« Et oui, tu vois, je faisais la traîne l’été et l’étang l’hiver, pratiquement la moitié de l’année pour chaque pêche...
- Le poisson se vendait bien ou sont-ce les mareyeurs qui en tiraient le plus grand profit ?
- Faut pas chercher à comprendre... les mareyeurs ils t’attendent... comme celui de la Nouvelle... Je lui demande s’il prend les crevettes, tu sais, les crevettes grises. Il me dit “écoute, si tu me les fais cuire, je te les prends !” On était à la Nautique, on avait un baraquement avec une gazinière et même une cuisinière à bois. Un jour, pour te dire, j’avais fait cuire quatre-vingts kilos, eh, de crevettes... Je les amène... Tu as vu les sous toi ? Je les attends encore...
- C’est un voleur alors ?
- Oh, oh...
- On ne peut pas le dire comme ça ?
- Et non, et non...
- Un drôle de lascar quand même ! Sûr qu’il les a vendues ! Et dire qu’il venait à Fleury...
- A Fleury ?
- Oui, même que l’appariteur clamait “ La sardine Tiaide est sur la place !” et qu’un ami de Trausse avait bien fait rire mon père en s’étonnant “Es uno especialitad d’aici ? ”.
- Le poisson se vendait bien ou sont-ce les mareyeurs qui en tiraient le plus grand profit ?
- Faut pas chercher à comprendre... les mareyeurs ils t’attendent... comme celui de la Nouvelle... Je lui demande s’il prend les crevettes, tu sais, les crevettes grises. Il me dit “écoute, si tu me les fais cuire, je te les prends !” On était à la Nautique, on avait un baraquement avec une gazinière et même une cuisinière à bois. Un jour, pour te dire, j’avais fait cuire quatre-vingts kilos, eh, de crevettes... Je les amène... Tu as vu les sous toi ? Je les attends encore...
- C’est un voleur alors ?
- Oh, oh...
- On ne peut pas le dire comme ça ?
- Et non, et non...
- Un drôle de lascar quand même ! Sûr qu’il les a vendues ! Et dire qu’il venait à Fleury...
- A Fleury ?
- Oui, même que l’appariteur clamait “ La sardine Tiaide est sur la place !” et qu’un ami de Trausse avait bien fait rire mon père en s’étonnant “Es uno especialitad d’aici ? ”.
- J’ai eu travaillé avec le père... lui était un gangster... “ Tu peux venir avec moi ?” qu’il me dit un jour. Je devais avoir 14 ans ; il avait une espèce de camionnette ; on va à Palavas. A l’époque, je sais pas si tu en as entendu parler de ça, y avait la “seinchole” (1), au mois d’août... comme ça, les thons venaient au bord, les barques les encerclaient, ils prenaient parfois 30, 40 tonnes de thons !.. Eren partits amé Justin et le temps que le type tournait le dos, il lui a piqué trois thons de 23-24 kilos comme ça, zaou, de par terre à la camionnette !
- Tu sortais en mer aussi ?
- Oui mais je suis resté au sardinao (2), on faisait le sardinao et le thon... Ton oncle, lui, était au lamparo...
- C’est vrai qu’il m’a eu donné du poisson, à quai, quand il rangeait et nettoyait encore à bord...
- Enfin, laisse tomber Yves, songeur : c’est le pêcheur qui se la donne et toujours l’intermédiaire qui ramasse. »
C’est vrai qu’entre la confiscation des ressources par les grosses unités prédatrices (chalutiers, thoniers) (3), la toute puissance des mareyeurs, sans parler de la pression des touristes rois, du bétonnage des côtes, des pollutions successives, des "changements climatiques”, et j’en passe, la grande majorité des petits métiers a logiquement disparu quand les pêcheurs comme Yves ont pris la retraite.
(1) certainement en rapport avec la seinche (Littré 1874), l’encerclement des thons à Palavas.
http://fpmm.net/wp-content/uploads/2014/09/FPMM-Palavas_specimen.pdf
Pour un ancien de Victor Hugo, comment ne pas penser à monsieur Sinsollier, surnommé “Sinsolle”, qui nous fit aimer l’Histoire (pour moi, plutôt la géographie). Et ne me dîtes pas que, contigue aux anciens ateliers de mécanique encore marqués de cambouis où Salant et Guionie nous faisaient voltiger (enfin, il faut le dire vite...) sur les barres parallèles, la salle (qui fut aussi celle de la prof de musique), éclairée seulement par une verrière au plafond, ne laissait pas d’autre possibilité d’évasion...
- C’est vrai qu’il m’a eu donné du poisson, à quai, quand il rangeait et nettoyait encore à bord...
- Enfin, laisse tomber Yves, songeur : c’est le pêcheur qui se la donne et toujours l’intermédiaire qui ramasse. »
C’est vrai qu’entre la confiscation des ressources par les grosses unités prédatrices (chalutiers, thoniers) (3), la toute puissance des mareyeurs, sans parler de la pression des touristes rois, du bétonnage des côtes, des pollutions successives, des "changements climatiques”, et j’en passe, la grande majorité des petits métiers a logiquement disparu quand les pêcheurs comme Yves ont pris la retraite.
(1) certainement en rapport avec la seinche (Littré 1874), l’encerclement des thons à Palavas.
http://fpmm.net/wp-content/uploads/2014/09/FPMM-Palavas_specimen.pdf
Pour un ancien de Victor Hugo, comment ne pas penser à monsieur Sinsollier, surnommé “Sinsolle”, qui nous fit aimer l’Histoire (pour moi, plutôt la géographie). Et ne me dîtes pas que, contigue aux anciens ateliers de mécanique encore marqués de cambouis où Salant et Guionie nous faisaient voltiger (enfin, il faut le dire vite...) sur les barres parallèles, la salle (qui fut aussi celle de la prof de musique), éclairée seulement par une verrière au plafond, ne laissait pas d’autre possibilité d’évasion...
(2) nom du filet à sardines.
(3) quand je pense que les gros prennent impunément des dizaines de milliers de tonnes, notamment au large de la Libye, et qu’Yves, lui, a été contraint de brûler les barques construites de sa main ! L’égalité de traitement par l’administration “ ne vaut pas mieux qu’au siècle de Louis le quatorzième... “Suivant que vous serez puissant ou misérable...". Pire encore concernant la complicité des instances européennes... Un repenti de la pêche industrielle n’a-t-il pas déclaré : " Quant aux inspecteurs de la Cicta montés à bord, s'ils n'ont rien vu, c'est qu'un "paquet de cigarettes suffit à les acheter".”
http://www.lepoint.fr/actu-science/thon-rouge-les-revelations-fracassantes-d-un-pecheur-repenti-09-11-2011-1394264_59.php
(3) quand je pense que les gros prennent impunément des dizaines de milliers de tonnes, notamment au large de la Libye, et qu’Yves, lui, a été contraint de brûler les barques construites de sa main ! L’égalité de traitement par l’administration “ ne vaut pas mieux qu’au siècle de Louis le quatorzième... “Suivant que vous serez puissant ou misérable...". Pire encore concernant la complicité des instances européennes... Un repenti de la pêche industrielle n’a-t-il pas déclaré : " Quant aux inspecteurs de la Cicta montés à bord, s'ils n'ont rien vu, c'est qu'un "paquet de cigarettes suffit à les acheter".”
http://www.lepoint.fr/actu-science/thon-rouge-les-revelations-fracassantes-d-un-pecheur-repenti-09-11-2011-1394264_59.php
voir aussi http://www.midilibre.fr/2015/09/02/chalutiers-c-est-la-fin-de-l-hemorragie,1208127.php même si nous voulons insister sur une "hémorragie" plus préoccupante...
photos : 1. pêche au thon / Tunisie 1910. 2. Vela latina Par Joan Sol from Premia de Mar, el Mediterrani (Yvonne2) via Wikimedia Commons. 3. carte Palavas : auteur :"Map commune FR insee code 34192
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