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mercredi 23 septembre 2015

SALUT POILU, C'EST ENCORE MOI ! (fin) / Pézenas, Languedoc, France


Qu’on ne s’offusque pas, surtout : cette familiarité n’a rien de condescendant. C’est l’affection qu’elle exprime, la complicité unique entre un grand-père et son pitchoun en serait une bonne illustration, quand l’aïeul blague et que le petit rit... Même que le Poilu a vu quand le passant a souri... Un passant convaincu, qui plus est, d’un clin d’œil en prime, je peux en témoigner, oui, mais pas pour le mot d’esprit dont l’enfant rit encore. Sûr que, plus vivant que jamais, le combattant insiste auprès des adultes, suggérant que rien et que tout séparent un soldat tué d’un papé toujours debout, rappelant combien l’horreur de la guerre n’est qu’ordinaire pour des êtres pourtant dotés de raison sinon de conscience.
Et cette façon directe de s’adresser aux présents, sans la moindre pique, sans la solennité guindée des cérémonies... N’allez pas vous méprendre : la communauté ne serait pas sans les rituels, sauf que ceux qui donnent dans l’emphase, l’affectation en excès, plutôt que de ranimer la flamme, l’étouffent plutôt, à leur corps défendant...


C’est vrai que j’ai pensé “épatant” et presque “formidable”, sans qu’il soit question ici de surenchère, de provocation, ou de cette prétendue arrogance que de vils dirigeants étrangers nous prêtent pour mieux flatter des leurs, les bas instincts... Bien sûr que la guerre, déplorable, haïssable pour certains, n’a rien de formidable. Loin de gommer le tragique de notre Histoire intemporelle, il s’agit ici d’apprécier seulement ce que l’atmosphère, dans le Square du Poilu, a de vivant, de moderne, d’accessible et surtout pas d’émoussé.
Et pour être passé devant toi plusieurs fois par jour, une année durant, sans pour autant te croiser, à l’âge où la fascination pour un grand-père entretient l’optimisme sinon l’euphorie, la vie indéfectible, le monde beau et gentil, je te salue, Poilu... Finalement, c’est toi qui es venu à ma rencontre... C’est mieux ainsi. 

Dans la quête d’un bon angle, si je papillonne en évoquant les grenouilles de tes voisins asséchés, les poissons, je tiens à te confirmer que nous t’avons aperçu, cet été, avec notre oncle Pierre, sur le front d’Alsace, sur les crêtes de l’Hartmannswillerskopf... Trois générations sinon quatre, main dans la main avec nos Poilus, les drapeaux claquant vers le ciel dans le silence et le vent froid... Un grand moment...
Et maintenant, au grand soleil, entre nous, tu le vois ce bonhomme de huit ans qui voltige sur le gros ressort de l’aire de jeux, il y était, dans la froidure, sous son béret, comme les grands ! Et c’est bien qu’il soit là aujourd’hui... Il lui reviendra un jour que ta présence sereine répète inlassablement que les folies mènent aux catastrophes. Dans nos villes, nos villages, tes semblables apaisés, désabusés mais forts d’une conviction profonde, bien que raillés, un temps méprisés, ne le cèdent en rien, pas plus aux fantassins des combats glorieux qu’aux victimes pour l’exemple. 
Tu sais ce qu’a pu dire Valéry :
"La guerre, un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas." (Paul Valéry).
Salut Poilu, à la prochaine ! Tape à nouveau sur mon épaule, pour que ce frisson ne meure ! Ce sera beau, fort comme une première fois ! 

photos 1. square du Poilu depuis le haut du cours Jean Jaurès. 
2. la ville depuis le square. 
3. Salut Poilu !
4. Une grenouille du bassin aux poissons, à sec. 

jeudi 17 septembre 2015

SALUT POILU, C‘EST ENCORE MOI... / Pézenas, Languedoc, France

“Qu’importe si tu rechignes à remonter ton cours, les flots, un jour, t’emporteront.” 

Sur le web, chacun grappille ce qu’il veut bien cueillir ou transplanter à son profit. Une lapalissade, d”un genre qui affleure la conscience des hommes au point de ne plus savoir laquelle des deux vient effleurer l’autre, arrive ainsi et résonne non sans raisons...
 
Celle-ci est venue flotter avec le bois peut-être charrié par la Peyne, lorsqu’un épisode pas toujours cévenol (je préfère dire “aigat") marque une fin d’été déjà teintée d’automne (https://www.youtube.com/watch?v=AezveVDQA2g attention la vidéo date d’un an). Quoi qu’il en soit, c’est la Lergue qui vient de faire les unes des eaux en furie. En attendant, ma jolie rivière piscénoise s’est invitée chez moi et j’ai pu lui exprimer le plaisir que j’ai eu, à la revoir au mois d’août  : “Je n’ai pas trop changé, qu’elle m’a fait ? ” 

Cela vous étonne qu’on puisse parler à sa rivière, sans être cabourd ou caluc (1) ? Ce n’est pas plus déplacé que de s’adresser à son dieu pour un déiste ou à sa vigne pour un vigneron. J’ai échangé quelques mots aussi, avec le Poilu, vous savez, celui du jardin public, en haut du cours Jean Jaurès, au niveau de la route de Roujan... C’était fin avril, (http://dedieujeanfrancois.blogspot.co/2015_04_01_archive.html), je lui avais promis de revenir, pour des photos, manière d’arranger la pauvre impression du cliché étique d'alors. 

 
Et puis, avant l’alerte aux fortes pluies, un post des amis de Pézenas, justement, ou de la ville, ou encore de l’Office du Tourisme, m’a fait l’effet du réveil qui sonne. Entre parenthèses, cette communication s’est envolée, comme fait exprès, malgré mes recherches sur le monument aux morts (face de bouc, je t’en veux !).
C’est que la dépêche semblait vouloir lui donner la parole, à notre Poilu sur sa canne ! La dénomination d’abord, “Square du Poilu”, marquant plus de proximité, de sentiment qu’un habituel “Monument aux Morts". 
Les autres morts, puisque vous le demandez, ceux de 40-45, d’Indochine, d’Algérie, loin de s’en formaliser, ne sont pas mécontents, au contraire, d’avoir ceux de 14 comme porte-parole.
 
Le square du Poilu me plaît vraiment ! Au point de le trouver carrément “épatant”... J’exagère ? Vous trouvez ?
(à suivre)

(1) “fada” en Provence... 

photos 1 & 2 La Peyne depuis le pont désaffecté du chemin de fer. 
3 & 4 Le poilu de Pézenas. 

samedi 12 septembre 2015

UNE LUTTE ÉPIQUE DES PÊCHEURS DU GOLFE (IX) / Fleury d'Aude en Languedoc

« ... Figure-toi que le 14 juillet 1949, c’est facile à retenir, nous avions quelque chose de lourd, de costaud dans le filet, une masse sombre... Ce ne pouvait être qu’une épave, une périssoire entre deux eaux... Oh ! mais quand on a vu qu’elle se laissait pas faire, la forme mastoc, on s’est demandé ce que ça pouvait être...
Tu peux me croire, d’ailleurs, si je me souviens, Bouscarle a pris la photo... demande à Francis, il doit l’avoir...C’était une tortue noire, mais noire ! Nous étions trois bateaux dont le Troukebek (me souveni pas coumo s’escris), celui de Francis, et neuf hommes en tout ; j’ai plongé pour passer les cordes. Ça a bien bataillé trois heures, par le plus petit bout, pour s’approcher de la jetée de La Nouvelle. Oh ! mais quand elle a vu le bord, elle s’est agitée ; alors on y est monté dessus, à deux... Adieu ! elle nous a envoyés en l’air comme si de rien n’était : on faisait pourtant 80 kilos chacun ! C’est qu’elle avait des dents énormes ! et quatre en plus ! Je ne te dis pas ! 
   Un a dit “Il faut la vendre !” Justement, un forain proposait de la prendre pour l’exposer. Y avait une foule, peut-être des milliers de personnes ! On voulait la tirer vers une rampe de mise à l’eau... Oh ! cinq ou six coups de nageoire et les 60 qui tenaient la corde se sont retrouvés dans le canal !  Enfin, mètre après mètre, on est arrivé à la monter sur le plan incliné. C’était déjà 6 heures du soir et depuis 3 heures, une camionnette était arrivée de l’aquarium de Banyuls... Quelqu’un avait dû téléphoner... Tu aurais vu comme elle a explosé le plateau de la 402 !
Ils l’ont mise dans un bassin, paraît-il... Combien de temps elle a tenu ? C’est qu’il lui fallait 30 à 40 kilos de sardines par jour ! puis la carapace s’est retrouvée à l’entrée de l’aquarium, elle y est peut-être encore... Et nous, on se l’est donnée depuis le matin pour un croustet en guise de repas, c’est tout ce qu’on avait gané !
- Quel dommage, réagis-je en imaginant leurs mines déconfites devant les sandwiches, si j’avais su... nous y étions justement, dans l’embouteillage de Banyuls, il y a quelques jours à peine, de retour d’Espagne par la Côte Vermeille... » 


Nada, à ce jour, de la part de l’aquarium sur la tortue géante : pas un mot, pas une photo de l’entrée, pas le moindre indice !
Il s’agit vraisemblablement d’une variété marine très grosse (les mâles peuvent atteindre 900 kilos !), comme tend à le confirmer, en dépit des silences de Banyuls, ma recherche opiniâtre... en rien comparable, néanmoins, avec la lutte épique des pêcheurs du Golfe avec un chélonien à la bouche dotée, qui plus est, de crochets monstrueux  !  (1) (à suivre)

(1) « T'es sûr, Yves, que tu replonges passer les cordes, maintenant que tu as  vu ce qu'elle avait derrière le gargaillou ? » (pour vous rendre compte l'adresse d'un cliché non libre de droits : https://www.google.fr/search?site=imghp&tbm=isch&source=hp&biw=1366&bih=631&q=tortue+luth&oq=tortue+luth&gs_l=img.3..0l10.4947.7901.0.9075.11.11.0.0.0.0.293.1738.2-7.7.0....0...1.1.64.img..4.7.1736.OHoXaxihl4w#tbm=isch&q=tortue+luth+dents 
et pour voir les autres  :
https://www.google.fr/search?site=imghp&tbm=isch&source=hp&biw=1366&bih=631&q=tortue+luth&oq=tortue+luth&gs_l=img.3..0l10.4947.7901.0.9075.11.11.0.0.0.0.293.1738.2-7.7.0....0...1.1.64.img..4.7.1736.OHoXaxihl4w#q=tortue+luth+dents&tbm=isch&tbas=0
 
photos autorisées : 1. cheloniaphilie / http://www.image-gratuite.com/ 2. flickr.com

vendredi 11 septembre 2015

SOUCIS ET MALHEURS D’UN PÊCHEUR DU GOLFE (VIII) / Fleury d'Aude en Languedoc

« Et oui, tu vois, je faisais la traîne l’été et l’étang l’hiver, pratiquement la moitié de l’année pour chaque pêche...
- Le poisson se vendait bien ou sont-ce les mareyeurs qui en tiraient le plus grand profit ?
- Faut pas chercher à comprendre... les mareyeurs ils t’attendent... comme celui de la Nouvelle... Je lui demande s’il prend les crevettes, tu sais, les crevettes grises. Il me dit “écoute, si tu me les fais cuire, je te les prends !” On était à la Nautique, on avait un baraquement  avec une gazinière et même une cuisinière à bois. Un jour, pour te dire, j’avais fait cuire quatre-vingts kilos, eh, de crevettes... Je les amène... Tu as vu les sous toi ? Je les attends encore...
- C’est un voleur alors ?
- Oh, oh...
- On ne peut pas le dire comme ça ?
- Et non, et non...
- Un drôle de lascar quand même ! Sûr qu’il les a vendues ! Et dire qu’il venait à Fleury...
- A Fleury ?
- Oui, même que l’appariteur clamait “ La sardine Tiaide est sur la place !” et qu’un ami de Trausse avait bien fait rire mon père en s’étonnant “Es uno especialitad d’aici ? ”. 


 - J’ai eu travaillé avec le père... lui était un gangster... “ Tu peux venir avec moi ?” qu’il me dit un jour. Je devais avoir 14 ans ; il avait une espèce de camionnette ; on va à Palavas. A l’époque, je sais pas si tu en as entendu parler de ça, y avait la “seinchole” (1), au mois d’août... comme ça, les thons venaient au bord, les barques les encerclaient, ils prenaient parfois 30, 40 tonnes de thons !.. Eren partits amé Justin et le temps que le type tournait le dos, il lui a piqué trois thons de 23-24 kilos comme ça, zaou, de par terre à la camionnette ! 
- Tu sortais en mer aussi ? 

- Oui mais je suis resté au sardinao (2), on faisait le sardinao et le thon... Ton oncle, lui, était au lamparo...
- C’est vrai qu’il m’a eu donné du poisson, à quai, quand il rangeait et nettoyait encore à bord...
- Enfin, laisse tomber Yves, songeur : c’est le pêcheur qui se la donne et toujours l’intermédiaire qui ramasse. »
C’est vrai qu’entre la confiscation des ressources par les grosses unités prédatrices (chalutiers, thoniers) (3), la toute puissance des mareyeurs, sans parler de la pression des touristes rois, du bétonnage des côtes, des pollutions successives, des "changements climatiques”, et j’en passe, la grande majorité des petits métiers a logiquement disparu quand les pêcheurs comme Yves ont pris la retraite.

(1) certainement en rapport avec la seinche (Littré 1874), l’encerclement des thons à Palavas.
http://fpmm.net/wp-content/uploads/2014/09/FPMM-Palavas_specimen.pdf
Pour un ancien de Victor Hugo, comment ne pas penser à monsieur Sinsollier, surnommé “Sinsolle”, qui nous fit aimer l’Histoire (pour moi, plutôt la géographie). Et ne me dîtes pas que, contigue aux anciens ateliers de mécanique encore marqués de cambouis où Salant et Guionie nous faisaient voltiger (enfin, il faut le dire vite...) sur les barres parallèles, la salle (qui fut aussi celle de la prof de musique), éclairée seulement par une verrière au plafond, ne laissait pas d’autre possibilité d’évasion... 


(2) nom du filet à sardines.
(3) quand je pense que les gros prennent impunément des dizaines de milliers de tonnes, notamment au large de la Libye, et qu’Yves, lui, a été contraint de brûler les barques construites de sa main ! L’égalité de traitement par l’administration “ ne vaut pas mieux qu’au siècle de Louis le quatorzième... “Suivant que vous serez puissant ou misérable...". Pire encore concernant la complicité des instances européennes... Un repenti de la pêche industrielle n’a-t-il pas déclaré : " Quant aux inspecteurs de la Cicta montés à bord, s'ils n'ont rien vu, c'est qu'un "paquet de cigarettes suffit à les acheter".”
http://www.lepoint.fr/actu-science/thon-rouge-les-revelations-fracassantes-d-un-pecheur-repenti-09-11-2011-1394264_59.php 
voir aussi http://www.midilibre.fr/2015/09/02/chalutiers-c-est-la-fin-de-l-hemorragie,1208127.php même si nous voulons insister sur une "hémorragie" plus préoccupante...

photos : 1. pêche au thon / Tunisie 1910. 2. Vela latina Par Joan Sol from Premia de Mar, el Mediterrani (Yvonne2) via Wikimedia Commons. 3. carte Palavas : auteur :"Map commune FR insee code 34192

vendredi 7 août 2015

LE TEMPS POUR UN PÊCHEUR DU GOLFE... (VII) / Fleury en Languedoc


    Entre le temps qui passe et celui qu’il fait, Yves continue de raconter la mer et la rivière nourricières.

    « Les prévisions du temps... on regardait le matin... j’ai appris avec les vieux. Ils se levaient tôt et regardaient la montagne « Ah, veit (avuèi = aujourd’hui), auren de vent, auren de gregau... »
    I coumprenio pares... Je n’y comprenais rien et eux te le disaient avant qu’il arrive « Y a des motons à la montagna : lou cers bufara. » Quand lou solel es arribat, te fatiguès pas (Quand le soleil s’est montré c’était ça...). ou alors ils annonçaient « Ah, veit auren lou vent à la mar...» 
    Ils regardaient du côté de la montagne, en visant les collines de Nissan. Sinon, ils regardaient toujours vers l’Est, jamais dans l’autre secteur, pas du côté de l’Espagne car ce qui arrivait de mauvais venait toujours de l’Est.
    Une fois, avec cette neige du grec qui casse tout... je devais avoir 17 ans. Il a tellement neigé, la rivière était gelée, on pouvait pas aller jusqu’au pont de Fleury, comme d’habitude, et on est allé chercher du pain à Valras en passant par le bord de la mer. Il en était tombé 25 cm au bord de l’eau quand même ! J’avais jamais vu ça. c’était petit vent du nord, et l’eau des vagues se gelait. Quand nous sommes repassés il y avait 50 ou 60 centimètres de dentelle de glace... je m’en rappellerai toujours. Attends, pour geler l’eau de mer ! Tout le monde, avec des sacs ; entre ceux qui allaient gaiement et ceux qui marchaient moins vite, on était une trentaine pour rapporter du pain à tout le village.
    Une autre fois, quand on a été au pont de Fleury, on voyait rien et il y avait tant de neige qu’on savait plus où était la route, et les caves (les fossés), à côté.  Tu savais pas si tu étais sur la route ou dans une vigne. A des endroits on en avait jusqu’au ventre. Celui qui était devant était mouillé jusqu’à la taille. On se relayait, trempes comme des canards ! A la boulangerie, chez Vizcaro, enfin Fauré encore, Paul s’est étonné : « D’ount sortissès ? » (D’où sortez-vous ?) On était partis à 7 heures du matin, et le retour aux Cabanes, à 4 heures, avec le bateau. Je devais avoir 17, 18 ans. Quand il neigeait, couillon, c’était la catastrophe... /...  Autrement, ils regardaient ou la montagne ou l’Est :
« De qué va faire ? » (Qu’est-ce que ça va donner ?) 
~ Sara vent à la mar... (le vent viendra de la mer). »
    Quand il y avait des éclairs à la mer "lamp à la mar, vent à la terra"... Et c’est vrai, le vent du Nord ne tarde pas... Aujourd’hui, pour le temps, les plus fiables, c’est la météo marine (1), ils repassent les bulletins en boucle, tant c’est important.  


~ Et la lune ? 


~ La pleine lune, c’est pas terrible pour la pêche. Ce sont surtout les courants qui gênent, plus que la lumière, parce que les courants sont désordonnés et il vaut mieux une direction unique, dans un sens ou dans l’autre, de l’est ou de l’ouest. Autrement ils étaient bons... A la traîne ils plongeaient d’abord une bouteille attachée deux ou trois mètres sous un liège et ils voyaient si en surface et dessous les courants se contrariaient. Ils constataient si le courant de grebi donnait ou bien le gregau. On était arrêtés à une maille de la terre (100 mètres), à réfléchir, à calculer, stoppés sur les avirons pendant un quart d’heure, vingt minutes, une demi-heure. Si c’était franc, on calait « la pouncho dins lou pounent » fallait aller vers l’Espagne. C’était plus mauvais quand il y avait le vent d’est parce que, dans ce sens là, il fallait "embasser" la terre à l’envers... Ils aimaient pas trop là... Après, les courants proches de la terre étaient forts, alors ça te prenait le filet, tu coulais ! Tu aurais rigolé ! tu arrivais au bord en coulant, tu aurais vu comme ça peltirait (tirer avec force) ! Au lieu de partir par ce bras (celui vers l’embouchure), il fallait démarrer par l’autre. Avec les courants forts, pour un noyé au niveau de Pissevaches, ils nous ont demandé de faire bol pour essayer de récupérer le corps. O ! adieu, on l’a retrouvé aux Ayguades, trois ou quatre jours après... »

(1) et surtout pas nos rigolos des différentes chaînes qui nous embrouillent en donnant le temps huit jours à l’avance, manière d’escamoter leur propension à laisser croire « Tout va bien, vacancez tranquilles... », en minimisant un rafraîchissement ou en exagérant jusqu’à 4 ou 5 degrés la température de l’eau pour que celui qui n’a pas pu partir s’en veuille davantage de savoir le veinard au bord de la mer... 

photos autorisées : 1. ciel d'orage en mer / Rémi Jouan / commons wikipedia. 
2. pleine lune sur la Méditerranée / pixabay.fr

jeudi 6 août 2015

LES BOGUES DU CAPITAINE AU LONG COURS (VI) / Fleury en languedoc

LES BOGUES DU CAPITAINE AU LONG COURS (VI)
« La bogue (1), ils en sont friands à Toulon, malheureux ! J’avais un copain, il était à la Seyne ; sa mère vendait sa pêche. Un jour il fait une soixantaine de kilos de bogues.
"Qu’est-ce que tu vas en faire ?", je lui dis, nous, là-bas, on les jette...
~ Vous les jetez ? mais tu veux pas rigoler, ça vaut un prix d’or !
~ Ça vaut un prix d’or ? Nous, on les donne aux goélands !
~ Mais vous êtes cabourds (2) ! C’est prisé ici !
Du coup, plutôt que de les jeter, la fois d’après, je les porte au chef, un grand chef de cuisine qui nous régalait de ses pâtés, au déjeuner. Je lui précise que c’est vraiment pas terrible, la bogue. 


Une semaine après, pour les déjeuners aux copains il me met deux gros bocaux.
~ Et qu’est-ce que c’est ?
~ C’est du pâté de poisson... Justement, ce jour-là, on était partis des Cabanes avec les tracteurs ; on avait fait en remontant et quand on a été au milieu des culs nus, midi, une heure moins le quart, c’était l’heure de manger ! Stoppez ! On avait un grand plateau que je mettais à la barque et je sors ça.
~ Et qu’est-ce que tu nous portes ?
~ Ma foi, du pâté...
Un commence à goûter c’est pas mauvais ! C’est bon ! Viro reviro (Tourne, retourne-toi), ils avaient tout flambé !
Quand j’ai revu le chef, je lui demande ce que c’était :
~ Ce sont les poissons que tu m’as donnés... C’est du pâté de bogues.
~ Ils m’en ont pas gardé  ! 


Le chef, lui, m’en avait gardé un peu et c’est vrai que c’était bon !
Ils nous en a donné du pâté, cinq ou six fois et ils se jettaient dessus comme la misère sur les pauvres ! Aurio vist aquo. J’étais au milieu comme un capitaine au long cours, ils étaient autour... et quand ils ont su que c’étaient des bogues, ils en sont tombés sur le cul !
C’était une sacrée escouade... C’étaient pas des fainéants, ajoute Yves comme pour excuser leur appétit. Ils étaient vaillants, tu sais... Quand tu fais cinq ou six bols ou sept...
~ Tu dis que tu avais les tracteurs quand même...
Non mais, tu sais, quand on voyait qu’y avait du poisson parce que le poisson, une heure tu en as et puis y en a moins. Alors quand il y en a, tu tires à la main : deux bols alors que le tracteur t’en fais un seul... il permet de reposer l’équipe quand ça baraille (bouge) moins. Sinon, fallait se la donner... et pas pour des bogues de préférence... Ce sont des combines qui viennent vite. Tu le comprends : c’est en forgeant qu’on devient forgeron.  


(1) Boops boops, communément appelée bogue est une espèce de poisson marin de la famille des sparidés. La bogue, Boops boops (Linneus, 1758) est une espèce largement répandue aussi bien en Atlantique oriental qu'en Méditerranée. Elle présente un caractère semi démérsal et vit au-dessus du plateau continental sur tous les fonds jusqu'à 490 m ; elle est plus abondante dans les cent premiers mètres.
Elle doit son nom de bogue a la taille de ses yeux qui sont particulièrement grands par rapport a sa tête, comme un insecte (en anglais bug). WIKIPEDIA. 
(2) à l'origine "mouton qui a le tournis" ; signification dérivée : "idiot". 

Photos autorisées 1. Bogue / Roberto Pillon / Commons wikipedia. 
2. Banc de bogues / Albert kok / Commons wikipedia. 
3. Photo d'Yves. Scène de senne de plage (la traîne).

mardi 4 août 2015

MESQUINERIES ET JALOUSIES DE PÊCHEURS (V) / Fleury en Languedoc


    Yves continue de parler de ce que fut son époque, pas parfaite certes, surtout concernant le caractère des hommes, parce qu’il a plutôt connu les jalousies, les mesquineries des pêcheurs, loin d’une solidarité des gens de mer, bien virtuelle, à peine moins indifférente que celle des terriens...

    « ... Moi ça me faisait rien, hé, d’affronter la tempête, tu sortais la journée... là on gagnait des sous. Une fois j’avais pris mon père, j’avais mis quatre ou cinq heures à sortir le filet de la glace... et la glace te coupait les mailles comme un couteau... Y a des jours tu dégageais vingt à trente tonnes d’herbes. Enfin tu t’en sortais. Maintenant c’est fini.
    ~ Vous aviez le même type de bateau ?
    ~ Oui, des barques sauf qu’à l’étang elles sont plus basses et ont le derrière carré pour mettre le moteur. Les miennes, je les ai faites, tu verras les photos. Y avait du poisson et on gagnait sa vie. Je suis allé jusqu’à la retraite sauf que jusqu’à vingt ans, j’étais pas déclaré... A 55 ans, ils m’ont dit qu’il m’en manquait cinq. Là, ça devient dur l’hiver à l’étang, plus que la traîne en été. On vivait à Narbonne-Plage, je faisais les trajets jusqu’à la Nautique pour prendre la barque... L’étang je n’y retournais qu’en septembre parce que il faisait chaud et c‘est là où c’est que tu vois que les gens sont pas... enfin je comprends pas, je ne suis pas un intellectuel, mais la moitié de l’année, j’étais à la mer... Enfin, ils auraient pu réfléchir qu’avec les eaux chaudes, ils prenaient 50 kilos d’anguilles pour en jeter 40. A chaque réunion je le disais mais ils étaient nés comme ça ! Alors aqui aurios vist (alors là tu aurais vu), j’avais la cabale contre moi !


    J’avais déjà eu du mal à entrer à Bages. Les pêcheurs de l’étang avaient fait obstruction ; j’avais même dû aller m’expliquer auprès des autorités, à Port-Vendres ; l’administrateur maritime était même venu en réunion pour confirmer qu’habitant la commune de Narbonne, j’avais bien le droit de pêcher à l’étang. Ils étaient pas commodes, jaloux pour quelques kilos d’anguilles de plus ou de moins... Une fois, j’en prends un bon paquet et je me dis que ça vaudrait le coup de caler encore... Oh, adieu, ils avaient encerclé la place... tu comprends, tout le monde se surveillait aux jumelles... 


    Et puis, c’est pas pareil qu’à la mer. J’ai dû monter tous les filets, en partant de zéro, et il en faut pour barrer l’étang. Et quand mon frère est venu, qu’il n’y avait plus rien aux Cabanes, il a fallu en faire autant ; ça m’a bien pris entre deux et trois ans... Pendant que Thérèse était aux commissions, figure-toi que j’alignais mes mailles dans la voiture, en attendant... Et après on dira qu’il n’y a que les femmes qui tricotent...  » 


Photos autorisées : 1, 2 Bages, l'étang et La Nautique (flickr.fr)
3. Vignes et village de Bages (Aude) (iha.ma). 

dimanche 2 août 2015

LES BASTETS DU MAITRE-NAGEUR (IV) / Fleury en Languedoc

A l’Aude et à l’étang.

«... L’étang (1), c’est un métier très rude, plus que la mer, tè ! Ouh là, y a pas de comparaison ! Attention entendons-nous bien : si tu veux faire le travail, parce que, comme je te dis, si tu attends que le vent soit tombé pour ramasser le poisson le lendemain, il vaut mieux que tu restes au lit, tu ramasses rien : tout est mort, on dirait de la bouillie, c’est tellement quiché, mais si tu y vas le jour du vent tu en sauves pas mal. Sur une tonne tu récupères 4 ou 500 kilos, la moitié, tandis que le lendemain tu perds tout...
Sinon, y a de tout, du loup, des muges quand il y a de l’eau qui tombait, de la Berre là-haut, il y avait des carpes
~ Les poissons d’eau douce, on n’est pas très forts ici...
~ Quoique, le mulet... l’eau douce, ça allait le coco, il fait la tangente lui.
~ Des gens disent qu’ils l’estiment autant que le loup...
~ Je vais te dire une chose, ça vaut ce que ça vaut : je préfère mieux le muge que le loup. Ça n’a pas de goût le loup, c’est fin oui, mais le muge... Un jour le petit-fils me dit, « Papé, tu sais, moi, le poisson... » Attends, je vais te faire quelque chose : je coupe les filets, j’enfarine, je passe à la poêle... Il m’a dit papé, du comme ça, tu peux m’en donner... les filets de loup, c’est pas pareil... Ne confondons pas : le muge c’est un charognard, c’est comme le rouget, il se nourrit de quoi ? il bouffe dans la fangue. Sinon, je te dis, à mon goût,... que celui-là, il n’avait pas goût à vase quand il montait dans la rivière. Dans l’Ayrolle, il y a Campignol à côté, il y a peu d’eau, alors là, la vase tu la trouves...




Il y a cinq ou six variétés de muges : le dorin, le mulet, le camard, la pointue, attends, y en a une autre... La lissette ça devient pas tellement gros ; le dorin n’est pas gros non plus, il a les ouïes orangées. Je les pêchais à l’étang et plutôt dans l’Aude.

Les anguilles, la mordorée et puis la verte et puis les grosses, les "mazères", costaudes (des deux mains, il forme un rond de 5 ou 6 centimètres de diamètre... Y en a qui sont plus grosses que les congres... j’en ai pêché une, une fois, dans l’Aude, elle faisait 6 kilos, on l’a mesurée avec Marceau, un mètre trente, je crois. A l’étang, elles étaient moins grosses, jusqu’à deux et trois kilos pour les "mazères".
~ Tu as connu la période où les camions les prenaient vivantes en Italie ?
~ Oui mais avant, à la rivière, on les vendait pas, on les jetait pacque les vieux ils avaient une tactique à la tchaou, ils cherchaient pas. Au globe, en une nuit, on pêchait 80 à 100 kilos, on les jetait. Des fois tu en gardais quelques unes  pour un Lespignanot qui demandait : « Ouais, Marceau tu me garderas quelques anguilles ? » Mais là, on a perdu des sous, je le pensais mais j’étais gaffet (apprenti) et le patron ne voulait pas chercher d’autres débouchés. On pêchait du loup, du muge et des plies, d’un kilo un, un kilo deux. Elles remontaient presque au pont de Fleury, on avait un poste à L’Horte de L’ami. Boh, il y avait plus de poisson quand même... » (A suivre...)


(1) Yves a pêché dans l’étang de Bages et de Sigean, il parle aussi de celui de l’Ayrolle et de Campignol qui lui est contigu.

Photos autorisées 1. Étang de Bages depuis l'île de Sainte-Lucie / merci Joyce11 / wikimedia commons
2. Mulets sur le marché : merci Classiccardinal / Wikimedia commons. 
Photos suivantes 3, 4, 5, 6 : rivière (fleuve) Aude entre le pont de Fleury et l'embouchure.

vendredi 31 juillet 2015

LES BASTETS... (III) « Pilier, ce sont les reins et les jambes...» / FLEURY en Languedoc

    


C’étaient des temps pas tendres mais ouverts aux espoirs, et qui donnent à réfléchir sur la période que nous vivons, un présent apparemment plus facile mais corrompu parce qu’une minorité cupide impose sa loi à une majorité sans courage qui devra aussi en répondre, à l’heure du bilan.
    A 83 ans, Yves veut bien témoigner du travail, de la vie, de la mer : il n’a plus voulu de l’école et parle de son apprentissage de pêcheur à la traïne, à 13 ans. 


   
    «... et le second essai, le bol du matin, à l’aurore... Des fois on venait jusque sous "Tintaine" (presque à Gruissan), on se tapait déjà 8, 10 km à pied... et ce filet en coton, mouillé qui plus est, il pesait lourd et puis fallait pas mettre le pied dessus : il te foutait un coup de pied au cul... Enfin, j’aurais été plus intelligent, j’aurais continué à l’école... Mais je regrette rien... c’est un boulot rude quand même.
    Après attends, oooh il m’avait trouvé une autre combine. Il était bien le vieux Garibaldi alors il m’avait foutu à la barque, on avait des corbeilles en osier, des brassets on disait, Après le premier bol, depuis Tintaine j’allais porter 400 ou 500 kilos aux Cabanes, à la rame et arrivé, retour à l’expéditeur !
~ On comprend qu’après la journée, pas besoin de faire du sport... 
~ Oh ! podes y anar (tu peux y aller), à 17 ans, je suis allé jouer au rugby, je devais faire 80 kilos, je jouais pilier. Il y avait Serin, l’international, et un toubib qui s’appelait Olive, il était sympa et te trouvait toujours quelque chose pour soigner un bobo... Ils venaient pêcher à la ligne, moi j’avais commencé à Fleury. Ils m’ont dit si ça me disait d’aller jouer à Béziers, pour ça allez voir mon père. Quand ils lui en ont parlé, il se sont fait jeter comme du poisson pourri C’étaient des coriaces, ils sont revenus à la charge et la troisième fois mon père a dit « Le matin quand il va rentrer y a pas de rugby qui tienne, y a lou traval ! »... Des fois c’était rude et devant ça y allait, mais si je me levais pas, à six heures, il me foutait en bas du lit... Puis j’ai joué jusqu’à ce que je parte à l’armée... » (à suivre)


 
Notes : en 1947 - 1948, non qualifié en poules de huit pour les huitièmes de finale (dans la poule de Lourdes qui sera champion).
1948-49, Non qualifié (dans la poule du FC Auch et du Stadoceste tarbais qui perdent en 1/8èmes.
1949 - 50, 1/16èmes : Béziers -Bègles (10-3) / 1/8èmes Castres Ol -Béziers (6-3).
1951 -52, 1/8èmes : Vichy - Béziers 14-12 (Lourdes sera champion). 

photo1 Saint-Pierre années 60 (pardon mais je ne sais plus à qui je l'emprunte...)
photo 2 Hugolesage "sunrise St-Pierre-la-Mer (commons wikipedia)

mercredi 29 juillet 2015

LES BASTETS (1) DU MAITRE-NAGEUR / Fleury d'Aude en Languedoc.


    C’était promis. J’ai revu Yves un an après, en forme malgré ses 83 ans sauf qu’il a désormais une estafilade de quelques centimètres sur le côté droit, pour la pile cardiaque... Jolie la cicatrice... Plus joli que ce qu’il me dit de la Méditerranée.




    « Les anchois ont disparu, les sardines restent naines faute de plancton... les prises ne tiennent pas et sans glace, il faut tout jeter. Les thons reviennent  paraît-il... à se demander ce qu’ils peuvent bien manger... La mer est pourrie, le commandant Cousteau le disait déjà en 1952, quand je faisais le service à Toulon... On trouvait qu’il exagérait quand il dénonçait les boues rouges (2)... malheureusement, je crois qu’il avait raison...»



    Aussi quand il pense à haute voix que finalement il préfère ce qu’il a vécu, malgré la guerre, les privations et le porte-monnaie vide, l’évocation d’une vie plus naturelle, plus vraie l’emporte sur ce qui ne manquera pas d’arriver maintenant que le système a anesthésié un genre humain conforté dans un consumérisme égoïste empêchant de réaliser que la catastrophe menace. Un tableau si sombre que la  nostalgie reste plus agréable à évoquer que les perspectives à venir. C’est ce que semble dire son sourire tandis qu’il se replonge dans les souvenirs.
 


(1) en occitan le bastet est la callosité, le durillon provoqué par un travail répété.
(2) la Montedison rejetait-elle déjà ces boues rouges toxiques et mortelles ? Dans les années 70, la dévastation constatée (responsabilité de l’Italie autorisant officiellement ces rejets) provoqua la colère des Corses touchés directement... Un des bateaux qui déversaient fut plastiqué à Follonica (Toscane) : cette résistance pour une fois non assimilé à dessein à du terrorisme contribua à la condamnation de la Montedison (avril 1974).
Les lobbies du nucléaire international ont même payé les services de la mafia pour envoyer dans les fonds méditerranéens des rafiots bourrés de fûts de déchets. Et cela dure depuis 20 ans !

photos autorisées Common wikipedia & wikipedia
1. Pêche à la traîne à Menton (les « estrangers » disent plutôt « senne depuis la plage ».     
2. Déversement accidentel de boues rouges en Hongrie (oct. 2010) (pas d’image disponible pour la multinationale Montedison de Livourne, comme par hasard...)
3. Vue de Collioure en 1950.

mercredi 20 mai 2015

LES CERISES DE TRAUSSE / Fleury d'Aude en Languedoc

En parcourant le dictionnaire topographique de Sabarthès, en plus de nos villages, une curiosité subjective m’a aussi amené à mieux connaître Sallèles, Ouveillan, en attendant la suite puisque le livre reste une porte ouverte sur notre département. Pour Trausse, ce fut d’instinct parce que, sur deux générations, une vieille amitié nous lie à ce coin du Minervois.
Il me reste au moins un éclair, un flash de ce voyage à vélo entre Fleury et Trausse, sur le porte-bagage paternel : l’eau, l’eau du canal du Midi ou du fleuve Aude sinon d’un étang, avant la "cluse" d’Argens. Nous devant, maman derrière. Le Cers, les kilomètres, moi dans un panier, l’époque difficile (1), rien ne les aurait empêchés de rallier ce clocher du Minervois. L’amitié appelait. Ils étaient jeunes. 



Pour vous dire combien ce village continue de compter pour nous, les souvenirs prendraient-ils le pas sur le présent, les années passant, parce que les amis aussi partent et que la vie sépare ceux qui restent. Reste l’espoir, néanmoins, qu’à un moment donné, deux vers partagés de la "bonne chanson" (2) confluent pour renouer le fil rompu, pour ne pas repartir aussi bêtement, chacun pour soi, dans le tourbillon de la vie (3).
Avec mon "vieux" copain, les voix se répondent comme si c’était d’hier, même si elles font comme si ce n’était rien d’échanger des dizaines d’années en quelques phrases à peine, en résumé, au plus court, bouclées en deux ou trois phrases ! En attendant la revoyure, promise cet été, cochon qui s’en dédie, les souvenirs affleurent...
Moi : Un panier de cerises chez ta tante à Laure...
Lui : Non, tu te trompes, la terre ne leur va pas...
Moi : Pourtant, et c’est ton père qui nous avait amenés...
Lui : Tu es sûr ? parce que les cerises, c’est à Trausse, même qu’on s’en est fait une spécialité et qu’on les fête chaque année !
Moi : Une « espécialité » (4), tu dis ? Tu fais référence peut-être à une traditionnelle fête des guines, non ? Mais puisque tu le dis, nous viendrons les manger à Trausse, les cerises ! Tu sais que mes parents parlent encore de ce panier que ton père avait descendu du Minervois... » 



Oui, félicitons-nous de ces manifestations qui entretiennent la vie des villages : Trausse fêtera ses cerises le 31 mai, pour la douzième année consécutive ! Une vitalité marquée aussi, pour les 500 habitants (ça se maintient, bon an mal an, même à 25 kilomètres de Carcassonne), par le souci qu’ils manifestent pour une Calendreta, l’école associative occitane. La langue, comme l’accent, au même titre que le vin... ou le Cers, expriment assurément la résistance contre un pouvoir central jacobin. Ne nous y trompons pas, le mépris, la vanité, l’ethnocentrisme de la capitale continuent de peser parce qu’"ils" honorent et respectent les différences au-delà des frontières autant qu’ils les dénigrent et les combattent en deçà... des Pyrénées !
Aussi, merci à l’élu de Trausse qui prend congé de ses administrés comme devraient le faire tous nos élus du Sud : « Adiusiatz a totes ( au revoir à tous ).Le Maire J-F Saïsset ».
Mince, nous n’avons pas parcouru la fiche de Sabarthès ? Ce sera pour lo cop que vèn, la prochaine fois, sans faute !


(1) 1952, après les vendanges. Le pays se ressent encore de la dernière guerre.
(2) j’aime ce titre du recueil de Verlaine qui, au lendemain de ses fiançailles, croyait voir l’avenir lui sourire. Ce que nous savons de sa vie témoigne, malheureusement, du contraire.
(3) comme dans la chanson.
(4) « La sardine Michaud est sur la place...
- Es uno especialitat d’aïci ? » Yves, père de mon «vieux copain » et copain de pension de mon père, lors d’une de ses visites à Fleury, alors que l’appariteur annonçait l’arrivée du poissonnier au village.

photos autorisées  1. Commons Wikipedia Canal du Midi à Ventenac Minervois (Peter Haas). 
                            3. Flickr.com Fête de la cerise à Trausse.  

lundi 6 avril 2015

PAS QUE... / Fleury d'Aude en Languedoc

Pas que... pas que ça...
Peu importe si nissan (1) est antérieur à Nicée... Mais non, pas la marque nippone (ni mauvaise non plus) ; ensuite, si vous prononcez "niquée", c'est que vous confondez avec l'Athéna, qui l'était, et majuscule qui plus est ! Peu importe si la Pâque prélude aux Pâques, ce qui préexiste sans contestation aucune, sous les climats à quatre saisons, c'est l'équinoxe de printemps, le renouveau, la promesse de la terre, l'espérance universelle que demain encore sera. « Que sera, sera... » (2)





Alors tous les signaux, même exhibés en signes de ralliement au nom de dogmes sectaires, je me les récupère car je les aime, mes semblables quand, cessant les fanfaronnades, ils se regroupent pour s'en remettre à plus fort qu'eux. Alors chez moi, quand les bourgeons gonflent, dehors et dans ma tête, fin mars, début avril, je me les fais miens les lauriers, le buis, l'olivier et tous ces rameaux élevés vers le ciel : je leur fais dire la même chose qu’en troupeau, mais autrement, en marmonnant, doucement pour qu'on croie avoir entendu, sans comprendre vraiment. Mais c'était avant, c'est apaisé maintenant... Pas comme là-bas, de l'autre côté, où une bête immonde exhale sa barbarie, où "... Pas besoin d'être Jérémie pour d'viner l'sort qui..." leur est promis.

Non, non, contrairement à ce que vous croyez, je ne vais pas encore vilipender nos dirigeants mouillés un tant soit peu et valant si peu, d'ailleurs. Je reste avec Pergaud et Brassens, vaut mieux...
Fichtre ! un peu de hauteur, ça sent meilleur là-haut ! La chasse aux papillons, Pâques fleuries, mon clocher et ces volées de souvenirs qui grifferont jusqu'au dernier jour...
Je cours relire, avec une envie toujours renouvelée, ce que nous écrivions avec papa, à quatre mains presque. Lui, reprend un martelet que j'ai dû évoquer même si c'était un peu tôt, de la part des jeunes désœuvrés, pour taper chez les gens endormis. Sa touche personnelle, plus captivante, vient juste après : 


« ... Dimanche des rameaux 1953 : Le mauve de la glycine qui étale ses grappes près d’un portail de la place du Ramonétage m’a fait penser à l’entrée monumentale du château de Saint-André-de-Sangonis, et en ce jour des Rameaux je revois Marcellin, le vieux serviteur zélé jonzacois qui, de retour de la messe, parcourait une à une les pièces de la grande maison pour laisser dans chacune d’elles une branchette de laurier bénit destinée à remplacer celle de l’année précédente. Pauvre Marcellin, si gentil au fond, qui revenait avec nostalgie sur ses cinquante années passées au service des familles Martin, puis Gaudion de Conas, Romilly enfin ; il évoquait la cure à lui payée jadis annuellement à « Châtel » (Châtelguyon), les tenues de service auxquelles il avait droit, bref les beaux moments de sa vie de fidèle domestique. Et maintenant ? La comtesse, toujours à court d’argent, lui devait même sept mois de gages, quelle misère ! Aurait-il mieux fait de rester au service de la maison Martell qui portait si haut depuis si longtemps le renom du cognac français, celui de son pays qu’il ne reverrait plus ?.. » François Dedieu, p. 185 Le Renouveau  / Caboujolette 2008.


Moi : « ... Le samedi reste empreint de mystère mais notre communauté villageoise renaît le dimanche dans l'église inondée de soleil, pleine de monde, lorsqu'une élégante voulant se mettre en évidence se signe en retard devant le bénitier. Ensuite les familles se retrouvent pour le repas de fête avec les œufs au mimosa, farcis d'anchois, le gigot de l'agneau pascal et le bras de Vénus à la crème pâtissière.

Une tradition qui n'a rien de religieux veut que l'omelette pascale soit préparée pour le pique-nique du lundi de Pâques. La Saint-Loup (3) est un jour férié. Les groupes joyeux se retrouvent dans les pins, dans les prés, à la mer aussi… aux Cabanes, à Saint-Pierre... » Jean-François Dedieu, p. 161 Le Renouveau / Le Carignan 2008.   




Lundi de Pâques 6 avril 2015, comment laisser passer un jour indissociable de son dimanche, sans trop penser à « l’agnus pascalus » qui a eu plus de chance que son alter ego « paschalis » parce que « sans le latin, sans le latin... », même Brassens n’a plus voulu suivre (4) ! 



(1) mois hébraïque.
(2) « When I was just a little girl
I asked my mother, " What will I be ?
Will I be pretty, will I be rich ? "
Here's what she said to me... » Doris Day (1956).
(3) Quel est ce saint mystérieux ? A Coursan, ils disent « faire pâquette ».
(4) langue de l’Eglise alors que la Nouveau Testament est écrit en grec. 

photos 1 tulipes F. Dedieu 1965. 2 & 3 ciste cotonneux et ciste de Montpellier JFDedieu.

lundi 26 janvier 2015

UN GARÇON MEUNIER 5 / Fleury d'Aude en Languedoc.

 La chance peut-elle tourner quand on est innocent ?

« Vous êtes bien Sylvestre Martin, né le 18 août 1831à Béziers, département de l’Hérault ? » Bien sûr que c’était lui. « Eh bien ! j’ai du nouveau en ce qui vous concerne. Vous allez être libéré et retournerez en métropole dès le mois prochain.
- Comment ? Moi ? Repartir pour la France. Je ...
- Oui, on vous a reconnu innocent du crime dont vous étiez accusé. »
Son cœur, son pauvre cœur de jeune forçat meurtri bat à se rompre dans sa poitrine. Mon Dieu, est-ce possible ? Va-t-il résister à cette émotion ? Se peut-il que, onze années et bientôt six mois après ce meurtre, tu sois enfin réhabilité, Sylvestre, qu’on te rende ton honneur, se dit-il. Non, ce n’est pas vrai ! Dites-lui s’il rêve…
Et les jours suivants il va apprendre les dessous de l’affaire avec la clé de l’énigme.
Le mois dernier, quelqu’un, tard dans la nuit, aurait frappé à la petite porte cloutée (comme il la revoit, avec ses gros clous carrés !) du presbytère de Fleury.
« Monsieur le Curé, un homme va mourir. Avant le grand départ, il voudrait se confesser. »
Vite, monsieur l’Abbé prend son camail, son missel, et il suit cet étrange visiteur. Ils arrivent à la misérable cabane proche de la bergerie, en dehors du village. C’est là qu’habite le vieux Bertrand, l’ancien berger qui maintenant ne peut plus travailler du tout, perclus qu’il est de rhumatismes et de douleurs sournoises, rongé par le cuisant remords de son crime.
Il se confesse à Monsieur le Curé. Avant de quitter ce monde, il veut se décharger d’un lourd fardeau. C’est trop dur de partir avec un tel secret. C’est bien lui qui a tué jadis l’ancien meunier, voilà près de douze ans. Il en avait assez d’être traité comme un perpétuel délinquant par ce Léon Carrier qui se croyait irremplaçable. Il en avait assez d’être obligé, presque chaque année, de « monter à la commune » - ainsi désigne-t-on ici la mairie en effaçant le mot maison – pour payer une amende. Oui, c’est vrai, ses moutons traversaient bien les prés de Léon, ils occasionnaient quelques dégâts. Soit. Mais si le meunier avait été plus coulant, lui, Bertrand, lui eût bien offert à chaque saison un beau gigot. Ses bêtes pouvaient difficilement se limiter à brouter l’herbe sèche des tertres ! Et ce monsieur Carrier avait quantité de prés dont il ne faisait rien, non ?
Alors le berger était devenu comme fou. Il avait mûri son plan criminel. S’étant glissé dans le moulin, le soir de ce samedi 10 mars, alors que personne n’était là, il s’était laissé enfermer pour la nuit. Et de bon matin, quand le meunier était arrivé, il l’avait pris par derrière, bâillonné d’un solide mouchoir et violemment frappé au cœur, deux ou trois fois, il ne savait plus, de son grand couteau de berger. Le corps était lourdement tombé entre les deux coffres, près des meules.
Une fois bien assuré de la mort de son ennemi, il reprenait son grand mouchoir et sortait dans la nuit finissante, vers sept heures solaires, laissant entrouverte la porte du moulin.
Mais depuis lors, combien de fois avait-il revécu cette nuit tragique ! Combien de fois avait-il été réveillé en sursaut, torturé par le remords d’avoir laissé condamner un innocent ! Et combien de fois fut-il tenté de se racheter un peu par un aveu complet ! Hélas ! la lâcheté l’avait toujours emporté : l’oubli, pensait-il, ferait bien son œuvre… Quelle erreur !
Voilà, tout est dit. Une grosse pierre vient de tomber de son cœur. Il se sent plus léger, Bertrand, au moment de quitter ce bas monde. Il ne lui reste plus, en attendant sa fin prochaine, qu’à libérer l’abbé du secret de la confession.
Le nécessaire a été fait. Sylvestre est enfin revenu chez lui. Que d’épreuves surmontées ! Et par quel miracle revoit-il son cher pays natal ! Tout lui paraît si beau, si neuf. Se peut-il qu’il en ait été si longtemps privé ?
En somme, il est jeune encore : à trente-quatre ans, on peut refaire sa vie. Beaucoup disent qu’une vie, cela ne se refait jamais. On n’efface pas le passé d’un coup d’éponge. Il est toujours là, il vous a marqué. Mais la vie continue encore, heureusement sous de meilleurs auspices. Puisqu’il n’est devenu fou ni en prison, ni au bagne de Cayenne, c’est que l’espoir est encore permis sur cette terre.
« Tu vois, Jean-François, termine le « papet », tu es de Fleury et tu ne savais pas cette histoire, qui est pourtant la pure vérité, et qui endeuilla notre famille. Voilà comment mourut mon grand-père, que je n’ai pas connu, et comment on peut accuser et condamner lourdement un innocent. »


photo du moulin de Montredon au printemps 1979 (François Dedieu)

vendredi 23 janvier 2015

UN GARÇON MEUNIER 4 / Fleury en Languedoc

Sylvestre est condamné.

« Étant donné d’une part que le jury de jugement ici présent, rendant la justice au nom du peuple français et de notre empereur Napoléon III, vous reconnaît coupable de l’assassinat de feu le sieur Léon Carrier, alors meunier au moulin sis dans la commune de Fleury, ex-Pérignan, canton de Coursan, arrondissement de Narbonne, dans ce département de l’Aude ; - mais que, d’autre part, la préméditation étant exclue, il vous accorde les circonstances atténuantes, vous êtes condamné à vingt-deux années de réclusion criminelle, avec obligation de travailler. Avez-vous une dernière remarque à faire au tribunal ?
- Monsieur le Président, je suis innocent du crime dont on m’accuse, je le répète encore devant vous.
- Gardes, emmenez le condamné. »
Le 30 mai 1854 avait été promulguée par Napoléon III la loi instituant le bagne colonial. Sylvestre fut d’abord envoyé à l’île de Ré, première étape vers Cayenne. Il ne connaîtrait donc pas les prisons et bagnes métropolitains de Toulon, Brest ou Rochefort. C’était déjà un forçat, lui qui pourtant n’avait aucun crime à se reprocher. Et il en avait « pris » pour vingt-deux ans ! Ce qui le désolait le plus, c’est ce qu’il avait appris peu de jours après son procès : si tu avais moins de huit ans de travaux forcés, l’article six de cette fameuse loi votée voilà trois années prévoyait le « doublage ». C’est-à-dire qu
’une fois que tu avais « payé », tu étais encore tenu de résider là-bas pendant un temps supplémentaire égal à ta condamnation. Mais au-delà de huit ans de peine, alors c’était pour tout le restant de ta vie.
Ici, dans l’île, le fort agrandi par Vauban abritait les condamnés promis au grand départ. Lui, avait quitté Carcassonne pour La Rochelle. Chaînes aux pieds, menottes aux poignets, il y avait embarqué pour Saint-Martin-de-Ré. Tiens, saint Martin, le bon saint Martin qui avait donné la moitié de son manteau à un pauvre, c’est aussi le patron de Fleury, Sylvestre ! Tout te ramène donc à ton village ?
Ils étaient là cinq ou six cents à attendre la grande traversée, rupture totale avec la vie connue en France. Certes, pendant quinze jours il avait été soumis à un régime alimentaire ma foi meilleur que dans les prisons de l’Aude. Mais c’était, leur avait-on dit, pour se refaire des forces en vue du voyage. Au bout de ces deux semaines, il avait embarqué sur le grand bateau Ville de Saint-Nazaire : Saint-Nazaire, la cathédrale de Béziers, sa ville natale. Décidément, tous les noms lui rappelaient le pays perdu !
Quatorze jours interminables d’une traversée rythmée par les vingt minutes de promenade quotidienne sur le pont, et par cette douche reçue dans la « cage » où ils étaient une soixantaine ensemble, à l’aide de lances à incendie qui vous prodiguaient brutalement une eau bienfaisante. C’était bon, ça luttait un peu contre cette température qui allait vite devenir intenable, une fois parvenus sous les tropiques. Quelques bancs dans ces cellules collectives ; des hamacs pour la nuit ; et deux tonneaux d’eau potable. Deux tonneaux chaque fois pour soixante prisonniers !!
Ce fut enfin l’accostage à Saint-Laurent-du-Maroni, les vérifications nécessaires, le directeur du pénitencier monté à bord avec toute une délégation, et son discours hypocrite promettant, selon les vœux de l’Empereur et moyennant une bonne conduite, une possibilité de réinsertion et même des allègements de peine. Et voici ce qu’on te dit, Sylvestre : « Vous allez connaître une nouvelle vie. En France, vous étiez des criminels. Ici vous serez des repentis, des travailleurs qui allez vous racheter de vos
crimes. » Ah ! oui, il se serait bien passé de cette vie nouvelle… Et quel était son crime ? Si un Etat n’est pas à même de reconnaître l’innocence d’un citoyen, quel espoir te reste-t-il, mon pauvre Sylvestre ? Et puis on va te dire que le crime parfait, ça n’existe pas ? Les erreurs judiciaires non plus, peut-être ? Où se cachait-il, en ce moment même, l’assassin du meunier de Fleury ?
Les idées se bousculaient dans sa pauvre tête. Il transpirait par tous les pores de sa peau. Avec ses compagnons d’infortune, il avait quand même fini par débarquer.
Et les jours succèdent aux jours, les semaines, les mois s’accumulent. Tantôt tu trouves que le temps n’en finit pas de s’écouler, et tantôt – à peine oses-tu te l’avouer – oui, c’est pourtant vrai… qu’il passe assez vite.


 Dix longues années s’étaient ajoutées à ce dix-neuvième siècle, les tempes du forçat blanchissaient allègrement dans le ronron quotidien, pénible, lancinant de ce bagne guyanais.
Un beau jour – oh ! oui, pour être beau, il le fut sans nul doute, il est appelé chez le grand patron du pénitencier.

photo autorisée wikimedia / Le bagne de Saint-Laurent-du Maroni