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mardi 22 juin 2021

Un vieil Indien dans la ville, version covid, mai 2021(fin)

Sortir, remonter à la surface, faire le distinguo (pourquoi un "u" après le "g" ?) entre Bercy la gare, Bercy le palais des sports arena quelque chose, quand on cherche la gare routière Paris-Bercy-Seine. "Continuez à gauche, allez au fond du parc à droite et vous trouverez les bus" lui répond une tête sympa d'homme à apéro que sa rombière a dompté, sorti par force fumer sa clope. C'est le printemps dans un Paris inédit se laissant aller à la douceur provinciale d'une belle fin d'après-midi de mai. Presque on fredonnerait Aznavour.  Incroyable, ce sont bien des rossignols qu'il entend ensuite en pleine ville comme avant, il y a bien longtemps, au fin fond de son bout de terre, du jardin public, alors qu'un sarcophage de béton n'enterrait pas le petit ruisseau du Bouquet et la source où les villageoises puisaient une eau appréciée ! C'est que la tension nerveuse se détend même si ce grand parc est long à traverser... Quel rapport entre les beaux arbres et les anciens quais pinardiers de la capitale ? Au pied du souterrain des bus, une aire à se builder le body où des éphèbes noirs jouent à la surenchère physique. Une dernière porte, à force, juste derrière, un essaim de gens à charger les soutes ; un chauffeur dispatche les valises : j'entends "Montpellier", inutile d'aller jusqu'aux panneaux de départ car c'est mon car. 

" Pour Béziers, montez-la là." Va pour la valise. Suite au contrôle du QRcode, son collègue fait monter tout le monde à l'étage. Au moins sur les premiers rangs nous disposons de la place à côté. Devant et aussi sur les sièges à droite, deux originaires d'Afrique du Nord. Derrière, après l'escalier pour le poste de pilotage et l'accès avant d'où nous parviendrons des échanges entre chauffeurs, une jeune femme petite, en short et collants sur des cuisses bien en chair va être un moment bien plus audible au téléphone même si sa langue peut-être de Cochin ou d'Indochine lui garantit une vie privée relativement protégée. Le car démarre. Les chauffeurs présentent et leurs personnes et le voyage... 

"Nous avons disposé des sacs plastique pour les déchets alimentaires... Nous devons prendre quelqu'un à Orly avant une première pause aux Lisses (il croit comprendre Les Ulis). Pour les toilettes, puisqu'on sait qu'au matin c'est la mort, nous prévoyons des haltes régulières... alors, seulement en cas de nécessité... je pense que vous comprenez le problème..." 

Ce n'est qu'un appel au savoir-vivre... Et si cela facilite le boulot de ces pros de la route... A Orly le car perd un bon quart d'heure qu'il ne rattrapera pas... Et ce premier arrêt à l'aire des Lisses, qui paraît prématuré même pour une pause-pipi. Idem concernant le suivant sur l'aire Auxerre Châblis : une impression à vérifier par la suite. Le wifi fonctionne bien mais la fatigue pousse à un sommeil peut-être pas très confortable mais qui permet de récupérer, par tranches et qui avale les kilomètres. 

 

Lyon, Perrache, la brasserie Georges le replongent près d'un demi-siècle en arrière, dans une vie antérieure prenant à bras le corps un avenir à deux, si loin, si proche à la fois... Elle, dix-huit ans, robe vermeil-bordeaux-grenat grosses gouttes d'eau sur un ventre rond d'autant plus beau (1). La choucroute venait après  "The French Connection", le film... Après Feyzin, arrêt à Solaize, bienvenu celui-là même si faute de trouver les toilettes, il amende le pied d'un bosquet de vergnes. Une constante le long du parcours, l'envahissement par les poids-lourds du moindre espace où stationner : de quoi méditer sur le fiasco du ferroutage malheureusement en phase avec la nullité crasse générale des politiques incestueuses dégénératives (2) depuis plus de trente ans ! Le voisin de devant s'est allongé jusqu'au siège après le couloir et l'autre, poli et compréhensif, enjambe sans le réveiller, sans lui signifier qu'il empiète. Givors, encore un volet défraîchi de sa vie, deux petits garçons qui poussent, les barres HLM des Vernes que soulignent les lumières alignées... le numéro dix rue Romain Rolland...

Marguerites (environs de Nîmes) puis Montpellier et ce jeune qui à peine monté demande si les toilettes sont ouvertes. Ils ne peuvent pas s'empêcher, les chauffeurs de remarquer qu'il aurait pu utiliser celles de la gare routière... Avant Béziers, c'est mon tour et le gros au volant, hypocrite au possible, semble ne pas savoir où elles se trouvent, les toilettes. Pas de mauvaise volonté de ma part, mais après 300 kilomètres et le temps supplémentaire à rejoindre les gares routières ou est-ce à cause du sang que je pisse rosé... aïe, ce calcul au rein, à laisser tranquille tant qu'il ne pose pas problème, parole de docteur mais treize ans en arrière, pointant qu'il était long comme une mine de crayon... La responsabilité ? Presque je l'imputerais à ce bus pourtant récent mais qui tressaute et plus encore lorsqu'il pousse une pointe comme quand le gonflage ou l'équilibrage des pneus laisse à désirer. Mais non, c'est seulement que ma migration a brusqué d'un coup ma vie de patachon sédentaire. L'âge et l'usure du temps n'arrangent rien...  

Béziers Plateau des poètes wikimedia commons Author Tournasol7

Béziers Plateau_des_poètes wikimedia commons Author Tournasol7

Béziers Allées Paul Riquet et théâtre Wikimedia commons Author Demeester
 

Béziers ... Nous passons par les arènes et pas par la gare : je n'avais pas prévu... Il est neuf heures moins vingt : le retard se monte à quarante minutes. Et le beau-frère qui m'attend en bas. Avec deux tours d'avance sur l'heure vieille, la ville, presque déserte, a gardé une fraîcheur nocturne qu'un bassin rayonnant accentue de ses jets cascadants, un mirage presque dans un pays où la sècheresse reste un mal chronique. Le Théâtre, les Allées, deux compagnons du Sidi Brahim ou du moins bien marqués par une nuit de libations. Mieux vaut infléchir sa  trajectoire. La statue de Pierre-Paul Riquet, elle, oblige à passer prudemment une paire de marches par égard aux roulettes de la valise à fleurs si fidèle. En bas des Allées, plutôt que de contourner, le plaisir de descendre par le Plateau des Poètes. Indisponible pour en apprécier les statues, les sculpteurs, la rondeur des contours en accord avec les courbes de niveau, sur le premier des bancs, il croise un jeune en marge, sur le second, une femme noire qui récupère à côté de deux lourds cabas. Retenu par sa priorité, pas une seconde, il n'a la curiosité ni de jauger son âge, ni de regarder en douce si elle a quelque charme. Le Plateau des Poètes, les mariés y prenaient des poses avec famille et invités. Elle, vingt-quatre ans, brune au visage diaphane avec du rose aux joues, robe longue d'un bleu soyeux, cintrée sous une poitrine décolletée. Lui dans un costume en velours, bleu aussi, noeud pap, moustache pour se poser, cheveux mi-longs... Et puis qu'est-ce que ça peut faire ? Lui il l'aimait, mal sûrement... mais elle ? Un homme promène son chien, il se demande si la crotte restera ou sera ramassée. Neuf heures bientôt et pourtant une ville comme ankylosée encore même aux abords de la gare...        

Traversée d'une France profonde depuis le RER, le métro parisien, le quartier de Bercy, le bus, la ville de Béziers, une France diverse sans ressenti négatif du point de vue sécuritaire, sans menace idéologique ou religieuse prégnante mais avec le sentiment que la vieillesse fait de moi un être déphasé et déjà sur le bas-côté. Sont-ils aussi un effet de l'âge ces éclats d'un passé qu'on croyait fantôme, qui reviennent si fort et sans demander la permission ?  Pour un couple, même si ce n'est pas rater une vie qui peut se poursuivre positivement, la fin, la séparation, le divorce expriment un échec pour ce qui a été entrepris et ce qui est susceptible de déstabiliser, de mettre en danger des enfants petits ou grands, eux qui n'ont rien demandé mais subissent la destruction d'un équilibre.   

Mais ce ne sont que les élucubrations d'un Wisigoth déphasé, nostalgique de ses trente glorieuses mais plus synchro du tout avec la marche d'un monde imprévisible et pour le moins inquiétant. 

(1) motif paisley indien me dit le web. 

(2) tout dans la gueule et à mentir sans vergogne les yeux dans les yeux... Et des collusions avec la finance libérale s'apparentant à une tare de consanguinité... 

PS : les étapes très inégales du trajet Paris-Béziers laissant à penser qu'il faut une remorque septique : Les Lisses 43 km / Auxerre Châblis 131 km / Solaize 299 km / Béziers par Marguerites et Montpellier 356 km.   

 

mercredi 24 mars 2021

NISSAN-lez-Ensérune (3), la colline percée, les tunnels du Malpas.

Carte topographique IGN


Photographie aérienne IGN

 Après les hauteurs d'Ensérune (dit aussi un temps Ensédune peut-être en référence à "dunon" le nom celte et préromain signifiant à la fois, "citadelle fortifiée" et "mont, colline, hauteur"), l'importance des lieux extérieurs à l'enceinte du village s'impose et d'abord l'accès au site historique, un isthme en quelque sorte, permettant à la route qui monte à "l'oppidum" d'être déjà à 50 mètres par rapport aux 20 m. de l’Étang de Montady au nord et à la trentaine de mètres, côté Nissan. L'endroit, pourtant, porte le nom de Malpas, le mauvais passage !

Nissan Malpas_tunnel_in_the_Canal_du_Midi,_western entrance panoramio wikimedia commons Author Maarten Sepp


 
Nissan Malpas_tunnel panoramio wikimedia commons Author Satyam

Nissan Malpas_tunnel_-_panoramio wikimedia commons Author Satyam

Justement, lors du creusement du Canal Royal de Languedoc, fin 1679, il se confirme que c'est un mauvais passage quand Pierre-Paul Riquet bute sur ce mur d'une pierre friable et sujette aux éboulements ! Il est dit que Riquet a engagé ses deniers personnels et même que ses héritiers durent payer pour son idée or l'épisode d'Ensérune vient nous rappeler que l'exécutif avait la main sur le projet. Rapidement informé des difficultés, Colbert envoie ses commissaires et en attendant leurs rapports, fait arrêter le chantier (1). Passant outre, Riquet demande au maçon Pascal de creuser discrètement une galerie... ce qui fut fait, en huit jours. Paul Riquet invite alors l'intendant décisionnaire à  se rendre compte de la réalisation : les travaux reprennent. Au bout de quelques mois (automne 1680) le creusement du premier tunnel-canal au monde est réalisé (173 m. de long, 6 m. de large, 8,5 m. de haut, 30 arches de soutien). 

Le Malpas devant son nom à la mauvaise réputation de l'endroit (2) était déjà percé depuis le XIIIe siècle (charte en date de 1247) par un aqueduc souterrain destiné à vidanger l’Étang de Montady enchâssé sans exutoire naturel mais si esthétique pour sa géométrie originale, à cause de cette contrainte. Creusée à moins 30 mètres, cette conduite de 1,364 km de longueur débouche de l'autre côté prenant le nom de Mayre (merci de prononcer séparément le "y", comme un i tréma) ; elle a nécessité 20 ans de travaux. La carte topographique indique une source à l'altitude de 20 mètres, est-ce la sortie de l'aqueduc ? Le ruisseau intermittent de Notre-Dame conflue aussi dans le secteur mais les tirets bleus de son cours butent mystérieusement sur la ligne de chemin de fer et la source de la Mayre sur la carte ainsi que les vues IGN n'apparaissent pas sur Google Earth où le débouché d'une canalisation est néanmoins manifeste. Moralité : faut y aller ! 

Étang de Montady Hérault France Seen from the hill over the Malpas tunnel in the Canal du Midi panoramio wikimedia commons Author Maarten Sepp


A deux mètres seulement sous le Canal du Midi (- 10 m) et au-dessus du drain de l'étang (- 30 m) a été aussi creusé le tunnel de la voie ferrée Bordeaux-Sète ( - 20 m) (ligne ouverte en 1857).  

(1) Le chantier aurait néanmoins été mené à bout avec son passage à Béziers puisqu'il ne reste plus qu'à joindre le tronçon déjà prêt (1675) entre la ville et Marseillan sur l’Étang de Thau. Par ailleurs, la décision avait été prise de faire aboutir la voie d'eau à la ville nouvelle de Cette (1666 première pierre). L'ancien cours de l'Aude et le passage par Narbonne (aujourd'hui la Robine) offrait une possibilité vers la mer mais Port-la-Nouvelle n'était pas encore sortie des sables et la traversée du fleuve trop inconstant posait problème. Le tracé aurait pu rallier les étangs (Capestang, Lespignan, Vendres) mais là encore en craignant les caprices de l'Aude tout proche. Et puis, comment concevoir qu'après Narbonne, Béziers, ville natale du concepteur de l'ouvrage qui plus est, ne soit pas desservie ?  

(2) A Cuxac-d'Aude, un dicton disait "Sios fait quand passes lou pount qu'es veit ouros !" (tu es fait si tu passes le pont et qu'il est huit heures).

mercredi 6 janvier 2021

A la recherche du POUMAÏROL perdu (3)... DES POISSONS, LE SOMAIL, LE CANAL, MIREPEISSET.

 Serge et Roger sont en route pour le mystérieux pays perdu du Poumaïrol, un plateau aux confins de l'Aude, du Tarn et de l'Hérault. C'est une chronique vieille de plus d'un siècle qui les a fait bouger. Elle  parle des filles de là-haut, si taquines et provocantes, ce qui ne manque pas d'émoustiller nos deux complices dont les souvenirs et les yeux pétillent encore... 

Leur camping-car a mis le cap vers la montagne et d'abord les garrigues même si le vignoble y reste très présent. L'itinéraire franchit l'Aude et reste parallèle au cours de la Cesse. Ils viennent de traverser le village de Saint-Marcel. 

Pour plus de précisions voir : 
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2020/12/vignobles-de-la-plaine-chataignes-des.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2020/12/ces-vieux-schnoks-errants-quon-les.html
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2021/01/chateaux-pinardiers-chansons-boire-la.html
 
Roger : pourtant il y a des poissons et des pêcheurs bien sûr, enfin qui passent j'espère plus de temps à préserver qu'à prélever la ressource. Ils les sauvent même quand il ne reste plus que quelques flaques... J'ai eu lu que les espèces étaient nombreuses contrairement à ce qu'on pense : goujons, ablettes, vairons, gardons, anguilles, chevesnes, carpes, brochets et même le rare barbeau méridional. 

Serge : Oh là ! On voit que tu étais souvent à Aude toi ! 
 
R. : ah la pêche... tu sais qu'en été les muges, bouillis, en bourride, au four ou au grill arrangeaient bien le budget des familles nombreuses et modestes. On entendait les loups, aussi, chasser dans les canotes... Maintenant, avec le barrage anti-sel, nous avons plutôt des espèces d'eau douce et avec le sandre venu du Danube, le silure et sa grande gueule... 
 
S. : tu peux le dire : une vidéo les montre à Albi à l'affût des pigeons qui viennent boire et se baigner... Vous ne savez pas ce qu'ils bouffent ! 
 
R. : j'en ai parlé à Max. J'espère qu'il pourra m'en dire davantage lui qui connaît, pour ne parler que de notre secteur, jusqu'à l'étang de Capestang mais que veux-tu, on n'a le temps de rien. 
 
Chapelle et pont en dos-d'âne Le Somail wikimedia commons Auteur Thierry de Villepin

Le Somail panoramio wikimedia commons Auteur jquintana
 
S. : Le Somail, à un jet de pierre, un joli coin, un pont en dos d'âne, une vieille auberge pour le coche d'eau, une librairie avec 50.000 vieux livres ! Et le Canal du Midi bien sûr. 
 
R. : à partir d'ici, le canal s'écarte vraiment de l'Aude au débit trop capricieux et dangereux. Au début, ils envisageaient de rejoindre l'étang de Vendres pour de là, filer vers Agde... Alors est-ce pour cette raison ou parce que Riquet était de Béziers qu'il est passé par la "capitale du vin" ?  

S. : c'est joli comme coin, maintenant si les platanes sont condamnés à cause du chancre doré, l'ombre des grands arbres sur le chemin de halage ne restera que dans nos souvenirs et les photos et vidéos à montrer aux jeunes générations... Je ne sais plus quel est le couillon qui a osé dire que nous vivions une époque formidable... 
 
Le Somail Canal du Midi wikimedia commons Auteur Thierry de Villepin

R. : hophophop tu dérailles là ! justement "l'Epoque Formidable" c'est un film avec Jugnot au chômage qui rejoint des SDF... c'est une antiphrase... 

S. : antiphrase ! pléonasme ! ton français savant me fatigue... 

R. : dis donc ! "pléonasme" c'est toi qui l'a dit je te signale ! Moi je ne connais que l'anaphore parce que je pense à ce rigolo qu'on a eu comme candidat et malheureusement aux commandes aussi... "Moi président, moi président" je crois que c'est ça l'anaphore mais je ne m'en souviens qu'en pensant à la tête d'amphore de Hollande... 

S. : je veux bien que tu personnifies un col d'amphore en tête vineuse sinon, excuse-moi mais ça ne veut rien dire... 

R. : Si, ça veut dire qu'il m'a dégoûté mais qu'au moins grâce à lui, je connais au moins l'anaphore... 

S. : un moyen mnémotechnique... 

R. : et tu me dis ça la bouche en cul de poule ! Tu ne disais pas il y a une seconde à peine, que le français savant te fatigue ? 
 
S. : Tu as finis oui ?!?! Tiens regarde à droite, Mirepeisset, en occitan au mot à mot "regarde les petits poissons"... 
 
R. : oui si les silures ne sont pas là pour les avaler parce qu'à Sallèles ils ont terrorisé les canards à une époque ! 
 
S. : Et alors ? 
 
R. : et alors la mairie, plutôt pour les canards si mignons aux yeux des promeneurs, a fait une battue, je ne sais pas s'ils ont vidé le canal de jonction mais ils se sont débarrassés des silures... glanes ! Nous arrivons au carrefour de la Minervoise, un rond-point plus qu'utile parce qu'il y a eu plus d'un accident mortel ici, du temps où il y avait un stop et que la vitesse n'était pas limitée !  

S. : et la Cesse cesse pour nous... 

R. : ça se sait et ça s'est su, c'est selon... elle cessa, c'est ça, on la laisse et Bize avec, dont on a parlé il y a peu ; on la retrouvera dans sept kilomètres, à Aigues-Vives je pense... 

jeudi 18 octobre 2018

VENDANGES, GABACHES & honorables CORRESPONDANTS


« L’Itinéraire en Terre d’Aude » 1936, Jean Girou :

« … la vendange s’annonce belle, à moins que la grêle ne ravage tout ou que les pluies ne changent le raisin en pourriture. Quelles sollicitudes ! Quelles inquiétudes ! Enfin, c’est le moment de la coupe :  les vendanges. Dans ce nom, il y a de la joie, des cris ; les colles sont toujours joviales, les gabaches ou montagnards descendent de la Montagne Noire, des Cévennes, de l’Ariège et viennent vendanger au Pays bas, à Béziers, Narbonne, puis Carcassonne ; après un mois de gaîté et de travail, ils remontent à la montagne, avec un petit pécule… » 

Beziers - Les vendanges, coupeuses et porteurs Wikimedia Commons Author unknown

Girou note l'importance de l'apport de main-d’œuvre supplémentaire venu des Pyrénées ou du Massif-Central. Les montagnes avaient alors du mal à nourrir une population nombreuse et les hommes encore jeunes, sans parler des colporteurs et autres montreurs d'ours de l'Ariège, par exemple,  partaient faire les moissons, revenaient assurer les leurs plus tard dans la saison et repartaient à nouveau dans le bas pays pour les vendanges. 

Cette dynamique de contreparties va durer jusque dans les années 50, confortée par les échanges en temps de guerre entre produits fermiers contre vin. Mes grands-parents ont gardé des liens avec leurs correspondants dans la Creuse. Papa en parle dans Caboujolette :


"... C'est l’oncle Noé qui avait déniché Adrien Petiot (pas le sinistre docteur !) à Chaulet, commune de Sainte-Feyre (Creuse), et cette famille s’est montrée très compréhensive. Exemple :

« 27 mars 1944. Monsieur Dedieu, c’est avec plaisir que j’ai reçu votre lettre du 22 mars me disant que vous m’expédiez un fût de 233 litres de vin (comme vendangeur). S’il pouvait seulement arriver sans encombre en ces jours sombres que nous vivons. Je vous en remercie infiniment car soyez assuré qu’il sera le bienvenu. Aujourd’hui 27 mars, je vous envoie une caisse de 19 Kgs 500 qui se compose comme suit : caisse 5Kg 500, farine 1Kg 800, lard gras 700 grammes, œufs 1 douzaine, pommes de terre 10 Kgs. Aussitôt reçu, par retour du courrier, vous m’aviserez si tout est bien arrivé (…/…) vous me la retournerez aussi le plus vite possible pour que je vous la renvoie aussitôt, nous ne faisons pas le pain, c’est le boulanger qui le fournit, on se débrouille pour la farine.../...


... Il était venu avec sa femme vendanger, une année. C’est lui qui se levait de sa souche, chaque fois, quand l’oncle Noé chantait



« J’ai mal occu… j’ai mal occu…

J’ai mal… occupé ma jeunesse :

J’ai troP été, j’ai troP été,

J’ai trop été dissipateur »



Il se levait encore lorsqu’on racontait « la dernière » d’Henri Sales, le père de Jeannot, parlant d’un cochon gras … de six mètres de long, et pesant la bagatelle de 450 kilos.



« Oh ! mais alors, il était maigre ! » avait-il dit..." 

Wikimedia Commons Vendanges_dans_l'Hérault_à_la_fin_du_XIXe_s_côtes-de-thongue (2)



Puis le vin a cessé d'être considéré comme une nourriture chère et recherchée là où les vignes ne poussaient pas. La mécanisation, le désir de vivre et non plus de survivre ont vidé les régions montagneuses à l'écart... Les gens de la Creuse et de la Haute-Loire (75 % des vendangeurs extérieurs) se sont tournés vers les plaines industrieuses. Jean Ferrat en a bien témoigné dans sa chanson "La Montagne" (1964). Un irrésistible exode rural a poussé ces ruraux à devenir ouvriers ou employés dans les grandes villes. 

Au milieu des années 50, ce sont les Espagnols qui vont contribuer à fournir la main-d’œuvre si nécessaire aux vendanges.