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lundi 26 septembre 2016

LES CORBIÈRES XI / Le Verdouble a tourné la « pierre percée ».

Concernant Duilhac (1), n’oublions pas la mention « sous-Peyrepertuse » pour le château  que la commune entretient et fait visiter. Elle contribue également à la restauration des vestiges (État 50 %, région 15 %, département 15 %, commune 20 %). 


Dans les gorges, sur le site de l’ancien moulin à blé de Ribaute, les cascades se visitent et la baignade est surveillée sur le plan d’eau aménagé pour un prix raisonnable (4€ le parking gardé)... Dommage les témoignages négatifs et peut-être excessifs sur Tripadvisor (mauvaise humeur de la préposée au paiement, passerelle enlevée quand personne n’est là pour les billets)... Quoi qu'il en soit, la manne touristique n'est pas sans inconvénients : l’afflux sinon l’invasion et le manque de tranquillité pour celui qui vit dans un « village-musée-zoo » !

Et puis ne vaut-il pas mieux rester caché pour vivre heureux ? Nous avons laissé les petits villages du haut Verdouble, apparemment oubliés, parcourus seulement par quelques originaux irréductibles ou par des originaires revenus pour les vacances. Déjà que l’administration fiscale, elle, ne les oubliera pas de sitôt (la faute surtout aux maires trop dépensiers !),  surtout qu’ils n’envient pas trop les animations festives de Duilhac, le voisin ! Parce qu’au pied de Peyrepertuse, « fils de Carcassonne » les impôts (237) et surtout la dette (10904) s’élèvent à 11163 €/habitant et que chaque Duilhacais est endetté d’autant (10904) soit 20 fois ce que paie un Estagellois à l’autre bout du Verdouble (2014 année de référence) (2) ! Un abîme de prélèvements, autre acception de l’appellation « Citadelles du vertige » (1966), de Michel Roquebert, pour ces châteaux de la frontière. Ah, il a l’air malin le jeune maire dynamique, pavanant devant la caméra, style « jeune dynamique gérant le patelin comme une entreprise » (3) ! Entre la génération trop entreprenante pour se faire une place au soleil et l’État, ce vieux barbeau refusant de réduire un train de vie dispendieux , il n’y a apparemment pas de place pour une gestion en "bon père de famille" ! « Quaucun pagara ! », Quelqu’un paiera !   
Pour être de Fleury, station balnéaire, je crois pouvoir dire qu’en contradiction avec la réputation a priori de territoire riche, une commune touristique brasse un grand flux d’argent qui ne profite malheureusement qu’à une petite minorité alors que la grande majorité des contribuables paie l’addition. Si les premiers se tiennent les coudes et comptent leurs sous, les seconds laissent faire, plaie d’argent n’étant pas mortelle. Ces petits villages, dont Cucugnan aussi, qui feraient vivre ces Corbières déshéritées, ne dérogent pas à la règle ! Et nous n’avons pas  évoqué la spéculation immobilière causée par la renommée (un certain snobisme aussi) et qui, faisant grimper les prix, interdit à des locaux de rentrer au pays ! Est-ce que les résidences secondaires, fermées une grande partie de l’année, sont un pis-aller pour maintenir la vie dans ces pays reculés ? 

Et dire que nous étions là pour un bol d’air et de fraîcheur ! En contrebas de Duilhac la source de la Trincade nous ramène à l’eau, élément vital. Celle-ci est réputée pour enivrer d’amour... « "Quiconque en boira, qu’amoureux il devienne" Ronsard » dit l’inscription apposée. La qualité de cette eau qui, jusqu’en 1921, actionna les meules du moulin à huile était si appréciée qu’on venait de Paziols et même de Tuchan où deux moulins tournaient pourtant.
«... Le village conserve son centre médiéval appelé le "Fort"... » nous apprend encore le site de la mairie.

Même incognito, sous un béret trop voyant, derrière des lunettes de soleil, les écouteurs enfoncés, oserai-je, après ce que j’ai dit, m’y promener en touriste curieux, en voyeur ? Les écouteurs, je vous rassure, c'est pour écouter Nougaro...

« Il scintille le Verdouble
Mais le cours de son argent
Ni les dollars ni les roubles
Ne te le paieront comptant... »
Claude Nougaro. Le Verdouble

... Les artistes, à l’instar des lichens pour la pollution atmosphérique, possèdent ce don d’alerter, de mettre l'accent avant que l’opinion, toujours en retard d'une bataille, n’en convienne... Tandis que, depuis peu, certains retournent leurs poches percées, le Verdouble, lui, depuis longtemps, contourne Peyrepertuse, la « peiro pertuso », la pierre percée qui a donné son nom au château, sentinelle de la frontière et surtout gardien de notre passé.     

(1) Duilhac-sous-Peyrepertuse par arrêté préfectoral des années 70-80... Le château médiéval attire près de 100.000 visiteurs par an (10ème place des 200 sites nationaux préférés des Français (110.000 déjà en 2004 ?)
http://www.lindependant.fr/2016/03/14/peyrepertuse-dans-le-top-10-des-sites-preferes-des-francais,2170032.php)
(2) http://www.contribuables.org/argus-des-communes/
(3) http://www.chateau-peyrepertuse.com/french/entretien-avec-sebastien-pla-maire-de-duilhac-sous-peyrepertuse,43,51,section,modules,contenu-mc.html 

photos autorisées 
1. Château de Peyrepertuse Duilhac-sous-Peyrepertuse Prost.photo 
2. Corb Carte_des_Corbières.svg auteur Boldair

dimanche 18 septembre 2016

LES CORBIÈRES X / Le Verdouble, première cataracte.


Nous avions laissé le Verdouble et les questions sinon les mystères de ses sources, dans un premier bassin, avec les villages de Cubières-sur-Cinoble, Soulatgé et Rouffiac des Corbières (LES CORBIÈRES IX / Les mondes doubles du Verdouble). Une terre âpre où les hommes se sont accrochés jusqu’à ce que la prospérité des villes de la plaine ne les appelle, dès le second dix-neuvième siècle. Le long du haut Verdouble, si l’irrigation a enfin permis aux habitants de manger à leur faim (Soulatgé) malgré les craintes de ceux qui vivaient en aval (Rouffiac), l’exode rural a néanmoins fait le vide. Les vignes n’ont plus été cultivées...

«... Les vignes, elles courent dans la forêt,
Le vin ne sera plus tiré, c’était une horrible piquette,
Mais il faisait des centenaires
A ne plus que savoir en faire
S’il ne vous montait pas à la tête... »
 
La Montagne / 1964 / Jean Ferrat (1).

Quant au Verdouble, il voit sa course vers l’est barrée par des massifs. Comment pourrait-il en être autrement dans les Corbières où les nombreux reliefs s’épaulent ou jouent des coudes ? Ici, depuis des millions d’années, il creuse l’obstacle, formant deux séries de gorges encaissées toutes deux (respectivement 1,3 km et 2 km). 


En aval de Rouffiac-des-Corbières, les premières ne sont ni mentionnées ni photographiées. La rivière inscrit une boucle au pied d’un cirque (550 m.), osons le mot, qui la domine de sa masse, 240 mètres plus haut. Derrière, rive droite, presque aussi impressionnant, c’est le Sigle de la Rabazole (487 m.). 

Tout semble terminé lorsque le Verdouble coupe un vallon où figurent deux bergeries, celle du Grès vers l’ouest, celle de la Brézole à l’opposé mais ce sont surtout les ruines des Birats, des Bergeries de la Rivière, Balbonne et plus loin et plus haut encore de la bergerie de la Caune qui témoignent des nombreux petits troupeaux de jadis, de la vie des bergers avec la fête de la tonte par exemple, des traditions pastorales comme pour la Saint Roch, le 16 août... Mais revenons à notre rivière : sur deux kilomètres, entre les cascatelles, les marmites de géants, les vasques, et finalement la retenue d’eau qui fait le bonheur des baigneurs de l’été, le Verdouble décline les verts multiples de ses eaux limpides. Au sortir des gorges, il débouche encore contre une échine montagneuse de pechs et de rocs (2), obligé qu’il est, à nouveau, de partir vers le levant, après son travail tenace dans les strates de l’Anayrac.

Si j’ai parlé de cataracte alors que la géographie ne l’autorise pas (3), c’est que ces gorges marquent aussi des différences notables pour la vie et l’identité des pays du Verdouble. L’altitude même modeste, l’enclavement, matérialisent déjà des contraintes.
En haut, vers Soulatgé, une polyculture presque de montagne avec une pluviométrie historiquement (4) deux fois plus abondante que celle de la basse vallée (Tautavel, Estagel) et surtout en hiver et au printemps.
Entre les deux, de Duilhac à Padern, une zone de polyculture méditerranéenne, zone de l’olivier, marquée par un fort ensoleillement.
En bas (Tuchan, Paziols,  puis le confluent avec l’Agly), deux fois moins de précipitations, malgré les aigats d'automne, et la monoculture de la vigne qui s’est même étendue au détriment des oliveraies.
Il ne faut pas s’étonner si au fil de l’eau, les villages ont été moins marqués par l’exode rural. Un autre trait de l’économie est venu accentuer les différences avec les moins bien lotis de l’amont : le tourisme. C’est particulièrement vrai pour ce « moyen Verdouble » avec notamment les localités de Duilhac et de Cucugnan.

(1) Même si elle remet en cause la modernité et mésestime les progrès de la médecine avec, aujourd’hui, des centenaires plus nombreux que jamais, parce qu’elle plaide pour une vie proche de la nature, cette chanson reste, à mon avis, une des plus belles jamais écrites.
(2) derrière, sur la soulane, Cucugnan s’acagnarde au soleil.
(3) la rivière descend de 78 mètres sur un parcours de 4 kilomètres.
(4) avant l’incidence actuelle due au réchauffement climatique qui devrait apporter un climat comparable à celui de la Grèce aujourd’hui.  


Photos autorisées commons wikimedia
1. Duilhac auteur Henri Moreau / vue vers le sud / La Quille 964 m. 
2. Depuis le château de Peyrepertuse / auteur Valeriejeanbiographe / Sur la deuxième montagne en partant de la droite le château de Quéribus, aussi " fils de Carcassonne". Au centre, "l'île singulière" derrière laquelle se cache Cucugnan. 
3. Depuis le château de Peyrepertuse auteur Jardillierjulien / au fond le grau de Padern qui ferme le bassin du moyen Verdouble.