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jeudi 3 janvier 2019

BOUNO ANNADO 2019

le chemin des Bellons Author Fr.Latreille
 
Le Château de ma Mère, DVD 2005, film de Yves Robert 1990. 


" A l'an que vèn, si sèn pas mèï que siogessen pas mens !" 
 "À l'an qui vient, si on n'est pas plus, que l'on ne soit pas moins !"

Il dit quelque chose comme ça, le copain des collines, Lili des Bellons, du quartier de ce petit village de La Treille. Au début des années 1900, on souhaite encore les vœux à Noël.  
Dans "Le Château de ma Mère", pour la triste circonstance de la sépulture de son frère Paul (1898-1932), Marcel Pagnol évoque son compagnon des garrigues :

« Mon cher Lili ne l'accompagna pas avec moi au petit cimetière de la Treille, car il l'y attendait depuis des années, sous un carré d'immortelles : en 1917, dans une noire forêt du Nord, une balle en plein front avait tranché sa jeune vie, et il était tombé sous la pluie, sur des touffes de plantes froides dont il ne savait pas les noms… »

Bon, ça me fait peine, un peu et peut-être plus que ça, de voir que Pagnol ne fait pas l'effort d'exactitude... A propos d'un ami qui a tant compté il dit qu'il est décédé en 1917 or Lili, de son vrai nom David Magnan, "tué à l'ennemi", à Vrigny dans la Marne, a quitté la vie le 23 juillet 1918... Parfois les mots sont trop beaux, les idées évoquées propres à émouvoir sauf que face à la sincérité qui devrait marquer la courte trajectoire des Hommes sur cette terre, les jolies images peuvent relever de la sollicitation artistique, de l'artifice... 
Mais Marcel n'est qu'un homme, par définition imparfait et avec ses faiblesses, alors, pour le supplément d'âme qu'il sut apporter à ses semblables, pour ce que sa sensibilité nous a laissé d'exaltant, bien sûr, il n'en parait que plus humain et la tendresse qu'on lui porte reste intacte. 

Marcel_Pagnol_1931 Auteur anonyme


D'ailleurs peut-être, Marcel aurait pu en dire davantage sur Lili des Bellons. 
Tout petit, ne sachant prononcer son prénom "David", son ami des collines disait "Lili" et dans le Sud où on connait mieux le surnom que le nom de famille, "Lili" lui est resté. 
De taille moyenne il était bien comme le dépeint Marcel, brun de peau, des yeux noirs, de longs cils comme une fille... 
Il suivait bien l'école mais comme tant d'autres, s'arrêta au certificat d'études. 

Dans "Marcel Pagnol, l'homme sa vie, l'auteur son œuvre" (1980),  Georges Berni (1913-1998) rapporte ses paroles : 

"... Si j'ai la chance d'en revenir [...] j'irai monter un élevage de moutons au Jas de la Garette... " 

Et plus tard, lors d'une permission, en mai 1918 :

"... Je sens que je ne reviendrai plus..."

Après ses parents qui se laissèrent mourir de chagrin, il aimait beaucoup "Souffrance", son chien et "Bombay", son mulet.

Lili repose au cimetière de La Treille. 

Le pardon monsieur Berni, que je demande humblement pour avoir paraphrasé des passages de votre jolie plaquette, me refait penser à Pagnol qui avait allègrement réinterprété l’œuvre de Giono dont il avait racheté les droits. Giono ne supportant pas la version pagnolesque de ses livres s'en était su mal et la fâcherie dura seize ans avant qu'ils ne tombent dans les bras l'un de l'autre à l'occasion du tournage des "Lettres de mon Moulin" (1954).  

Michel_Galabru dans la Femme du Boulanger 2012 Author Gind2005

 https://www.lexpress.fr/informations/giono-pagnol-le-match-du-centenaire_601344.html

PS : pardon pour les voeux de Lili que le logiciel persiste à faire paraître dans la taille la plus petite ! (corrigé en janvier 2023). 
   

mercredi 31 janvier 2018

PÉTALES ET POUTOUS / Bouno annado



Ça vaut des vœux de bonne année, ces fleurs d’amandier fin janvier de l’an de grâce 2018.
Et quand on sait que dans des temps anciens, Noël, puis le premier mars, puis Pâques (quelle complication ces cycles inégaux !), puis le 25 mars dont il reste le premier avril pour la semaine où les cadeaux s’échangeaient, marquaient le nouvel an[1], c’est vraiment un truc de bobos libéraux béats, toujours dans le nivellement mondialisé, de relever que la tradition des vœux jusqu’au 31 du mois nous rend ridicules… Opposons leur au contraire une multiplicité de langues, de traditions, d'us et coutumes, de cultures qui font la richesse de tous !
Dans la nôtre, l’amandier est en bonne place. J’ai cueilli et reçu des brassées de fleurs (ce n’est qu’une image, ce serait dommage pour les amandes) en gage d’amitié, de soutien pour un chemin de vie qui continue… « Si sen pas pus, sioguen pas mens ! » « Si nous ne sommes pas davantage, que nous ne soyons pas moins nombreux ! » Tout était dit, même en non-dits, pour Noël, pour clore les vœux « Bouno annado pla granado, pla acoumpagnado. Boun, brave, bel que siegue l’an nouvel[2]

Ma « cueillette », sur le site de Sorgeat décidément très vivace ! http://sorgeat.free.fr/mem.php

« O vieux amandiers du pays,
Je vous aime et je vous vénère
Couverts de fleurs ou de glaçons,
Vous, dont plus d'un est centenaire,
Vous qui restez quand nous passons […]

Amandiers que l'Autan, dans sa rage jalouse,
Plume, pour étoiler les prés ou la pelouse
D'un essaim de papillons blancs… »

Pierre Marfaing Poèmes d’Ariège, 10 Francs, FOIX Typographie Pomiès, Fra & Cie successeurs, 1930.

Vos pensées même lointaines.
Gérard, depuis la Westphalie regarde ceux d’Aude Pays cathare : amandiers de nos jours refleuriront toujours. 


Des racines sardes pour celui de David… plantons l’amélié, auren d’amélos !


Sur un talus aux herbes folles, celui que m’a gardé Monique la Gardoise. 


Au pied de l’Alaric, allié au cyprès, emblématique aussi du monde méditerranéen, un Wisigoth chenu, immortalisé par Martine ! 


Frédéric à Narbonne me dit qu’il se voit tous les jours : « amandier fleuri », c’est son pseudo !   


Plus proche, géographiquement s’entend, R.M. notre Cabanaïre préféré confirme que les bords des vignes sont fleuris et que le jour est plus lumineux sur la plaine. 


Même Guy, poète de l’éternel (c’est pour la rime) trop pris par le temporel, a noté :
« Les amandiers sont en fleur depuis une semaine et les premières asperges sauvages ont fait leur apparition… Janvier a été très doux pour les Pérignanais. »
En prime, l’orthographe « en fleur » nous offre la floraison absolue de milliers de fleurs au grand bonheur des abeilles… 

Magali mais bien d’ici, pas « du pays de nulle part » dans la tradition des destins tragiques sous le soleil du Midi ! (https://www.youtube.com/watch?v=ScccxoEgF2U) :
« Oui j’en vois à la combe de Caboujolette (tu entends, papa ? NDLR), là où il y a la croix et le chemin qui monte et aussi à la bergerie derrière chez moi. Je leur ferai de gros poutous de ta part. »
JC toujours de Fleury a le plus bel amandier du quartier, attention à la bouche gourmande des filles du monde entier surtout s’il est dessous avec son saxophone ! (merci Brassens).

Plus proches encore, les closques dures de PF le casseur d’amandes et de ma nebeude qui a de qui tenir (mais je rigole, ce sont des pâtes… d’amande bien sûr !), bravant les dangers, se tenant la main, entre chien et loup, pour envoyer l’amandier à tonton comme on envoie le sapin de Noël. 


Et sur mon bureau, celui de papa, le plus tardif puisqu’il est du 15 février... serait-ce de l’an de grâce 1995… 



Merci amandiers, merci amis d’hier et d’aujourd’hui. 

Bouno annado pla granado, pla acoumpagnado. Boun, brave, bel que siegue l’an nouvel e si sen pas pus, sioguen pas mens ! Poutous a toutis !.. si vous ne craignez pas la poutounado… vous ne devriez pas, c’est en se serrant la main qu’on se passe des microbes à profusion…    



[1] Sans parler du 1er vendémiaire des révolutionnaires, jour du raisin correspondant au 22 septembre et qui a longtemps coïncidé, en gros, à l’année scolaire…
[2]Bonne année bien fournie en grains, bien accompagnée. Que l’an nouveau soit bon, généreux et beau… j’en appelle à l’indulgence tolérante pour mes fautes tant de langue que d’interprétation… dites-moi quand même si c’est grave ! Entre parenthèses, il faut si peu de mots en occitan pour en dire beaucoup !