vendredi 25 juillet 2025

TOUR de FRANCE, LAURAGAIS et MONTAGNE NOIRE (fin)

Une vingtaine de kilomètres au pays des moulins et du regretté Sébastien Saffon (1) amènent à St-Félix-Lauragais jadis rayé de la carte lors de la croisade des Albigeois par Simon de Montfort ; accompagnant les barons du Nord et le roi, avec la collégiale de 1317, l'Église et le pape français Jean XXII (Jacques Duèze (1244-1334) éreintaient le catharisme de leur main de fer...   
À Revel, bâtie encore suite à la croisade, entourée d'arcades, c'est la plus vaste halle de France aux 79 piliers de chêne (1350). 

DammStFerreol 2012 Usage autorisé sans restriction Author JuTe CLZ

 
Franck Ferrand reviendra opportunément sur le creusement et l'écoulement du Canal du Midi. Au seuil de Naurouze, point le plus haut du canal (194 m.), par la Rigole de la Plaine (après celle de la Montagne), le bief de partage (5 km environ) reçoit son apport en eau depuis la Montagne Noire (2). De 1667, le barrage-poids de St-Ferréol sera deux siècles durant le plus grand barrage connu. 

Abbaye-école Sorèze 2011 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Johan Allard

Le collège de Sorèze où une élite sinon des têtes connues ont étudié chez les frères, la carrière de granulats de Dourgne (3), les monuments aux maquis, la croix occitane (4) des agriculteurs du Tarn ne peuvent qu'évoquer encore, serait-ce rapidement, une Montagne Noire où, en dépit des coupes rases, la verdure et la fraîcheur des routes, les pépinières et forêts donnent l'illusion d'une humanité pas si noire dans une nature pérenne... 

Forêts Montagne Noire. Capture d'écran. Source France Télévision 20 juillet 2025.


Une étape du Tour est aussi un tour d'horizon rapide puisque la vitesse moyenne à la pédale dépasse la quarantaine de kilomètres à l'heure : Durfort (5) le village des chaudronniers du cuivre n'a pu être cité. Aux jeux des équipes, aux incidents de course, aux performances incroyables des coureurs, l'exploration géographique et humaine des territoires traversés ajoutent à l'intérêt mondial marqué pour le Tour de France. Avec les kilomètres qui défilent, les étapes, les éditions succèdent si rapidement aux précédentes que cet évènement planétaire unique sait trop bien effilocher notre temps de vie si vite passé...      

(1) (1974-2025, voir les autres articles de ce blog). 

(2) antérieur, de même que le premier Bassin du Lampy, à 1681, construit sur 15 ans seulement, une idée prodigieuse ! Depuis, d'autres ouvrages (Les Cammazes 1958, Laprade-Basse, La Galaube 2001) contribuent à alimenter en eau le canal... tant d'eau pour le tourisme, seulement au profit des plaisanciers... 

(3) L'étude exceptionnelle (1913-1914) d'André David (1893-1915) sur la Montagne Noire, fait état de l'exploitation des mines de minerais depuis les Romains (voir par ailleurs sur ce blog les articles à propos de l'auteur et du massif montagneux). 

La situation, à Dourgne, de deux abbayes bénédictines, féminine et masculine, a fait blasphémer un commentateur. Si la rumeur du tunnel entre enceintes religieuses relève des fantasmes, la réalité du pouvoir hiérarchique des hommes sur les femmes a bien mené à des relations consenties ou subies ; en cause la règle du célibat contrevenant foncièrement aux besoins humains... Pas de fatwa contre Laurent Jalabert...  

(4) Si les drapeaux nationaux fleurissent au bord des routes, à part les Gwenn Ha Du bretons et ikurrinas basques, peu de senyeras catalans et pas de drapeau occitan en vue...  

(5) non celui du Gard où un squelette entier de mammouth fut retrouvé en 1869 (visible à Paris depuis 1898).  

jeudi 24 juillet 2025

TOUR de FRANCE, LAURAGAIS et MONTAGNE NOIRE (1)

20 juillet 2025, étape 15, Muret-Carcassonne, ils annoncent une étape encore accidentée bien que les Pyrénées soient derrière. Pour baroudeurs. Côtes de St-Férréol (350 m.), de Sorrèze (702 m), de Sant (610 m.) pour culminer au col de Fontbruno (880 m.) pourtant non pris en compte dans le classement de la montagne. Comment ne pas cocher ce parcours quand Lauragais et Montagne Noire aiguillonnent un attachement certain ? 

Concernant le téléspectateur curieux de géographie (le Tour de France représente une formidable rencontre avec nos paysages), l'occasion de s'intéresser au tableau humanisé des localités et campagnes. 

Ligne de platanes. Capture d'écran. Source France Télévision. 20 juillet 2025. 
Chaumes et luzernes. Capture d'écran. Source France Télévision. 20 juillet 2025. 


Les champs fauchés, les chaumes et peut-être la verdure des luzernes n'alarment pas sur des canicules portant pourtant des coups mortels à une végétation déjà mise à mal par des sécheresses sévères. Est-ce l'influence océanique qui offre ce répit tel une rémission dans ce souci prégnant ? Une impression que confirment les alignements de platanes offrant une ombre bienvenue aux coureurs. On ne peut s'empêcher de les voir aussi mais seulement en souvenir le long du Canal du Midi où le chancre doré les a anéantis. 

Gardouch écluse 2015 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Auteur Jack Ma

Pastel_pigment_cocagnes_et_feuilles_-_Muséum_du_pastel under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Frédéric Neupont Muséum du Pastel Toulouse-Labège


Franck Ferrand, l'historien qui, tout au long de l'épreuve, propose une belle complémentarité culturelle à la course, commente la vue aérienne sur le port et l'écluse de Gardouch, oblongue afin de contenir la forte pression de l'eau dans le sas. Au gré des localités abordées ou à proximité, il intervient régulièrement pour parler des édifices remarquables, souvent des châteaux ou bâtiments religieux, élevés notamment avec l'argent du pastel, églises, collégiales, cathédrales, abbayes (on ne saurait nier le passé historique catholique du pays). Le chroniqueur ne manque pas de signaler les clochers-murs du Podaguès, de l'Aganaguès, du Lauragués. Florissante sur plusieurs siècles, la culture du pastel fait aussi l'objet d'une intervention ; si la fleur est jaune, les feuilles triturées et macérées deviennent bleues ; elles ont fait le nom ainsi que la richesse du Pays de Cocagne ; le Canal du Midi (1) et le Latéral à la Garonne en ont permis l'exportation partout en Europe. (à suivre).

(1) pour ceux qui, encore dans les années 60, ont vu les péniches passer à Narbonne, prolongé par la Robine, permettant le transit du grain et du vin jusqu'à Port-La-Nouvelle. Si les intérêts privés ne représentaient pas l'alpha et l'omega de l'économie, ce mode de transport pourrait matérialiser une réduction des émissions de gaz à effet de serre...     


lundi 21 juillet 2025

MAYOTTE, le président et l'aéroport

Est-ce une aberration de surélever l'aéroport actuel ? 

Depuis 30 bonnes années qu'ils nous promènent, ne s'acharnent-ils pas à nous enfumer ? 

Toujours une bonne raison de refuser la piste longue au nom de la continuité territoriale, ce qui, ouvrant à la concurrence, libèrerait le territoire d'une emprise réunionnaise scandaleuse au constat des prix excessifs pratiqués par Air Austral, avionneur pourtant subventionné. 

2025 le président vient persuader d'être raisonnable, d'envisager un futur à l'intérieur des terres puisqu'en plus du niveau de la mer, l'île et plus encore son penchant oriental, s'enfoncent depuis la naissance de Fani Maoré, le volcan sous-marin (entre 10 et 20 cm depuis 2018). 

Ce même président avait pourtant promis un début des travaux au printemps 2022. En 2023 Mansour Kamardine, député de Mayotte demandait pourquoi rien ne commençait. 

Il fut un temps où une protection écologique stricte refusant tout projet s'alliait de fait à des raisons exprimées sinon sous-entendues mais toutes d'une insincérité malhonnête telles celle de contenir un développement de Mayotte susceptible de représenter un appel d'air migratoire ou celle de toujours privilégier des intérêts extérieurs au département... Comment ne pas se départir du sentiment de république des copains, des coquins ? 

Mayotte, aéroport de Pamandzi avec 1 mètre de hausse du niveau de la mer. 
For more details about this map, see the full version at
 
coastal.climatecentral.org  

« Mayotte en Danger » qui a tangué dans son sentiment de témoin lambda revient sur la légitimité de la revendication de piste longue. L'argument : cette cartographie de 2021 dans sa représentation la plus forte de la montée du niveau des océans dans le monde, à savoir 1 mètre peut-être à l'horizon 2100 avec une partie de la piste encore en place. 

Merci à l'IGN et Géoportail. 


Alors, puisque ce qui est réalisé ne l'est que dans l'urgence et que, à l'image du rien qui n'a été fait au niveau solaire (et ce n'est qu'un exemple), la mauvaise volonté des tenants de l'État freine quand elle n'empêche pas, plutôt que de repartir pour 30 ans de plus en promesses mensongères, rognant qui plus est sur le couvert forestier et les zones agricoles indispensables vu la densité humaine, insistons pour la piste longue certes sur le platier mais sur pilotis pour rassurer les écolos et pas à 60 mètres de haut comme à Madère... 

Un président perdu pour perdu, toujours au plus bas des sondages, ne se grandirait-il pas d'une parole enfin sincère et libre de toute pression ?   

Mayotte à + 1 mètre du niveau de la mer. Que deviendront les mangroves ?  


  


dimanche 20 juillet 2025

QUE D'EAU ! QUE D'EAU !

 Le niveau ne montera que petit à petit sauf qu'à voir le résultat à l'horizon 2100 pour nos descendants, l'expression « Que d'eau, que d'eau ! » attribuée au président Mac-Mahon se réactualisera. 

À Sète, un autre président, celui de Sète Agglopôle Méditerranée tient à associer sa population à ce qui attend le recul du trait de côte.   

Grande Consultation sur l'avenir du territoire ! Réfléchir ensemble à l'adaptation du Bassin de Thau  

Sans être et sans se prendre pour un dirigeant, il suffit d'extrapoler le souci de Loïc Linarès concernant Sète et le bassin de Thau pour, un peu plus au sud, regarder ce qui nous attend (communes de Fleury-d'Aude, Lespignan, Vendres). 

Montée du niveau de la mer de 50 centimètres

 

 For more details about this map, see the full version at coastal.climatecentral.org  



mercredi 9 juillet 2025

OHÉ, OHÉ Barjasquier !

 






Note : un grand merci pour les photos aux auteurs dont Georges Sabatier, correspondant local du quotidien L'Indépendant. 

PS : Saint-Pierre-la-Mer, Pissevaches, le camping sauvage... une tente sur le sable, une véranda de carabènes... des permanents mais un bivouac ouvert à tous pour un bonjour, un graillou, souvent auberge espagnole... Naf partait acheter des boîtes de cassoulet chez Germaine, la mère de la Noille, c'était moderne, ça dépannait bien, Chico traquait les seiches sur les cordes des bouées. On y pense à écouter Joe Dassin sauf que veinards, nous avions tout sur place, la mer, la plage, les filles à faire danser au bal, pas besoin d'un vieux tacot... on y pense à écouter Joe Dassin sauf que plus loin que ceux partis pour le boulot, on pleure ceux partis tout court, trop tôt. Photos et souvenirs «... jamais un copain de trop dans l'équipe à Mazo... »

jeudi 26 juin 2025

VIRADA dau CERÇ

 

Pas de canicule encore puisque la nuit n'est pas torride. 

Hier vers 17 h, garant d'un courant d'air agréable, généreux, occultant des rayons trop forts, le Marin a fait son mariol. Bien aimable... 

Dans la soirée ou la nuit (nos aïeux étaient plus précis, plus en accord avec les signes du temps), virada, ça a tourné au vent de terre, au Cers. Entre les deux flux opposés, la transition peut être violente, souvent avec une averse potentiellement dangereuse, à seaux sinon à grêle... Cette fois, indulgente, sans sursaut obligeant à vite clore volets et fenêtres. 

Gentille même d'attendre le jour pour faire entendre ses grosses gouttes sur le vernis du néflier. Merci.

Merci ? Pas si vite ! laisse le clavier, va voir enfin, écrivaillon de mes deux ! Et là, voilà t'y pas que Jupiter nous en pète un de maous, balaise, laisserait-il moqueur Brassens de « L'orage ». En guise d'avertissement... Semonce, juste le doigt, sans frais pour l'instant ; seuls les pigeons en fuite en ont été pour exposer leurs miroirs de plumes blanches sur le croupion. Syndrome du coup de fusil !

Allons, pas d'affolement : haut dans le ciel, hirondelles, martinets, crécerellettes, n'en finissent pas de tourner... la valse se poursuit, petit-déjeuner en volutes... 


Et l'autre gris qui se voulait noir ! Vous l'avez-vu qui a voulu faire son cacou ? Oh ! ça n'a pas duré ! « Pousse-toi de là, va voir en mer et disparais ! » qu'il lui a dit le bon vent, le joli vent de Cers... 


Aux 28 passés d'hier, on a bien gagné près de trois degrés. Merci, ne serait-ce que de ce répit, avec l'espoir que l'été ne soit qu'été et non fournaise. 

mercredi 25 juin 2025

Gardons les cochons ensemble...

À SAUGUES ?

Et pourquoi Saugues d’ailleurs ? À cause d’Olivier, le double de Robert, Robert Sabatier auteur des « Allumettes suédoises », « Trois sucettes à la menthe » et de ce troisième volet « Les Noisettes sauvages ». Sabatier raconte Olivier né à Paris mais qui aurait dû naître au cœur du Gévaudan. Visiblement, il a condensé sur un séjour toutes les vacances passées auprès des grands-parents paternels, ce qui lui vaut quelques contorsions ; il faut toute la poésie, tout le talent narratif de l’auteur pour nous distraire de certaines interrogations existentielles : il va repartir à Paris qu’il aurait quitté près d’un an auparavant ? La rentrée ? L’école ? Pas le moindre mot dans l’ouvrage. Attention, ce questionnement terre-à-terre n’enlève rien au sentiment pour l’écrivain et son livre…

Incompatible avec l’étroitesse d’esprit, la mesquinerie, l’amour n’oblige-t-il pas à la tolérance ? L’amour ne se définit-il pas avec l’acceptation en bloc de l’autre ? 

« Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point » Pensées, 1670, Blaise Pascal

Françoise_Foliot_-_Salon_du_Livre Robert_Sabatier 1996 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license.

En toute subjectivité, Robert Sabatier (1923-2012), de la génération de mon père (1922-2017) avec qui ce plaisir de lecture fut partagé ; aussi la réciprocité affectueuse d’un cousin lointain opéré d’un cancer, suite à ce livre en cadeau ; réminiscences familiales d’aïeux ruraux descendus d’Ariège vers 1870.

Relevant d’un point de vue tout aussi partisan, la référence constante à notre langue occitane riche de variantes ne pouvant qu’en relever l’intérêt, rabaissée en tant que “ patois ”, en butte au communautarisme colonisateur parisofrancilien. Sabatier, résistant occitaniste, rebelle, assimilé mais non phagocyté par le despotisme centripète…

Alors, quelle importance si ce sacrifice du cochon ne précède les adieux automnaux au Gévaudan que d’un astérisque, quelques pages seulement, un classique d’égorgement, de ripaille à s’en faire péter la panse, de chaleur conviviale avec une ribambelle d’enfants et la cousine, mais un pépé ouvert au doute « Voir tuer le cochon, ce n’est pas plaisant pour tous… », un Olivier stupide de se retrouver la queue en main, le mot « sanguette » plus jamais vu et entendu depuis la « sanquette » de mamé Ernestine, plutôt de sang de volaille, la cervelle de la tête fendue en deux réservée aux petits...

Saugues_vue vers le N-O 2019 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Auteur Chatsam

Saugues, ses confins en marge de la Lozère, ont fait l’objet d’un chapitre de « La France Paysanne »1 sous la plume de Claude Villers (1944-2023). En partant du mot actuel « goret », on apprend que chez les Gaulois, « gor » désignait le sanglier, qu’en ancien français « gore » était la truie, que deux cochons hors de toute autre viande, suffisaient à une année pour quatre personnes, que la tuée avait lieu entre le 11 novembre et fin mars en toute extrémité.

Autres détails et variantes :

* la veille, de façon à ne pas encombrer sa tripaille, le cochon ne recevait qu’un bouillon clair.

* le tueur dit aussi « saigneur » tournait chez les gens à raison de trois ou quatre bêtes par semaine, soit 33 porcs, pratiquement un par maison (plus que trois en tout en 1997).

* les soies du corps brûlées par un lit de paille, celles moins accessibles de la tête, la gorge, les pieds, à l’aide de paillons mieux adaptés.

* la carcasse sur le dos, la découpe suit un même enchaînement tête, pieds, jambonneaux, jambons, poumons, cœur, foie, rate, intestins (auparavant sur le ventre, après la tête, la colonne vertébrale était dégagée jusqu’à la queue pour des tronçons entourés de viande à saler). 



Cela se passait en 1997, au hameau de Malevieille, à près de 900 mètres d’altitude, commune de Saint-Vénérand, Accessoirement, l’auteur rapporte que les sabots de Saugues, les « morius », renforcés et ferrés parce qu’en pin, un bois fragile, ont inspiré une bourrée connue de toute l’Occitanie, « Los esclops ». Saugues ne compte plus que 1660 habitants, quatre centaines de moins que lors du reportage de Claude Villers, la moitié seulement de ce que connut Olivier de Robert Sabatier.

1 Éditions Scala 1996 / Club France Loisirs 1997, photos Jean-Bernard Naudin (1935), recherche ethnologiste Denis Chevallier (1951).

vendredi 13 juin 2025

« Le But c'est le Chemin » Goethe.

Dans la tête ou le ventre, l'inspiration ? Ou alors les deux quand les scientifiques parlent d'un deuxième cerveau abdominal... De là à comparer avec un accouchement alors qu'on a le mâle rôle, faut pas exagérer ! N'empêche, faut pas la bloquer, elle ne repartirait plus, ça pourrait durer. Une seconde, elle a sa version des faits... ah oui... comme les gitans, vous savez, plus que les ou la roulotte de ce dernier cirque, fin des années 50 (il ne m'en reste qu'une dans le souvenir), ceux de la baraque de Fontlaurier sur le chemin du phare, en dehors du village. 

Alors, annonçant un marchand sur la place, une chanson lancée par l'appariteur captait l'attention de la population, une chansonnette pas plus loin que l'air du temps mais poussant parfois sans le savoir au delà des légumes, poissons, coquillages et saucissons, poussant l'horizon. Airs par-dessus les toits du village, couplets à la radio peut-être aussi, tout se confond à commencer par les « pommiers blancs » des « cerisiers roses »  (1950) jusqu'à une « Verte campagne » (1960) rêvée depuis nos herbes brûlées au soleil. Entre les deux, la possibilité de partir loin, très loin, histoire d'avoir « ...été à Tahiti » (1958)(1), ou de chanter « Hello le soleil brille » (1957) du pont de la rivière Kwaï sinon  « Mé-qué, mé-qué » (1953), « Les Marchés de Provence » (1957) ! ces deux dernières en remerciement à Monsieur Bécaud (1927-2001) ! En prime, le charme agit au ton bien français d'Yvette Giraud (1916-2014) « Avril au Portugal » (1950) ; au-delà, grâce aux accents si délicieusement étrangers encore dans ce pays mi Atlantique mi Méditerranée avec « Les lavandières du Portugal » (1955), sinon, de ces confins montueux indistincts, « L'Étrangère au paradis » (2) de l'hispano-franco-mexicaine Gloria Lasso (1922-2005) entre autres interprètes, Mélina Mercouri (1920-1994), en voisine de notre mer, avec « Les enfants du Pirée » (1960). 


Partir sans partir, vagabonder dans sa tête ? facile ! L'appariteur passait aussi « Je suis le vagabond, le marchand de bonheur, je n'ai que des chansons à mettre dans les cœurs... » (1959). Sauf qu'un chemineau reste l'un des nôtres tandis que les Gitans... encore par Les Compagnons de la Chanson en 1952, toujours en mouvement, « ...errants qui n'ont pas de frontière...» venant de quelque part, passant seulement vers l'ailleurs, sans le vieux bohémien qui trop vieux, reste ici... 

Crainte soudaine de l'impasse, phobie de la page blanche, sensation une seconde d'être vidé ; surtout ne pas s'affoler, la voie s'ouvre avec le paragraphe oublié sur la population et l'exode rural depuis la Montagne Noire et surtout la piste à remonter la Durance jusqu'aux vallées occitanes d'Italie (si tout va bien, dans le tome II « Un Languedoc Coquelicot »). 


Il en va de même pour l'évasion, l'inspiration, toujours en mouvement jusqu'à, comme il arrive à la vie, que mort s'en suive. Est-ce par ce bout que nous devons méditer « Le but c'est le chemin. », mot attribué à Goethe ainsi qu'aux gitans « Ce n'est pas le but du voyage qui compte, c'est la route » ? 

(1) chantée aussi par Henri Génès (1919-2005)... « Le facteur de Santa Cruz », « La tantina de Burgos ». 
(2) paroles en français de Francis Blanche (1921-1974). 

jeudi 12 juin 2025

COCHON qui s'en DÉDIT.

 Ce n'est pas plus la période que l'époque mais pour en témoigner, mieux vaut tard que jamais. 

« Les Grandes Heures des Moulins Occitans » offre aussi une synthèse de ce que représentait la « Fête du cochon ». À une époque où la commodité de se voir, moindre qu’aujourd’hui, s’en trouvait plus marquante dans la suite ininterrompue des jours de travail, la difficulté à se déplacer, il me plaît de supposer que la nouvelle « On tue le cochon chez un tel » devait se transmettre dans les alentours alors qu’une invitation actuelle, à un apéro, à un repas, ne saurait dépasser le petit cercle concerné. 

Hachoir_à_viande_pour_saucisses_-_Purullena 2015 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Dfbdfbg6543654... Vision pudique de “ la chose ”... 

Dans cette vie d’avant, la famille élargie, les voisins, les amis se retrouvaient alors en nombre. En lune vieille, répétons-le, passée un vendredi et surtout pas en mars ! Sinon, pour les hommes (qui comme le dit la chanson, sont tous des cochons [zut ! l’air de cette chanson ne me revient pas ! ) pas de phase de lune qui tienne, rien de changé : des privilégiés, comme toujours, un travail vite réglé, le cochon vidé, guère plus qu’une participation pour la plupart et pour tous, ripailles, libations, gauloiseries et parties de cartes. Pas la peine de comparer avec les corvées des femmes, la double besogne des viandes, charcutailles et de faire manger une grande tablée, à devoir cuire les pâtisseries la nuit et à l’avance, dont de pleines corbeilles d’oreillettes (comptez-moi dans les méridionaux qui s’attendrissent à ca souvenir !) ! Une seule dispense alors, n’interdisant que la partie cochonaille : les règles. Les préposées aux repas devaient alors proposer à tout ce monde des menus conformes à la tradition, attention au qu’en-dira-t-on ! 

Dans une ferme à Porto Novo (Bénin) 2020 under the Creative Commons CC0 1.0 Universal Public Domain Dedication. Author Adoscam, manière de regarder nos mauvaises consciences droit dans les yeux... « L'œil était dans la tombe et regardait Caïn » Victor Hugo. 

Dans cette tradition, les saucissons qui devaient se voir, celui de l’année précédente conservé dans des cendres, devenu dur et rance, réhydraté dans un linge puis bouilli dans du vin vieux… La coutume, ça ne se conteste pas ! 

Pig_heads_in_a_market 2011 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Tomascastelazo

Et on accroche la queue du cochon, telle un poisson d'avril, à une femme qui danse, tout le monde rit, elle ne sait pas pourquoi mais ne peut que rire aussi ! 

Et hier, dans un doc sur la cuisine romaine, l'étoilé précisant que les tagliatelles carbonara c'est seulement avec des « guanciale », des joues de porc... Mieux eût valu échanger ici sur le millas ou le pain à la ferme...  


mercredi 11 juin 2025

MOULINS, la FIN des FINS (8).

La circulation des grains relevait d’une réglementation stricte, de laissez-passer3 auxquels répondait une fraude liée à la débrouille sinon au marché noir. Le blé interdit restait caché, dans une alcôve, sous un amas de paille, camouflé en surface par une couche d’orge autorisé. Ça tournait la nuit, ça tournait entre plusieurs moulins, manière de brouiller les pistes, de ne pas se faire attraper ; du coin, de loin aussi, Toulouse, Narbonne, Béziers, à vélo. Les meules pouvaient être plombées mais il arriva que le contrôleur des Indirectes, aussi nécessiteux que tout un chacun, laissât  la pince à sceller et desceller, en retour de service.

À la libération, les couleurs nationales tournant aussi en bout d’aile, eurent du mal à cacher l’hallali des moulins à vent. Vae Victis ! Voués à mourir, à périr abandonnés. Le peu d’activité ne valait plus les dépenses d’entretien : les fermes ne cuisaient plus leur pain et le peu qui restait de travail à moudre la nourriture des animaux condamna l’activité avec la multiplication des concasseurs à demeure. Sentence confirmée lors de la modernisation des pratiques d'élevage, le totaliment, les granulés. 
Et s’il existe une administration raide et aveugle, c’est bien celle des impôts brandissant la patente, le pourcentage sur le chiffre d’affaires ou exigeant de scier les ailes si le moulin fermait. Alors certains sont partis en pièces détachées, une aile par ci, un mécanisme par là, un arbre moteur en établi. Des meuniers ont bien essayé de garder le moulin à peu près ; un y a mis des pigeons puis un hibou s’est installé par un trou dans la capelada ou alors c’est qu’il avait lu Daudet et ses Lettres... 

Illustration d'Edmond Pierre BELVÈS, ici Le secret de Maître Cornille des Lettres de mon Moulin, 1954, Flammarion. Coupable de le faire même sans avoir pour habitude de publier sans autorisation, j'espère que ce sera reçu en hommage à un dessinateur aussi fécond qu'apprécié.  

sauf que, comparé au locataire «… du premier à tête de penseur […] tel qu’il est avec ses yeux clignotants et sa mine renfrognée, ce locataire silencieux me plaît mieux encore qu’un autre, et je me suis empressé de lui renouveler son bail... », le hibou de la vie vraie a fait partir ou tué les pigeons ; les lapins étonnés de Fontvieille c'était plus gentil… 

Fleury-d'Aude, vue de la colline du moulin de Montredon depuis le Sud. Naturelles, les couleurs automnales viennent d'une diapositive (1967) de François Dedieu.

 Alors, ces moulins qui en prime louent notre Cers (honte à ces nordistes présentateurs météo «... Mistral, Tramontan' » !), bien sûr que ce qu’il en reste nous touche intimement. À présent que les derniers meuniers ne sont plus là à faire la moue, à esquiver les questions des curieux, des touristes qu'ils aiment autant ne pas recevoir, les consciences locales semblent avoir réagi aux regrets, aux remords. À Nissan, à Lespignan, non plus des moignons mais des moulins à nouveau sereins d’un sauvetage enfin issu d’une longue maturation. Qui sait si ce sera possible chez nous, suite au rachat peu coûteux de sa colline par la mairie ?         

3 Tels les « congés » longtemps indispensables à la légalité du transport du vin en vrac destiné à la consommation personnelle.

mardi 10 juin 2025

FIN du MOULIN (7).

Attention, le printemps ce sont aussi des indésirables dont les épillets danger de nos compagnons à quatre pattes. À propos de l’homo peut-être sapiens mais toujours aussi c.., si je pense aux pesolhs avant tout des pauvres soldats de 14, je me fais l’effet d’un ectoparasite, d’une tique suçeuse de sang, à pomper le bouquin des Bézian. Alors, un peu d’éther et décrochez-moi, la dernière goutte envenimée sera pour la fin des moulins à vent.

Convergence1, sur cette issue, les premiers mots des Bézian sont « Aprèp un temps n’en ven un autre... » Ajoutant «...I a un temps que trempa e l'autre que destrempa », mon grand-père Jean qui aurait eu 128 ans le 4 juin dernier signifiait aussi que la destinée fait passer du meilleur au pire et vice-versa, une sorte d’après la pluie le beau temps...

Illustration d'Edmond Pierre BELVÈS, ici Le secret de Maître Cornille des Lettres de mon Moulin, 1954, Flammarion. Coupable de le faire même sans avoir pour habitude de publier sans autorisation, j'espère que ce sera reçu en hommage à un dessinateur aussi fécond qu'apprécié.   

Ah ! Avant on se mariait entre moulins, plein de pages et de signatures sur l’acte ! Le meunier de sortie ne prenait pas son repas du panier, non, il mangeait au restaurant et rapportait du sucre, du café, un luxe que le commun des brassiers et journaliers ne pouvait se permettre ! Honoré sinon craint, le meunier comptait autant que le curé ! Même partis de rien, en gérant comme il fallait, ils faisaient fortune, amassaient des pistoles, dotaient les enfants ! La guerre de 14 a sonné le glas de l’époque faste.

Chevaux, charrettes, mulets, ânes réquisitionnés, un coup déjà. Puis les hommes ; malgré les femmes, des vieux vaillants2, l'activité est tombée en sommeil. Et la suite… gueules cassées, poumons gazés, jambes en bois, bras en moins… et puis les filles préféraient chercher ailleurs. Le moulin n’y suffisait plus ; de complément, les terres sont devenues essentielles, sinon l’élevage, oies, canards, dindons, pintades, poules, lapins, cochons. Les hommes partaient même se louer, les fenaisons, les moissons ; un, à la saison, revendait les châtaignes de la Montagne Noire ; un autre a risqué l'achat d'un premier autobus. 

Et puis la farine des moulins n'a plus suffi aux boulangeries naissantes nécessitant l'apport régulier et en quantité de farines que seuls les minotiers (3) pouvaient fournir. 

Après 1918, le pain à la ferme, avec ses avantages et ses défauts, est devenu plus rare. 

Les jeunes sont partis à la ville ou cuire des tuiles à Castelnaudary, ou faire maçon…

39-45, saloperie de guerre encore ! Pourtant, un sursaut pour les ailes au vent, à cause des cartes d’alimentation, du blé d'une France assujettie, réservé à l’Allemagne. (à suivre)

1 Hier dans ma rue, un couple de nos âges cherchant à rejoindre Fleury en fête et ayant perdu l'église m'a remercié en risquant un « adishatz » suivi de « comprenetz ? » — Aco m'agrada plan, j'ai répondu. Un peu devant, la femme est revenue sur ses pas, ils ne comprenaient pas « agradar ». Partage avec l'occitan toulousomontalbanais. 

2 Les auteurs relèvent « mamé » comme je le dis et écris, ça fait plaisir ; nul besoin de « e » final, « mamé » comme « tati » c’est déjà féminin. 

(3) Déjà en 1869, avec le Secret de Maître Cornille, Daudet des « Lettres de mon Moulin » faisait plus qu'annoncer cette mutation irréversible. 


lundi 9 juin 2025

« A Pentacosta, la guino gusta. »

« A Pentacosta, la guino gusta. », « À Pentecôte, goûte la guine », disait sa grand-mère Joséphine, comme aimait à le répéter mon père en première quinzaine de juin. 

Pas plus de descente de la côte que la route de Lauriole en Minervois qui fait semblant de monter alors qu'elle descend ou le contraire suivant le sens où on se met... Et quel pastis puisque la “ penta ”, c'est inventé, seuls « lo penjalut », « lo penjant » répondent à « la costa » ! Et puis, en grec, dans Pentacosta, Pentecôte (quelle idée aussi de nous embrouiller avec le chapeau sur le « ô », pas très orthodoxe tout ça) il y a l'idée de « cinquantième », on parle de jours... 

Guines

Autant parler des guines... Des « guignes » ? vous me reprenez ? c'est la poisse, encore une descente à monter... En Gascogne ils disent guindoul, guindoulh, guindoulot ; toujours d'après Mistral dans son Tresor dau Felibrige en Rouergue cela donne guindou, aguindou, guintou ; suit le proverbe « Rouge coumo un guindoul »... un effet bœuf chez les “ Ventres Jaunes ” du Ségala !    

« Per Pentacosta, lo guindol tasta »

Dans un certain Languedoc plutôt Haut que Bas à mon idée, pour cette cerisette aigre, on dit encore agrioto, guindoulo. Comme dans la chanson, elle pousse sur le guindoulié ou guindouliè (t'en souviens-tu), je préfère « guiniè » bien que « guinié » soit accepté aussi.   

 Un dernier truc et j'arrête avec les élucubrations :  Christian Horace Bénédict Alfred Moquin-Tandon (1804-1863), éminent scientifique connu aussi pour un canular littéraire sur un manuscrit de troubadour, titra « guindouleto, guindouletos » ses épigrammes et poésies, eu égard à sa naissance à Montpellier, à son travail à Toulouse (professeur d'histoire naturelle), à son rôle de rédacteur à l'Armana Provençau. 

Fini les confitures pour l'hiver !

Cette année encore, la pédale nostalgique, j'ai suivi les rives de l'Aude, plus de guines au bord de la rivière. À croire que comme le bocage de l'Ouest, ils s'en sont foutu le peilhot avec les haies débarrassées... Deux guines j'ai compté, et encore pas sur le même arbuste ! 

Aude
Exuvie
 
97

Mais j'y retournerai, quitte à pousser le vélo sur les chemins de terre, plus en amont, chez nos amis sallois. C'était mieux aujourd'hui : 97 guines au moins pour la photo et un signe de vie pas vu depuis 40 ans, une exuvie de couleuvre ! 

Pardon pour cet esprit taquin sinon malsain descendu sur moi pour Pentecôte... je n'en dirai rien à mamé Joséphine, mon arrière-grand-mère rappelant chaque année « A Pentacosta, la guino gusta » un dicton que suite à mon père, j'aime répéter à mes fils, en première quinzaine de juin. 

Joséphine Hortala née Palazy (19 mars 1874- 13 août 1958)