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mardi 4 août 2015

MESQUINERIES ET JALOUSIES DE PÊCHEURS (V) / Fleury en Languedoc


    Yves continue de parler de ce que fut son époque, pas parfaite certes, surtout concernant le caractère des hommes, parce qu’il a plutôt connu les jalousies, les mesquineries des pêcheurs, loin d’une solidarité des gens de mer, bien virtuelle, à peine moins indifférente que celle des terriens...

    « ... Moi ça me faisait rien, hé, d’affronter la tempête, tu sortais la journée... là on gagnait des sous. Une fois j’avais pris mon père, j’avais mis quatre ou cinq heures à sortir le filet de la glace... et la glace te coupait les mailles comme un couteau... Y a des jours tu dégageais vingt à trente tonnes d’herbes. Enfin tu t’en sortais. Maintenant c’est fini.
    ~ Vous aviez le même type de bateau ?
    ~ Oui, des barques sauf qu’à l’étang elles sont plus basses et ont le derrière carré pour mettre le moteur. Les miennes, je les ai faites, tu verras les photos. Y avait du poisson et on gagnait sa vie. Je suis allé jusqu’à la retraite sauf que jusqu’à vingt ans, j’étais pas déclaré... A 55 ans, ils m’ont dit qu’il m’en manquait cinq. Là, ça devient dur l’hiver à l’étang, plus que la traîne en été. On vivait à Narbonne-Plage, je faisais les trajets jusqu’à la Nautique pour prendre la barque... L’étang je n’y retournais qu’en septembre parce que il faisait chaud et c‘est là où c’est que tu vois que les gens sont pas... enfin je comprends pas, je ne suis pas un intellectuel, mais la moitié de l’année, j’étais à la mer... Enfin, ils auraient pu réfléchir qu’avec les eaux chaudes, ils prenaient 50 kilos d’anguilles pour en jeter 40. A chaque réunion je le disais mais ils étaient nés comme ça ! Alors aqui aurios vist (alors là tu aurais vu), j’avais la cabale contre moi !


    J’avais déjà eu du mal à entrer à Bages. Les pêcheurs de l’étang avaient fait obstruction ; j’avais même dû aller m’expliquer auprès des autorités, à Port-Vendres ; l’administrateur maritime était même venu en réunion pour confirmer qu’habitant la commune de Narbonne, j’avais bien le droit de pêcher à l’étang. Ils étaient pas commodes, jaloux pour quelques kilos d’anguilles de plus ou de moins... Une fois, j’en prends un bon paquet et je me dis que ça vaudrait le coup de caler encore... Oh, adieu, ils avaient encerclé la place... tu comprends, tout le monde se surveillait aux jumelles... 


    Et puis, c’est pas pareil qu’à la mer. J’ai dû monter tous les filets, en partant de zéro, et il en faut pour barrer l’étang. Et quand mon frère est venu, qu’il n’y avait plus rien aux Cabanes, il a fallu en faire autant ; ça m’a bien pris entre deux et trois ans... Pendant que Thérèse était aux commissions, figure-toi que j’alignais mes mailles dans la voiture, en attendant... Et après on dira qu’il n’y a que les femmes qui tricotent...  » 


Photos autorisées : 1, 2 Bages, l'étang et La Nautique (flickr.fr)
3. Vignes et village de Bages (Aude) (iha.ma). 

dimanche 2 août 2015

LES BASTETS DU MAITRE-NAGEUR (IV) / Fleury en Languedoc

A l’Aude et à l’étang.

«... L’étang (1), c’est un métier très rude, plus que la mer, tè ! Ouh là, y a pas de comparaison ! Attention entendons-nous bien : si tu veux faire le travail, parce que, comme je te dis, si tu attends que le vent soit tombé pour ramasser le poisson le lendemain, il vaut mieux que tu restes au lit, tu ramasses rien : tout est mort, on dirait de la bouillie, c’est tellement quiché, mais si tu y vas le jour du vent tu en sauves pas mal. Sur une tonne tu récupères 4 ou 500 kilos, la moitié, tandis que le lendemain tu perds tout...
Sinon, y a de tout, du loup, des muges quand il y a de l’eau qui tombait, de la Berre là-haut, il y avait des carpes
~ Les poissons d’eau douce, on n’est pas très forts ici...
~ Quoique, le mulet... l’eau douce, ça allait le coco, il fait la tangente lui.
~ Des gens disent qu’ils l’estiment autant que le loup...
~ Je vais te dire une chose, ça vaut ce que ça vaut : je préfère mieux le muge que le loup. Ça n’a pas de goût le loup, c’est fin oui, mais le muge... Un jour le petit-fils me dit, « Papé, tu sais, moi, le poisson... » Attends, je vais te faire quelque chose : je coupe les filets, j’enfarine, je passe à la poêle... Il m’a dit papé, du comme ça, tu peux m’en donner... les filets de loup, c’est pas pareil... Ne confondons pas : le muge c’est un charognard, c’est comme le rouget, il se nourrit de quoi ? il bouffe dans la fangue. Sinon, je te dis, à mon goût,... que celui-là, il n’avait pas goût à vase quand il montait dans la rivière. Dans l’Ayrolle, il y a Campignol à côté, il y a peu d’eau, alors là, la vase tu la trouves...




Il y a cinq ou six variétés de muges : le dorin, le mulet, le camard, la pointue, attends, y en a une autre... La lissette ça devient pas tellement gros ; le dorin n’est pas gros non plus, il a les ouïes orangées. Je les pêchais à l’étang et plutôt dans l’Aude.

Les anguilles, la mordorée et puis la verte et puis les grosses, les "mazères", costaudes (des deux mains, il forme un rond de 5 ou 6 centimètres de diamètre... Y en a qui sont plus grosses que les congres... j’en ai pêché une, une fois, dans l’Aude, elle faisait 6 kilos, on l’a mesurée avec Marceau, un mètre trente, je crois. A l’étang, elles étaient moins grosses, jusqu’à deux et trois kilos pour les "mazères".
~ Tu as connu la période où les camions les prenaient vivantes en Italie ?
~ Oui mais avant, à la rivière, on les vendait pas, on les jetait pacque les vieux ils avaient une tactique à la tchaou, ils cherchaient pas. Au globe, en une nuit, on pêchait 80 à 100 kilos, on les jetait. Des fois tu en gardais quelques unes  pour un Lespignanot qui demandait : « Ouais, Marceau tu me garderas quelques anguilles ? » Mais là, on a perdu des sous, je le pensais mais j’étais gaffet (apprenti) et le patron ne voulait pas chercher d’autres débouchés. On pêchait du loup, du muge et des plies, d’un kilo un, un kilo deux. Elles remontaient presque au pont de Fleury, on avait un poste à L’Horte de L’ami. Boh, il y avait plus de poisson quand même... » (A suivre...)


(1) Yves a pêché dans l’étang de Bages et de Sigean, il parle aussi de celui de l’Ayrolle et de Campignol qui lui est contigu.

Photos autorisées 1. Étang de Bages depuis l'île de Sainte-Lucie / merci Joyce11 / wikimedia commons
2. Mulets sur le marché : merci Classiccardinal / Wikimedia commons. 
Photos suivantes 3, 4, 5, 6 : rivière (fleuve) Aude entre le pont de Fleury et l'embouchure.

vendredi 31 juillet 2015

LES BASTETS... (III) « Pilier, ce sont les reins et les jambes...» / FLEURY en Languedoc

    


C’étaient des temps pas tendres mais ouverts aux espoirs, et qui donnent à réfléchir sur la période que nous vivons, un présent apparemment plus facile mais corrompu parce qu’une minorité cupide impose sa loi à une majorité sans courage qui devra aussi en répondre, à l’heure du bilan.
    A 83 ans, Yves veut bien témoigner du travail, de la vie, de la mer : il n’a plus voulu de l’école et parle de son apprentissage de pêcheur à la traïne, à 13 ans. 


   
    «... et le second essai, le bol du matin, à l’aurore... Des fois on venait jusque sous "Tintaine" (presque à Gruissan), on se tapait déjà 8, 10 km à pied... et ce filet en coton, mouillé qui plus est, il pesait lourd et puis fallait pas mettre le pied dessus : il te foutait un coup de pied au cul... Enfin, j’aurais été plus intelligent, j’aurais continué à l’école... Mais je regrette rien... c’est un boulot rude quand même.
    Après attends, oooh il m’avait trouvé une autre combine. Il était bien le vieux Garibaldi alors il m’avait foutu à la barque, on avait des corbeilles en osier, des brassets on disait, Après le premier bol, depuis Tintaine j’allais porter 400 ou 500 kilos aux Cabanes, à la rame et arrivé, retour à l’expéditeur !
~ On comprend qu’après la journée, pas besoin de faire du sport... 
~ Oh ! podes y anar (tu peux y aller), à 17 ans, je suis allé jouer au rugby, je devais faire 80 kilos, je jouais pilier. Il y avait Serin, l’international, et un toubib qui s’appelait Olive, il était sympa et te trouvait toujours quelque chose pour soigner un bobo... Ils venaient pêcher à la ligne, moi j’avais commencé à Fleury. Ils m’ont dit si ça me disait d’aller jouer à Béziers, pour ça allez voir mon père. Quand ils lui en ont parlé, il se sont fait jeter comme du poisson pourri C’étaient des coriaces, ils sont revenus à la charge et la troisième fois mon père a dit « Le matin quand il va rentrer y a pas de rugby qui tienne, y a lou traval ! »... Des fois c’était rude et devant ça y allait, mais si je me levais pas, à six heures, il me foutait en bas du lit... Puis j’ai joué jusqu’à ce que je parte à l’armée... » (à suivre)


 
Notes : en 1947 - 1948, non qualifié en poules de huit pour les huitièmes de finale (dans la poule de Lourdes qui sera champion).
1948-49, Non qualifié (dans la poule du FC Auch et du Stadoceste tarbais qui perdent en 1/8èmes.
1949 - 50, 1/16èmes : Béziers -Bègles (10-3) / 1/8èmes Castres Ol -Béziers (6-3).
1951 -52, 1/8èmes : Vichy - Béziers 14-12 (Lourdes sera champion). 

photo1 Saint-Pierre années 60 (pardon mais je ne sais plus à qui je l'emprunte...)
photo 2 Hugolesage "sunrise St-Pierre-la-Mer (commons wikipedia)

jeudi 30 juillet 2015

LES BASTETS DU MAITRE-NAGEUR (2ème partie) / Fleury en Languedoc


    Nous sommes assis sous la figuière, soutenue, tant les fruits pourraient peser (1), par une dizaine de perches telles les partègues, ces gaules qui poussent les barques sur nos étangs. Thérèse reste assise à sa droite. Elle l’approuve surtout quand elle apporte son grain de sel. Elle le soutient mort et fort (2), inconditionnellement, depuis leur première rencontre, à n’en pas douter,  à Saint-Pierre, quand elle passait  l’été à la baraque (au marabout plutôt) et que lui halait la traîne sur la plage. 




« Je suis né en 1932...
~ Votre famille est de Fleury ?
~ Si tu y vas par là, notre installation à Fleury remonte à mes grands-parents venus d’Italie à pied. Neuf cents kilomètres quand même. Le grand-père travaillait le cuir, il était bottier. Aussi ses deux fils prirent la suite sauf que mon père eut l’opportunité de s’installer mareyeur : il s’est établi aux Cabanes mais à la mer, attention, pas au hameau. Il avait fait un garage en planches pour la Ford, une grosse carlingue entre un fourgon et un camion. Il vendait dans les villages de l’intérieur, jusqu’à Saint-Marcel, Canet-d’Aude, tout aco (tout ça). Cal faire quicon (Faut faire quelque chose). Les gens mangeaient du poisson à l’époque... aujourd’hui, il n’y connaissent rien (3)...
    Pendant la guerre, on était à Fleury, les Boches ont fermé l’école ; je me souviens qu’on faisait la classe au café Tailhan, au premier étage, en passant au milieu des vieux qui prenaient le café.
    Nous avons été évacués de Fleury (4)... ils n’étaient pas commodes, les Allemands : ils mettaient les meubles dehors si on ne déménageait pas assez vite et ils mettaient le feu si trois jours après ils étaient toujours là.  Enfin, on s’est retrouvés à Mazamet, une partie de ma famille s’y est installée même s’il n’y a plus personne aujourd’hui.
    Après la guerre, nous nous sommes installés aux Cabanes, mais à la mer, entre la plage et l’embouchure (5). Je te raconterai les bêtises que nous avons faites, c’est vrai qu’à treize et quatorze ans, c’est bien l’âge, des bêtises.
    L’école, je voulais plus y aller : tu me vois costaud mais avant j’étais de santé fragile, j’ai manqué des mois et des mois et ce retard me décourageait complètement.
    Avec mon père, on est allé voir Garibaldi, on était un peu parents «Té, il veut pas aller à l’école tu le prendras à la pêche...». C’est là que j’ai commencé à aller à la traîne, à 13 ans. On avait des cordes en chanvre, ça pesait une tonne et toute la nuit j’enroulais des cordes, on avait une grande traîne pratiquement à un kilomètre en mer avec 12 ou 13 personnes par côté, éloignées aussi de 8 ou 900 mètres. Je commençais à forcir mais ces cordes à charrier toute la nuit : j’étais au bras de dessus comme on dit, 800 mètres plus haut, celui qui portait les cordes le plus loin : le matin j’avais les bras qui touchaient par terre. Il y a eu une évolution, j’ai continué : il m’a foutu à voguer à une rame (16 ans), y avait pas de moteur à l’époque oh ! La promotion, quand tu cales, avec le vent du nord, va pla, mais cal tourna, attendi amé el vent (ça va, mais il faut revenir, attends, avec le vent). Bon on pêchait aussi avec le marin. L’année d’après il me met maître nageur, tu penses, deux avirons dans les paluches, y a le cul qui se pèle, sur le banc. On faisait deux bols du soir, ils étaient tacticiens les cocos, les anciens « Pitchoun, cal attendre lou leua » (Petit, il faut attendre le leua)...
~ De ques aco lo leua (6) ? (Qu’est-ce le leua ?)
~ C’est l’étoile qui se levait, je sais pas, vers huit ou neuf heures, peut-être plus tard. On avait le bol (la remontée, le coup de filet) vers deux ou trois heures du matin...  



(1) je pensais que c’était pour aider les branches en parasol pour une ombre des plus agréables. A côté un mûrier-platane qui semble s’en savoir mal de cette promiscuité. (Dans le Sud, l’ombre est plus ou moins appréciée, suit suivant l’arbre qui la porte, or, d’après certains celle du figuier n’atteindrait pas la moyenne... En attendant, si vous descendez, laissez donc l’autoroute pour l’ombre profonde des platanes séculaires sur une vieille nationale déclassée !).
(2) Pai mouièn de ba trapar sur un dicciounari occita ! pas moyen de trouver l’expression, pourtant, à Fleury, elle signifie la manière têtue, acharnée de soutenir un propos.
(3) Yves veut dire que la population consommait directement, sans que les produits ne soient transformés et détournés par une chaîne d’intermédiaires
(4) La côte étant déjà en zone interdite, le village devait être évacué par étapes ; ma famille était aussi sur la liste en cours mais les circonstances défavorables à l’Allemagne firent que seuls les meubles partirent à Pexiora.
(5) Une insistance attestant peut-être qu’il tient à se démarquer des habitants du hameau... 
(6) peut-être de « leu » (tôt, vite, bientôt...), serait l’étoile visible en premier

vendredi 22 mai 2015

DES CERISES MAIS AUSSI DES CASCAMELS A TRAUSSE ! / Aude, Languedoc



Les cascamèls désignent les grappillons de raisin, parfois laissés, lors de la vendange, parce que leur maturation est décalée par rapport aux grappes... certains faisaient le bonheur des vadrouilleurs et des grives, encore en novembre. Toutes ces allusions ne peuvent mieux tomber : Luc, mon « vieux copain » cultive la vigne et fait son vin en Minervois, entre l’Argent-Double et la garrigue ! 





Trausse dans le dictionnaire topographique de Sabarthès :
Église paroissiale dédiée à saint Martin.
Évolutions du nom : Villa tesautani 842 ; Villa Tecsetani 843 Villa Trenciani in pago Narbonensi, in suburbo Ventaionensi 866 ; Trencianum 1142 ; Trauzanum 1167 ; Traucan 1216 ; Treussanum 1231 ; Traussanum 1245 ; Traucianum 1245 ; Trautianum 1270 ; Trausan 1595 Trausse 1781 Troòuso (vulg (1)).
Parmi les appellations diverses, les plus "plaisantes" : Cantecocu, lieu dit Trausse, 1231, Cantecouyoul (vulg) / Couscoulholes, localité disparue au contact des communes de Laure, Caunes, Trausse 936...
Les édifices religieux outre l’église paroissiale : Saint-Brès ancienne chapelle XVIIIème / Saint-Roch chapelle rurale Sant Roc 1536 Saint-Roch chapelle 1781 / Saint-Sernin ancienne chapelle Sainct Cerny 1644.
Autres : Chamans f / A l’estanholh 1536 / La leude, ancien péage le même que celui de Peyriac / Paulignan château ancien fief de l’abbaye de Caunes 1270 / Prax lieu dit 1163 / / Sainte-Férigoule col entre Trausse et Félines-d’Hautpoul Al colh de Santa Ferygolha 1536 / / Saisset ferme / La Treille ferme /

Luc, avez-vous des vignes, avec Jean-Yves, sur ces tènements ? Et à l’occasion, tu me préciseras ce que vaut le retour d’affection, à moins qu’il ne soit que commercial, pour le carignan, ce cépage qui me tient particulièrement à cœur... 



Dans le Trésor du Félibrige de Frédéric Mistral, nous pouvons lire :
Trausso, Tròusso n.de l. Trausse (Aude) village dont les habitants ont une réputation de naïveté comme ceux de Martigue en Provence.
PROV : A Trausso lous Auvergnasses dison la messo. A Trausso lous sants bufon.
Pour le premier, si "auvergnasse" signifie aussi pour les Lyonnais un vent de nord-ouest, sont-ce les gens de l’extérieur et que viennent faire ici les Auvergnats qui seraient plus écoutés que les locaux. Quant au second proverbe est-ce une allusion à la dévotion des habitants ? Une explication serait la bienvenue...
Mistral ajoute : Traussés, Trausseis, Traussanèl, Trauseso, Trausello habitant de Trausse v beco, estestassa
Autres allusions au village : Trausse localité disparue entre salines et l’île del Lec commune de Narbonne.

PS : à propos de la Calandreta, l’école occitane, est-ce celle des Cascamèls (les grappillons de raisin) ? Pour l’école encore, je ne peux que revenir sur cette jolie réflexion de l’ancien maire Julien Boutet : « En 1914, ceux qui sont partis à la guerre ne parlaient pas français mais occitan, on leur devait bien cela ! ».

(1) la mention "vulg" pour "vulgairement" signifie "dans la langue locale", donc en languedocien... Et comme Sabarthès ne saurait être coupable de mépris à l’encontre de son pays, on ne peut que penser qu’en 1912, c’était dans l’air du temps... Et puis, encore aujourd’hui, ils sont nombreux, les tartuffes de la démocratie à ravaler notre langue en tant que "patois"... Partageons et gardons en mémoire, plutôt, le respect, la dignité des paroles de l’ancien maire de Trausse ! 

 photos 1 & 2 http://www.domaineluclapeyre.fr/ 3 commons wikipedia

mercredi 20 mai 2015

LES CERISES DE TRAUSSE / Fleury d'Aude en Languedoc

En parcourant le dictionnaire topographique de Sabarthès, en plus de nos villages, une curiosité subjective m’a aussi amené à mieux connaître Sallèles, Ouveillan, en attendant la suite puisque le livre reste une porte ouverte sur notre département. Pour Trausse, ce fut d’instinct parce que, sur deux générations, une vieille amitié nous lie à ce coin du Minervois.
Il me reste au moins un éclair, un flash de ce voyage à vélo entre Fleury et Trausse, sur le porte-bagage paternel : l’eau, l’eau du canal du Midi ou du fleuve Aude sinon d’un étang, avant la "cluse" d’Argens. Nous devant, maman derrière. Le Cers, les kilomètres, moi dans un panier, l’époque difficile (1), rien ne les aurait empêchés de rallier ce clocher du Minervois. L’amitié appelait. Ils étaient jeunes. 



Pour vous dire combien ce village continue de compter pour nous, les souvenirs prendraient-ils le pas sur le présent, les années passant, parce que les amis aussi partent et que la vie sépare ceux qui restent. Reste l’espoir, néanmoins, qu’à un moment donné, deux vers partagés de la "bonne chanson" (2) confluent pour renouer le fil rompu, pour ne pas repartir aussi bêtement, chacun pour soi, dans le tourbillon de la vie (3).
Avec mon "vieux" copain, les voix se répondent comme si c’était d’hier, même si elles font comme si ce n’était rien d’échanger des dizaines d’années en quelques phrases à peine, en résumé, au plus court, bouclées en deux ou trois phrases ! En attendant la revoyure, promise cet été, cochon qui s’en dédie, les souvenirs affleurent...
Moi : Un panier de cerises chez ta tante à Laure...
Lui : Non, tu te trompes, la terre ne leur va pas...
Moi : Pourtant, et c’est ton père qui nous avait amenés...
Lui : Tu es sûr ? parce que les cerises, c’est à Trausse, même qu’on s’en est fait une spécialité et qu’on les fête chaque année !
Moi : Une « espécialité » (4), tu dis ? Tu fais référence peut-être à une traditionnelle fête des guines, non ? Mais puisque tu le dis, nous viendrons les manger à Trausse, les cerises ! Tu sais que mes parents parlent encore de ce panier que ton père avait descendu du Minervois... » 



Oui, félicitons-nous de ces manifestations qui entretiennent la vie des villages : Trausse fêtera ses cerises le 31 mai, pour la douzième année consécutive ! Une vitalité marquée aussi, pour les 500 habitants (ça se maintient, bon an mal an, même à 25 kilomètres de Carcassonne), par le souci qu’ils manifestent pour une Calendreta, l’école associative occitane. La langue, comme l’accent, au même titre que le vin... ou le Cers, expriment assurément la résistance contre un pouvoir central jacobin. Ne nous y trompons pas, le mépris, la vanité, l’ethnocentrisme de la capitale continuent de peser parce qu’"ils" honorent et respectent les différences au-delà des frontières autant qu’ils les dénigrent et les combattent en deçà... des Pyrénées !
Aussi, merci à l’élu de Trausse qui prend congé de ses administrés comme devraient le faire tous nos élus du Sud : « Adiusiatz a totes ( au revoir à tous ).Le Maire J-F Saïsset ».
Mince, nous n’avons pas parcouru la fiche de Sabarthès ? Ce sera pour lo cop que vèn, la prochaine fois, sans faute !


(1) 1952, après les vendanges. Le pays se ressent encore de la dernière guerre.
(2) j’aime ce titre du recueil de Verlaine qui, au lendemain de ses fiançailles, croyait voir l’avenir lui sourire. Ce que nous savons de sa vie témoigne, malheureusement, du contraire.
(3) comme dans la chanson.
(4) « La sardine Michaud est sur la place...
- Es uno especialitat d’aïci ? » Yves, père de mon «vieux copain » et copain de pension de mon père, lors d’une de ses visites à Fleury, alors que l’appariteur annonçait l’arrivée du poissonnier au village.

photos autorisées  1. Commons Wikipedia Canal du Midi à Ventenac Minervois (Peter Haas). 
                            3. Flickr.com Fête de la cerise à Trausse.  

lundi 6 avril 2015

PAS QUE... / Fleury d'Aude en Languedoc

Pas que... pas que ça...
Peu importe si nissan (1) est antérieur à Nicée... Mais non, pas la marque nippone (ni mauvaise non plus) ; ensuite, si vous prononcez "niquée", c'est que vous confondez avec l'Athéna, qui l'était, et majuscule qui plus est ! Peu importe si la Pâque prélude aux Pâques, ce qui préexiste sans contestation aucune, sous les climats à quatre saisons, c'est l'équinoxe de printemps, le renouveau, la promesse de la terre, l'espérance universelle que demain encore sera. « Que sera, sera... » (2)





Alors tous les signaux, même exhibés en signes de ralliement au nom de dogmes sectaires, je me les récupère car je les aime, mes semblables quand, cessant les fanfaronnades, ils se regroupent pour s'en remettre à plus fort qu'eux. Alors chez moi, quand les bourgeons gonflent, dehors et dans ma tête, fin mars, début avril, je me les fais miens les lauriers, le buis, l'olivier et tous ces rameaux élevés vers le ciel : je leur fais dire la même chose qu’en troupeau, mais autrement, en marmonnant, doucement pour qu'on croie avoir entendu, sans comprendre vraiment. Mais c'était avant, c'est apaisé maintenant... Pas comme là-bas, de l'autre côté, où une bête immonde exhale sa barbarie, où "... Pas besoin d'être Jérémie pour d'viner l'sort qui..." leur est promis.

Non, non, contrairement à ce que vous croyez, je ne vais pas encore vilipender nos dirigeants mouillés un tant soit peu et valant si peu, d'ailleurs. Je reste avec Pergaud et Brassens, vaut mieux...
Fichtre ! un peu de hauteur, ça sent meilleur là-haut ! La chasse aux papillons, Pâques fleuries, mon clocher et ces volées de souvenirs qui grifferont jusqu'au dernier jour...
Je cours relire, avec une envie toujours renouvelée, ce que nous écrivions avec papa, à quatre mains presque. Lui, reprend un martelet que j'ai dû évoquer même si c'était un peu tôt, de la part des jeunes désœuvrés, pour taper chez les gens endormis. Sa touche personnelle, plus captivante, vient juste après : 


« ... Dimanche des rameaux 1953 : Le mauve de la glycine qui étale ses grappes près d’un portail de la place du Ramonétage m’a fait penser à l’entrée monumentale du château de Saint-André-de-Sangonis, et en ce jour des Rameaux je revois Marcellin, le vieux serviteur zélé jonzacois qui, de retour de la messe, parcourait une à une les pièces de la grande maison pour laisser dans chacune d’elles une branchette de laurier bénit destinée à remplacer celle de l’année précédente. Pauvre Marcellin, si gentil au fond, qui revenait avec nostalgie sur ses cinquante années passées au service des familles Martin, puis Gaudion de Conas, Romilly enfin ; il évoquait la cure à lui payée jadis annuellement à « Châtel » (Châtelguyon), les tenues de service auxquelles il avait droit, bref les beaux moments de sa vie de fidèle domestique. Et maintenant ? La comtesse, toujours à court d’argent, lui devait même sept mois de gages, quelle misère ! Aurait-il mieux fait de rester au service de la maison Martell qui portait si haut depuis si longtemps le renom du cognac français, celui de son pays qu’il ne reverrait plus ?.. » François Dedieu, p. 185 Le Renouveau  / Caboujolette 2008.


Moi : « ... Le samedi reste empreint de mystère mais notre communauté villageoise renaît le dimanche dans l'église inondée de soleil, pleine de monde, lorsqu'une élégante voulant se mettre en évidence se signe en retard devant le bénitier. Ensuite les familles se retrouvent pour le repas de fête avec les œufs au mimosa, farcis d'anchois, le gigot de l'agneau pascal et le bras de Vénus à la crème pâtissière.

Une tradition qui n'a rien de religieux veut que l'omelette pascale soit préparée pour le pique-nique du lundi de Pâques. La Saint-Loup (3) est un jour férié. Les groupes joyeux se retrouvent dans les pins, dans les prés, à la mer aussi… aux Cabanes, à Saint-Pierre... » Jean-François Dedieu, p. 161 Le Renouveau / Le Carignan 2008.   




Lundi de Pâques 6 avril 2015, comment laisser passer un jour indissociable de son dimanche, sans trop penser à « l’agnus pascalus » qui a eu plus de chance que son alter ego « paschalis » parce que « sans le latin, sans le latin... », même Brassens n’a plus voulu suivre (4) ! 



(1) mois hébraïque.
(2) « When I was just a little girl
I asked my mother, " What will I be ?
Will I be pretty, will I be rich ? "
Here's what she said to me... » Doris Day (1956).
(3) Quel est ce saint mystérieux ? A Coursan, ils disent « faire pâquette ».
(4) langue de l’Eglise alors que la Nouveau Testament est écrit en grec. 

photos 1 tulipes F. Dedieu 1965. 2 & 3 ciste cotonneux et ciste de Montpellier JFDedieu.

dimanche 5 avril 2015

UNE CONSTITUTION LEGALISANT LES SIEGES EJECTABLES ! (Mayotte & France)




Merci à tous ceux qui se manifestent et ce, dans le monde entier. Ce n'est pas sans émotion que je pense à mon lecteur quand son pays lointain s'inscrit sur ma page. La magie de blogger est celle du Net nous est d'autant plus précieuse qu'elle permet la progression des valeurs démocratiques. 
Sur, facebook (Fleuryd'Aude en Languedoc & Mayotte en Danger), un support au spectre moins large, ceux qui se sentent visés par certaines vérités aiment pour ne plus aimer, manière de signifier qu'ils ont "moinssé" ! Même s'ils sont très minoritaires, même s'ils défendent des privilèges de caste, je leur laisse bien volontiers cette liberté de blâmer ! A eux aussi je dis merci d'entretenir notre ressentiment parce que leur position, leur posture n'ont rien de solidaire et de fraternel ! 
Précisons, néanmoins, qu'au-delà de leur vacuité vaniteuse, les attaques visent avant tout le système qui laisse glisser vers de mauvais penchants. Les hommes sont véreux, vénaux, corruptibles. L’appât du gain lamine les idéaux en moins de deux ! La tentation pour un plus, un avantage, une promotion, un mieux matériel et plus encore la vanité du paraître, l’attrait du pouvoir, la satisfaction de dominer les autres sont des leviers forts or la fin justifie les moyens. Les proverbes et dictons ne s’y trompent pas !
Il suffirait donc, sans promouvoir un intégrisme républicain de prévoir une gouvernance plus vertueuse interdisant les excès, limitant les abus tout en contrôlant les dépenses publiques. Ce devrait être un impératif pour nos gouvernants (politiques, appareil d‘Etat, lobbyistes) et toute impéritie de leur part devrait les rendre éjectables ! Nous vivons une époque indécente, marquée par le maintien de trop de médiocres, qui ont perdu le sens de l‘honneur, des valeurs et de l‘intérêt général. On ne démissionne pas aujourd‘hui quand on a failli, au contraire, on parade, on provoque, on profite ! Quand les prélèvements d‘impôts sont aussi forts et que l’argent est jeté par les fenêtres sinon détourné, est-ce tolérable ?
Ces dernières semaines ont été marquées par les élections départementales et notre vigilance doit aiguillonner l’instance. La mandature est de 6 ans et tous les jours nos chers élus auraient à répondre de leurs actes si nous étions capables de l’exiger. Malheureusement pour la démocratie, c’est à peine si à la fin, ils auront à aborder la question « Dis, qu’as-tu fait de ton mandat ? » tant les luttes d’influence, les réseaux en place, portés, promus par les flatteurs et profiteurs de tous poils parasitent l’attente citoyenne ! Le vrai programme ne consiste qu’à se trouver sous le robinet, à la place des autres !
Or, même depuis ma tanière, à Mayotte, j’ai suivi le cours plancher du bulletin de vote : 50 euros pour le quidam racoleur. J’ai entendu qu’on achetait toujours les votes (ou la neutralité) des jeunes : tchac-tchac, voulés, alcool offerts (pique-niques). J’ai vu aussi que cela n’empêchait pas d’invoquer la religion à tout moment, d’abord pour réussir puis pour fêter l’élection. Enfin, j’ai lu (en tapant « indemnité conseiller départemental », merci le Net !) parce que l’hypocrisie française occulte et escamote ce rapport au fric et que les médias n'en parlent pas souvent, que, pour un département de moins de 250000 habitants (1) :

* Un conseiller départemental touche 1520,59 euros bruts / mois.

* Chaque vice-président 2128,83 € bruts/mois.

* Le président 5512 € bruts/mois.

Passons sur les véhicules de fonction et autres petits avantages afférents, si le nombre de vice-présidents doit culminer au maximum légal, la légalité permet aussi de consoler les élus de base inscrits dans la commission permanente avec les 152 euros supplémentaires... Au diable l’avarice ! Partageons ! Aux frais du citoyen !
Rien que de plus normal, d’officiel... Soit ! Mais sous contrôle, avec obligation de résultats ! Que le pouvoir du peuple ne soit plus jugulé !
Pour tous les « élec-ci-cons » que nous sommes, nous, électeurs-citoyens-contribuables qui nous ignorons presque et qui, comme monsieur Jourdain pour sa prose, devrions nous persuader que la parole et la volonté du peuple figure en tête de la Constitution ! n'acceptons plus alors d'être pris pour des si cons que ça !

(1) dommage pour eux que l'évaluation à  300 voire à 400.000 habitants à Mayotte ne soit qu'officieuse !



   

lundi 16 mars 2015

LES RICHES HEURES... (Lapalme, Sallèles) : Fleury d'Aude en Languedoc



Avec les « belles » et autres « très belles heures », ainsi que le précisent ces manuscrits enluminés du Moyen-Âge avec lettrines et calligraphie soignée, le décalage entre la survie du plus grand nombre et le faste culturel des nantis est tel que je ne peux endiguer un anachronisme juste pour dire combien l’histoire des arts promus par les Grands s’oppose initialement au vécu des petites gens. Avec nos villages de Sallèles et Lapalme, l’évocation des rois de France qui impulsèrent la Renaissance, le retour aux sources antiques, l’humanisme contraste avec ce qu’il en était vraiment de la rude condition des vilains et des serfs, aggravée qui plus est par les guerres incessantes, vectrices de calamités aussi nombreuses que variées. En ce sens, il faut regarder les scènes paysannes idéalisées par l’aristocratie avec un recul certain. Je tenais à ce préalable avant de revenir sur l’incidence historique des années 1500 - 1550 dans notre Midi, avant de nous interroger sur plus d’un demi-siècle de « Guerres d’Italie ». Ne devait-on pas, dans la continuité de la Guerre de Cent ans, ces désastres sanglants à des contestations continuelles d’héritages royaux ?
Concernant Sallèles, village historique en circulade (1), vu qu’Alban n’a pas le temps de nous parler du château dit « de François Ier » et du « jardin du Roy » (si vous avez des photos, je suis preneur !), précisons que c’est depuis ce château du seigneur de Fimarcon que François Au Grand Nez suivit de loin le siège de Perpignan dirigé par son cadet, le Dauphin Henri. Passons sur la suite avec le roi qui repart sur Montpellier avant de la laisser livrée à la peste que l’armée avait répandue (2).
Pour ce qui est de Lapalme, le passé médiéval du village est notamment commémoré par « Las Claous de la Paumo » (3). Ces réjouissances du mois d’août s’appuient sur les vestiges : la porte de la barbacane (emplacement d’un pont-levis), la tour de l’horloge, l’ancien château, les vieux remparts. Il faut dire que le territoire, en bord de Méditerranée, a vu passer des peuples, des armées avant que l’Espagne et la France ne s’affirment comme pays. Aussi, les références à l’Histoire sont loin d’être anodines.

En 1503 (sous Louis XII, prédécesseur et cousin germain de François Ier).
Alors que les François assiègent Salses depuis un mois :
“... lorsque Ferdinand qui s’étoit déja fait précéder par le duc d’Albe, ramassant toutes les milices d’Espagne, vint investir les lignes des François avec une armée de plus de quarante mille combattants. Il ne fallut plus songer qu’à la retraite : quelque périlleuse qu’elle fût en présence d’une armée si supérieure, elle se fit avec tant d’ordre que les Espagnols n’osèrent en venir aux mains. L’armée se réfugia sous le canon de Narbonne, abandonnant à l’ennemi Leucate, Palme, Sigean, & un grand nombre de villages, dont les habitants eurent le temps de s’enfuir, emportant avec eux leurs effets les plus précieux. Les Espagnols y mirent le feu parce qu’ils ne se crurent pas en état de les conserver..."
Paul François Velly, Claude Villaret et Jean-Jacques Garnier Histoire de France... volume 11/ 1771. 



Pour cette même année 1503, voici ce qu’en retiennent Dom Claude de Vic et dom Vaissete dans le tome 8 1844.de leur Histoire générale de Languedoc avec des notes et pièces justificatives composée sur les auteurs et les titres originaux et enrichie de divers documents, parue en 1844 :
« Le maréchal de Rieux étant arrivé à Pézenas, y rassembla trois cens lances ; et après avoir été joint par un corps d’infanterie Suisse, il s’avança vers Narbonne, à la fin du mois d’août 1503, dans le dessein d’entreprendre le siège de Salses en Roussillion, sur les frontières du diocèse de Narbonne. Il marcha à la tête de son armée de vingt mille hommes tant de gens d’ordonnance que de milices de la province, et vint camper à la Palme.../... investit la ville de Salses et en commença le siège le 10. de Septembre. Ferdinand, roi d’Espagne.../... avait donné le commandement à Frédéric de Tolède duc d’Albe qui vint camper à Rivesaltes... /... le maréchal de Rieux, se voyant inférieur, prit le parti de lever le siège et de se retirer en Languedoc.../... le duc d’Albe fier de cet avantage, entra dans le diocèse de Narbonne et assiégea Leucate le 28 d’Octobre. La garnison qui n’était pas en état de capituler fut obligée de capituler. cette conquête fut suivie de celle de la Palme, Sigean, Fitou, Truilhas, Roquefort, Castelmaur, S. Jean de Barrou, Fraisse, Villeseque et autres châteaux, bourgs et villages du païs jusqu’à Narbonne, où notre armée, qui était campée aux environs, arrêta les courses des Espagnols. Les Ginets d’Espagne mirent le feu à la plupart de ces lieux, exercerent partout des ravages affreux, et firent un grand butin. La ville de Narbonne fut seule capable de borner les courses des Espagnols, qui d’ailleurs n’osèrent rien entreprendre davantage, à cause que la saison étoit trop avancée. Gaston de Pierre-Pertuse fut accusé d’avoir favorisé les Espagnols.
.../... Les deux rois convinrent d’une trêve de cinq mois, et elle fut ensuite prolongée pour trois ans. Enfin ils conclurent un traité et se liguèrent en 1505. Ferdinand roi d’Espagne épousa ensuite en secondes nôces Germaine de Foix, nièce du roi, et fille de Jean de Foix, vicomte de Narbonne » 

Une certaine géographie étonne aussi, en dehors de la situation sur un couloir de communications aussi ancien que l'installation humaine : Lapalme, en effet ne possède pas de façade maritime, La Nouvelle et surtout Leucate s’accaparant le bord de mer (4) ! Aussi, les Palmistes ont-ils bien raison d’afficher sans ambiguïté que la plage des Rouets, où se situe la prise d’eau pour les salins, est bien la leur !
Merci Lapalme, merci Sallèles, merci Alban, merci Fabien pour, après celles du duc de Berry, ces « riches heures » que nous vous devons. Ah ! un dernier pont entre vos deux villages : si à Sallèles on a la cambo roujo, à Lapalme, les Paumencs et Paumencos (les Palmistes pour les Parisiens qui ne sauraient pas le français...) ont la cambo carrément brûlée, tourrado ! En attendant qu’ils daignent nous expliquer le pourquoi de la chose, fermons le ban avec un bien joli détail : depuis la nationale, en haut, à la Calade, la route d’accès s’appelle « Chemin des poutous » ! Ça me donne envie de chanter la Baptistino, macani ! Bravo les amoureux ! 



(1) On parle de village en rond, de village circulaire autour de l’église ou du château, avec des remparts pour limite. Wikipedia fait état du terme "circulade".
(2) voir “ Histoire de la Ville de Montpellier" / Charles d’Aigrefeuille 1737.
(3) source Wikipedia.
(4) Étrange aussi de constater que, loin d’être partagé, l’étang appartient en totalité à la commune de Leucate sans rien pour les autres villages dont Fitou ou Caves et Treilles, paurets qui n’ont rien du Paurel, la pointe nord ! Aussi anormal que chez nous, Narbonne qui s’est attribué la plus grande partie des Exals et le port en passant par-dessus le thalweg comme on passe par-dessus la jambe ! 

photos autorisées commons wikipedia 1 & 4 blasons de Lapalme et Sallèles / 2 & 3 barbacane de Lapalme.  

mercredi 3 décembre 2014

LA BAPTISTINO... / Fleury d'Aude en Languedoc


« La Baptistino al peiroun amé soun amourous,
Se passéjavount toutis dous,
se fasion de poutouns... »

Allez donc savoir pourquoi, de bon matin, je chantonnais « la Baptistino...», sur l’air de «Viens poupoule...» en repensant à tous ces perrons, du moins à ces devants de portes aménagés ou non, dont l’entrée des maisons dites "de maître" (1), où nos gens prenaient le frais, occupés surtout à converser... et à petoufiéjer, à "peler" celui ou celle qui venait à passer (lous vestisiont per l’ivern !)(ils les habillaient pour l'hiver !).
Trêve de diversions, à toujours ouvrir des parenthèses, je ne le sais que trop... D’ailleurs, ces dernières semaines, je les cherchais ces chansons plutôt crues ou paillardes, celles que notre bon capitaine lançait dans le car, en bon meneur, en français pour une histoire d’asticots sur le dos d’un macchabée, en languedocien pour les couplets bouffeurs de curé et la femme en chaleur de Richichiou (2). En fredonnant la Baptistino, tout en me demandant comment ils font pour se poutounéjer (s'embrasser) sur le perron tout en se promenant, je me dis au moins qu’il me reste quelque chose. Mieux même parce qu’il n’y a pas plus gentil que notre capitaine, serait-ce pour ses plaisanteries, son rire contagieux, ses moqueries plus qu’amicales puisque marquées par la camaraderie, une jeunesse en partage ! Je repensais, que cet été, je l’ai revu, ce copain des jeunes années, pour le feu d’artifice des Cabanes et j’ai été tellement attrapé que je suis passé pour quelqu’un de distant, presque incorrect en ne saluant que de loin le groupe qui l’accompagnait (pardon les filles...). Et lui, je crois lui avoir seulement et tout bêtement serré la main... comme si cette pudeur imbécile convenait mieux alors qu’un demi-siècle n’a rien effacé de la complicité passée. Mais on ne s’embrasse pas, entre hommes, on ne se laisse pas aller aux effusions. 




L’aigre-doux de la nostalgie ordinaire et des remords passa à l’âpre et à l’amer lorsque, deux mois plus tard, arriva du pays une triste nouvelle, celle du décès soudain du frère né après lui, parti trop tôt, à un âge où tout devrait encore sourire. Un garçon gai, ouvert, qui aimait rire, comme tous, dans leur nichée bien fournie. Je le connaissais plus pour la pétanque, aux beaux jours... Un bon tireur... Je le vois, comme si c’était hier, au ramonétage ou pour le concours de la fête des pêcheurs, préparant son geste, le buste un peu sur le côté, la main droite et la boule à hauteur du visage. 



Pour le frère parti que j’ai croisé aussi, une fois, par trop banalement, comme si cela l’était de voir quelqu’un vivant, de le rencontrer sans trouver ce hasard formidable (3), laissez-moi le serrer fort, mon capitaine du rugby ! Sans rien dire, seulement pour faire front à l’oppression, par instinct seulement, pour l’enfant insouciant qui va vers l’adolescence puis vers l’âge adulte, toujours désinvolte, parce que cette légèreté s’épaissit avec l’âge. Laissez-moi le serrer fort pour tout cela sans rien penser, en se laissant seulement porter par les sensations... C’est indécent d’analyser et trop de mots corrompent le cœur, c’est sûr. Laissez-moi le serrer fort pour ces liens qu’on croirait lâches mais qui restent si forts, à notre insu, entre camarades de jeunesse, parce que nous étions heureux comme la volée de moineaux racoleurs sur le haut mur derrière chez lui, dans une quiétude qui est déjà celle de la campagne, du temps des fleurs en grappes des faux acacias, parce que nous ne savions pas voir non plus la fatalité inéluctable telle celle du canon de la carabine pointé vers les innocents muraillers (4) en habits de fête. 



La vie en suspens et tout autour, exceptés les pépiements effrénés, la solennité des pierres de taille, une rampe de château pour une remise immense, la clé de voûte altière d’un portail imposant, fermé sur la fraîcheur d’une cave mystérieuse et profonde. Ces belles bâtisses nous laissaient d’autant plus une large impression d’opulence pérenne que nous étions chez le gros propriétaire qui logeait ses ouvriers. C’est vrai que tout est plus grand pour des enfants qui ne réalisent même pas que le gros propriétaire n’est qu’un petit homme, plus petit encore sans son chapeau, plus mince sans les épaulettes de sa veste de gentleman-farmer, épais de la simple mention "Monsieur" que les manants ont collé, par tradition et non sans duplicité, devant son nom...


Les adultes issus des enfants de jadis continuent de sautiller et de chanter des chansons bêtes. S'ils n’ont même pas remarqué que les petits moineaux se font rares, comme eux, sans voir la mort qui les emporte un à un, ils entonnent néanmoins « La Baptistino al peiroun... d'un monde beau et insouciant de la seconde fatale qui finira bien par arriver. 

(1) suite à l'explosion des cours dus aux crises de l'oïdium vers 1850 puis du phylloxéra dans les années 1870.
(2) http://www.limoux-aude.com/chansons-traditionelles/ritchichiu
(3) alors que de quatorze à vingt-cinq ans en gros, nous appartenions à ce même groupe d’âge appelé la « jeunesse ». Que reste-t-il aujourd’hui, à l’heure de l’individualisme forcené, de cette cohésion générationnelle passée ?
(4) nom donné dans le Sud au moineau qui niche surtout dans les trous des murs. 



photos autorisées : merci wikipédia et commons wikimedia.

vendredi 7 mars 2014

CORBIÈRES, MYSTÈRES (I).../ Fleury d'Aude en Languedoc

    Narbonne, 1963. Un samedi gris de novembre, vers deux heures moins le quart. On dirait le soir. Entre la grille et le boulevard, sur les feuilles mortes du trottoir, un "pencu" (1) se hâte. Dans une main, les tranches de pain du dessert, dans l’autre la valise et le sac de linge sale qui rebondit sur ses jambes. Gêné, il se hâte pourtant, comme tous les pensionnaires libérés, par saccades, comme si le car allait le laisser alors que le départ n’est prévu qu’en fin d’après-midi, depuis le Montmorency (2), au bord de la Robine. 

    Il ne veut plus voir le large trottoir, la grille monumentale, le collège datant de Jules Grévy, et pas plus le boulevard inspiré d’Haussmann. Il ne voit plus le vol plané des grandes feuilles bistres et cuivrées des platanes qui pourtant accompagnent ses rêves, en semaine, à l’étude du soir. Il ne veut plus de cette mélancolie d’automne instillée par les grands arbres autour du "bahut" austère. Il détourne à son profit, un poème qui le marque : « Plus mon petit village que la ville dans la plaine... ». Il part revoir les siens, serait-ce pour un jour. Un jour seulement, mais dans le cocon, en famille. 

Peut-être ira-t-il à la chasse, au matin, avec les hommes, pour respirer son pays à pleins poumons, quand le jour effiloche une écharpe de brume au-dessus des vallons. Puis, pour lui, et parce que c’est dimanche, le couvert sera mis sur une nappe blanche, une tablée de fête presque, avec des hors d’œuvre et un gibier mitonné par la mère et la gran (3), accompagné d’un vin cacheté. Ensuite, même s’il ne veut pas y penser, il faudra s’atteler aux devoirs, aux leçons, ranger le linge propre, le saucisson et le chocolat qui consolent de la tambouille du réfectoire, de la promiscuité du dortoir. Et ne lui dites pas que lui a de la chance, que certains ne partent que pour les vacances : ils ne sont plus que quelques uns dont l’enfermement rappelle un passé révolu. 

    Il s’est assis à la fenêtre, au milieu, et baisse la tête : il doit tartiner la gelée de raisins du dessert et se cache du chauffeur au volant. Le vieux moteur ronronne, le pot crachote une fumée bleue ; le car est chêne vert, relevé de filets d’une couleur plus claire, qui le feraient passer pour un courrier rapide. En haut du pare-brise, derrière le verre d’une custode, en grosses lettres noires, la destination "MOUTHOUMET". 

    « ... Et je médite, obscur témoin... » (4), dans une fuite en avant, sans fin, qui me projette ailleurs, toujours à m’évader, quitte à prendre la place du pensionnaire dans le car, à endosser la vie d’un autre pour oublier la mienne ou la dépasser peut-être.

(1) "pensionnaire" dans l'argot lycéen. 
(2) un café faisant office de gare routière pour les lignes de cars.
(3) la grand-mère en languedocien.
(4) directement inspiré de Victor Hugo Le Semeur. Le collège porte aussi le nom de l’illustre écrivain.

photo : rue de Mouthoumet / googleimages : réutilisation autorisée