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mercredi 26 novembre 2025

RETOUR à MAYOTTE, quitter son village (6)

 7h 55, le TGV est à l'heure. C'est à peine si Vias, l'aéroport, Agde, le Canal, l'Hérault, me dérident l'esprit. 

Plage_de_la_Baleine,_Sète_-_aerial_view-0596 2021 license CC BY-SA 4.0 (via Wikimedia Commons) authors Raimond Spekking & Elke Wetzig


Avec le lido, par contre, un électrochoc : octobre 2014 depuis mon île, un Thalassa à la télé, un mot d'un New-Yorkais sympa, pas de cet ordinaire étasunien méprisant, dégustant des huîtres face à la mer radieuse. « Magnifique » qu'il laisse échapper. 

Édouard Manet (1832-1883) Nature_morte,_huîtres,_citron,_brioche_(RW_252)1876 Domaine public

Un mot pour une atmosphère toute de calme, de beauté, d'harmonie, de volupté aussi à mâcher l'huître grasse, et moi je retrouvais mes dix ans dans la Dauphine “ bleu séraphin ” de papa nous emmenant à la plage, mes dix-neuf à aller saluer la Barjasque de Saint-Pierre-la-Mer (1), le train, mon cœur gros de tant de départs que cet Américain tailladait à vif. J'avais réagi  « Mais qu'est-ce que je peux bien foutre, moi, si loin de ce bonheur ? » sous le titre « O sole mio » d'une émotion qui, dix ans plus tard, pique toujours au coin des yeux. 
Puis faire le deuil de Brassens à la tombe modeste, de Valéry “ plus marin ”, des ponts qui tournent, des bateaux qui partent, des pêcheurs ou marins au long cours qui trinquent, de la Sète joyeuse des fêtes du 15 août (la Saint Louis), des zézettes, tielles et recettes de poulpe... 
Montpellier-Sud-de-France, soleil timide, changement ; imaginant qu'elle part sur Paris gare de Lyon, je salue la dame à la fenêtre, souriante et aimable, pas recluse du tout dans sa lecture ; la rampe est en pente douce mais longue à pousser les deux valises ; à vouloir rejoindre le quai en question, pas le loisir de réfléchir à un accès plus commode. Encore le stress. 
9h 11. TGV 5062, voiture 18, place 44, zut, pas dans le sens de la marche. De l'autre côté du couloir, un qui avec sa valise prend deux places, regarde et écoute son film sur téléphone, sans écouteurs. Haies de cyprès, vignes et vergers du Gard. 
9h 35 Nîmes-Pont-du-Gard. Une jeune fille demande à s'asseoir, le malpoli s'empresse, signe d'un savoir-vivre tout de même... Un château dans les Pins à droite, ensuite le Rhône à passer, bien trois fois pour se retrouver rive gauche. 
10h 15. Valence TGV. La fille descend ; un gaillard, valise à main, ordinateur, dans ses dernières paroles avant de boucler son coup de fil en débouchant « Dakar », prend la place qui vient de se libérer. Quelques mots au voisin apparemment plus correct qu'il ne semblait sauf que les vidéos vont revenir ; j'entends « écouteurs » dit sans animosité de la part du gaillard... pas de réaction, pas de suite désagréable non plus, une paire d'heures, faut supporter... L'entrée industrieuse de Lyon, les usines, les ateliers SNCF et toutes ces rames en réparation sinon en attente de rayonner toutes directions.   

Lyon_3e_-_Gare_de_Lyon-Part-Dieu_-_Vue_depuis_le_parking_des_loueurs 2021 under the Creative Commons CC0 1.0 Universal Public Domain Dedication. Auteur Romainbehar

11h. Départ de Lyon-Part-Dieu. J'ai vu « Le Crayon », bordé le Parc de la Tête d'Or mais manqué le passage du Rhône avant la montée et le tunnel débouchant déjà sur le plateau des Dombes. Toujours des souvenirs, simples étincelles mais en gerbes, globalement nostalgiques, incluant le mal parfois des vingt trente ans, désormais sans pouvoir de nuisance, bien érodé par le temps... 

« ...Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà, 
De ta jeunesse ? »
Le ciel est, par-dessus... / Sagesse (1881), Paul Verlaine.         

(1) la tente et les roseaux, la véranda de carabènes des copains sur le sable... 

dimanche 6 août 2023

O SOLE MIO (fin)

Avec Sète, « L'Île Singulière » de Valéry encore surnommée « L’Île Bleue » la « Venise languedocienne » , le Pérignanais que je reste ne pouvait que vibrer en entendant parler des lamparos, des tartanes et catalanes du thon rouge et des poissons bleus, des baraquettes du Mont-Saint-Clair, du temps des dimanches à la bonne franquette.

Sète où les vieux loups de mer ravaudent encore les filets en chantant le bel canto parce qu'ils n'ont pas oublié Cetara, la cité-mère, au sud de l'Italie. Dans les entrailles du Théâtre de la Mer, d'ailleurs, un peu comme là-bas, des grottes marines se visitent en barque.

Et puis, au levant, cette Méditerranée qui est la nôtre, aux couleurs reconnaissables entre toutes, sous son soleil à part, son ciel réservé... 

Sydney_rock_oyster_on_half_shell_with_two_empty_shells 2020 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Pelagic

Aussi, quand j'ai vu ce New-Yorkais, pas de ces " Américains " l'arme au poing, la Bible dans l'autre, non, de ceux, justement, de ce Nouveau Monde dans ce qu'il a de valable, de positif ; ce privilégié donc, natif de " la ville debout ", tourné vers les friselis du marin, gobant des huîtres dans un restaurant du lido en disant « Magnifique ! » tandis que je pensais, " New-York, la Grosse Pomme ne nous a pas attendus pour en gober des tonnes, d’huîtres " ; et cet homme, comme il sait apprécier, comme il le dit du fond du cœur ! lui, venu de si loin ! évidemment de « l’Amérique qu’on aime », à l’opposé de celle toujours coincée par un obscurantisme puritain exaspérant, aux tendances hégémoniques, aux œillères racistes, extrémistes ; et moi, que pouvais-je bien faire, si loin de cette lumière, de ces bleus du ciel, de la mer, des vagues qui baragouinent toujours pareil au petit marin du large, si bon et fidèle sous la véranda de roseaux à la Barjasque, le campement des copains, de quand nous étions jeunes et sans soucis... autant de bonheurs qui accompagnent la mâche appliquée, voluptueuse, d'une huître en bouche... 

Plage_de_la_Baleine,_Sète licence Raimond Spekking  CC BY-SA 4.0 (via Wikimedia Commons) Authors Raimond Spekking & Elke Wetzig

Mais qu’est-ce que je pouvais, qu'est-ce que je peux bien foutre, moi, si loin de ce bonheur trop bien reconnu ! La tête de l'Américain m’est restée en mémoire... Je l'embrasse en frère, pour voir et apprécier avec lui, la beauté pure de notre Méditerranée du Lion, l'aurait-on, par chance, tous les jours sous les yeux, l'aurait-on, par chance, tous les jours, au cœur !

O sole, o sole mio...   

http://www.france3.fr/emissions/thalassa/diffusions/03-10-2014_260591 (15 avril 2023 « cette page est momentanément indisponible »... je crois plutôt qu’elle ne sera plus jamais disponible à moins de faire l’objet d’une rediffusion).

De Sète à Agde, le lido, cette langue de sable où se côtoient la N 112, la voie ferrée Tarascon-Narbonne, les vignes de sable du Listel. L’été, sur une vingtaine de kilomètres, s’alignaient les voitures stationnées, les caravanes, sans un point d’eau potable, sans wc, et une myriade de moustiques. Tout cela est dépassé, du passé, tant les estivants du camping sauvage que les sauvages moustiques.

C’est à une autre menace qu’il faut faire face : entre la nature et l’action des Hommes, une côte si fragile bien que de six milliers d’années se retrouve confrontée à la submersion marine et à l’érosion du trait de côte. Cinquante hectares ont été perdus en cinquante ans, plus de cinquante millions d’euros ont été investis solidairement (État & UE pour moitié, Sète, le département, la région pour l’autre). L’ancienne route aux caravaniers a été détruite, remplacée par une voie verte végétale et végétalisée. La nouvelle route est proche de la voie de chemin de fer. Les dunes ont été fixées par des palissades de pieux de châtaignier, les ganivelles ainsi que par la plantation de centaines de milliers de plants d’oyat. Suite à cinq années d’aménagements, l’effort a été porté en mer.

Dans le but de reconstituer la largeur de la plage, des drains empêchent le reflux des vagues d’emporter le sable ; un atténuateur de houle (un tube qui oblige les vagues à déferler loin, plus efficace que les drains), long de plus de deux kilomètres, est fixé, parallèle au bord, à 350 mètres ; une partie de la plage a été rechargée avec du sable venant des fonds de l’Espiguette. Au bout de six ans (2013-2019), douze mètres ont été gagnés.  

Sans quoi, la mer aurait peut-être déjà envahi le bassin de Thau, causant la ruine de l’activité conchylicole, celle des campings du lido et des vignes des sables !

Bon, on regarde si on n’a rien oublié parce qu’il faut continuer de l’autre côté de Sète, après Frontignan. Seul compterait le voyage alors, qu'il aboutisse ou non ? Mais cela relève d'une philosophie transcendantale dont j'ose à peine aligner les deux mots...