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jeudi 18 octobre 2018

VENDANGES, GABACHES & honorables CORRESPONDANTS


« L’Itinéraire en Terre d’Aude » 1936, Jean Girou :

« … la vendange s’annonce belle, à moins que la grêle ne ravage tout ou que les pluies ne changent le raisin en pourriture. Quelles sollicitudes ! Quelles inquiétudes ! Enfin, c’est le moment de la coupe :  les vendanges. Dans ce nom, il y a de la joie, des cris ; les colles sont toujours joviales, les gabaches ou montagnards descendent de la Montagne Noire, des Cévennes, de l’Ariège et viennent vendanger au Pays bas, à Béziers, Narbonne, puis Carcassonne ; après un mois de gaîté et de travail, ils remontent à la montagne, avec un petit pécule… » 

Beziers - Les vendanges, coupeuses et porteurs Wikimedia Commons Author unknown

Girou note l'importance de l'apport de main-d’œuvre supplémentaire venu des Pyrénées ou du Massif-Central. Les montagnes avaient alors du mal à nourrir une population nombreuse et les hommes encore jeunes, sans parler des colporteurs et autres montreurs d'ours de l'Ariège, par exemple,  partaient faire les moissons, revenaient assurer les leurs plus tard dans la saison et repartaient à nouveau dans le bas pays pour les vendanges. 

Cette dynamique de contreparties va durer jusque dans les années 50, confortée par les échanges en temps de guerre entre produits fermiers contre vin. Mes grands-parents ont gardé des liens avec leurs correspondants dans la Creuse. Papa en parle dans Caboujolette :


"... C'est l’oncle Noé qui avait déniché Adrien Petiot (pas le sinistre docteur !) à Chaulet, commune de Sainte-Feyre (Creuse), et cette famille s’est montrée très compréhensive. Exemple :

« 27 mars 1944. Monsieur Dedieu, c’est avec plaisir que j’ai reçu votre lettre du 22 mars me disant que vous m’expédiez un fût de 233 litres de vin (comme vendangeur). S’il pouvait seulement arriver sans encombre en ces jours sombres que nous vivons. Je vous en remercie infiniment car soyez assuré qu’il sera le bienvenu. Aujourd’hui 27 mars, je vous envoie une caisse de 19 Kgs 500 qui se compose comme suit : caisse 5Kg 500, farine 1Kg 800, lard gras 700 grammes, œufs 1 douzaine, pommes de terre 10 Kgs. Aussitôt reçu, par retour du courrier, vous m’aviserez si tout est bien arrivé (…/…) vous me la retournerez aussi le plus vite possible pour que je vous la renvoie aussitôt, nous ne faisons pas le pain, c’est le boulanger qui le fournit, on se débrouille pour la farine.../...


... Il était venu avec sa femme vendanger, une année. C’est lui qui se levait de sa souche, chaque fois, quand l’oncle Noé chantait



« J’ai mal occu… j’ai mal occu…

J’ai mal… occupé ma jeunesse :

J’ai troP été, j’ai troP été,

J’ai trop été dissipateur »



Il se levait encore lorsqu’on racontait « la dernière » d’Henri Sales, le père de Jeannot, parlant d’un cochon gras … de six mètres de long, et pesant la bagatelle de 450 kilos.



« Oh ! mais alors, il était maigre ! » avait-il dit..." 

Wikimedia Commons Vendanges_dans_l'Hérault_à_la_fin_du_XIXe_s_côtes-de-thongue (2)



Puis le vin a cessé d'être considéré comme une nourriture chère et recherchée là où les vignes ne poussaient pas. La mécanisation, le désir de vivre et non plus de survivre ont vidé les régions montagneuses à l'écart... Les gens de la Creuse et de la Haute-Loire (75 % des vendangeurs extérieurs) se sont tournés vers les plaines industrieuses. Jean Ferrat en a bien témoigné dans sa chanson "La Montagne" (1964). Un irrésistible exode rural a poussé ces ruraux à devenir ouvriers ou employés dans les grandes villes. 

Au milieu des années 50, ce sont les Espagnols qui vont contribuer à fournir la main-d’œuvre si nécessaire aux vendanges.