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vendredi 7 octobre 2016

TOUR DE L’ÉTANG DE VENDRES (VI) / "cercaras lou caminus capo Lespignano..."

"Tu chercheras le chemin vers Lespignan..."
Si cette fois le lancement de l’article en latin s’avère problématique, rabattons-nous sur l’occitan si ressemblant, comme dans ce bon mot sur les études, sorti du lycée de Carcassonne par les bons soins d’Yves, le copain de toujours de Trausse, et que papa nous fait partager dans son livre Caboujolette : 

« Alors goujat, de qu’apprénès en latin à l’escolo?
– Tu sais, papa, ça ressemble beaucoup au français et au patois, par exemple “ventus” c’est le vent et “soliolus”, le soleil…
– Ah ! Et coumo se dis « la fourche » ?
– Fourcus.
– Et « le fumier » ?
– Fumus.
– Et le « chariot » ?
– Cariotus.
– Et lou chabal ?
– Chabalus.
– Alors, escouto, amé la fourcus mettras lou fumus sur lou cariotus, attélaras lou chabalus… et à l’escolo, i tournaras pas pus ! » (1)

La promenade, ses platanes, l’honorable Marianne, la fontaine restent derrière (2), espérons que l’eau fraîche ne nous restera pas sur l’estomac tandis que nous repartons vers le Puech Blanc et les limites ouest de l’Étang de Vendres. A la sortie du village, avec les plateaux sportifs et autres terrains d’entraînement, une rangée de robinets, de l’eau à profusion mais l’idée de vider pour cela nos bouteilles ne  nous effleure pas une seconde... Recracher ce don de la terre équivaudrait à rejeter, à trahir. La source, elle est comme ces Vendrois qui payèrent si cher leurs convictions républicaines. Et puis c’est trop facile et quelque part méprisant de prêter quelque foi que ce soit au qu’en-dira-t-on simpliste par nature (pardon pour les pléonasmes), ignorant de l’épisode des déportés pour la République, un avis lapidaire prétendant que ce village ne serait qu’un nid de communistes !
Ça m’ennuierait quand même, que le petit en soit malade. 
Castelnau, un domaine, important avec ses grands et nombreux toits de tuile rouge avec ces vieux pins autour donnant quelque chose d’un parc. D’ailleurs, il y a une chaussée dite « du Parc ». Mais la direction qui nous intéresse est celle de la source sulfureuse passant à l’écart aussi de l’autre campagne du Puech Blanc. Difficile à trouver ce chemin (3)... Pourtant, sur la carte, il y a même une étoile pour cette curiosité... Mais nous avons beau revenir sur nos pas, aller voir plus loin, l'issue est introuvable. Nous traversons une vigne plutôt que de faire un détour par la départementale trop roulante : un talus, d’autres sillons labourés nous arrêtent. Plus qu’une solution : l’étang longé par un chemin. Retour vers le domaine. Pas besoin de traduire le sens interdit certainement en limite de propriété. Au moins, par déduction, la piste à gauche est ouverte au public.


Une pinède avec un point de vue intéressant sur un puzzle de pièces d’eau et de roselières imbriquées jusque loin vers l’horizon plat où se détache le château d’eau de St-Louis des Cabanes ; sauf que la contrariété ne laisse pas le loisir d’apprécier et c'est plutôt la présence des bêtes camarguaises dans les près à droite qui préoccupe. Allons, il faut descendre la pente raide quitte à porter les vélos. Florian n’est pas tranquille. Aussi je reviens pour sa monture, volontaire, décidé, néanmoins faussement serein. Le chemin est en bas, nous n’avons plus qu’à le suivre.

(1) « Alors mon fils, qu’apprends-tu en latin à l’école …/… Ah ! Et comment ça se dit « la fourche »… /… Alors écoute, avec la fourche tu mettras le fumier sur le chariot, tu attelleras le cheval et à l’école, tu n’y retourneras plus ! »
(2) Encore merci à la mairie de Vendres qui a pris soin de rendre publiques et accessibles ses photos, contrairement à ceux qui clament que tout ce qui n’est pas donné ou partagé est perdu...
Un mot aussi pour une recherche historique, toujours sur le site de la mairie, sur les moulins et les meuniers et plus particulièrement un nommé Jean Cassan. Une Histoire mettant aux prises Vendres et Pérignan dans une époque où on ne faisait pas de vieux os ! Une quête passionnante car remarquablement abordée et menée, signée, je crois, Guy Diaz. A lire absolument !
http://www.vendres.com/Files/Media/Le_moulin/Moulin.html#p=1
(3) j’ai cru qu’un chemin existait sous l’inscription justement « Source sulfureuse »... et ce n’est qu’une limite de parcelle... 

 Photos autorisées (commons wikimedia) :
1.  Vendres étang, roselières,village / Benjamin_Sirot_CEN_L_R auteur Mairie Vendres
2. Vendres mairie auteur Fagairolles 34 .

vendredi 30 septembre 2016

TOUR DE L’ÉTANG DE VENDRES (V) / Aqua... interdictus... à la fontaine ! / Fleury en Languedoc


Si la formule en usage, pour les hommes en toge sur le forum, était "aqua et igne interdictus" pour signifier au banni qu’il était interdit d’eau et de foyer, notre propos peut s’en rapprocher puisque, aujourd’hui, après l’aqueduc et le dit temple de Vénus, nous entrons à Vendres, un si joli village. Au pied du clocher à chevet carré, les ruelles tortueuses descendent jusqu’à l’eau fraîche et limpide de la fontaine... un trésor qui profitait jadis à tous ses habitants. 

Un village du Midi, à l’heure de la sieste : une image attachante du Languedoc. Les rues désertes, l’ombre presque verticale tombant devant les portails des remises et des anciennes caves closes sur une pénombre agréable. On est bien aussi, sur le banc, à manger un morceau, à l’ombre apaisante des platanes ! On n’en attend pas moins d’une place de village au sud d’une certaine ligne et le centre de Vendres nous conforte dans un art de vivre tout méditerranéen.
Ces bancs, il fut un temps, s’animaient des discussions vives et des rires des hommes de la vigne, après le repos de l’après-midi. Une pause nécessaire en été quand la chaleur et la longueur des jours fait lever les travailleurs dès l’aube, pour ces journées dites « de longue ». On les voyait même, dès le matin, avant le repas de midi, proprets, changés, rasés, parfumés d’eau de Cologne. D’où l’interprétation dans l’erreur des "estrangers" persuadés de voir des fainéants à peine tombés du lit ! Ah, ces touristes ! 
Des hommes du vignoble ne retentit plus le parler fort et franc (abstraction faite des ragots et autres qu’en-dira-ton... tout n'était pas louable et ce défaut était bien partagé avec les femmes !), tandis que les plus vaillants, ragaillardis, assuraient une seconde journée au jardin, pour les tomates et les haricots verts, à arroser avec l’eau du puits ! Alors les touristes, vous ne saviez pas ? Imaginez si vous pouvez, si vous avez un peu gardé de vos racines paysannes, quand ceux du coin, papi-boomers comme moi, se souviennent !
Autre signe des temps, une femme, tablier et pantalons blancs court dans un sens puis repasse dans l’autre... Si la maison de retraite médicalisée, quelque part derrière, tient d’une norme de vie, et de fin de vie surtout, imposée par la modernité, la mairie, elle, est ouverte, assurant la permanence de la République, en serions-nous à sa cinquième déclinaison décatie ... Et puis, il y a le monument (1) qui va avec, Marianne sur son piédestal et la fontaine, en face, telle une marraine protectrice ! 

Qu’est-ce que c’est beau l’eau qui coule et gargouille !  Dire seulement "C’est beau !" pour ce don du ciel tenant de la magie, c’est un peu court, non ? Ce n’est pas non plus très original d’en appeler à Marcel Pagnol, lui qui sut si bien traduire le monde mystérieux des sources dans son diptyque « L’eau des collines » (2). En bons Méditerranéens, les Occitans comprennent, sans l’ombre d’un doute ! Et pour celui qui passe, quoi de mieux que de s’abreuver et faire halte ? 


Mince alors : le panneau dissuasif « EAU NON POTABLE » nous l’interdit ! Pas possible, j’y ai bu jadis, d’ailleurs les gens venaient en prendre ! Qu’est-il arrivé ? Ce n’est pas l’eau de la ville : ils l’économiseraient... La source ne serait-elle plus fiable ? Ces pesticides partout qui nous empoisonnent la vie ? Une dame rejoint sa voiture, je lui demande « Vous êtes d’ici ? » Mais elle n’est là que depuis peu... pardi, elle parle pointu ! Et ce monsieur qui repasse ?
« A vous de voir qu’il nous dit... les cyclistes s’arrêtent toujours et en boivent, alors... ».
Alors nous aussi ! On verra bien ! Florian qui a le bras plus court choisit le jet le plus proche. Claire, fraîche, délicieuse, l’attrait puis le plaisir en bouche du fruit défendu ! Nous remplissons nos bouteilles.

(1) Trouvé sur le Net : sur la place du 14 juillet, pas un monument aux morts à proprement parler, même si la défense de la République se chiffre forcément en vies brisées. Cette statue de Marianne, érigée en 1889 pour marquer le centenaire de la Révolution, témoigne des sacrifices de plusieurs dizaines de citoyens vendrois au destin héroïque.
Merci vraiment au site qui nous le rappelle non sans décence et retenue ! http://www.vendres.com/Files/Fichiers_PDF/BM/BM_PRINTEMPS_2015/BM_PRINTEMPS_2015/files/assets/basic-html/page9.html
Non trouvé sur le Net : les circonstances dans lesquelles cette œuvre fut exécutée (moulage ? modèle original ?). est-elle en bronze, cette colonne ?
Cette place fait le lien entre les deux allées sous les platanes. Les gens d’ici disent "la promenade". 
(2) « Jean de Florette », « Manon des sources », tant pour les livres que les films.  

photos autorisées commons wikimedia
1. Vendres / église_St-Etienne auteur Fagairolles 34
2. Vendres / statue de Marianne auteur Fagairolles 34 
3. Vendres / fontaine auteur Mairie de Vendres.