mardi 11 octobre 2016

LES CORBIÈRES XIII / VERDOUBLE / Du pain, et dans la cruche en pierre, du vin !


Il y a bien le curé de Cucugnan et je ne peux que vous renvoyer à une recherche web dont, entre parenthèses, les trois articles de ce blog ne donnant pas, je l’espère, dans un mauvais folklore (1).
Cette histoire, indissociable de Daudet (2), révélatrice du poids de la religion d’une vie de tous les jours enfermée dans un cilice sinon un carcan communautaire, nous ouvre à une tradition, à une culture aussi provençale que languedocienne, catalane même, profondément sudiste, occitane, ne nous en cachons pas, n’en déplaise aux barons du Nord toujours aussi jacobins ! Dans ce cadre et plus précisément en haut de la colline, le moulin d’Omer vient nous le rappeler. Tout beau, tout neuf, entièrement restauré, il a tout du sujet de la crèche aux santons plaisant tant aux touristes des marchés de Noël ! Surtout ne vous laissez pas attraper !.. Parce qu’il est plus qu’authentique ce moulin, autorisé, dans le respect de la réglementation, à produire son contingent de mouture ! 


Alors, s’il est connu, si les télés multiplient les reportages, il le mérite bien. Comment vous en parler ? C’est l’histoire d’un ingénieur en technologie de pointe à Paris, cadre ainsi que sa compagne, qui, se laissant guider par une intuition, une idée folle, laisse tout tomber pour un moulin en ruines, dans le Midi. Il revient donc dans ce Sud qui le vit naître et dont il a gardé l’accent (3). Et son discours a tout d’une atmosphère, de vent, de farine et d’eau. Imprégné de Daudet, de Pagnol, sans rien dire des galères, sans s’attarder sur les mauvais ferments qui ont dû lever en autant de doutes et découragements avant qu’il n’arrive à l’aboutissement du projet, il nous fait partager sa passion pour un pain mythique venu des tréfonds de l’humanité. Le pain, alchimie mystérieuse, magnifique, de sel, d’eau, de farine, de levain. Les pains des « Maîtres de mon Moulin » (le boulanger, maître meunier, se cache derrière un pluriel) sont à base de céréales bio, de blés « de population », de grand épeautre, de « barbu du Roussillon », et de ce petit épeautre de Haute-Provence connu des hommes depuis 12.000 ans !
En bouche, un goût de pain millénaire. Des miettes sur la table, autour de ton verre des tâches de vin... oui, comme dans la chanson de Reinhard (Frédérik) Mey (1968)... Tiens je ne savais pas qu’il s’inviterait celui-là, au bord du Verdouble et qu’en cherchant l’année de « La cruche en pierre », il me mettrait mal pour Etienne, son copain des vacances en Ardèche, fauché à douze ans par une voiture, pour son fils Maximilian, né en 1982, mort en 2014 après cinq ans de coma.
Ce ne sont pas les tâches de vin qui font pleurer. Il réchauffe au contraire, réconforte et témoigne de ce que les hommes ont de bon. Comme le pain, il est le résultat d’une magie d’eau, de sucre, de tanin, de levure, entre autres éléments. Au même titre que les moissons, les vendanges marquent autant le calendrier des saisons que l’horloge biologique des humains. A Cucugnan, terminons comme nous avions commencé, dans les vignes, pour les vendanges. Au domaine du Verdouble, un vigneron-conteur, raconte une fois encore ces cycles vitaux qui nous transportent, serait-ce par le biais de photos publiées sur le Net. Faire défiler ses « tronches de vendangeurs », c’est communier dans un culte pudique où la passion du terroir se conjugue avec celle des êtres, sur fond de cet "amour infini montant dans l’âme" dont Rimbaud fut un sublime médium (Sensations). 


« ... Ainsi naissent des vins naturels riches de la terre et de la mémoire des hommes » Laurent Battist, vigneron-conteur, Cucugnan   


Aimer sa terre, aimer les autres... Faute de quoi, sans cet Amour, la Terre, elle aussi majuscule continuera de tourner mais sans nous.           
(1) https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2014/05/corbieres-mysteres-v-suite-2-le-sermon.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2014/05/fleury-languedoc-corbieres-mysteres-v.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2014/05/fleury-en-languedoc-corbieres-mysteres.html     
(2) Marcel Pagnol aussi a aussi puisé dans un mesclun de références sudistes, comme, entre autres, l’oncle Jules qui vient réellement du Roussillon, de même que l’ingénieur des eaux (le regretté Ticky Holgado), roulant les « R », de Manon des Sources. Pagnol a aussi tourné trois des lettres de mon Moulin... Bouclons la boucle.
(3) Laurent Feuillas, le boulanger de Cucugnan https://www.franceinter.fr/emissions/partir-avec/partir-avec-15-mars-2015 
(4) Laurent Battist https://www.facebook.com/laurent.battist/media_set?set=a.10210942873786808.1073741836.1202300262&type=3&pnref=story 

photos autorisées commons wikimedia : 
1. Cucugnan_(France)_Route_des_vins Author Serbus  
2. Cucugnan Moulin d'Omer Author Stanislav Doronenko
4. Cucugnan vignes Author Stanislav Doronenko

photo autorisée 
3. Laurent Battist album "tronches de vendangeurs". 


samedi 8 octobre 2016

UNO BESTIO INTELLIGENTO / La Cigalo Narbouneso

Chronique sur une bête intelligente, en languedocien de chez nous.
Et chez nous, dans le Fleury d’une époque que les moins de... 40 ans ne peuvent pas connaître, le chien de Lulu (Pilule2) était connu pour aller chercher le journal tous les matins et, à l’occasion, porter le papier « pour frotter cucu à Lulu ». Elle me revient malgré moi en mémoire, cette histoire... C’est qu’ils n’engendraient pas la mélancolie, les trois Pilule, les trois frères (1) qui étaient nos proches voisins, en haut de la rue Neuve, la dernière maison avant la vigne de Perrucho (les tennis et le lotissement initial des années 70), au pied des amandiers et azeroliers de Caboujolette, le coteau.


Au contentement de voir enfin apparaître une « Arlésienne », « La Cigalo Narbouneso », une revue mensuelle parue tant bien que mal entre 1911 et peut-être 1948 (LA CIGALO NARBOUNESO XXIme annado N° 235 Janviè 1947) (2) (3) (4) (5), ajoutons le plaisir de citer l’histoire qui nous rappelle tant l’ami Lulu ! Nous la trouvons, page 11 de la revue, sous le titre « UNO BESTIO INTELLIGENTO ». 

«... Soun mai intelligentos que fosso mounde, diguèt la Filomèno de Closcou, uno vièlho fillo qu’èro toujour estado pleno de devouciu pes gats.
Un jouvent mençounèt l’estariganho de Pelissou : sabets aquelo que venio chuca las mouscos sur la ma dal prisouniè ?
Lou Victor dal Gueine nous parlèt d’un gousset qu’abio a l’epoco e qu’anabo querre lou journal cado jour :
~  I balhabi un sou que prenio al cais, e al cap d’un pauc reçabio ma gazeto. Un jour me troumpèri, i balhèri uno peço falso ; la brabo bestio se metèt a jaupa, a sauteja, mès pas res a faire per la faire parti ! A forço de cerca, de lanterneja, coumprenguèri la causo. Lou brabe gousset s’èro avisat que la mièjo-soldo abio pas cours... »

Traduction proposée :
« Elles sont plus intelligentes que bien du monde (fosso = force ?), dit la Philomène de Closcou (fille de Closcou ?), une vieille fille qui avait toujours été pleine de dévotion pour les chats.
Un jeune homme mentionna l’araignée de Pélisson (6) : vous savez, celle qui venait sucer les mouches sur la main du prisonnier ?
Le Victor du Gueine (guèine = renard en Rouergue) nous parla d’un petit chien qu’il avait à l’époque et qui, chaque jour, allait chercher le journal :
~ Je lui donnais un sou qu’il prenait entre les dents et sous peu je recevais ma gazette. Un jour je me suis trompé (le passé composé est-il plus spontané que le passé simple en français ?), je lui ai donné une pièce fausse ; la brave bête se mit à aboyer, à sautiller mais pas moyen de la faire démarrer ! A force de chercher, de lanterner, je compris la cause. le brave petit chien avait remarqué que la demi-solde n’avait pas cours... »

Et si chaque variante de la langue d’Oc avait cours plutôt que de se voir dévalorisée par une norme aussi déshumanisée que jacobine et qui n’est pas sans rappeler la domination vexatoire du français sur l’occitan justement ? Reconnaissons que la lecture en languedocien, si naturelle pour un originaire de la Clape, s’avère d’autant plus agréable qu’elle ne nécessite pas de devoir ouvrir un dictionnaire à tout moment !

1. Jojo, Lulu, Gégé... les trois petits qui trônaient sur un char lors de la cavalcade de 1948 peut-être. Ai-je entendu aussi que tout le monde connaissait le grand chapeau de Jacques, le père, quand il montait à son peyral (sa carrière) ? Je crois même voir des papillons autour du chapeau mais ce doit être encore mon imagination de gamin qui revient me jouer ses tours...
2. https://culture.cr-languedocroussillon.fr/ark:/46855/OAI_FRB340325101_KI3_frb340325101_ki3_1947_0235/v0013.simple.highlight=cigalo%20narbouneso.articleAnnotation=h::b40b522b-69da-47c4-9e7a-1b6ff9dda435.selectedTab=thumbnail
3. Mon père s’était abonné en 1948 pour se faire envoyer la publication à Prague (n° 445) ! Mais entre les spasmes littéraires (arrêt de la parution ?) et les soubresauts de l’histoire (Coup de Prague février 1948), la trace de La Cigalo Narbouneso était pour nous perdue...
4. Une bonne surprise ne venant jamais seule, entre les nombreuses cigales du Midi, « La Cigalo Lengadouciano » cymbalise aussi à Béziers où parut également « Lou Camèl », vous l’auriez deviné !
5. Mystère néanmoins lorsque, pour la disparition d’André Mècle, décédé en sa maison de Coursan, le 29 janvier 2012 et inhumé à Narbonne, son lieu de naissance, le blog mentionne dans son hommage : « ... C’est ainsi qu’entre 1945 et 1970, il est un membre actif de la société félibréenne La Cigalo Narbouneso... » 
http://academiedesartsetdessciencesdecarcassonne.blogs.midilibre.com/tag/jean+fouri%C3%A9 
6. https://books.google.com/books?id=aRpcAAAAQAAJ&pg=PA325&lpg=PA325&dq=araign%C3%A9e+de+P%C3%A9lissou&source=bl&ots=3GWdEH17cJ&sig=kM3gO-b2o18rUy0Y6Cm3gmoZzcA&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjZwaTuhbnPAhUGMhoKHWpqAjkQ6AEIJzAC#v=onepage&q=araign%C3%A9e%20de%20P%C3%A9lissou&f=false


 Photos autorisées :
1. Celui qui vous parle / auteur François Dedieu / derrière, la cour, la cuisinette des trois frères, au fond, le portail donnant sur la vigne.
2. Mon pauvre cousin Jacky jouant à recevoir du courrier devant le grillage de la vigne.
3. flickr.fr

vendredi 7 octobre 2016

TOUR DE L’ÉTANG DE VENDRES (VI) / "cercaras lou caminus capo Lespignano..."

"Tu chercheras le chemin vers Lespignan..."
Si cette fois le lancement de l’article en latin s’avère problématique, rabattons-nous sur l’occitan si ressemblant, comme dans ce bon mot sur les études, sorti du lycée de Carcassonne par les bons soins d’Yves, le copain de toujours de Trausse, et que papa nous fait partager dans son livre Caboujolette : 

« Alors goujat, de qu’apprénès en latin à l’escolo?
– Tu sais, papa, ça ressemble beaucoup au français et au patois, par exemple “ventus” c’est le vent et “soliolus”, le soleil…
– Ah ! Et coumo se dis « la fourche » ?
– Fourcus.
– Et « le fumier » ?
– Fumus.
– Et le « chariot » ?
– Cariotus.
– Et lou chabal ?
– Chabalus.
– Alors, escouto, amé la fourcus mettras lou fumus sur lou cariotus, attélaras lou chabalus… et à l’escolo, i tournaras pas pus ! » (1)

La promenade, ses platanes, l’honorable Marianne, la fontaine restent derrière (2), espérons que l’eau fraîche ne nous restera pas sur l’estomac tandis que nous repartons vers le Puech Blanc et les limites ouest de l’Étang de Vendres. A la sortie du village, avec les plateaux sportifs et autres terrains d’entraînement, une rangée de robinets, de l’eau à profusion mais l’idée de vider pour cela nos bouteilles ne  nous effleure pas une seconde... Recracher ce don de la terre équivaudrait à rejeter, à trahir. La source, elle est comme ces Vendrois qui payèrent si cher leurs convictions républicaines. Et puis c’est trop facile et quelque part méprisant de prêter quelque foi que ce soit au qu’en-dira-t-on simpliste par nature (pardon pour les pléonasmes), ignorant de l’épisode des déportés pour la République, un avis lapidaire prétendant que ce village ne serait qu’un nid de communistes !
Ça m’ennuierait quand même, que le petit en soit malade. 
Castelnau, un domaine, important avec ses grands et nombreux toits de tuile rouge avec ces vieux pins autour donnant quelque chose d’un parc. D’ailleurs, il y a une chaussée dite « du Parc ». Mais la direction qui nous intéresse est celle de la source sulfureuse passant à l’écart aussi de l’autre campagne du Puech Blanc. Difficile à trouver ce chemin (3)... Pourtant, sur la carte, il y a même une étoile pour cette curiosité... Mais nous avons beau revenir sur nos pas, aller voir plus loin, l'issue est introuvable. Nous traversons une vigne plutôt que de faire un détour par la départementale trop roulante : un talus, d’autres sillons labourés nous arrêtent. Plus qu’une solution : l’étang longé par un chemin. Retour vers le domaine. Pas besoin de traduire le sens interdit certainement en limite de propriété. Au moins, par déduction, la piste à gauche est ouverte au public.


Une pinède avec un point de vue intéressant sur un puzzle de pièces d’eau et de roselières imbriquées jusque loin vers l’horizon plat où se détache le château d’eau de St-Louis des Cabanes ; sauf que la contrariété ne laisse pas le loisir d’apprécier et c'est plutôt la présence des bêtes camarguaises dans les près à droite qui préoccupe. Allons, il faut descendre la pente raide quitte à porter les vélos. Florian n’est pas tranquille. Aussi je reviens pour sa monture, volontaire, décidé, néanmoins faussement serein. Le chemin est en bas, nous n’avons plus qu’à le suivre.

(1) « Alors mon fils, qu’apprends-tu en latin à l’école …/… Ah ! Et comment ça se dit « la fourche »… /… Alors écoute, avec la fourche tu mettras le fumier sur le chariot, tu attelleras le cheval et à l’école, tu n’y retourneras plus ! »
(2) Encore merci à la mairie de Vendres qui a pris soin de rendre publiques et accessibles ses photos, contrairement à ceux qui clament que tout ce qui n’est pas donné ou partagé est perdu...
Un mot aussi pour une recherche historique, toujours sur le site de la mairie, sur les moulins et les meuniers et plus particulièrement un nommé Jean Cassan. Une Histoire mettant aux prises Vendres et Pérignan dans une époque où on ne faisait pas de vieux os ! Une quête passionnante car remarquablement abordée et menée, signée, je crois, Guy Diaz. A lire absolument !
http://www.vendres.com/Files/Media/Le_moulin/Moulin.html#p=1
(3) j’ai cru qu’un chemin existait sous l’inscription justement « Source sulfureuse »... et ce n’est qu’une limite de parcelle... 

 Photos autorisées (commons wikimedia) :
1.  Vendres étang, roselières,village / Benjamin_Sirot_CEN_L_R auteur Mairie Vendres
2. Vendres mairie auteur Fagairolles 34 .

jeudi 6 octobre 2016

LOUIS, FILS DE LA VIGNE (V) / La destinée ! / Fleury en Languedoc.


« ...La vie est faite de hasards. Tu dis que tu l’as échappé belle quand la foudre est tombée, que tu t’es acaté (1). Moi ça m’est arrivé aussi, ça ! Une fois j’allais à une procession pour faire pleuvoir ; quand nous étions à Maisons, on allait tous les ans aux alentours du 15 août, comme maintenant on allait faire pleuvoir, soi-disant, à une abbaye qui était dans la montagne. On faisait un paquet de chemin, par un sentier et tout d’un coup, un truc d’orage qui roulait de partout. A un moment donné, on s’est mis dans une capitelle, tu sais, une cabane en pierres, et j’ai vu comme une boule de feu qui traversait un champ et juste ça m’est passé juste à côté. Un mètre plus près et je n’étais pas là pour te le raconter. C’est la destinée ! Pour t’achever ça, jusqu’à la fin de la guerre on est restés à Maisons et quand j’ai quitté l’école, à 14 ans, mon père il lui dit au patron :
"Il faudra employer le fils que je peux pas le laisser à la maison, il faudra qu’il travaille, journée de femme... »
Le patron n’a pas voulu m’embaucher. A cette époque là du travail, il y en avait tant qu’on voulait ; on a changé de village. Ensuite pareil pour mon frère, on est allés plus loin et ainsi de suite on est arrivés à Fleury. Des Corbières on est venus péter à la Coupe, une campagne, maintenant elle est assez célèbre qu’il y a une zone industrielle. Moi je l’ai connue qu’il n’y avait que des vignes. De là on est allés à Argens parce que le patron, c’était une catastrophe : mauvais comme la gale. Mon père faisait journée de longue et l’après-midi, il filait à bicyclette pour chercher du travail pour lui et pour moi. 


Je me suis marié à Argens, c’est la destinée. Il suffit de rien pour que ça change. C’est à dire, je vais te l’achever. Et alors quand on était à Argens, j’avais la journée que quand il faisait beau et en hiver qu’il pleuvait souvent...  Je suis parti à Montrabech. De Montrabech je suis allé à Sérame et c’est là qu’on travaillait que quand il faisait beau, on était au chômage par mauvais temps. L’épicerie du village faisait crédit, on était endettés jusque là. Et quand venait le docteur on n’avait même pas de quoi le payer. J’ai souffert le martyre. Après le voyage de noces en Espagne : mon père nous l’avait payé mais on n’avait pas un sou vaillant, heureusement que c’est la famille qui nous a accueillis, à tour de rôle. Au retour, j’étais encore à Montrabech et j’ai été opéré de l’appendicite. Dans la famille, déjà une tante était morte de ça et une cousine aussi morte de l’appendicite alors j’avais un peu la pétoche. Maintenant ça a fait des progrès, on n’en parle presque plus je sais pas pourquoi et avant il y en avait plus que maintenant qui se faisaient opérer. Je suis rentré chez mes parents en convalescence à Fleury. Il y avait quelqu’un qui avait besoin d'un ouvrier : « Vous avez un fils et où il est, patati, patata...». C’était mademoiselle Lautier ; ça s’est fait ; j’ai travaillé pour mademoiselle Lautier ; j’ai toujours travaillé chez elle. Je suis venu à cette maison, la maison où je suis et je n’ai jamais changé.
Ensuite, mademoiselle Lautier a laissé la propriété en rente viagère à un neveu de Toulon, il était dentiste. Il avait un fils grandet et souhaitait que je le dresse pour la vigne. Le fils avait une santé chancelante, il avait mal au cœur, à 20 ans déjà, et alors, même avant, et alors son fils il est mort ! Pour abréger, il est mort et quand il est mort, le patron était catastrophé il a vendu la propriété. Et moi, j’avais 50 ans, je me suis retrouvé sans rien. 


Et après j’ai été à Céleyran. Je travaillais à Céleyran... Avec des ciseaux normaux, je travaillais à forfait et je faisais, tiens toi bien, mille souches par jour. Je calculais, il y avait de grandes pièces, j’en comptais cinquante à la file et dans la demi-journée je faisais dix rangées. Et le soir je finissais avec la nuit. Le matin aussi j’arrivais que c’était nuiT (il prononce bien le «T»), je voyais les voitures qui passaient avec les phares. Et le soir quand tu tombais avec des vignes avec beaucoup de bois, pour les faire, les mille souches... je te prie de croire. Une chance que j’avais Grasseau régisseur qui me disait : « Rasséguès pas trop lous souquets ! araquaren las vieillos vignos ! »   

(1) s’accroupir.
(2) « Ne scie pas trop le vieux bois ! On les arrachera les vieilles vignes ! »    

Photos autorisées commons wikimedia : 
1. Capitelle à Fabrezan (Aude) borie author ArnoLagrange. 
2. Argens-Minervois auteur ArnoLagrange. 
3. Taille de la vigne / plaine de l'Aude author Véronique Pagnier. 
4. Un ouvrier à Céleyran 1882 Henri de Toulouse-Lautrec / musée d'Albi.

mardi 4 octobre 2016

LES CORBIÈRES XII / "L’île singulière" dévie le Verdouble.


Pardon d’emprunter à Paul Valéry son expression pour Sète, son "île" natale mais, entre le Verdouble et au sud, la vallée du Triby à l’origine du ruisseau de Cucugnan affluent du Verdouble plus à l’est, peut-on parler d’un ensemble, d’un même bassin ? Un îlot montagneux (1), en effet, barre le cours du Verdouble, obligé de faire un coude à quatre-vint-dix degrés pour filer dans une vallée étroite où seules, malgré la rivière, une bergerie, deux ou trois métairies aujourd’hui en ruines, étaient installées. Au sud des cinq-cents mètres de cette montagne, Cucugnan s’étage sur sa propre éminence, au-dessus du ruisseau derrière et d’une cuvette de vignes devant, remontant jusqu’aux garrigues dominées par le château de Quéribus, autre citadelle du vertige, « fils de Carcassonne » sur l’ancienne frontière de l’Aragon. 


Des ruines parfois remontées par des néo-ruraux qui relancent une viticulture au top de la qualité... et des prix. Reprenons un instant le sujet de la vigne qui, un demi-siècle encore en arrière marquait l’essentiel du calendrier et de la vie des villages. L’époque a vu le nombre de viticulteurs fondre, les propriétés gonfler en surface cultivée, le vin de tous les jours est pratiquement devenu un produit de luxe. Hier, tati Paulette et tonton Vincent venaient les faire les vendanges en famille, à Cucugnan, un mois plus tard, en gros, après la plaine, les nuits étant plus fraîches dans les Corbières. Et si le cousin Constant à la mine rubiconde a si malicieusement souri un temps aux Londoniens, la campagne de pub qui n’avait rien du marcketting opiniâtre actuel, visait surtout à défendre un vin du Sud injustement méprisé ! Je viens d’en boire une de bibine, un Côte de Bourg à peine passable allongé d’eau, 187 ml seulement, par chance... je sais de quoi il retourne et si la grande production du Languedoc a toujours pâti des lois déloyales du marché (coupages, sucrages), nombre de producteurs avaient à cœur d’être dignes et fiers de leurs vins !
On se louait alors pour les vendanges et certains montaient dans les Corbières après un contrat en bas. En ce début d’octobre 2016, la récolte se termine mais vous pouvez toujours postuler pour l’an prochain... 50 à 60 euros nets par jour à gagner sans, certainement, les litres de vin alloués à l’époque ! Sinon, à raison de 180 euros pour 3 jours par exemple, à débourser puisque, désormais, le coupeur peut payer pour un stage chez le patron ! Et prière d’aller se faire héberger ailleurs ! La collation du matin et le repas vigneron sont quand même compris dans le prix ! La vie moderne, c’est quelque chose !
Le web parle aussi d’arboriculture dans le coin. Le cousin s’y serait mis depuis une vingtaine d’années. En complément ou à la place des vignes ?.. J’aurais dû aller lui dire bonjour, quand nous avons fait étape, la fois où je n’ai finalement pas pris ce tableau de cerises d’une expo-vente qui disaient « Mange-moi ! ». Je les vois comme si c’était hier, comme je n’oublie pas le plaisir malicieux qui éclairait le visage du cousin dès qu’on parlait des sangliers. Ces visites rares chez des proches éloignés, serait-ce par alliance, il en reste toujours quelque chose...
Peuvent-ils penser de même ceux de la ville, sans lien ou qui l’ont perdu avec la province originelle, avec cette France majoritairement de paysans, encore avant la Seconde Guerre Mondiale, du temps où on disait «ferme» et non «exploitation agricole» ? 


Du civet, on en a mangé justement, cette fois là, à l’auberge. D’ailleurs, le cousin, je l’imagine toujours sur la piste des sangliers ! Jadis un gibier providentiel dont ne profitait pas la plaine... Alors qu’à présent le même cochon sauvage qui est descendu dans le bas-pays où il a proliféré, nuit tant aux cultures qu’il est assimilé à une calamité. Encore une illustration que tout et son contraire peuvent se succéder, que tout peut changer du tout au tout , à l’échelle d’une vie d’homme !
Comme pour Peyrepertuse, je ne vais pas visiter pour vous le château de Quéribus. Je ne reviendrai pas non plus sur la douloureuse, puisque à Cucugnan comme à Duilhac chez les voisins, la fréquentation touristique se traduit par un endettement, des coûts, des impôts exagérés pour les contribuables (2). Il y a bien le fameux curé de Cucugnan mais attachons-nous plutôt à son époque parce qu’elle n’empoisonnait pas son monde aussi cyniquement, pour faire toujours plus de fric  !

(1) le Pech Capel (493 m.), le Roc Pounchut (518 m.), le Pech de la Caune (487 m.) en sont les principales hauteurs.
(2) Cucugnan dépenses 5567€ alors que la dépense moyenne pour cette catégorie de communes est de 1298€ / impôts 690 + dette 6552 = 7242€/hab.  


photos autorisées commons wikimedia
1. Quéribus vu depuis le château de Peyrepertuse / auteur Guillaume Paumier / Au 1er plan "l'Île singulière". 
2. Cucugnan author jacques Le Letty.
3. Sanglier Author KoS. 
4. Cucugnan Quéribus Author LucasD.

samedi 1 octobre 2016

ITINÉRAIRE D’UN ENFANT GÅTÉ (V) Vers les trépidations d’un monde moderne

Quelque part à gauche, Sacy, le village de cet écrivain qui se crut longtemps sans racines, sentiment révélateur du manque d’humilité des hommes avant qu’un ferment de sagesse ne vienne, avec les ans, les faire douter. Avec lui et sans évoquer pour autant et pour changer, des souvenirs de géographie avec la Champagne Pouilleuse, nous ressentons la réputation inhospitalière, marneuse, insalubre du bourg, en bas, comparée à la saine atmosphère du plateau que les voisins d’en haut se plaisent à exagérer. Ce que je garde, néanmoins, de cet homme de lettres savoureux et chaleureux, est le lien qu’il a su rétablir avec sa terre, ses racines «... je sens que ce village et ce terroir, ce minuscule finage entre quatre vallées, entre la Cure et le Serein, instillent peu à peu en moi leurs vignes, leurs forêts, leurs pierres jaunes et tendres, comme un sang séculaire revenant dans des membres longtemps ankylosés...» Jacques Lacarrière, Chemin faisant, 1977. (1) 


Des éoliennes ; on croirait les toucher tant elles sont proches. Est-ce leur stature ou la solennité des grandes pales tournant lentement qui me font songer à une croix de Lorraine monumentale, plus vers l’est, celle de De Gaulle, LE grand homme politique des soixante-seize dernières années...
Le paysage a changé, ce sont désormais de grands champs. La moisson est derrière nous ; un gros tracteur passe dans les chaumes peut-être pour casser la croûte qui étouffe la terre ; un nuage de poussière l’escorte ; ce mois d’août est très chaud, marqué par le manque d’eau et à présent la canicule. Dans l’air conditionné d’un train à 300 à l’heure, on l’oublierait presque. Plus que dans cette Bourgogne de pays enclavés, couverts de forêts, seulement traversée par les autoroutes et le rail à grande vitesse, ici les hommes sont plus à leur affaire : la rivière se double d’un canal, les voies ferrées deviennent multiples, au loin des nuées de condensation couronnent les tours d’une centrale (2). La voie longe l’autoroute (A5 après vérification) où même les voitures semblent faire du sur-place.  

     
Voici un autre village, original avec son petit clocher noir, grillon des foyers ! Comment se nomme-t-il ? Il y a bien une église marie-Madeleine dont le clocher vrille paraît-il mais ce n’est pas celui de Fouju. Rien à Crisenoy non plus pas plus que pour la collégiale Saint-Martin de Champeaux. C’est foutu ! Pour Yèbles, un site parle d’une maire noire et musulmane. Chou blanc encore ! A moins que ce ne soit celui de Courquetaine, sombre sur ses murs de pierre blanche.
L’arrêt à Marne-la-Vallée-Chessy est annoncé ainsi que la correspondance surréaliste pour Quimper ! « Disneyland station » est devenue une destination y compris pour ceux qui viennent de sortir de l’avion à Roissy. 


Roissy Charles-de-Gaulle. J’aurais voulu saluer Thomas, l’aîné si dévoué et si gentil pour ses petits frères mais n’était-ce pas aussi mettre l’accent sur le handicap de son cadet ? Nous sommes partis comme des voleurs... Les premiers en bas attendent de voir le quai se présenter à droite ou à gauche. Une jeune femme appuie à plusieurs reprises pour l’ouverture de la porte. Une autre a du mal, avec les marches, à engager les roues de la poussette. Sinon, pas d’énervement entre les sortants et ceux qui ne seront tranquilles qu’une fois à l’intérieur. 
La gare est fonctionnelle, l’ascenseur pas trop surchargé. Le temps de se retourner, si le point info est fermé, un panneau géant indique bien "Terminal C".
Flo remarque un A380... d’Emirates. File d’attente pour le vol vers La Réunion. Dommage d’avoir raté l’enregistrement en ligne. Dans la salle d’embarquement deux ou trois enfants impossibles braillent et courent partout. Quoi de plus normal pour des parents impassibles.
L’avion est plein de gosses d’ailleurs... mais ceux de ma génération qui en ont fait trois doivent aussi se poser les questions. En 1950 nous étions 2,5 milliards, multipliez par trois pour chiffrer, en gros, la population mondiale actuelle. Le vin commandé pour la dînette vient stopper net mes projections sur la planète : c’est un Côtes de Bourg 2012, un Château Lorette... buvable coupé d’eau... Ne valant pas tripette, quoi ! Mais que vaut le palais d’un languedocien culotté, à en croire les indécrottables, par les piquettes ?               

(1) Sa terre, celle des aïeux, entre Auxerrois et Terreplaine, le pénètre le jour même où il revient voir la maison léguée par la grand-tante à ses parents. Un vieux assis au soleil le regarde avancer, et à son grand étonnement :
« "C’est bien toi, Jacques ?... /... Tu ne te rappelles pas. Tu étais trop jeune. je suis le père Delphin. Tu venais en vacances ici, tout petit et je t’ai souvent pris sur les genoux. Je t’ai reconnu depuis l’église. Celui-là, c’est Jacques je me suis dit. Tu marches exactement comme ton père et ton grand-père." De ce jour, j’ai aimé Sacy pour l’accueil et le sourire de cet homme. »  
(2) L’Armançon et le Canal de Bourgogne, ensuite la centrale de Nogent s/Seine visible depuis Montereau-fault-Yonne Ladite ville tient son nom de sa position géographique au confluent de l'Yonne et de la Seine "à la fourche de l’Yonne". Mais « fault »  a été surtout compris par "faillir", "se perdre"... est-ce vraiment l’Yonne qui se perd dans la Seine ou l’inverse ? 

Photos autorisées commons wikimedia : 
1. village de Sacy chez Lacarrière auteur Roland Godefroy 
2. Nogent sur Seine La centrale vue de la D951 author AntonyB
3. MLV–Chessy auteur Clem from Paris, France

vendredi 30 septembre 2016

TOUR DE L’ÉTANG DE VENDRES (V) / Aqua... interdictus... à la fontaine ! / Fleury en Languedoc


Si la formule en usage, pour les hommes en toge sur le forum, était "aqua et igne interdictus" pour signifier au banni qu’il était interdit d’eau et de foyer, notre propos peut s’en rapprocher puisque, aujourd’hui, après l’aqueduc et le dit temple de Vénus, nous entrons à Vendres, un si joli village. Au pied du clocher à chevet carré, les ruelles tortueuses descendent jusqu’à l’eau fraîche et limpide de la fontaine... un trésor qui profitait jadis à tous ses habitants. 

Un village du Midi, à l’heure de la sieste : une image attachante du Languedoc. Les rues désertes, l’ombre presque verticale tombant devant les portails des remises et des anciennes caves closes sur une pénombre agréable. On est bien aussi, sur le banc, à manger un morceau, à l’ombre apaisante des platanes ! On n’en attend pas moins d’une place de village au sud d’une certaine ligne et le centre de Vendres nous conforte dans un art de vivre tout méditerranéen.
Ces bancs, il fut un temps, s’animaient des discussions vives et des rires des hommes de la vigne, après le repos de l’après-midi. Une pause nécessaire en été quand la chaleur et la longueur des jours fait lever les travailleurs dès l’aube, pour ces journées dites « de longue ». On les voyait même, dès le matin, avant le repas de midi, proprets, changés, rasés, parfumés d’eau de Cologne. D’où l’interprétation dans l’erreur des "estrangers" persuadés de voir des fainéants à peine tombés du lit ! Ah, ces touristes ! 
Des hommes du vignoble ne retentit plus le parler fort et franc (abstraction faite des ragots et autres qu’en-dira-ton... tout n'était pas louable et ce défaut était bien partagé avec les femmes !), tandis que les plus vaillants, ragaillardis, assuraient une seconde journée au jardin, pour les tomates et les haricots verts, à arroser avec l’eau du puits ! Alors les touristes, vous ne saviez pas ? Imaginez si vous pouvez, si vous avez un peu gardé de vos racines paysannes, quand ceux du coin, papi-boomers comme moi, se souviennent !
Autre signe des temps, une femme, tablier et pantalons blancs court dans un sens puis repasse dans l’autre... Si la maison de retraite médicalisée, quelque part derrière, tient d’une norme de vie, et de fin de vie surtout, imposée par la modernité, la mairie, elle, est ouverte, assurant la permanence de la République, en serions-nous à sa cinquième déclinaison décatie ... Et puis, il y a le monument (1) qui va avec, Marianne sur son piédestal et la fontaine, en face, telle une marraine protectrice ! 

Qu’est-ce que c’est beau l’eau qui coule et gargouille !  Dire seulement "C’est beau !" pour ce don du ciel tenant de la magie, c’est un peu court, non ? Ce n’est pas non plus très original d’en appeler à Marcel Pagnol, lui qui sut si bien traduire le monde mystérieux des sources dans son diptyque « L’eau des collines » (2). En bons Méditerranéens, les Occitans comprennent, sans l’ombre d’un doute ! Et pour celui qui passe, quoi de mieux que de s’abreuver et faire halte ? 


Mince alors : le panneau dissuasif « EAU NON POTABLE » nous l’interdit ! Pas possible, j’y ai bu jadis, d’ailleurs les gens venaient en prendre ! Qu’est-il arrivé ? Ce n’est pas l’eau de la ville : ils l’économiseraient... La source ne serait-elle plus fiable ? Ces pesticides partout qui nous empoisonnent la vie ? Une dame rejoint sa voiture, je lui demande « Vous êtes d’ici ? » Mais elle n’est là que depuis peu... pardi, elle parle pointu ! Et ce monsieur qui repasse ?
« A vous de voir qu’il nous dit... les cyclistes s’arrêtent toujours et en boivent, alors... ».
Alors nous aussi ! On verra bien ! Florian qui a le bras plus court choisit le jet le plus proche. Claire, fraîche, délicieuse, l’attrait puis le plaisir en bouche du fruit défendu ! Nous remplissons nos bouteilles.

(1) Trouvé sur le Net : sur la place du 14 juillet, pas un monument aux morts à proprement parler, même si la défense de la République se chiffre forcément en vies brisées. Cette statue de Marianne, érigée en 1889 pour marquer le centenaire de la Révolution, témoigne des sacrifices de plusieurs dizaines de citoyens vendrois au destin héroïque.
Merci vraiment au site qui nous le rappelle non sans décence et retenue ! http://www.vendres.com/Files/Fichiers_PDF/BM/BM_PRINTEMPS_2015/BM_PRINTEMPS_2015/files/assets/basic-html/page9.html
Non trouvé sur le Net : les circonstances dans lesquelles cette œuvre fut exécutée (moulage ? modèle original ?). est-elle en bronze, cette colonne ?
Cette place fait le lien entre les deux allées sous les platanes. Les gens d’ici disent "la promenade". 
(2) « Jean de Florette », « Manon des sources », tant pour les livres que les films.  

photos autorisées commons wikimedia
1. Vendres / église_St-Etienne auteur Fagairolles 34
2. Vendres / statue de Marianne auteur Fagairolles 34 
3. Vendres / fontaine auteur Mairie de Vendres.

mercredi 28 septembre 2016

LOUIS, FILS D’IMMIGRÉS (IV) / «... Ils ne savaient ni lire ni écrire ! ça les a sauvés ! » / Fleury en Languedoc.

Nous devions parler des chevaux de trait, ces compagnons indispensables au travail de nos vignerons et viticulteurs. Mais Louis conduit son propos comme il dirigeait ses chevaux. Il tient à réviser son passé, en prenant le temps nécessaire pour revenir, par touches successives, sur le siècle qui s’est égrené. Avec l’Aude en toile de fond, dans la plaine et dans les Corbières, il prend soin d’éclairer toute une époque de son regard particulier de fils d’immigré.   

«... Mes parents sont venus d’Espagne, du village de San-Mateu, province de Valencia. Ils sont arrivés en 29, moi je suis né en 30. Pour mon père, ce n’était pas la première fois  : il avait déjà un frère ici qui l’a fait venir. Il s’est installé à Paraza. On est trois frères, deux nés à Paraza, l’autre à Durban. 
Mes parents parlaient toujours valencian, c’est un peu comme le catalan. A Barcelone on entend beaucoup parler valencian. J’avais une cousine là-bas mais on ne se téléphonait pas souvent, que moi je parlais espagnol et elle valencian. Et le valencian, je l’avais perdu complètement. D’ailleurs mes parents parlaient une langue, c’était tout barejat entre le français, le patois, le valencian. Je les ai amenés une fois à San-Mateu. Il y a des anciens qui doivent se rappeler de moi, que j’avais un chien qui marchait debout. Je leur ai appris à tous mes chiens. Ils avaient une coutume là-bas, le matin à jeûn, c’était d’aller au café prendre la "barèje", en espagnol ou en valencian, c’était un peu de café et de la gnole mélangés. Je suis arrivé, j’ai fait marcher le chien jusqu’au bar, je les ai époustouflés. Mon père, on lui a demandé d’aller à la guerre. Mais qu’il leur a dit : 
« Si je m’engage dans l’armée française, qui va s’occuper de mes gosses ? Et si je viens à être tué ?
- Et bien, comme vous êtes engagé volontaire vous n’aurez rien du tout.
- Ah puisque c’est comme ça !.. »  


Mais au village, quand les vendanges sont arrivées, (mon père il était ramonet, il avait le logement et quand ça a été le moment d’aller vendanger, tu connais Paraza, il faut passer le pont sur le canal pour aller en bas dans les vignes. Il faut passer le canal ; la charrette était prête. Un ami qu’il avait lui a dit 
"Si tu passes là-bas ils vont te foutre, la charrette, le cheval et toi, dans le canal. Ils t’attendent !" 
Il a pris la femme, les deux gosses et le peu qu’ils avaient sur la charrette ; il est parti du village en catastrophe ; il sont allés à Canet. De Canet il est allé à une campagne. On est restés quelques mois et quand est arrivé l’hiver, il y avait un petit patron de Durban qui cherchait un espagnol pour travailler la propriété, parce qu’il était mobilisé. 

On a crevé la faim à Durban, que c’était la guerre ; on y est restés deux ou trois ans. 41, 42, 43. J’en ai des anecdotes... peut-être pour une autre fois...
Et alors tu vas voir. A Durban, du temps qu’il y était mon père était au syndicat, à la CGT et on disait que c’étaient des communistes. Un type de Paraza est venu un soir après souper à bicyclette et il lui a dit, "Écoute Isidore, (il s’appelait comme ça mon père), les Allemands ils ont passé la ligne de démarcation et ils font la chasse aux communistes et ils les foutent tous dans des camps de concentration et on nous a dit que tous ceux qui étaient au syndicat on va les foutre au camp de concentration. Alors je vais t’enseigner quelque chose que peut-être tu peux t’échapper de ça. On dit que tu étais révolutionnaire. Justement, en ce moment, il y a ceux qui étaient avec les Allemands, la gestapo et aussi un patron de Maisons, chef de la milice qui cherche quelqu’un pour travailler. Et il trouve personne. Si tu te fais connaître, lui il te parera peut-être... si tu travailles bien." 
Mon père est allé là-bas on est partis de Durban pour aller à Maisons. Les Allemands sont venus. Il y avait déjà un an, un bon moment qu’on était à Maisons. Ils ont dit au patron, le chef de la milice :
« Vous savez que vous employez un communiste ?
- Comment vous le savez que c’est un communiste ?
- Oui, on le sait. On a vu sa signature sur les papiers du syndicat...
- La signature de Sabater, c’est pas possible : mon ouvrier il ne sait ni lire ni écrire. Mon ouvrier quand je lui donne le salaire, il fait une croix ou des fois il met le doigt. »
Grâce que mon père et ma mère ils ne savaient ni lire ni écrire, ça les a sauvés ! » 

photos autorisées :
1. François Dedieu "Vendanges au Courtal Cremat" (route de Saint-Pierre-la-Mer) 1960 ? 
2. Paraza le pont sur le canal author Oyoyoy (commons wikimedia).
3. Château de Durban auteur ArnoLagrange (commons wikimedia).

lundi 26 septembre 2016

LES CORBIÈRES XI / Le Verdouble a tourné la « pierre percée ».

Concernant Duilhac (1), n’oublions pas la mention « sous-Peyrepertuse » pour le château  que la commune entretient et fait visiter. Elle contribue également à la restauration des vestiges (État 50 %, région 15 %, département 15 %, commune 20 %). 


Dans les gorges, sur le site de l’ancien moulin à blé de Ribaute, les cascades se visitent et la baignade est surveillée sur le plan d’eau aménagé pour un prix raisonnable (4€ le parking gardé)... Dommage les témoignages négatifs et peut-être excessifs sur Tripadvisor (mauvaise humeur de la préposée au paiement, passerelle enlevée quand personne n’est là pour les billets)... Quoi qu'il en soit, la manne touristique n'est pas sans inconvénients : l’afflux sinon l’invasion et le manque de tranquillité pour celui qui vit dans un « village-musée-zoo » !

Et puis ne vaut-il pas mieux rester caché pour vivre heureux ? Nous avons laissé les petits villages du haut Verdouble, apparemment oubliés, parcourus seulement par quelques originaux irréductibles ou par des originaires revenus pour les vacances. Déjà que l’administration fiscale, elle, ne les oubliera pas de sitôt (la faute surtout aux maires trop dépensiers !),  surtout qu’ils n’envient pas trop les animations festives de Duilhac, le voisin ! Parce qu’au pied de Peyrepertuse, « fils de Carcassonne » les impôts (237) et surtout la dette (10904) s’élèvent à 11163 €/habitant et que chaque Duilhacais est endetté d’autant (10904) soit 20 fois ce que paie un Estagellois à l’autre bout du Verdouble (2014 année de référence) (2) ! Un abîme de prélèvements, autre acception de l’appellation « Citadelles du vertige » (1966), de Michel Roquebert, pour ces châteaux de la frontière. Ah, il a l’air malin le jeune maire dynamique, pavanant devant la caméra, style « jeune dynamique gérant le patelin comme une entreprise » (3) ! Entre la génération trop entreprenante pour se faire une place au soleil et l’État, ce vieux barbeau refusant de réduire un train de vie dispendieux , il n’y a apparemment pas de place pour une gestion en "bon père de famille" ! « Quaucun pagara ! », Quelqu’un paiera !   
Pour être de Fleury, station balnéaire, je crois pouvoir dire qu’en contradiction avec la réputation a priori de territoire riche, une commune touristique brasse un grand flux d’argent qui ne profite malheureusement qu’à une petite minorité alors que la grande majorité des contribuables paie l’addition. Si les premiers se tiennent les coudes et comptent leurs sous, les seconds laissent faire, plaie d’argent n’étant pas mortelle. Ces petits villages, dont Cucugnan aussi, qui feraient vivre ces Corbières déshéritées, ne dérogent pas à la règle ! Et nous n’avons pas  évoqué la spéculation immobilière causée par la renommée (un certain snobisme aussi) et qui, faisant grimper les prix, interdit à des locaux de rentrer au pays ! Est-ce que les résidences secondaires, fermées une grande partie de l’année, sont un pis-aller pour maintenir la vie dans ces pays reculés ? 

Et dire que nous étions là pour un bol d’air et de fraîcheur ! En contrebas de Duilhac la source de la Trincade nous ramène à l’eau, élément vital. Celle-ci est réputée pour enivrer d’amour... « "Quiconque en boira, qu’amoureux il devienne" Ronsard » dit l’inscription apposée. La qualité de cette eau qui, jusqu’en 1921, actionna les meules du moulin à huile était si appréciée qu’on venait de Paziols et même de Tuchan où deux moulins tournaient pourtant.
«... Le village conserve son centre médiéval appelé le "Fort"... » nous apprend encore le site de la mairie.

Même incognito, sous un béret trop voyant, derrière des lunettes de soleil, les écouteurs enfoncés, oserai-je, après ce que j’ai dit, m’y promener en touriste curieux, en voyeur ? Les écouteurs, je vous rassure, c'est pour écouter Nougaro...

« Il scintille le Verdouble
Mais le cours de son argent
Ni les dollars ni les roubles
Ne te le paieront comptant... »
Claude Nougaro. Le Verdouble

... Les artistes, à l’instar des lichens pour la pollution atmosphérique, possèdent ce don d’alerter, de mettre l'accent avant que l’opinion, toujours en retard d'une bataille, n’en convienne... Tandis que, depuis peu, certains retournent leurs poches percées, le Verdouble, lui, depuis longtemps, contourne Peyrepertuse, la « peiro pertuso », la pierre percée qui a donné son nom au château, sentinelle de la frontière et surtout gardien de notre passé.     

(1) Duilhac-sous-Peyrepertuse par arrêté préfectoral des années 70-80... Le château médiéval attire près de 100.000 visiteurs par an (10ème place des 200 sites nationaux préférés des Français (110.000 déjà en 2004 ?)
http://www.lindependant.fr/2016/03/14/peyrepertuse-dans-le-top-10-des-sites-preferes-des-francais,2170032.php)
(2) http://www.contribuables.org/argus-des-communes/
(3) http://www.chateau-peyrepertuse.com/french/entretien-avec-sebastien-pla-maire-de-duilhac-sous-peyrepertuse,43,51,section,modules,contenu-mc.html 

photos autorisées 
1. Château de Peyrepertuse Duilhac-sous-Peyrepertuse Prost.photo 
2. Corb Carte_des_Corbières.svg auteur Boldair

samedi 24 septembre 2016

ITINÉRAIRE D’UN ENFANT GÂTÉ (IV) La Bourgogne profonde

Préalable : ce carnet de voyage est rempli d’erreurs assumées. Les corrections, grâce à l’Internet, ne viennent qu’après coup, en notes de bas de page. Merci.

Après le Café du Loup, une autoroute en direction du nord-est se remarque... Vers Dijon ou déjà vers la Lorraine (1) ? Toujours douter, principe aussi sage qu’universel. Réfléchir, quel qu’en soit le prétexte, par plaisir, pour contrebalancer les impressions trompeuses. 

Des grognements venus d’ailleurs se font entendre et comme quand elle lui a fait baisser le son de son jeu, la mère arrive à faire taire son second en répétant fermement « Non ! Non ! Non ! » tout en le pointant du doigt.
Qu’il faut être courageux pour élever un enfant trisomique ! Et pour en désirer un troisième ensuite ! Sinon, ce courage là ne s’appelle-t-il pas simplement et seulement "amour" ? L’acception d’un mot si banal s’oppose aux significations diverses qu’il revêt, complexes, déclinées comme autant d’exceptions sur-mesure. 


Sur un coteau, un village et ses pivots jumeaux, le château et l’église (2). Jusque là, les localités (le doit-on à ces vallons multiples et reclus de Bourgogne avec en bas les veaux au pré et les bois sur les croupes ?) vouées, on dirait depuis toujours, à l’élevage des charolais à viande, ne sont pas enlaidies par ces lotissements si communs partout, certes fonctionnels, adaptés au présent, mais se fondant difficilement avec l’architecture et l’histoire du pays. Quelque part à droite, Henri Vincenot (3) a enlevé les ronces pour rebâtir un hameau perdu... Quelque part dans la forêt, j’imagine le chêne vénérable qu’il étreignait de ses deux bras pour fortifier tant le corps que l’esprit... 


Sur ce rebord où naissent tant de cours d‘eau partis sillonner le Bassin Parisien, la maison typique présente des dimensions modestes : un parallélépipède plus haut que large coiffé d’un simple toit à double pente où l’ardoise a remplacé la tuile des bords de Saône. Qui a connu, au dos des boîtes de cacao (mais je peux me tromper), ces petites maisons des pays de France à découper puis à monter ? La magie d'un volume qui prend forme grâce à d'insignifiants onglets ! Qu’est-ce que j’ai pu aimer la cave du vigneron, l’étable attenante, la treille sur l’entrée bien exposée, le pigeonnier, ces noms de provinces, toute une géographie historique faisant autrement rêver que le blouguiboulga imbuvable des régions aujourd’hui empilées, jumelées, conglomérées, triturées par nos politicards dévoyés ! 


Petite rivière qui t’attarde sur le sable de tes contours concaves, qui es-tu ? Ce sont encore les vacances et je crois voir des gamins qui font tourner des moulins, d’autres qui cherchent des écrevisses sous les racines tandis que, plus sérieux, un grand surveille son bouchon. C’est seulement un des effets de l’anachronie passéiste qui m’affecte : la petite rivière (4) serpente, solitaire, sans même la vache regardant passer le train... 

(1) le Café du Loup (Saint-Martin d’Auxy / Saône & Loire). Sur le site http://www.cafeduloup.com/indexPC.htm, une photo de l’établissement avant 1903 ! De nombreux voyageurs l’ont découvert et le scrutent depuis le TGV : de nombreux messages en témoignent.  Pour les menus, il faut attendre le 26 septembre, date de la réouverture. Et si quelqu’un peut nous dire si les loups y étaient jadis plus nombreux qu’ailleurs...
L’autoroute, elle, se trouve plus loin : il s’agit de l’A6, à hauteur d’Avallon.
(2) Quel village ? Sur la carte, un nom se présente : Sully... Sauf que, si la mention du nom d’un vieil ami perdu m’a aussitôt frappé (je lui ai écrit aussitôt), le château, lui, est plus "Moyen-Age" que "Renaissance". Voyons, après l’autoroute... bon sang mais c’est bien sûr ! Ce ne peut être qu’Époisses ! Cela valait bien la peine d’en faire un fromage !  
(3) « L’alezane encensait au mitan de la sommière » Ma préférée ! Dire que son professeur de lettres, oublieux de l’histoire des mots, osa prétendre que ce n’était pas du français ! Tout un symbole !
Et en remontant sa trace, je tombe visiblement sur "La Billebaude" offerte (magie du Net) et que je vais illico relire plutôt que de débiter mes sornettes !
(4) Un ru juste après Époisses ou le Cléon ?.. de quoi en entretenir le charme... 

photos autorisées commons wikimedia
1. Château d’Époisses / auteur Cjulien21. 
2. Le pays d'Henri Vincenot / auteur Samrong01. 
3. Ce style de maison, pas le château et ses vignes author Havang(nl).

vendredi 23 septembre 2016

TOUR DE L’ÉTANG DE VENDRES (IV) / Mont de l’AQUAEDUCTUS, mamelon de VÉNUS...


Le soleil cogne. L’heure d’été le devance de deux tours : il est quatorze heures avec la chaleur de midi ! Et ce piémont du plateau en amplifie la portée ! La sécheresse a sévi cette année et les grains de raisins sont secs comme chevrotines. Heureusement que le bord de l’étang est arboré, contrairement à l’aval, vers le grau où la salinité domine. Une maison à gauche, sous les peupliers et les frênes ; un panneau indique « La Foulquière », un nom évocateur pour un rendez-vous de chasseurs. Depuis un moment, nous allons à rebours du chemin vicinal menant à Sainte-Germaine ; il est mal foutu, mal entretenu : tant mieux pour la tranquillité qu’on y gagne. Sur le versant, encore un panneau qui, cette fois, montre où voir ce qui fut un aquaeductus, un aqueduc des Romains. A des lieues du pont du Gard, ces vieilles pierres comptent, néanmoins : elles confortent dans l’idée que le coin, et à plus grande échelle le Languedoc, a toujours été favorable à l’installation humaine. Du temps des Romains, le site devait beaucoup ressembler à ce qu’il est aujourd’hui avec peut-être le grau ouvert sur la mer et un étang de Vendres en lagune saline... Nous suivons le sentier, aussi motivés que ceux qui cueillaient des mûres tout à l’heure. Un figuier dans la montée. Là-haut une pinède et la première maison sur sa parcelle lotie. Entre les deux, les pierres de Rome, un tronçon de canalisation, une forme de réservoir aussi peut-être (1). 


Un terrain de pierre terreuse ou de terre pierreuse, jaunâtre, qui rappelle l’oppidum d’Ensérune. Dans mes partis pris simplistes, j’associe la présence grecque au calcaire blanc : Leucate ( de leukós, λευκός  en grec ancien) (2), et plus loin le site archéologique d’Empuriès. Ne me demandez pas pour Agde au basalte noir (Αγαθή Τύχη (Agathé Tyché) (2)... je vous l’ai dit : la subjectivité dans tout ce qu’elle a de contradictoire...
Cette eau venait-elle du plateau du Crès ? L’aqueduc l’amenait-il au temple ? On le voit ce mamelon qui s’avance dans les roseaux, juste sous le soleil de l’après-midi. L’étang s’ouvre à droite comme un éventail piqueté de paillettes d’argent. Quelques oiseaux fouillent les vases. Quelques cris montent jusqu’à nous. Les cigognes doivent vaquer plus loin. 



Le voici, ce fameux temple mais les indications évoquent plutôt des thermes, le repos du marin, le vin du Crès et plutôt des vénus de carrefour que des offrandes pour une traversée réussie (3).
Personne sinon nous et un troupeau de chèvres en ce jour plutôt frais pour la plage. Dans un canalet qui en automne évacue les déluges venus des collines, nous dérangeons un héron pourpré (4), « oiseau entièrement protégé » disait une indication des ornithologues, plus loin, vers le Chichoulet et « qui ne doit pas être dérangé intentionnellement », précise la loi.   

(1)  trouvé sur http://jc34.eklablog.com/vendres-son-temple-de-venus-et-son-aqueduc-antique-a123506760
«... L'aqueduc a été vraisemblablement édifié à l'époque gallo-romaine. Il conduisait les eaux de la source du Théron située sur le flanc Est du Crès à la ville antique. Au titre de la corvée qui existait en 1725 les habitants de Vendres, sous la conduite de l'ingénieur Monsieur de Clapiès, réaménagèrent le conduit souterrain et jusqu'en 1864, les eaux alimentèrent les fontaines du village...»
(2) wikipedia  
(3) «... Deux fours chauffaient l'air qui arrivait dans trois grandes pièces par les interstices du plancher. Ainsi les valeureux romains pouvaient apprécier les différentes températures des pièces selon qu'ils s'éloignaient de la chambre de chauffe. L'étuve (caldarium) assurait une température élevée, puis la pièce tiède (tépidarium) une douceur plus acceptable puis enfin la pièce froide (frigidarium) permettait d'apprécier le bienfait des bains froids... » 
Pour plus de précisions http://jc34.eklablog.com/vendres-son-temple-de-venus-et-son-aqueduc-antique-a123506760
Merci encore jc34 !
(4) je crois qu’en languedocien de chez nous, nous disons « crac » pour ces grands hérons qui volent le cou rentré (confirmé par le dico cantalausa)
http://www.ieo12.org/d7/recerca-diccionari-cantalausa


photos autorisées wikimedia commons : 
1. Vendres étang auteur Fagairolles 34 (au fond, au sud, le massif de la Clape). 
2. Vendres aqueduc auteur Emeraude. 
3. Vendres étang avec vue sur le temple de Vénus auteur Mairie Vendres (au fond au-delà de l'Aude, le village de Fleury). 
4. Vendres temple de Vénus auteur Mairie Vendres. 
5. Héron pourpré photo Pierre Dalous.