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mardi 25 décembre 2018

DE NOËL A PÂQUES, DES OLIVIERS AUX AMANDIERS FLEURIS.

La crise sociétale que connait aujourd'hui la France est d'une aigreur qui pourrait gâcher la sérénité des fêtes de fin d'année, à commencer par la candeur liée à Noël. Le titre de cette respiration du moment prouve que non, qu'il faut prendre du recul même sur un mouvement social qui fait date, n'est pas encore abouti et marquera l'Histoire.



Mes grands-parents paternels, chez l'oncle Noé aussi, chaque année on préparait des bocaux d'olives vertes ou noires. Ils enlevaient l'amertume avec de la lessive de soude. Avec le grand gel de février 1956 qui fit mourir les deux tiers des arbres, dans les placards, les réserves se firent plus modestes. Par la suite, la vie moderne aidant, on ne parla plus de ces productions familiales marquant les saisons et qui limitaient si bien les dépenses extérieures : gelées et confitures d'azeroles, de coings, olives, fraises, tomata, conserves de haricots verts, pas plus que de ces petits profits de la garrigue comme les asperges ou des vignes comme les poireaux, les salades sauvages, les prunelles bleu nuit pour la liqueur... 


J'ai huit ans, j'ai neuf ans, je ne sais plus mais la radio passe L'eau Vive de Guy Béart et les mots m'éblouissent d'images en couleurs malgré les griffures sur l'écran du cinéma au village :

"... Lorsque chantent les pipeaux, lorsque danse l'eau vive 
Elle mène mes troupeaux au pays des olives..."

 
Penser aux oliviers m'oblige à évoquer encore les vendangeurs espagnols, plus précisément ceux qui travaillaient en 2013 à Fontcouverte, chez le docteur Lignières. Les hommes : de petits propriétaires terriens des contreforts nord de la Sierra Nevada. Juan explique qu'il ne s'en sort plus avec les olives tombées de 70 centimes, trois ans auparavant à 45 centimes le kilo. Ses 2500 oliviers ne peuvent plus le faire vivre... là-bas aussi, la situation des paysans est pénible. C'est affligeant d'en déduire que dans le système libéral de la mondialisation forcée, ceux qui nous font manger ne peuvent plus en vivre ! 

Les olives en octobre et novembre, c'est la belle saison qui veut bien encore nous offrir ses bienfaits comme elle l'a fait avec les châtaignes, les coings. En avançant vers l'hiver, tels les sarments qui  renvoient vers les racines l'amidon des feuilles passées par tous les tons et finalement détachées, sèches, craquantes mais au rôle essentiel pour la reprise du cycle, l'être se concentre sur ses réserves pour, après les fêtes, attendre, en apnée, que la course du soleil s'allonge... Et dire que cet être était (je parle du temps pas si lointain où la religion étouffait toute velléité d'émancipation), assez masochiste pour remettre ça, dans une dimension mystique et disproportionnée entre les excès, la conduite licencieuse, la débauche même permise pour carnaval avant un carême strict de quarante jours jusqu'à Pâques. 

Une ascèse quelque peu discordante avec l'exubérance fleurie des amandiers. Étonnant comme on passe vite des oliviers aux amandiers à moins que ce soit aussi naturel que de passer de Noël à Pâques.   

 
BONNES FÊTES dans le monde sans oublier ceux qui souffrent... 

  


jeudi 19 avril 2018

LA COMBE DE MONSIEUR SEGUIN (suite) / Fleury-d’Aude en Languedoc.


Finissons de monter au cerisier de Caussé. Le lit d’une eau qui découche est bien là, avec, par endroits, la pierre creusée en cuvettes, un bonheur rare, après la pluie, pour les perdrigals. Une forme en chien de fusil, un « S » allongé dans ce qui ressemble à un petit défilé… Et dire que ce « S » correspond à un arpent de terre échu à mon grand-père (par quel biais mystérieux ?), théoriquement propriétaire d’une concession, dûment cadastrée et pourtant ne correspondant à rien ! J’étais loin de m’en douter alors, en montant ce chemin de garrigue parfumée. J’oubliais même les plantes odorantes, surtout en fin d’après-midi, quand les rayons obliques réveillent les peurs des gamins… La selle à ressorts d’un vieux vélo bien démultiplié me faisait jouer à la diligence de Santa Fé sur le chemin blanc et poudreux des pins de Barral et quand le courageux cow-boy que j’étais poursuivait à pied jusqu’au défilé, le colt à la main, c’était pour vite fuir et ne pas laisser mon scalp aux Apaches embusqués dans les rochers. On croyait si fort au bon Blanc et au cruel Indien[1] ! 

Au débouché de l’étroit passage, à la vision sereine d’une combe, belle de ce qu’en fit  la nature sur des millions d’années, du travail de l’homme aussi, à une échelle pourtant à peine plus perceptible, se lève comme un souffle d’allégresse. Le rajol d’abord, profond d’une paire de mètres, se coulant en courbes courtes, arquées, cassées, bien marqué par une double ligne d’arbres, aux racines si utiles contre l’érosion, dont l’auzino, le chêne-vert (la yeuse ?), peut-être quelque autre feuillu, favorisé par l’eau résiduelle du sous-sol. 
Amandier fleuri sur fond de pins d'Alep.

Azerolier, boutélhétiè... année d'azeroles, année de peu de vin...

Pour l’amètliè, lou boutélhétiè, lou lauriè-saouso (l’amandier, l’azerolier, le laurier-sauce), je crois que l’homme y est pour quelque chose. Sous l’étroit couvert[2] la salsepareille accroche les socquettes par méchanceté alors que l’espargo, l’asperge sauvage ne griffe pas la main pour rien (il y en a eu beaucoup cette année !). 


Vers Noël, avec les cousins, nous y allions aussi pour le verd-bouisset, le petit houx aux jolies boules rouges (fruits du fragon). En décembre, la nuit monte vite et quand mes yeux cherchaient, au-dessus de la barre rocheuse fermant le petit cirque, l’indigo plus clair du ciel, j’imaginais Blanquette, en haut, attendant le loup. Touchés alors par une pétoche aussi soudaine que contagieuse, nous dévalions le long de la vigne, le clos, sûrement, où monsieur Seguin sonnait encore de la trompe et cette course éperdue d’adrénaline ne s’arrêtait qu’après le défilé des Indiens, là où la vision à contre-jour du clocher rassure, là où les vignes gardent le jour encore un peu avant que les étoiles ne s’allument une à une… Tant pis pour les quelques boulettes rouges perdues dans le bouquet malmené… 
Fragon, faux-houx, WikimediaCommons Author Père Igor.

Plus grand, quand on ne risque plus grand-chose à aller voler des cerises sous la lune, à plusieurs, comme on va seul faire le courageux avec une fille, dans une nuit complice, plus absorbé par la mutation tant psychique que physique menant à l’âge adulte, on trouverait saugrenue de penser à l’œuvre de la nature, à l’intégration de l’homme en son sein par le travail. Il y faut plus que la force de l’âge pour se tourner vers son passé, seulement parce que le chemin restant est plus court que celui déjà parcouru. Alors seulement, on imagine comment ce torrent de quelques jours par an a finalement sculpté la barre calcaire[3] dans laquelle il s’enfonce en coin. La combe s’est formée et l’homme a mis à profit cette terre plus ou moins argileuse issue du long travail de la pluie, des eaux, des végétaux. Pour ne pas que tout soit emporté, il a dressé des murs de pierres sèches, formant des terrasses, il a modelé le paysage à son profit…

« …Avec leurs mains dessus leurs têtes
Ils avaient monté des murettes
Jusqu'au sommet de la colline… »

Cette fois encore, les paroles de Ferrat reviennent. Les paysans qui n’avaient pas à disposition une plaine à modeler, n’auraient pu, sans ténacité, sans ingéniosité, s’accrocher aux milieux plus difficiles, qu’ils soient montagneux, marécageux ou de garrigue. (à suivre).  

Encore une combe perdue, ou retrouvée pour la nature, celle de Caboujolette.

[1] Une propagande ensuite entretenue par une interprétation spécieuse du « melting pot » de la part du prof d’histoire au lycée…
[2] Pour parler de cette ripisylve, véritable corridor biologique gainant le cours d’eau, et, dans son autre dimension, préservant la berge, gardant la terre issue de l’érosion et filtrant les ruissellements, formée de quelques arbres, arbustes, buissons et herbacées, Georges Kuhnholtz-Lordat (1888-1965) , ingénieur agronome, professeur de botanique à l’ENS agronomique de Montpellier a utilisé la jolie expression de « fourré-galerie ». 
[3] Proche de la surface mais encore sous l’eau il y a cinq millions d’années…

mercredi 31 janvier 2018

PÉTALES ET POUTOUS / Bouno annado



Ça vaut des vœux de bonne année, ces fleurs d’amandier fin janvier de l’an de grâce 2018.
Et quand on sait que dans des temps anciens, Noël, puis le premier mars, puis Pâques (quelle complication ces cycles inégaux !), puis le 25 mars dont il reste le premier avril pour la semaine où les cadeaux s’échangeaient, marquaient le nouvel an[1], c’est vraiment un truc de bobos libéraux béats, toujours dans le nivellement mondialisé, de relever que la tradition des vœux jusqu’au 31 du mois nous rend ridicules… Opposons leur au contraire une multiplicité de langues, de traditions, d'us et coutumes, de cultures qui font la richesse de tous !
Dans la nôtre, l’amandier est en bonne place. J’ai cueilli et reçu des brassées de fleurs (ce n’est qu’une image, ce serait dommage pour les amandes) en gage d’amitié, de soutien pour un chemin de vie qui continue… « Si sen pas pus, sioguen pas mens ! » « Si nous ne sommes pas davantage, que nous ne soyons pas moins nombreux ! » Tout était dit, même en non-dits, pour Noël, pour clore les vœux « Bouno annado pla granado, pla acoumpagnado. Boun, brave, bel que siegue l’an nouvel[2]

Ma « cueillette », sur le site de Sorgeat décidément très vivace ! http://sorgeat.free.fr/mem.php

« O vieux amandiers du pays,
Je vous aime et je vous vénère
Couverts de fleurs ou de glaçons,
Vous, dont plus d'un est centenaire,
Vous qui restez quand nous passons […]

Amandiers que l'Autan, dans sa rage jalouse,
Plume, pour étoiler les prés ou la pelouse
D'un essaim de papillons blancs… »

Pierre Marfaing Poèmes d’Ariège, 10 Francs, FOIX Typographie Pomiès, Fra & Cie successeurs, 1930.

Vos pensées même lointaines.
Gérard, depuis la Westphalie regarde ceux d’Aude Pays cathare : amandiers de nos jours refleuriront toujours. 


Des racines sardes pour celui de David… plantons l’amélié, auren d’amélos !


Sur un talus aux herbes folles, celui que m’a gardé Monique la Gardoise. 


Au pied de l’Alaric, allié au cyprès, emblématique aussi du monde méditerranéen, un Wisigoth chenu, immortalisé par Martine ! 


Frédéric à Narbonne me dit qu’il se voit tous les jours : « amandier fleuri », c’est son pseudo !   


Plus proche, géographiquement s’entend, R.M. notre Cabanaïre préféré confirme que les bords des vignes sont fleuris et que le jour est plus lumineux sur la plaine. 


Même Guy, poète de l’éternel (c’est pour la rime) trop pris par le temporel, a noté :
« Les amandiers sont en fleur depuis une semaine et les premières asperges sauvages ont fait leur apparition… Janvier a été très doux pour les Pérignanais. »
En prime, l’orthographe « en fleur » nous offre la floraison absolue de milliers de fleurs au grand bonheur des abeilles… 

Magali mais bien d’ici, pas « du pays de nulle part » dans la tradition des destins tragiques sous le soleil du Midi ! (https://www.youtube.com/watch?v=ScccxoEgF2U) :
« Oui j’en vois à la combe de Caboujolette (tu entends, papa ? NDLR), là où il y a la croix et le chemin qui monte et aussi à la bergerie derrière chez moi. Je leur ferai de gros poutous de ta part. »
JC toujours de Fleury a le plus bel amandier du quartier, attention à la bouche gourmande des filles du monde entier surtout s’il est dessous avec son saxophone ! (merci Brassens).

Plus proches encore, les closques dures de PF le casseur d’amandes et de ma nebeude qui a de qui tenir (mais je rigole, ce sont des pâtes… d’amande bien sûr !), bravant les dangers, se tenant la main, entre chien et loup, pour envoyer l’amandier à tonton comme on envoie le sapin de Noël. 


Et sur mon bureau, celui de papa, le plus tardif puisqu’il est du 15 février... serait-ce de l’an de grâce 1995… 



Merci amandiers, merci amis d’hier et d’aujourd’hui. 

Bouno annado pla granado, pla acoumpagnado. Boun, brave, bel que siegue l’an nouvel e si sen pas pus, sioguen pas mens ! Poutous a toutis !.. si vous ne craignez pas la poutounado… vous ne devriez pas, c’est en se serrant la main qu’on se passe des microbes à profusion…    



[1] Sans parler du 1er vendémiaire des révolutionnaires, jour du raisin correspondant au 22 septembre et qui a longtemps coïncidé, en gros, à l’année scolaire…
[2]Bonne année bien fournie en grains, bien accompagnée. Que l’an nouveau soit bon, généreux et beau… j’en appelle à l’indulgence tolérante pour mes fautes tant de langue que d’interprétation… dites-moi quand même si c’est grave ! Entre parenthèses, il faut si peu de mots en occitan pour en dire beaucoup !

mercredi 24 janvier 2018

AU FIL DU TEMPS, UN VILLAGE EN PARTAGE / Fleury en Languedoc

L’amandier aux abords du village, un village avec son identité, son rythme propre. Les saisons ont toujours commandé aux hommes autour du clocher. Après Achille Laugé, un peu des tableaux de Jean-François Millet (1814 – 1875). Un peu, pour l’intérieur des hommes car la lumière au dehors, cristal, méditerranéenne, on la doit au Cers, un maître vent à réhabiliter, absolument, à plus forte raison quand on est né sous son souffle ! 


Lien entre le passé et un jour de commémoration, le 11 novembre, en respect pour nos Poilus qui étaient aussi nos grands-pères. L’occasion aussi, d’un hommage à Pierre Dantoine de Carcassonne (1884 – 1955) pour ses dessins, à Louis Barthas (1879 – 1952) tonnelier à Peyriac-Minervois, pour ses carnets de guerre. 

On se donne ensuite rendez-vous pour Noël, une fête qui fait communier nos villageois et tout le Sud, de la Provence aux Corbières en passant par le Lauragais pour évoquer Paul Arène (1843 – 1896), Alphonse Daudet (1840 – 1897), Marcel Pagnol (1895 – 1974), Joseph Delteil (1894 – 1978), sans oublier de laisser une petite place aux auteurs plus locaux comme Alfred Cazeneuve 1923 – 2010) ou André Galaup du côté de Limoux.

Janvier est le mois du cochon, l’occasion d’aller voir tout le cérémonial de l’abattage près de Quillan avec Robert Reverdy (1908 -1999), à Lavelanet et Sorgeat (Ariège), chez Jean-Claude Carrière (1931) à Colombières-sur-Orb et jusque dans le lointain Périgord avec Fernand Dupuy (1917 – 1999). 


Fin janvier sinon février même si l’apparition merveilleuse se produit plus tard en mars ou plus rarement encore, à l’opposé, en décembre, l’amandier refleurit. Bêtes et gens, remontés par ces prémices de renouveau, voudraient accélérer le balancier de l’horloge universelle :

«  Le carnaval s’en va, les roses vont éclore […]
Tandis que, soulevant les voiles de l’aurore,
Le Printemps inquiet paraît à l’horizon… »
A la mi-carême. Alfred de Musset (1810 – 1857).

« Printemps, tu peux venir ! » fait dire Théophile Gautier au mois de mars.

A moins qu’ils ne veuillent le retenir ce balancier « … qui dit oui, qui dit non… » (J. Brel 1929 - 1978). On mange les oreillettes. Un temps indécis, entre jouissances charnelles et châtiments célestes. Le petit peuple aimerait se laisser aller sauf que les flammes de l’enfer menacent. Si salut il y a il est dans la pénitence, la mortification, l’abstinence, le jeûne… A la tentation du jambon pendu ou du pot de confit répond un confiteor résigné.  

Apothéose, libération quand reviennent les cloches de Pâques et que les gens s’égaient dans les prés, la garrigue ou le bord de mer pour fêter une saint-Loup extraordinaire, forcément sans date fixe. 


Avec les beaux jours, la nature s’offre, on goûte la guine pour Pentecôte… Noël, Carême, Pâques, Pentecôte… L’occasion, pour chacun, d’évaluer le poids de la religion suivant qu’on est né avant ou après 1965 : la croyance requiert l’adhésion, l’individu n’est plus, bon gré mal gré, sous son emprise… à condition que le troisième millénaire ne connaisse pas la barbarie ancienne des conversions forcées…  

Vers la deuxième quinzaine de juin, l’appel de la mer devient pressant. L’épicentre des envies passe du village entouré de vignes aux plages du bord de mer, derrière la Clape et ses garrigues. Dépaysement garanti au bout de neuf kilomètres à peine ! Mais c’est déjà, avec cette impression de se sentir chez soi - serions nous seulement locataires d'une planète empruntée à nos enfants - se tourner vers l’extérieur, accepter sans même se poser la question, un afflux massif d’estivants venus de toujours plus loin. 

Photos, illustrations autorisées : 
1. Pierre Dantoine. dessin d'après photo.  
2. Louis Barthas Wikimedia Commons.