on a vu qu’elle se laissait pas faire, la forme mastoc, on s’est demandé ce que ça pouvait être...
Tu peux me croire, d’ailleurs, si je me souviens, Bouscarle a pris la photo... demande à Francis, il doit l’avoir...C’était une tortue noire, mais noire ! Nous étions trois bateaux dont le Troukebek (me souveni pas coumo s’escris), celui de Francis, et neuf hommes en tout ; j’ai plongé pour passer les cordes. Ça a bien bataillé trois heures, par le plus petit bout, pour s’approcher de la jetée de La Nouvelle. Oh ! mais quand elle a vu le bord, elle s’est agitée ; alors on y est monté dessus, à deux... Adieu ! elle nous a envoyés en l’air comme si de rien n’était : on faisait pourtant 80 kilos chacun ! C’est qu’elle avait des dents énormes ! et quatre en plus ! Je ne te dis pas ! 
   Un a dit “Il faut la vendre !” Justement, un forain proposait de la prendre pour l’exposer. Y avait une foule, peut-être des milliers de personnes ! On voulait la tirer vers une rampe de mise à l’eau... Oh ! cinq ou six coups de nageoire et les 60 qui tenaient la corde se sont retrouvés dans le canal !  Enfin, mètre après mètre, on est arrivé à la monter sur le plan incliné. C’était déjà 6 heures du soir et depuis 3 heures, une camionnette était arrivée de l’aquarium de Banyuls... Quelqu’un avait dû téléphoner... Tu aurais vu comme elle a explosé le plateau de la 402 !
Ils l’ont mise dans un bassin, paraît-il... Combien de temps elle a tenu ? C’est qu’il lui fallait 30 à 40 kilos de sardines par jour ! puis la carapace s’est retrouvée à l’entrée de l’aquarium, elle y est peut-être encore... Et nous, on se l’est donnée depuis le matin pour un croustet en guise de repas, c’est tout ce qu’on avait gané !
- Quel dommage, réagis-je en imaginant leurs mines déconfites devant les sandwiches, si j’avais su... nous y étions justement, dans l’embouteillage de Banyuls, il y a quelques jours à peine, de retour d’Espagne par la Côte Vermeille... » 


Nada, à ce jour, de la part de l’aquarium sur la tortue géante : pas un mot, pas une photo de l’entrée, pas le moindre indice !
Il s’agit vraisemblablement d’une variété marine très grosse (les mâles peuvent atteindre 900 kilos !), comme tend à le confirmer, en dépit des silences de Banyuls, ma recherche opiniâtre... en rien comparable, néanmoins, avec la lutte épique des pêcheurs du Golfe avec un chélonien à la bouche dotée, qui plus est, de crochets monstrueux  !  (1) (à suivre)

(1) « T'es sûr, Yves, que tu replonges passer les cordes, maintenant que tu as  vu ce qu'elle avait derrière le gargaillou ? » (pour vous rendre compte l'adresse d'un cliché non libre de droits : https://www.google.fr/search?site=imghp&tbm=isch&source=hp&biw=1366&bih=631&q=tortue+luth&oq=tortue+luth&gs_l=img.3..0l10.4947.7901.0.9075.11.11.0.0.0.0.293.1738.2-7.7.0....0...1.1.64.img..4.7.1736.OHoXaxihl4w#tbm=isch&q=tortue+luth+dents 
et pour voir les autres  :
https://www.google.fr/search?site=imghp&tbm=isch&source=hp&biw=1366&bih=631&q=tortue+luth&oq=tortue+luth&gs_l=img.3..0l10.4947.7901.0.9075.11.11.0.0.0.0.293.1738.2-7.7.0....0...1.1.64.img..4.7.1736.OHoXaxihl4w#q=tortue+luth+dents&tbm=isch&tbas=0
 
photos autorisées : 1. cheloniaphilie / http://www.image-gratuite.com/ 2. flickr.com

vendredi 11 septembre 2015

SOUCIS ET MALHEURS D’UN PÊCHEUR DU GOLFE (VIII) / Fleury d'Aude en Languedoc

« Et oui, tu vois, je faisais la traîne l’été et l’étang l’hiver, pratiquement la moitié de l’année pour chaque pêche...
- Le poisson se vendait bien ou sont-ce les mareyeurs qui en tiraient le plus grand profit ?
- Faut pas chercher à comprendre... les mareyeurs ils t’attendent... comme celui de la Nouvelle... Je lui demande s’il prend les crevettes, tu sais, les crevettes grises. Il me dit “écoute, si tu me les fais cuire, je te les prends !” On était à la Nautique, on avait un baraquement  avec une gazinière et même une cuisinière à bois. Un jour, pour te dire, j’avais fait cuire quatre-vingts kilos, eh, de crevettes... Je les amène... Tu as vu les sous toi ? Je les attends encore...
- C’est un voleur alors ?
- Oh, oh...
- On ne peut pas le dire comme ça ?
- Et non, et non...
- Un drôle de lascar quand même ! Sûr qu’il les a vendues ! Et dire qu’il venait à Fleury...
- A Fleury ?
- Oui, même que l’appariteur clamait “ La sardine Tiaide est sur la place !” et qu’un ami de Trausse avait bien fait rire mon père en s’étonnant “Es uno especialitad d’aici ? ”. 


 - J’ai eu travaillé avec le père... lui était un gangster... “ Tu peux venir avec moi ?” qu’il me dit un jour. Je devais avoir 14 ans ; il avait une espèce de camionnette ; on va à Palavas. A l’époque, je sais pas si tu en as entendu parler de ça, y avait la “seinchole” (1), au mois d’août... comme ça, les thons venaient au bord, les barques les encerclaient, ils prenaient parfois 30, 40 tonnes de thons !.. Eren partits amé Justin et le temps que le type tournait le dos, il lui a piqué trois thons de 23-24 kilos comme ça, zaou, de par terre à la camionnette ! 
- Tu sortais en mer aussi ? 

- Oui mais je suis resté au sardinao (2), on faisait le sardinao et le thon... Ton oncle, lui, était au lamparo...
- C’est vrai qu’il m’a eu donné du poisson, à quai, quand il rangeait et nettoyait encore à bord...
- Enfin, laisse tomber Yves, songeur : c’est le pêcheur qui se la donne et toujours l’intermédiaire qui ramasse. »
C’est vrai qu’entre la confiscation des ressources par les grosses unités prédatrices (chalutiers, thoniers) (3), la toute puissance des mareyeurs, sans parler de la pression des touristes rois, du bétonnage des côtes, des pollutions successives, des "changements climatiques”, et j’en passe, la grande majorité des petits métiers a logiquement disparu quand les pêcheurs comme Yves ont pris la retraite.

(1) certainement en rapport avec la seinche (Littré 1874), l’encerclement des thons à Palavas.
http://fpmm.net/wp-content/uploads/2014/09/FPMM-Palavas_specimen.pdf
Pour un ancien de Victor Hugo, comment ne pas penser à monsieur Sinsollier, surnommé “Sinsolle”, qui nous fit aimer l’Histoire (pour moi, plutôt la géographie). Et ne me dîtes pas que, contigue aux anciens ateliers de mécanique encore marqués de cambouis où Salant et Guionie nous faisaient voltiger (enfin, il faut le dire vite...) sur les barres parallèles, la salle (qui fut aussi celle de la prof de musique), éclairée seulement par une verrière au plafond, ne laissait pas d’autre possibilité d’évasion... 


(2) nom du filet à sardines.
(3) quand je pense que les gros prennent impunément des dizaines de milliers de tonnes, notamment au large de la Libye, et qu’Yves, lui, a été contraint de brûler les barques construites de sa main ! L’égalité de traitement par l’administration “ ne vaut pas mieux qu’au siècle de Louis le quatorzième... “Suivant que vous serez puissant ou misérable...". Pire encore concernant la complicité des instances européennes... Un repenti de la pêche industrielle n’a-t-il pas déclaré : " Quant aux inspecteurs de la Cicta montés à bord, s'ils n'ont rien vu, c'est qu'un "paquet de cigarettes suffit à les acheter".”
http://www.lepoint.fr/actu-science/thon-rouge-les-revelations-fracassantes-d-un-pecheur-repenti-09-11-2011-1394264_59.php 
voir aussi http://www.midilibre.fr/2015/09/02/chalutiers-c-est-la-fin-de-l-hemorragie,1208127.php même si nous voulons insister sur une "hémorragie" plus préoccupante...

photos : 1. pêche au thon / Tunisie 1910. 2. Vela latina Par Joan Sol from Premia de Mar, el Mediterrani (Yvonne2) via Wikimedia Commons. 3. carte Palavas : auteur :"Map commune FR insee code 34192

vendredi 7 août 2015

LE TEMPS POUR UN PÊCHEUR DU GOLFE... (VII) / Fleury en Languedoc


    Entre le temps qui passe et celui qu’il fait, Yves continue de raconter la mer et la rivière nourricières.

    « Les prévisions du temps... on regardait le matin... j’ai appris avec les vieux. Ils se levaient tôt et regardaient la montagne « Ah, veit (avuèi = aujourd’hui), auren de vent, auren de gregau... »
    I coumprenio pares... Je n’y comprenais rien et eux te le disaient avant qu’il arrive « Y a des motons à la montagna : lou cers bufara. » Quand lou solel es arribat, te fatiguès pas (Quand le soleil s’est montré c’était ça...). ou alors ils annonçaient « Ah, veit auren lou vent à la mar...» 
    Ils regardaient du côté de la montagne, en visant les collines de Nissan. Sinon, ils regardaient toujours vers l’Est, jamais dans l’autre secteur, pas du côté de l’Espagne car ce qui arrivait de mauvais venait toujours de l’Est.
    Une fois, avec cette neige du grec qui casse tout... je devais avoir 17 ans. Il a tellement neigé, la rivière était gelée, on pouvait pas aller jusqu’au pont de Fleury, comme d’habitude, et on est allé chercher du pain à Valras en passant par le bord de la mer. Il en était tombé 25 cm au bord de l’eau quand même ! J’avais jamais vu ça. c’était petit vent du nord, et l’eau des vagues se gelait. Quand nous sommes repassés il y avait 50 ou 60 centimètres de dentelle de glace... je m’en rappellerai toujours. Attends, pour geler l’eau de mer ! Tout le monde, avec des sacs ; entre ceux qui allaient gaiement et ceux qui marchaient moins vite, on était une trentaine pour rapporter du pain à tout le village.
    Une autre fois, quand on a été au pont de Fleury, on voyait rien et il y avait tant de neige qu’on savait plus où était la route, et les caves (les fossés), à côté.  Tu savais pas si tu étais sur la route ou dans une vigne. A des endroits on en avait jusqu’au ventre. Celui qui était devant était mouillé jusqu’à la taille. On se relayait, trempes comme des canards ! A la boulangerie, chez Vizcaro, enfin Fauré encore, Paul s’est étonné : « D’ount sortissès ? » (D’où sortez-vous ?) On était partis à 7 heures du matin, et le retour aux Cabanes, à 4 heures, avec le bateau. Je devais avoir 17, 18 ans. Quand il neigeait, couillon, c’était la catastrophe... /...  Autrement, ils regardaient ou la montagne ou l’Est :
« De qué va faire ? » (Qu’est-ce que ça va donner ?) 
~ Sara vent à la mar... (le vent viendra de la mer). »
    Quand il y avait des éclairs à la mer "lamp à la mar, vent à la terra"... Et c’est vrai, le vent du Nord ne tarde pas... Aujourd’hui, pour le temps, les plus fiables, c’est la météo marine (1), ils repassent les bulletins en boucle, tant c’est important.  


~ Et la lune ? 


~ La pleine lune, c’est pas terrible pour la pêche. Ce sont surtout les courants qui gênent, plus que la lumière, parce que les courants sont désordonnés et il vaut mieux une direction unique, dans un sens ou dans l’autre, de l’est ou de l’ouest. Autrement ils étaient bons... A la traîne ils plongeaient d’abord une bouteille attachée deux ou trois mètres sous un liège et ils voyaient si en surface et dessous les courants se contrariaient. Ils constataient si le courant de grebi donnait ou bien le gregau. On était arrêtés à une maille de la terre (100 mètres), à réfléchir, à calculer, stoppés sur les avirons pendant un quart d’heure, vingt minutes, une demi-heure. Si c’était franc, on calait « la pouncho dins lou pounent » fallait aller vers l’Espagne. C’était plus mauvais quand il y avait le vent d’est parce que, dans ce sens là, il fallait "embasser" la terre à l’envers... Ils aimaient pas trop là... Après, les courants proches de la terre étaient forts, alors ça te prenait le filet, tu coulais ! Tu aurais rigolé ! tu arrivais au bord en coulant, tu aurais vu comme ça peltirait (tirer avec force) ! Au lieu de partir par ce bras (celui vers l’embouchure), il fallait démarrer par l’autre. Avec les courants forts, pour un noyé au niveau de Pissevaches, ils nous ont demandé de faire bol pour essayer de récupérer le corps. O ! adieu, on l’a retrouvé aux Ayguades, trois ou quatre jours après... »

(1) et surtout pas nos rigolos des différentes chaînes qui nous embrouillent en donnant le temps huit jours à l’avance, manière d’escamoter leur propension à laisser croire « Tout va bien, vacancez tranquilles... », en minimisant un rafraîchissement ou en exagérant jusqu’à 4 ou 5 degrés la température de l’eau pour que celui qui n’a pas pu partir s’en veuille davantage de savoir le veinard au bord de la mer... 

photos autorisées : 1. ciel d'orage en mer / Rémi Jouan / commons wikipedia. 
2. pleine lune sur la Méditerranée / pixabay.fr

jeudi 6 août 2015

LES BOGUES DU CAPITAINE AU LONG COURS (VI) / Fleury en languedoc

LES BOGUES DU CAPITAINE AU LONG COURS (VI)
« La bogue (1), ils en sont friands à Toulon, malheureux ! J’avais un copain, il était à la Seyne ; sa mère vendait sa pêche. Un jour il fait une soixantaine de kilos de bogues.
"Qu’est-ce que tu vas en faire ?", je lui dis, nous, là-bas, on les jette...
~ Vous les jetez ? mais tu veux pas rigoler, ça vaut un prix d’or !
~ Ça vaut un prix d’or ? Nous, on les donne aux goélands !
~ Mais vous êtes cabourds (2) ! C’est prisé ici !
Du coup, plutôt que de les jeter, la fois d’après, je les porte au chef, un grand chef de cuisine qui nous régalait de ses pâtés, au déjeuner. Je lui précise que c’est vraiment pas terrible, la bogue. 


Une semaine après, pour les déjeuners aux copains il me met deux gros bocaux.
~ Et qu’est-ce que c’est ?
~ C’est du pâté de poisson... Justement, ce jour-là, on était partis des Cabanes avec les tracteurs ; on avait fait en remontant et quand on a été au milieu des culs nus, midi, une heure moins le quart, c’était l’heure de manger ! Stoppez ! On avait un grand plateau que je mettais à la barque et je sors ça.
~ Et qu’est-ce que tu nous portes ?
~ Ma foi, du pâté...
Un commence à goûter c’est pas mauvais ! C’est bon ! Viro reviro (Tourne, retourne-toi), ils avaient tout flambé !
Quand j’ai revu le chef, je lui demande ce que c’était :
~ Ce sont les poissons que tu m’as donnés... C’est du pâté de bogues.
~ Ils m’en ont pas gardé  ! 


Le chef, lui, m’en avait gardé un peu et c’est vrai que c’était bon !
Ils nous en a donné du pâté, cinq ou six fois et ils se jettaient dessus comme la misère sur les pauvres ! Aurio vist aquo. J’étais au milieu comme un capitaine au long cours, ils étaient autour... et quand ils ont su que c’étaient des bogues, ils en sont tombés sur le cul !
C’était une sacrée escouade... C’étaient pas des fainéants, ajoute Yves comme pour excuser leur appétit. Ils étaient vaillants, tu sais... Quand tu fais cinq ou six bols ou sept...
~ Tu dis que tu avais les tracteurs quand même...
Non mais, tu sais, quand on voyait qu’y avait du poisson parce que le poisson, une heure tu en as et puis y en a moins. Alors quand il y en a, tu tires à la main : deux bols alors que le tracteur t’en fais un seul... il permet de reposer l’équipe quand ça baraille (bouge) moins. Sinon, fallait se la donner... et pas pour des bogues de préférence... Ce sont des combines qui viennent vite. Tu le comprends : c’est en forgeant qu’on devient forgeron.  


(1) Boops boops, communément appelée bogue est une espèce de poisson marin de la famille des sparidés. La bogue, Boops boops (Linneus, 1758) est une espèce largement répandue aussi bien en Atlantique oriental qu'en Méditerranée. Elle présente un caractère semi démérsal et vit au-dessus du plateau continental sur tous les fonds jusqu'à 490 m ; elle est plus abondante dans les cent premiers mètres.
Elle doit son nom de bogue a la taille de ses yeux qui sont particulièrement grands par rapport a sa tête, comme un insecte (en anglais bug). WIKIPEDIA. 
(2) à l'origine "mouton qui a le tournis" ; signification dérivée : "idiot". 

Photos autorisées 1. Bogue / Roberto Pillon / Commons wikipedia. 
2. Banc de bogues / Albert kok / Commons wikipedia. 
3. Photo d'Yves. Scène de senne de plage (la traîne).