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jeudi 5 janvier 2023

LE LOTO, CHALEUR D’UN TEMPS ÉVANOUI (6)...

Sixième volet, jusqu'à présent le dernier mais c'est psychologiquement toujours aussi dur de mettre "fin" tant on espère la possibilité d'éléments supplémentaires, d'une nouvelle source.   

La preuve : le site OCCITANICA du CIRDOC nous donne encore l’occasion de prolonger...    

https://occitanica.eu/items/show/423 (Lo Lòto : recueil de mots et expressions pour animer un loto ou quine en occitan · Occitanica, Portal collectiu de la lenga e de la cultura occitanas).

A Barcelone, le « loto carton » s’appelle « quinto », à Perpignan ils participent à des « rifles » (au féminin). Ce terme « rifle » est courant aussi dans le Berry ou en Bourgogne (!).

Chez nous, ce seraient les municipalités qui auraient retiré le droit d’organiser (?? explications demandées...).

Dans nombre de départements, les préfectures autorisent les lotos entre le 1er décembre et le 1er février.

Les expressions accompagnant les numéros les désignent sans risque de confusion, c’était plus essentiel encore avant l’invention du micro, qui plus est, dans le bruit ambiant.

En habillant plaisamment la sortie des numéros, le nommeur démontrait des talents d’acteur certains ; ses reparties collaient parfois à la vie du village, souvent à l’actualité (74. La cuve à Clermont-l’Hérault, inutilisable pour la vinification suite à un nettoyage au gas-oil / 42. Allez les Verts ! / 33. Rika Zaraï dont les bains de siège prêtaient à rigoler !).

Le public aussi joue un rôle en anticipant le mot d’esprit attendu ; souvent il aiguillonne le hasard avec un « mounto lou » (monte-le) ou « vai lou quéré » (va le chercher) qui fait monter un marmonnement de dépit dans l’assemblée sinon une rumeur de répit si l’intéressé dit « brigan » ; il arrive qu’un ou une extravertie se permette de commenter « bien compté » « mon âge » ; parfois, par connivence un joueur interpelle le nommeur toujours capable d’humour dans un retour qui fait sourire tous les joueurs... Le public habituel aime (certains viennent tôt pour garder la place dans la salle où aura lieu le tirage), le changement agacerait : pour cette raison, le nommeur reste attitré jusqu’à ce qu’un jour, souvent à l’usure, il faille bien changer d’époque. 

Et pourtant les affiches étaient en français... 
Lieuran_lès_Béziers_affiche_loto_1930_-_Archives_départementales_de_l’Hérault Domaine public.

Avec un brassage des populations favorisé par l’attraction du pourtour méditerranéen, la platitude du français  vient niveler le relief, le piquant propre à notre parler occitan... ce qui est bien à l’image de la domination aussi anachronique que malsaine du pouvoir de Paris, dans l’inclination honteuse pour la gouvernance absolue, la seule en Europe en bute aux langues, au particularisme des régions, mythifiant un Napoléon comme elle le fit d’un Pétain en collusion d’avantages mal placés... dèjà à préférer une soumission dangereuse à l’homme providentiel... pardon si je m’égare, serait-ce sans prêter à conséquence. Si nos lotos survivent, qu’ils soient commentés en occitan puis en français. 

Le site Occitanica nous offre des variantes rafraîchissantes :

2 Tu e ieu (toi et moi),

4 la man del fustier (la main du menuisier), la leca (baguettes en forme de 4 qui maintiennent en l’air la pierre plate d’un piège),  

6 la rèsso (la scie d'où le rasséguet utilisé par le poudaïré lors de la taille),  

7 la dalho (la faux),

14 la flour al fusil (début de la Grande Guerre),

15 lou rugbi, lou Cantal, un talh de cantal (un morceau de cantal),

16 lous ceses (les pois chiches), passo a Bagnols (sur Cèze), ço que se manjo per Rampalms (ce qui se mange pour les Rameaux),

17 Gafa, la déportation en Tunisie du 17e d’infanterie ayant mis la crosse en l’air lors de la révolte des vignerons en 1907.

18 i a pas lou foc (il n’y a pas le feu, en rapport avec les pompiers),

21 la moustardo (de Dijon),

22 las randouletos (les hirondelles),

23 Jan lou papo (Jean XXIII),

25 Nadal (Noël),

27 la soupo de porrès (la soupe de poireaux),

28 la fièiro de Naucèlo (la foire aux bestiaux de Naucelle, en Aveyron, connue pour ses bals, suite aux ventes),

29 l’an del gros ivern (l’année du gros hiver),

30 lou bel atgé (le bel âge) lou traouc de l’amour (le trou de l’amour... peut-être une réminiscence licencieuse du Moyen-Âge),

31 Aprei l’amour, los Toulousens, las violetos,

34 Erau, Bésiérs e Mountpelhier, lous fadolis ( l’Hérault... les timbrés),

40 lou cioul de ma tanto, l’an dau gran Rosé (crue mémorable du Rhône), michanto annado (méchante année),

41 les rutabagas,

42 les topinambours,

44 las cancarinetos (les castagnettes),

45 lou pastis,

48 la Lozero (la Lozère),

51 lou pastaga,

52 BB Brigitte Bardot (son mariage avec Vadim),

55 lous tetouns, lou paradis dels omès, douple,

56 lou gran fret

58 la Constituciou,

59 Lou Nord, lou cal pas perdre (le Nord, il ne faut pas le perdre),

60 la retreto (tu entends Macron ?),

63 Giscard, Danièle Gilbert (du Puy-de-Dôme),

64 lous Bascos, m’en vau a Pau (Les Basques, je m’en vais à Pau),

65 Bernadeto, m’en vau a Tarbes (ou à Lourdes ?),

66 Lous Catalans, lou Pertùs, Perpinhia, dous culhiers dins lous linçols (deux cuillères sous les draps),

67 la choucrouto,

68 las calados (les pierres), la revoluciou,

70 se manjavo de rats (il se mangeait des rats)

74 la néu (la neige dans le Vaucluse, le Gard, l’Hérault),

75 lous Parisiens, lous envahissaïres,

78 Versalho,

79 las dous cabros (ils prenaient déjà en compte Ségolène ?)

81 bougré de Tarnagas (sacré Tarnais),

83 la marino de guerro,

84 Sul poun d’Avignoun, Miréio,

87 Lous d’Argélièrs (les 87 vignerons du départ avec Marcelin Albert en 1907),

88 las dous cacaùetos, las poupos (les cacahuètes, les seins)

La dinde ou le jambon au bout de la soirée, qui sait ? En attendant, de l’Histoire, la paillardise du Moyen-Âge, la libido des hommes, une initiation à la géographie avec toute la convivialité complice des villageois...  

vendredi 26 août 2022

Il faut savoir danser...

"Pour passer le Rhône... il faut savoir danser..." La chanson enfantine raconte-t-elle autre chose ? Toujours est-il que de part et d'autre des flots puissants du fleuve, après avoir divagué dans les montagnes avec la Durance, l'esprit se sent encore libre de danser en suivant l'ourlet des Cévennes...    

Ensuite, la plaine, l’opulence du Vaucluse, le flux tendu des vacanciers vers la Méditerranée contrastent complètement. Pourtant d’autres noms : René Char, Jean Giono, Alphonse Daudet dansent dans ma tête comme les balancelles sur les vagues d’Henri Bosco. 

Delta du Rhone wikimedia commons Photo par Aldipower / Sous l'aile de l'avion, le Petit Rhône entre la Camargue et la Petite Camargue au-delà. Plus loin les étangs de la côte montpelliéraine ; au fond l'étang de Thau : on distingue même "l'île singulière" de Sète. 

Le fleuve et son delta, la Camargue, portent les tempéraments en partage du Sud et de la Méditerranée, violemment passionnés, que les amours contrariées exacerbent. C’est le pays de Mirèio de Mistral et d’une Magali séduite par les accords d’une guitare gitane : des amours sublimées finalement si proches des scénarios des romans-photos, qui captivent même pour leurs fins tragiques.

Pour passer le Rhône il faut être deux... Allons passe passe passe, allons passe donc... Revenons en Languedoc, repassons-le fleuve. L’Ardèche, de Ferrat, des châtaigniers, de la montagne encore puisque notre Sud est riche des hauteurs du Massif-Central aussi, des contrées courues par la Burle ce vent des neiges mauvais comme le blizzard. Un camarade de classe, à l’Ecole Normale, venait, comme la Loire, d’une ferme au pied du Gerbier-de-Jonc... Des pensées qui nous ramènent au cinéma, derrière le café Mestre et le tabac Prola de madame «Zan». Ah ! Fernandel en moine dans l’Auberge Rouge !

Gard_Le_Mont_Aigoual wikimedia commons Auteur rené boulay. 

Les Cévennes, Robert Louis Stevenson dans son voyage avec un âne à travers les Cévennes ! Modestine, qui l’accompagnait, dans le titre même de l’ouvrage, de ces animaux fidèles qui ont tant aidé à sortir les humains de la survie. Et ce prénom ! Adeline, Pauline, Joséphine, Céline, Ernestine, mes aïeules, directes ou non, ne m’en voudront pas d’associer Modestine à la grande tendresse qu’il me reste d’elles. C’est que les ânes aussi, reviennent dans ce large panorama, comme quelques notes d’une ritournelle (« Je connais une histoire... Hugues Aufray) sur un monde perdu même si les Cadichon, ,jadis compagnons de travail, vivent aujourd’hui seulement pour être aimés ou apporter dans la zoothérapie. Les Cévennes mythiques aux limites incertaines suivant les époques, jusqu’à désigner toute la bordure est du Massif Central pratiquement jusqu’au Morvan. Cévennes du mûrier et du ver à soie, Cévennes des Camisards, en butte aux dragonnades par la volonté d’un roi trop catholique, persécutés, en écho, plus au sud, aux Cathares éradiqués quelques siècles auparavant. Cévennes des mines de charbon... Cévennes sévères de Jean Carrière, auteur nîmois ("L'épervier de Maheux", "La caverne des pestiférés"). Cévennes d’André Chamson... « Cévennes », le nom de guerre de Jean Guéhenno... En suivant, ces montagnes ourlent aussi les Causses ; c’est souvent le rugby qui a contribué à nous éveiller à toutes les nuances de relief, de climat, de végétation, de cultures qui brident et modèlent les modes de vie. Suivre nos bleus et noir, au rugby. Accéder au Larzac en laissant un cirque du Bout du Monde à droite. Évaluer le printemps qui tarde par rapport à la plaine. Réciter «Lou pastre» d’Antoni Roux avec la consolation de voir la langue occitane respirer encore puisqu’elle figurait en option au baccalauréat et qu’elle grave dans la mémoire la grande humanité d’un professeur, monsieur Couderc... « Gardaren lou Larzac » contre un camp militaire qui envahit comme le firent les dragons du Roy ou les barons du Nord ! Les Causses, grands ou petits, Larzac, Sauveterre, Méjean, Rouge, Noir, de Campestre, de Blandas... Que n’irais-je revoir la grotte des Demoiselles, le cirque de Navacelles, les gorges de la Vis, de l’Hérault ? Et voir une fois dans la vie les pivoines de la Buège ?  A découvrir aussi, en poursuivant au-delà des ruffes rouges du Salagou, du cirque de Mourèze, des hauteurs de Pézènes-les-Mines où naît la Peyne, la rivière de Pézenas, la haute vallée de l’Orb. Les coulées stromboliennes qui ont rempli les sillons forment le plateau de l’Escandorgue depuis le Larzac jusqu’en bas, au pays de Michel Galabru.  des envies de découvertes tant notre territoire est riche de ses diversités ? Les Monts d’Orb couverts de forêts et où, comme dans le bassin minier d’Alès, on extrayait le charbon. En haut des Monts-d’Orb, parfois à près de 1300 mètres d’altitude, les Monts de Lacaune, ses lacs, sa charcuterie, ses eaux minérales (La Salvetat-s-Agout... et ses champignons). Un peu moins haut mais ligne de partage des eaux vers l’Atlantique ou la Méditerranée, les Monts de l’Espinouse, le Caroux, les Monts du Somail.  

Vieussan,l'Orb et la Caroux au fond wikimedia commons Auteur Christian Ferrer


mercredi 15 juin 2022

"Per Pentocousto, la guino gousto" / Pour Pentecôte la guine goûte.

Mamé Joséphine. 

<< Per Pentocousto la guino gousto >>* ! disait mamé** Joséphine (Pour Pentecôte goûte les guines). 

~~ E ho ! répondait l'oncle Noé, i pas poussiplé ! Lou qué se passéjo, souben trapara parès ! Es qué cal coumta amé lou coumpeut (Et oui ! ce n'est pas possible ! Celui qui se promène souvent ne trouvera rien ! c'est qu'il faut compter avec le Comput). E ho, es pas atal, cal coumta cinquanto jour dempèi Pasco ! (Et oui ! c'est pas comme ça, il faut compter cinquante jours depuis Pâques !) e am aquèl coumpeut as de guinos ou as de flours ! (et avec ce Comput, soit tu as des guines soit tu as des fleurs) >> 

Ce qui n'est pas facile non plus est de trouver le nom de ce petit cerisier autrefois favorisé en bordure des vignes, surtout dans la plaine, sinon plutôt sauvage Mais vous allez m'aider, m'éclairer !  

Prunus_fruticosa_(Zwerg-Weichsel)_IMG_2184 wikimedia commons Auteur HermannSchachner. Au fruit on s'y tromperait mais les guiniers du Midi n'ont pas les mêmes feuilles. 

En français il y a bien la guigne, fruit du guignier, autre nom du merisier (wiki) guignier cerisier qui porte les guignes (prunus avium juliana).

D'après le site sensagent, la guigne est une  petite cerise rouge à longue queue et très sucrée. Le littré précise que sa forme est semblable au bigarreau, plus petite, très sucrée, avec une chair d'un rouge noir.  

Le Centre national de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) dit la même chose mais cite "guynier", variété de cerisier, 1508 ainsi que "en a. prov. on trouve guinier dès 1350" (impossible de trouver la traduction des abréviations).

"La vie secrète de la nature" (Atlas) mentionne que c'est Lucullus*** qui rapporta un prunus avium dont la forme sauvage, (le merisier) ne porte que des petits fruits à gros noyaux de peu d'intérêt bien que le bois soit prisé par les forestiers. Avec les merises, on fait le kirsch, le marasquin dans le Sud-Est, le ratafia à Grenoble sinon le guignolet (avec les fruits ? avec les feuilles ? les recettes sont plurielles)... Le guignolet nous remet sur la piste du guinier. 

Les merisiers ont donné une première catégorie de cerisiers à fruits doux dont les fameux bigarreaux avec la variété Burlat. Dans la deuxième catégorie, on trouve les griottes (jus foncé) et les amarelles (jus rosé), appréciées outre-Rhin... parfois dans la recette de la forêt-noire. L'ancêtre serait le prunus cerasus originiare du SE de l'Europe ? Cultivée, cette variété qu'on trouve aussi en Italie fonce et devient plus sucrée. 

Les planches de Gründ indiquent que, contrairement au cerisier, le griottier est sans feuilles à la base des ombelles. 


Suite à cette approche franque des "cerasus" classés "prunus", et qui plus est avec l'homonymie malvenue de la guigne en tant que déveine, malchance, je n'ai trouvé de réconfort qu'en espépissant**** ce qu'il me reste de langue occitane dans sa déclinaison languedocienne. Et voici lou guiniè, cerisier à fruits acides et encore l'agrioutiè donnant des agriotos (d'où le nom griotte). Sont encore mentionnés dans le Trésor du Félibrige de Mistral : guindouliè et guindoulo, cerise aigre en Languedoc... Aïe voilà que Béziers s'en mêle pour nous compliquer le propos vu qu'ils disent guindoulo pour la jujube ! Laissons ! 

Alors, les guines qui, dans les petits profits tirés de la nature, apportaient un plus à la vie rustique de nos aïeux, viendraient, non sans évoquer le cerasus fruticosa, ce cerisier nain des steppes peut-être en rapport avec la cerise naine d'Europe, du "cerasus vulgaris" subspontané dans le Midi. J'en ai cueilli quelques unes, pour Pentecôte et mon arrière grand-mère Joséphine, manière de marquer le coup comme on dit ! 

<< Per Pentocousto la guino gousto >>

Bien sûr, ce propos reste ouvert à toute proposition voire contradiction... vos remarques étant toujours les bienvenues !    

* mentionné dans le Trésor du Félibrige de Frédéric Mistral. 

** on dit mamé même pour l'arrière-grand-mère Joséphine Palazy épouse Hortala. 

*** peut-être à l'occasion des guerres contre Mithridate jusqu'en Arménie...   

**** ou espupissa, littéralement s'épouiller en parlant des poules, enlever les duvets après avoir plumé un volatile et, partant, "... éplucher, trier, scruter, examiner minutieusement..." (Trésor du Félibrige, Frédéric Mistral). 






mercredi 2 mars 2022

AMANDIER BLANC, AMANDIER ROSE (2).

Accablés que nous sommes par l'atrocité de la guerre venant rappeler à une Europe bien naïve qu'après le nazisme, il ne faudrait pas oublier aussi les dix ans de guerre de l'ex-Yougoslavie, toujours dans l'attente des actes suite aux paroles, pour la paix, parce que nous devons relever des défis vitaux pour l'humanité, tous ensemble, ci-joint, une ramille d'amandier en fleur comme on envoie un rameau d'olivier...   

Amandier de Bettina, moulins côté Nissan 12 février 2019
Le Portugal, la Sicile, le Maroc fêtent l'amandier au mois de février. Rien pour l'Espagne sinon aux Canaries... dommage. Il est vrai, malheureusement, que même à Estepa, en Andalousie, le pays des polvorones et autres mantecados, ils font venir les amandes de Californie. 
Et chez nous alors ? bien la peine de faire l'Hôpital qui se fout de la Charité même si, dans les P.O., un célèbre confiseur parisien a planté ses rangées d'amandiers ! Cela reste aussi anecdotique que ce verger en plein clapas, sur le territoire de notre commune, venu là certainement par la magie de quelque subvention tombée du ciel, voué à rester stérile s'il n'est pas mort depuis (il y a longtemps que je n'ai pas traversé la garrigue vers la station de potabilisation du Pech de la Bado). 

Amandier d'Anne-Marie, Bize-Minervois, 18 février 2022.  

Alors, sur les marges (les "talus"), il nous reste quelques arbres chenus, quand le propriétaire a choisi de préserver un art de vivre et non de cumuler quelques kilos de raisins en plus. L'occasion de profiter de toutes ces fleurs, blanches ou roses, promesses de jours meilleurs. 

Amandier de Christine, hauts de Salles-d'Aude, 24 février 2022. 

Bienheureux tous ceux qui peuvent courir librement nos coteaux pour admirer nos amandiers en fleur, se poser un moment à portée pour écouter, les yeux vers le bleu du ciel, le froufrou des abeilles dans les pétales ! 
Quant aux autres, même loin, s'ils y tiennent, qu'ils aillent revoir les photos, relire les vers et les textes pour réconforter les cœurs... 

   

Amandier d'Annie, garrigue de Saint-Pierre-la-Mer, 26 février 2022

Dans certaines contrées abritées du Midi, il lui arrive de fleurir parfois pour Noël… C’est arrivé à Fleury… en 1916, 1921, 1975… mon bon oncle Noé confirma alors pas question pour moi, bien que passablement agacé par cette perturbation dans ma ronde des saisons, de mettre en doute sa parole. 

« Val plan pauc, l‘ametlièr quand floris pas al mès de janvièr. » (Il vaut bien peu, l’amandier quand il ne fleurit pas en janvier ». (Corbières,  Josette Villefranque).

Plutôt retenir « Val plàn pauc lo mes de febrièr si fa pas florir l'amatlièr " (Il vaut peu, le mois de février s’il ne fait fleurir l’amandier » (Météoc, site météorologique, par Christophe Calas, natif de Béziers, ingénieur prévisionniste).
 
En zone tempérée, ce serait un problème de température puisque les bourgeons des « prunus », dont notre messager, auraient besoin de 100 à 400 heures à moins de 7 degrés suivies de chaleur pour fleurir. 

2 février 2017. 



mercredi 13 octobre 2021

J'AIME parce que les VENDANGES les ont marqués. 5. Jean Camp

Reprise d'un article du 24 octobre 2016 : LA CIGALO NARBOUNESO / VENDANGES.

Dans le numéro double 114-115 d'août-septembre 1927, "La Cigalo Narbouneso", un poème de Jean Camp, "La Moussenho"(orthographe d'origine).  

Jean Camp / convertimage d'après photo.

Jean Camp (1891 - 1968), l’auteur sallois connu pour ses pièces de théâtre, ses romans « Jep le Catalan », « Vin Nouveau », ses recueils de poèmes avec « Les voici revenues, Coursan, tes grandes heures...» ainsi que « Le doublidaïre » sur le mal du pays, pour ceux qui comme lui et sa famille, sont "montés à Paris"(1). 

La Moussenho.

Per tant vièlho que siogue, es lou cap de jouvent
De la colho e partits al travalh la prumièiro,
Lou pèd laugè, toujour davant, meno la tièiro
E lou darriè ferrat l’a pas visto souvent.

Ajudo as maïnajous e buto las mametos.
Sous ciseùs valentiùs coupoun aissi, ala.
Jamai boun limouniè refuso lou coula ;
Jamai bouno moussenho a roubilhat serpetos.

Fa doublida l’soulel, lous mouissals, lou banhat
Quand de sus pots risents fusoun las coutaralhos.
D’un mot viù a fissat la jouve que varalho
E sap respoundre as capounados d’un goujat.

Quand veï parpalheja proche elo las galinos
Coumo un gaujous eissam d’alos de passerats,
Se leva, se coulca as dessus das ferrats,
Uno simplo fiertat i couflo la poutrino

E quand, al vèspre, a fait soun counte de semals,
Lous rens cansats, lou cor countent, dintro al vilage,
Dejoust soun cos de sac gardo prou de courage
Per entouna ‘n couplet das darriès Carnavals. 

Jan Camp. 

Traduction proposée :

La moussègne (a).
Pour vieille qu’elle soit, elle mène l’ardeur
De la colle et part au travail la première.
Le pied léger, toujours devant, elle mène sa rangée
Et le dernier seau ne l’a pas souvent vue.

Elle aide les jeunes enfants et presse les grands-mères
Ses vaillants ciseaux coupent ici et là.
Jamais bon limonier ne refuse le collier.
Jamais bonne moussègne ne "laisse en repos" (b) ses serpettes.

Elle fait oublier le soleil, les moustiques, le mouillé
Quand de ses lèvres rieuses "elle ne veut en démordre" (c)
Elle a cinglé d’un mot vif la jeune qui papillonne
Et sait "répondre aux caponages" (d) d’un gars.

Quand elle voit, proches d’elle, voleter les calines
Comme un joyeux essaim d’ailes de passereaux
Elle se lève "comme si elle couvait" (e) les seaux
Une satisfaction lui gonflant la poitrine.

E quand le soir elle a son compte de comportes (f),
Les reins las, le cœur content, elle entre au village,
"Sous ses hardes de sac" (g), elle garde assez de courage
Pour entonner un couplet des derniers carnavals.  

(a) la meneuse, la chef des vendangeurs, celle qui donne le rythme et que personne n’a le droit de dépasser.
De mossenh n. m. (s.   XII.) monsieur (onorific) (cf. sénher)
mossénher n. m.(s.   XII.) 1.   monseigneur 2. chef de groupe de travailleurs agricoles (cf.monsenhor)
http://www.academiaoccitana.eu/diccionari/DGLO.pdf (page 422).
(b) de roupilhar : roupiller ?
(c) coutaire, acoutaire : celui qui aime soutenir le contraire (Mistral).
(d) de capounot -oto, friponneau, libertin / le caponage consiste à barbouiller par surprise les jeunes gens (plutôt les filles) qui auraient oublié un grappillon de plus de sept grains... La moussègne que l’âge et le respect dus à son rang protègent peut, à la rigueur, contrôler ces débordements à partir du moment où ils compromettraient le rendement de l’équipe.  
(e) se colcar = se coucher... Problème, le poète nous dit qu'elle se lève, se relève de sa souche... Quitte à faire un contre-sens, je propose « couver », En occitan « clocar », qui irait avec l’image des gélines ou poules. Comment un simple «l» avant ou après le «o» peut tout changer !
(f) Dans ce cas ce serait en fonction d’un rendement à tenir suivant la grosseur des grappes et ce que donnent les ceps. Quoi qu’il en soit, en fin de journée, tout le monde a son content de comportes !
(g) D’une âme charitable j’attends la proposition... 


(1) Pour en savoir davantage
http://www.la-bonne-entente-salloise.fr/salles/Jean%20Camp.pdf
et le livre du canton de Coursan (Vilatges al Pais).

lundi 4 octobre 2021

J'AIME ce qu'ils ont dit des VENDANGES / 2. Jean-Claude Carrière.

 Les Vendanges à Colombières-sur-Orb, Jean-Claude Carrière

Au pied du Caroux (1091 m [IGN]) sur la commune de Colombières-sur-Orb où est né Jean-Claude carrière, les châtaigniers des micaschistes font la transition entre les hêtres (à l'origine) de l'Espinouse et en bas, sur les terrains sédimentaires, les vignes, les oliviers et cerisiers. 

Son livre, "Le Vin Bourru", ne manque pas d'évoquer les vendanges.    

En 2000 il note que depuis les années 30, elles débutent encore entre le 12 et le 25 septembre (1). Né le 19 et inscrit par erreur le 17, l'auteur en déduit que toute la population est fort occupée et perturbée par cette période cruciale, la plus importante de l'année. Le cycle va-t-il les récompenser avec une bonne récolte ou les pénaliser des efforts fournis à cause des aléas météorologiques et des maladies de la vigne ?  

L'oncle Pierre et Pierre Campourcy aux pals semaliers / vigne de la carrière, lieu-dit Caboujolette, Fleury-d'Aude.

Ils vendangent en famille et avec les voisins. Les enfants, les vieux, tous ceux qui le peuvent participent mais certains décampent parfois une heure ou deux pour aller aux champignons ou relever un filet à la rivière. Comme à Fleury, le garçon qui est aux seaux est chargé de la masse pour tasser les grappes dans les comportes. Dès l'âge de treize ans, ils peuvent être "promus" charrieurs aux pals semaliers, ces barres pour porter ensemble par les anses et dans un même pas cadencé, la comporte (2) pleine. L'auteur indique qu'elles contiennent chacune cent kilos de raisins or, il ne tient pas compte du récipient avec les douelles, les cerclages, les poignées... Si le dernier voyage n'était pas trop chargé les femmes et les enfants montaient, ces derniers, juste derrière le gros cul du cheval. On dit "Hi", "Ho", "Bio", "Arrié" pour le mener (et comment dit-on "à gauche" ?).   

Au village voisin de Saint-Martin, ce sont toujours les mêmes groupes de travailleurs qui descendent de la montagne pour deux ou trois semaines. Dans le salaire, le vin et une part de nourriture sont compris. Carrière garde le souvenir de repas marquants, bien arrosés avec des "gabaches" (les mountagnols) qui "parlaient à voix très haute et toujours en patois". 


 Monté à Paris avec ses parents en avril 1945, Jean-Claude Carrière a su mener une double vie fidèle au pays de naissance. Il revenait le plus souvent possible dans la maison familiale et s'il a exprimé, trop légèrement à mon sens, qui plus est avec l'accent d'ici, que tout ce qu'il apprit alors ne lui a que très peu servi, il a pourtant éprouvé le besoin de témoigner de cette vie d'avant dans "Le Vin Bourru" (en français et en occitan). Décédé le 8 février 2021, il repose dans le petit cimetière non loin de chez lui.  

(1) depuis elles sont en avance d'une quinzaine de jours bien que cette année; à cause des conditions climatiques, elles soient plus tardives, ce qui a posé un problème pour la main d’œuvre estudiantine moins disponible à partir de la rentrée.

(2) la formation du mot dit bien "porter avec". Ce fut le cas jusqu'à la mise en service de la brouette à vendanger sauf dans les grandes propriétés pour employer les salariés du domaine. 

PS : thème déjà évoqué mais quand on aime on ne compte pas. 

Colombières-sur-Orb_Eglise Saint-Pierre wikimedia commons Author  Fagairolles 34

 

samedi 21 août 2021

PISSEVACHES / Saint-Pierre-la-Mer


Début des années 60, un vieux monsieur toujours alerte vient tous les après-midi. Il laisse l'épouse aux bavardages des femmes sous la véranda et part à Pissevaches sans souci d'un soleil d'été, trop direct. Sous la chemise, à l'habitude des gens d'ici, il porte toujours un tricot de corps blanc ; aux pieds, bien qu'ajourées, toujours des sandales, claires aussi, comme les chaussettes. Tout est net et quasi neuf mais ses cartilages usés le font marcher en canard : le genou gauche part sur le côté avant d'atterrir. L'allure, le pantalon de lin flottant au vent, le chapeau lui donnent un air de comique américain du temps du muet. Son dada, ce sont les coquillages laissés par la mer, surtout les escargots. Il ne nous vient pas à l'idée qu'il y va, comme Botticelli, pour une Vénus sortant du bain... 

Pendant qu'il court les laisses de mer, plus à l'intérieur, ils sont nombreux autour du canal antichar voulu par les Allemands, avec une épuisette ou au bouchon, à traquer les cranquettes (crabe vert ou enragé), les lisses, ces petits muges en bancs ou encore les jols (athérines) pour une friture de mélette. Le bord est ourlé de coques ouvertes par centaines : ces coquillages morts n'engagent pas au ramassage des vivants. Plus loin, dans l'étang encore en partie en eau grâce au grau intermittent que les coups de mer ouvrent parfois, certains piègent les petites soles sous le pied. 

Sinon, c'est l'étang qui piège ses aventuriers. Passage obligé pour qui, depuis les Cabanes vers Saint-Pierre, veut s'épargner le trajet par Fleury, il ne s'aborde pas à la légère. La route des campagnes, comme on l'appelle, celle où, avec Loulou, manière de faire une balade, nous partons compter les lapins surpris dans les phares, s'arrête en bas de Moyau, après les trois grands pins qui gardent les dernières vignes du piémont. Ensuite une piste ouverte par les plus aventureux descend entre sagnes et tamaris sur un sédiment perfide qui a la couleur du sable mouillé mais cache une vase noire plus que traître si elle n'a séché qu'en surface. Surtout ne pas s'écarter de la piste praticable... Un peu à l'écart, les traces de pneus embourbés qui ont patiné et dressé des hérissons de bois flotté pour se dépêtrer, doivent dissuader de couper pour un gain ridicule... 
Fin des années 60, je travaille le matin à Gaysart, un de ces charmants domaines tournés vers l'air marin, à mettre en bouteilles du gris de gris, depuis le lavage à la vapeur jusqu'au collage des étiquettes... Aller et retour par la piste de l'étang. A vouloir gagner une centaine de mètres, je me retrouve englué dans la vase, les roues du vélo immobilisées dans une gangue noire... Les émanations du vin sûrement... rien de tel qu'un nettoyage fastidieux ensuite, pour dégriser,, surtout que le lendemain il faut y retourner et qu'accessoirement il nous arrive des visites agréables, devant la tente, sous la véranda de carabènes (entre parenthèses, des roseaux coupés aux abords de l'étang, marquant la présence d'une des nombreuses résurgences, parfois appelées "caudiès" tempérant la salinité marine de Pissevaches). 
Première moitié des années 70, derniers séjours en camping dit "sauvage", autorisé encore aux Cabanes. Par les Terres Salées puis la chaussée de la Grande-Cosse, une autre piste rejoint celle de l'étang, ce qui fait peur à mon aîné "Non papa, on va s'embourrer !" parce que c'est arrivé une fois. Il y en a un qui sut en tirer profit, un voisin sallois qui, avec un gros GMC ou Dodge de la Guerre Mondiale, restait disponible pour, moyennant finances, treuiller les embourbés...  

Au volant de son Aronde, le vieux monsieur repart à Fleury avec Maria son épouse, avant sept heures nouvelles, avant que le soleil couchant n'aveugle les conducteurs. Nous la suivons sa voiture, dans la montée, avec les quelques unes qui font la chenille jusqu'en haut de la garrigue. La Barre de Périmont couvre déjà Saint-Pierre, la plage, les baraques de Pissevaches et en partie l'étang qui nous accompagne, de son ombre.  






samedi 14 août 2021

PISSEVACHES DEPUIS PÉRIMONT (2) / Saint-Pierre-la-Mer.

Côté terre, la Barre de Périmont domine ce hameau de tôles et de bois, plus bois flotté, plus fantaisiste, moins aligné que les chalets de Gruissan. Une douzaine de mètres de haut offrent un beau point de vue sur ce monde entre terre et eau... J'écris "beau" en pensant "magnifique" sûrement parce que je tiens trop à ce pays qui me vit naître et ne cessera de m'accompagner... 

Chardon d'Espagne.

Il n'empêche, cet ultime rempart de la Clape sur la mer est déjà remarquable par sa nature. Imaginez une échine rocheuse en pente douce vers l'étang, des romarins, mouches et garrouilles (1), buissons à mener la nuit des chasses au dahut (ah... les nuits d'été à Saint-Pierre...). Des pins, seulement en bas d'une falaise morte, avec quelques roseaux qui disent l'eau pas loin et au premier plan, le vert malachite relevé de blanc et le jaune jaune des capitules du chardon d'Espagne (2). Tout s'oublie, pourtant il suffit un jour d'une circonstance, la découverte des couleurs de Cézanne, de sa palette bien du Midi, pour que jaillisse l'émotion profonde au souvenir de ce coin de Saint-Pierre avec cette fleur à ne cueillir qu'avec les yeux... mais présente aussi, quand on les ferme, avec les senteurs de la garrigue après l'orage de juillet... 

 


Ce qui reste des pins de Périmont...
 

Au bout, en contrebas, comme pour ne pas contrarier le Cers et ses rafales, une pinède, enfin une huitaine d'arbres ; une ombre rare et si goûtée pour le pique-nique du lundi de Pâques, la première fois gourmande d'une salade niçoise jusque là inconnue... Mais quelle idée ce riz froid bien blanc avec ces œufs durs et ces olives bien noires dans la mayonnaise ! Et ce n'est pas tout parce qu'il y a le secret que tout le monde connait... Non non, pas le tunnel sous la garrigue, creusé par les Allemands et où Daudel l'épicier a eu fait pousser des champignons de couche... Sous le transformateur, toujours au bout de Périmont (jadis il y eut une redoute / voir encore le site "Ma Clape à ce propos) une échelle de fer pénètre les entrailles de la Terre et donne sur un lac bleu bien mystérieux.  

Une douzaine de mètres à peine et après le village sur pilotis, la vue s'ouvre. Le regard porte à treize kilomètres environ (3). Presque dans la perspective de l'immeuble de Valras, le château d'eau de Saint-Louis des Cabanes borne une platitude de terres salées avec l'étang de Pissevaches, formé et déformé au fil des époques par le delta de l'Aude et la mer.  . 

A jouir de la vie, à s'éveiller aux merveilles de la nature, à apprécier le coin, on n'analyse pas plus loin... Tout vient à point, dit-on, petit à petit, quand sonne l'heure... Voilà que je fredonne, peut-être parce que, un peu à droite d'Agde, on voit Sète, la ville de Brassens qui me pardonnera de le pasticher "Il suffit d'être à Périmont, c'est tout de suite l'aventure..." Le nom déjà "Pissevaches", une aventure mais laissons cela aux années 10 et 20 de ce siècle (4)

(1) cistes et kermès.  

(2) le nom m'a été amicalement soufflé par "Ma clape" un site à ne pas manquer pour ceux qui aiment nos garrigues uniques jusqu'au bord du Golfe http://www.maclape.com/#propos sinon sur facebook https://www.facebook.com/maclape11. 

(3) https://fr.wikihow.com/calculer-%C3%A0-quelle-distance-se-trouve-l%27horizon 

(4) Dans la promotion touristique de la commune voici ce que nous avons vu fleurir comme panneau :

Je vous l'analyse "enraciné indécrottable" ! As pas vist ! T'as pas vu ! et tu assimilerais les vaches aux vagues qui rentrent en coin ? Et pourquoi pas le pis des vaches sinon dans le sens des sources qui pissent quand, plus français qu'occitan, j'apprenais le Plateau de Millevaches ? Et pour revenir aux années du camping sauvage, papa ne stockait-il pas l'eau dans un sac de toile suspendu, toujours suintant et frais, appelé "vache-à-eau" ? 

Tout reste audible et se discute : le panneau et son hypothèse univoque (photo de 2014) n'a pas été renouvelé. Désolé, mais l'autre jour je n'ai pris que le paysage... J'y retournerai...   

Au fond, la Barre de Périmont vers 1958.

      

mercredi 11 août 2021

PISSEVACHES, plus qu'un étang lagunaire...

Couçi dision en aquèl temps ? Comment disait-on en ce temps-là ?  "Piçovaco" ? Pissevaches... J'ai du mal à accepter le "SS" pour le son "s"... Plutôt le "ç" peut-être latin, plus sudiste, un tantinet wisigoth, qui sait... 

Enfin, par cette belle matinée d'août, si la mer miroite sereine avant de montrer les zébrures annonçant le gentil temps du marin avant midi, elle ne s'offre plus comme avant, après le zip de la fermeture éclair. La tente, sur une butte de sable sec, dans les oyats, au-dessus des joncs de l'arrière. 

La tente derrière la rangée de baraques installées bien avant la saison pour retrouver la place. Devant, marron, le sable mouillé avec le campement des estivants, un patchwork de toiles orange, bleues, vertes, un désordre apparent car bien avant que le garde-plage ne vienne prélever le franc journalier pour la poubelle, tout le monde laisse libre la piste pour les véhicules des gens, la camionnette du boulanger, celle du marchand "A la cèbo, à la cèbo, à la cèbe de Lézignan !", celle, rouge et jaune, du cirque du jour pour la représentation du soir, les camions "de glace", de pêches vendues par plateaux ou, plus occasionnellement d'un lot de journaux et revues avec en prime la casquette. En limite de cette dépression noyée sous les eaux une bonne partie de l'année, le sable blanc, en côte douce vers le bourrelet du bord de mer avec le premier rang de toiles et de caravanes, les pieds sur la plage. Une place pas du tout enviée par des locaux goguenards, un brin imbus de leur attache natale au milieu, qui, au contraire, pronostiquent qu'avec le coup de mer du quinze août, ils vont mamer.  

A droite, vers le rebord de garrigue et le petit port colonisés par les Narbonnais, le rocher avec l'épave du bateau espagnol où le cousin Jojo plonge chercher des moules, où le cousin Jacky pêche des aiguilles aux vertèbres vertes à bleues, fluorescentes. A gauche, comme une introduction aux grands espaces sauvages, Pissevaches, gamin, ce nom pouvait prêter à rire ; pourtant, à mon insu bien que pressenti, sentencieux, magique comme un sésame pour le monde qu'il est, de mystères et de mythes, comme une initiation avant de m'engager dans un milieu mi-doux mi-salé, gagné par le fleuve sur la mer, avec sa dune, ses marais, ses salicornes, ses saladelles lilas qu'il appelle vendangeuses, dans le sillage d'une Mirèio faite mienne, parce qu'il arrive à papa de déclamer Mistral et que mes années confondent sans peine le château-d'eau de Saint-Louis-de-la-Mer aux Cabanes avec le clocher fortifié des Saintes-Maries-de-la-Mer en Camargue.

Pissevaches, c'est d'abord un village de baraques (1), permanent, sur pilotis pour résister aux assauts des vagues. Et dire que je ne sais rien de ses habitants amphibies, anonymes ; seul un nom me reste, "WONDER", celui d'une marque de piles sur une plaque émaillée rouge, bleue et blanche, d'un mètre carré au moins, idéale pour protéger des planches rongées ou pour signaler une épicerie aussi improvisée que clandestine. Ne connaissant pas ces irréductibles îliens, je ne les vois que de loin, depuis la plage où je ne fais que passer (à suivre).

(1) lorsque le plan Racine et l'envahissement légalisé de ce qui fut la plage du camping sauvage conduisit à la démolition du village sur pilotis, ses irréductibles, regroupés en association, obtinrent une parcelle dans le lotissement naissant des "Baraquiers". Faveur ? privilège ? rien à côté des hectares "cédés" aux promoteurs de grands ensembles ! 








mercredi 24 mars 2021

NISSAN-lez-Ensérune (3), la colline percée, les tunnels du Malpas.

Carte topographique IGN


Photographie aérienne IGN

 Après les hauteurs d'Ensérune (dit aussi un temps Ensédune peut-être en référence à "dunon" le nom celte et préromain signifiant à la fois, "citadelle fortifiée" et "mont, colline, hauteur"), l'importance des lieux extérieurs à l'enceinte du village s'impose et d'abord l'accès au site historique, un isthme en quelque sorte, permettant à la route qui monte à "l'oppidum" d'être déjà à 50 mètres par rapport aux 20 m. de l’Étang de Montady au nord et à la trentaine de mètres, côté Nissan. L'endroit, pourtant, porte le nom de Malpas, le mauvais passage !

Nissan Malpas_tunnel_in_the_Canal_du_Midi,_western entrance panoramio wikimedia commons Author Maarten Sepp


 
Nissan Malpas_tunnel panoramio wikimedia commons Author Satyam

Nissan Malpas_tunnel_-_panoramio wikimedia commons Author Satyam

Justement, lors du creusement du Canal Royal de Languedoc, fin 1679, il se confirme que c'est un mauvais passage quand Pierre-Paul Riquet bute sur ce mur d'une pierre friable et sujette aux éboulements ! Il est dit que Riquet a engagé ses deniers personnels et même que ses héritiers durent payer pour son idée or l'épisode d'Ensérune vient nous rappeler que l'exécutif avait la main sur le projet. Rapidement informé des difficultés, Colbert envoie ses commissaires et en attendant leurs rapports, fait arrêter le chantier (1). Passant outre, Riquet demande au maçon Pascal de creuser discrètement une galerie... ce qui fut fait, en huit jours. Paul Riquet invite alors l'intendant décisionnaire à  se rendre compte de la réalisation : les travaux reprennent. Au bout de quelques mois (automne 1680) le creusement du premier tunnel-canal au monde est réalisé (173 m. de long, 6 m. de large, 8,5 m. de haut, 30 arches de soutien). 

Le Malpas devant son nom à la mauvaise réputation de l'endroit (2) était déjà percé depuis le XIIIe siècle (charte en date de 1247) par un aqueduc souterrain destiné à vidanger l’Étang de Montady enchâssé sans exutoire naturel mais si esthétique pour sa géométrie originale, à cause de cette contrainte. Creusée à moins 30 mètres, cette conduite de 1,364 km de longueur débouche de l'autre côté prenant le nom de Mayre (merci de prononcer séparément le "y", comme un i tréma) ; elle a nécessité 20 ans de travaux. La carte topographique indique une source à l'altitude de 20 mètres, est-ce la sortie de l'aqueduc ? Le ruisseau intermittent de Notre-Dame conflue aussi dans le secteur mais les tirets bleus de son cours butent mystérieusement sur la ligne de chemin de fer et la source de la Mayre sur la carte ainsi que les vues IGN n'apparaissent pas sur Google Earth où le débouché d'une canalisation est néanmoins manifeste. Moralité : faut y aller ! 

Étang de Montady Hérault France Seen from the hill over the Malpas tunnel in the Canal du Midi panoramio wikimedia commons Author Maarten Sepp


A deux mètres seulement sous le Canal du Midi (- 10 m) et au-dessus du drain de l'étang (- 30 m) a été aussi creusé le tunnel de la voie ferrée Bordeaux-Sète ( - 20 m) (ligne ouverte en 1857).  

(1) Le chantier aurait néanmoins été mené à bout avec son passage à Béziers puisqu'il ne reste plus qu'à joindre le tronçon déjà prêt (1675) entre la ville et Marseillan sur l’Étang de Thau. Par ailleurs, la décision avait été prise de faire aboutir la voie d'eau à la ville nouvelle de Cette (1666 première pierre). L'ancien cours de l'Aude et le passage par Narbonne (aujourd'hui la Robine) offrait une possibilité vers la mer mais Port-la-Nouvelle n'était pas encore sortie des sables et la traversée du fleuve trop inconstant posait problème. Le tracé aurait pu rallier les étangs (Capestang, Lespignan, Vendres) mais là encore en craignant les caprices de l'Aude tout proche. Et puis, comment concevoir qu'après Narbonne, Béziers, ville natale du concepteur de l'ouvrage qui plus est, ne soit pas desservie ?  

(2) A Cuxac-d'Aude, un dicton disait "Sios fait quand passes lou pount qu'es veit ouros !" (tu es fait si tu passes le pont et qu'il est huit heures).