dimanche 18 septembre 2016

LES CORBIÈRES X / Le Verdouble, première cataracte.


Nous avions laissé le Verdouble et les questions sinon les mystères de ses sources, dans un premier bassin, avec les villages de Cubières-sur-Cinoble, Soulatgé et Rouffiac des Corbières (LES CORBIÈRES IX / Les mondes doubles du Verdouble). Une terre âpre où les hommes se sont accrochés jusqu’à ce que la prospérité des villes de la plaine ne les appelle, dès le second dix-neuvième siècle. Le long du haut Verdouble, si l’irrigation a enfin permis aux habitants de manger à leur faim (Soulatgé) malgré les craintes de ceux qui vivaient en aval (Rouffiac), l’exode rural a néanmoins fait le vide. Les vignes n’ont plus été cultivées...

«... Les vignes, elles courent dans la forêt,
Le vin ne sera plus tiré, c’était une horrible piquette,
Mais il faisait des centenaires
A ne plus que savoir en faire
S’il ne vous montait pas à la tête... »
 
La Montagne / 1964 / Jean Ferrat (1).

Quant au Verdouble, il voit sa course vers l’est barrée par des massifs. Comment pourrait-il en être autrement dans les Corbières où les nombreux reliefs s’épaulent ou jouent des coudes ? Ici, depuis des millions d’années, il creuse l’obstacle, formant deux séries de gorges encaissées toutes deux (respectivement 1,3 km et 2 km). 


En aval de Rouffiac-des-Corbières, les premières ne sont ni mentionnées ni photographiées. La rivière inscrit une boucle au pied d’un cirque (550 m.), osons le mot, qui la domine de sa masse, 240 mètres plus haut. Derrière, rive droite, presque aussi impressionnant, c’est le Sigle de la Rabazole (487 m.). 

Tout semble terminé lorsque le Verdouble coupe un vallon où figurent deux bergeries, celle du Grès vers l’ouest, celle de la Brézole à l’opposé mais ce sont surtout les ruines des Birats, des Bergeries de la Rivière, Balbonne et plus loin et plus haut encore de la bergerie de la Caune qui témoignent des nombreux petits troupeaux de jadis, de la vie des bergers avec la fête de la tonte par exemple, des traditions pastorales comme pour la Saint Roch, le 16 août... Mais revenons à notre rivière : sur deux kilomètres, entre les cascatelles, les marmites de géants, les vasques, et finalement la retenue d’eau qui fait le bonheur des baigneurs de l’été, le Verdouble décline les verts multiples de ses eaux limpides. Au sortir des gorges, il débouche encore contre une échine montagneuse de pechs et de rocs (2), obligé qu’il est, à nouveau, de partir vers le levant, après son travail tenace dans les strates de l’Anayrac.

Si j’ai parlé de cataracte alors que la géographie ne l’autorise pas (3), c’est que ces gorges marquent aussi des différences notables pour la vie et l’identité des pays du Verdouble. L’altitude même modeste, l’enclavement, matérialisent déjà des contraintes.
En haut, vers Soulatgé, une polyculture presque de montagne avec une pluviométrie historiquement (4) deux fois plus abondante que celle de la basse vallée (Tautavel, Estagel) et surtout en hiver et au printemps.
Entre les deux, de Duilhac à Padern, une zone de polyculture méditerranéenne, zone de l’olivier, marquée par un fort ensoleillement.
En bas (Tuchan, Paziols,  puis le confluent avec l’Agly), deux fois moins de précipitations, malgré les aigats d'automne, et la monoculture de la vigne qui s’est même étendue au détriment des oliveraies.
Il ne faut pas s’étonner si au fil de l’eau, les villages ont été moins marqués par l’exode rural. Un autre trait de l’économie est venu accentuer les différences avec les moins bien lotis de l’amont : le tourisme. C’est particulièrement vrai pour ce « moyen Verdouble » avec notamment les localités de Duilhac et de Cucugnan.

(1) Même si elle remet en cause la modernité et mésestime les progrès de la médecine avec, aujourd’hui, des centenaires plus nombreux que jamais, parce qu’elle plaide pour une vie proche de la nature, cette chanson reste, à mon avis, une des plus belles jamais écrites.
(2) derrière, sur la soulane, Cucugnan s’acagnarde au soleil.
(3) la rivière descend de 78 mètres sur un parcours de 4 kilomètres.
(4) avant l’incidence actuelle due au réchauffement climatique qui devrait apporter un climat comparable à celui de la Grèce aujourd’hui.  


Photos autorisées commons wikimedia
1. Duilhac auteur Henri Moreau / vue vers le sud / La Quille 964 m. 
2. Depuis le château de Peyrepertuse / auteur Valeriejeanbiographe / Sur la deuxième montagne en partant de la droite le château de Quéribus, aussi " fils de Carcassonne". Au centre, "l'île singulière" derrière laquelle se cache Cucugnan. 
3. Depuis le château de Peyrepertuse auteur Jardillierjulien / au fond le grau de Padern qui ferme le bassin du moyen Verdouble.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire