Reprise d'un article du 24 octobre 2016 : LA CIGALO NARBOUNESO / VENDANGES.
Dans le numéro double 114-115 d'août-septembre 1927, "La Cigalo Narbouneso", un poème de Jean Camp, "La Moussenho"(orthographe d'origine).
Jean Camp / convertimage d'après photo. |
Jean Camp (1891 - 1968), l’auteur sallois connu pour ses pièces de théâtre, ses romans « Jep le Catalan », « Vin Nouveau », ses recueils de poèmes avec « Les voici revenues, Coursan, tes grandes heures...» ainsi que « Le doublidaïre » sur le mal du pays, pour ceux qui comme lui et sa famille, sont "montés à Paris"(1).
La Moussenho.
Per tant vièlho que siogue, es lou cap de jouvent
De la colho e partits al travalh la prumièiro,
Lou pèd laugè, toujour davant, meno la tièiro
E lou darriè ferrat l’a pas visto souvent.
Ajudo as maïnajous e buto las mametos.
Sous ciseùs valentiùs coupoun aissi, ala.
Jamai boun limouniè refuso lou coula ;
Jamai bouno moussenho a roubilhat serpetos.
Fa doublida l’soulel, lous mouissals, lou banhat
Quand de sus pots risents fusoun las coutaralhos.
D’un mot viù a fissat la jouve que varalho
E sap respoundre as capounados d’un goujat.
Quand veï parpalheja proche elo las galinos
Coumo un gaujous eissam d’alos de passerats,
Se leva, se coulca as dessus das ferrats,
Uno simplo fiertat i couflo la poutrino
E quand, al vèspre, a fait soun counte de semals,
Lous rens cansats, lou cor countent, dintro al vilage,
Dejoust soun cos de sac gardo prou de courage
Per entouna ‘n couplet das darriès Carnavals.
Jan Camp.
Traduction proposée :
La moussègne (a).
Pour vieille qu’elle soit, elle mène l’ardeur
De la colle et part au travail la première.
Le pied léger, toujours devant, elle mène sa rangée
Et le dernier seau ne l’a pas souvent vue.
Elle aide les jeunes enfants et presse les grands-mères
Ses vaillants ciseaux coupent ici et là.
Jamais bon limonier ne refuse le collier.
Jamais bonne moussègne ne "laisse en repos" (b) ses serpettes.
Elle fait oublier le soleil, les moustiques, le mouillé
Quand de ses lèvres rieuses "elle ne veut en démordre" (c)
Elle a cinglé d’un mot vif la jeune qui papillonne
Et sait "répondre aux caponages" (d) d’un gars.
Quand elle voit, proches d’elle, voleter les calines
Comme un joyeux essaim d’ailes de passereaux
Elle se lève "comme si elle couvait" (e) les seaux
Une satisfaction lui gonflant la poitrine.
E quand le soir elle a son compte de comportes (f),
Les reins las, le cœur content, elle entre au village,
"Sous ses hardes de sac" (g), elle garde assez de courage
Pour entonner un couplet des derniers carnavals.
(a) la meneuse, la chef des vendangeurs, celle qui donne le rythme et que personne n’a le droit de dépasser.
De mossenh n. m. (s. XII.) monsieur (onorific) (cf. sénher)
mossénher n. m.(s. XII.) 1. monseigneur 2. chef de groupe de travailleurs agricoles (cf.monsenhor)
http://www.academiaoccitana.eu/diccionari/DGLO.pdf (page 422).
(b) de roupilhar : roupiller ?
(c) coutaire, acoutaire : celui qui aime soutenir le contraire (Mistral).
(d)
de capounot -oto, friponneau, libertin / le caponage consiste à
barbouiller par surprise les jeunes gens (plutôt les filles) qui
auraient oublié un grappillon de plus de sept grains... La moussègne que
l’âge et le respect dus à son rang protègent peut, à la rigueur,
contrôler ces débordements à partir du moment où ils compromettraient le
rendement de l’équipe.
(e) se colcar = se coucher...
Problème, le poète nous dit qu'elle se lève, se relève de sa souche...
Quitte à faire un contre-sens, je propose « couver », En occitan « clocar », qui irait avec l’image des gélines ou poules. Comment un simple «l» avant ou après le «o» peut tout changer !
(f)
Dans ce cas ce serait en fonction d’un rendement à tenir suivant la
grosseur des grappes et ce que donnent les ceps. Quoi qu’il en soit, en
fin de journée, tout le monde a son content de comportes !
(g) D’une âme charitable j’attends la proposition...
(1) Pour en savoir davantage
http://www.la-bonne-entente-salloise.fr/salles/Jean%20Camp.pdf
et le livre du canton de Coursan (Vilatges al Pais).