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mardi 4 février 2020

LA BALADE DE TONTON / Fleury-d'Aude.

Il y a plus de vingt croix et calvaires sur le territoire de la commune. Comment s'appelle celle-ci, vandalisée comme tant d'autres parce qu'en amont des gens fortunés et collectionneurs, sans plus de scrupules que les exécutants de base, encouragent les malfrats à écumer un vieux pays riche en témoignages mais si démuni pour se préserver ? 


Et celles-là qui, grâce au zoom, se donnent des airs de dahlias, qui sont-elles ? 


Merci tonton pour la balade et les photos ! Maintenant si tu veux qu'on t'aide pour ton régime...

mercredi 8 janvier 2020

LOTO D'ANTAN, LE VRAI (4) ! / Fleury est mort ! Vive Fleury !

– … "Soixante-neuf", le tête à queue (disait-il ça à une époque toute en non-dits et encore prude?)… "vingté-un"… "quatre-vingt-huit", les deux carbasses… "quatre-vingt-dix", lou papéto !
– Là ! le "quatre-vingt-dix" arrête ! Mais un deuxième cri, comme en écho a aussi arrêté, dans une autre salle. Des joueurs résignés ont déjà démarqué mais en la circonstance les cartons sont bien bons. Les gagnants devront partager le lot par tirage au sort

Loto pixabay photo gratuite

Même sans l'ordinateur, les innombrables possibilités mathématiques font qu'il ne doit y avoir qu'un seul gagnant mais à condition que tous les cartons soient en jeu... Et nous combien sommes-nous ? Un beau loto se déroule dans les deux cafés : Billès et Mestre (Tailhan jusqu'en 1960). Et l'apogée avec en plus la salle des fêtes, grâce à le fée électricité et son servant Marcel ! Alors combien de personnes ? Combien de cartons ? 1000 ? 1500 ?
Et qu'est-ce qu'on n'entend pas chez les autres si le même établissement compte plusieurs gagnants de suite où si le sentiment qu'on a plus gagné ailleurs domine ! 

  
loto pixabay photo gratuite auteur Angelawilde
S'ensuit, dans une atmosphère de plus en plus enfumée, un joyeux brouhaha de cartons qu'on débarrasse ou dont on se débarrasse parce qu'ils « porteraient la masque » (la poisse).
Le loto du Fleury-Olympique se poursuit avec les heureux, les « claoufits », félicités par les déconfits. A l'heure de se quitter, lors de la consolante dotée d'une bombe glacée, tout le monde aura passé une bonne soirée, avec jusqu'au bout l'espoir « dé gagna quicon », de gagner quelque chose. Les plus friands seront au fait des dernières nouvelles, du plus frais potin. Certains auront reconnu un visage depuis longtemps parti pour ailleurs, souvent pour Paris mais revenu pour un congé.
Finalement, le nommeur, la voix, le récitant, l'annonceur, l'appariteur irremplaçable fait la réclame pour le samedi à venir. Les gens rendossent le manteau et sortent ; sur les tables dérangées, un couple économe récupère le maïs pour les poules. Dehors, la troupe se disperse, les gagnants soulèvent volontiers leur lot avec un plaisir non dissimulé :
«   Diaétou ! i polit aquèl cambajou ! Peso quicon ! (bon Dieu, il est beau ce jambon ! Il pèse quelque chose !) »
Il fait froid vers minuit et miège. Chacun se hâte vers sa maison d'autant plus pressé qu'il rapporte quelque chose. « Quaucun » veille peut-être encore près du feu sommeillant et puis il fait encore bon avec les braises qui couvent sous les cendres et qui reprendront dans quelques heures avec la dinde des fêtes à la broche, illuminée des flamèches de lard tombant goutte à goutte du flambadou ! 

Saint-André-de-Sangonis La tour de l'horloge - Archives départementales Hérault Autor Froment photographe

Dans Caboujolette, mon père précise. Il a même retenu ce qui se disait à Saint-André-de-Sangonis où il fut précepteur au château du jeune comte Maxence Worms de Romilly, alors âgé de quatorze-quinze ans (j'ai joint quelques expressions de Sigean, d'Olonzac) : 

"... Je te mets quelques tournures accompagnant les numéros tirés au loto des cafés, soit en occitan, soit en français :
1. lou prumièr de milo (le premier de mille),
2. « dous » coumo de mèl (doux comme du miel) ;
3. la cargo y és (du temps où 3 enfants, sans allocations familiales, représentaient une lourde charge pour le ménage. A Sigean " la guerro i ès ". A Olonzac " bal pas rès ") ;
4. le bigorneau (allusion à la petite enclume à 2 « cornes » des orfèvres) SADS (= St-André-de-Sangonis). A Sigean "vaï t'en té battré ". A Olonzac " se cal battré "
5. Toute la main ; à Sigean "as tapins", à Olonzac "l'Alzino". 
6. la queue en l’air, « le vigoureux » SADS (Saint-André-de-Sangonis) ; à Olonzac "d'aïci ?"
7. la pigasso (la hache) ; à Sigean "la pigasso sus eun sause", à Olonzac "sus un sauzé" sous-entendant "la pigasso". 
8. la carbasso (allusion à la calebasse, qui a bien cette forme vue de profil) ; à Sigean "la carbasseto", à Olonzac "la gourdo" (qu'es pas déma). 
9. la queue en bas, « le Honteux » (avec H bien « aspiré » !) SADS ; à Sigean "loubiou var", "cueuro l'iou", à Olonzac "tout noù". 
10. dis..putez-vous, à Lespignan « De qué dis ? », à Olonzac "la crouts". 
11. zonzon (est-ce une femme molle et insouciante ou une sorte d’onomatopée ?), à Olonzac "las cambos de Calhol". 
13. ma sœur (Thérèse) ; quel âge a-t-elle ? (Le tirage suivant donne la prétendue réponse). Une remarque sur le n° suivant : « Es jovenoto ! » « Macani, qu’es vielho ! » selon le cas.
14. Je crois qu’à SADS ils disaient « la clique de Gignac », mais c’est très local. A Sigean "l'homme fort", à Olonzac "l'omé fort". 
15 ?
16 (toujours bien répété pour ne pas confondre avec 13) ;
17. dozosèt (dix-sept. Un dans le public, qui a sans doute le 18 ou le 19 : « Dozo totjorn !! » (dix… encore !!). A Olonzac "lou boun legun (la gato cagabo y ténios lo lum et sentissios lou parfum)". 
20. Sans eau ! A Sigean "sans aïgo". 
22. les flics ; à Sigean "las dos poulétos", à Olonzac "lous auquetos". 
23.- 24 – 25 – 26 – 27 – 28 ;
29. A Sigean "San Miquel"
30. le Gard (entendu à Fleury) ; à Sigean "(trempo) la soupo".
31. Toulouse (id.) 
33. A Sigean "la musiquo de Sigea", à Olonzac "lous dous boussuts".  
34. nos voisins (id.)…
36. A Olonzac "las très doutsènos". 
44. A Olonzac "las dos quadièiros". 
50. A Sigean "lou quintal". 
55. A Olonzac "las dos Alzénos", "bitor de fil", "ame soun païré"
66. Perpignan (id.), à Olonzac "las dos coquilhos". – 67 – 68 ;
69 tête-bêche? A Sigean "cap et tioul", à Olonzac "coussi qué lou biré". 
70. A Olonzac, "se tampo"
71. A Olonzac "l'annado de la guerro".  – 72 – 73 – 74 ;
75. Boum-boum – 76 ;
77. las dos pigassos – 78 – 79 ; 
80. A Sigean "(quatre bious) qué pourtaboun un mort, amaï y escapet", à Olonzac "quatre biùsporteroun un mort et maï lou toumberoun". 
83. A Olonzac "quatre ventrés, n'eï prou d'un". 
88. las dos carbassos (les deux citrouilles) ; à Sigean "las dos carbassetos", à Olonzac "las dos gourdos". 
89. la maméto ; à Olonzac "la revouluciù". 
90. lou  papéto. A Sigean "lou biel papet", à Olonzac "lou bielh papa".  

" Tu vois : je n’avais pas grand-chose à ce sujet. " 
— Mais si papa, d'autant plus que je viens de trouver (déc 2022) sur la revue Folklore, un article de 1939 " ... voici les rimatoires du jeu de loto, à Sigean et à Olonzac, d'après nos délégués, MM Vals et Laurent Mathieu... / ...M. Vals fait suivre sa communication sur Sigean de la remarque suivante : « ­Ces expressions patoises ne sont, presque toutes, que la traduction d'expressions autrefois employées dans la marine où le loto était fort en honneur » 
En remarque de fond, dans le cadre d'une telle communication, l'utilisation de la graphie normalisée serait des plus utile et efficace puisque, en transcrivant, il est difficile de ne pas écrire dans sa version locale, ce qui oblige, par respect de nos locuteurs, à une grande concentration sur pratiquement du mot à mot.    

Il n'empêche, c'est loin d'être du "pas grand-chose" avec même un petit détail sur Lespignan ... Les variantes devaient être aussi diverses et nombreuses que les localités où s'organisaient les lotos... Et pas besoin d'aller plus loin que le village à côté...




 


dimanche 9 juin 2019

DIMANCHE DE PENTECÔTE / Fleury-d'Aude en Languedoc.

Que fête-t-on pour Pentecôte avec en prime un lundi férié sinon les cinquante jours passés depuis Pâques ? 


Pourtant, voudrait-on effacer la religion du passé, de l'Histoire, comment ne pas ressentir le liant communautaire des villageois ? Le son des cloches par-dessus les maisons, les toits regroupés autour de l'église  me l'ont dit ce matin avec les martinets revenus plus nombreux, me semble-t-il, cette année...   

dimanche 23 septembre 2018

UNE JOURNÉE DE VENDANGES vers 1960 / Fleury d'Aude en Languedoc.

A mon père, resté fils de la vigne, qui chaque année ne manquait pas d'exprimer sa nostalgie des vendanges passées.   

Papa, 2004.

Un fidèle lecteur demande où en sont les vendanges 2018 à Fleury. 
Mais c’est qu’on n’en sait rien ! Et s’il n’y avait l’Internet, ce serait moins que rien.



"... l'ensemble du vignoble audois..." touché "… par le mildiou, mais aussi la grêle, une pluviométrie historique et une canicule qui dure. La récolte audoise devrait s'élever à 3,5 millions d'hectolitres..." (12 millions d’hectos pour le Languedoc soit 20 % de plus que l’année dernière mais en dessous des années 2013-2016).



Rien en liant les noms des villages (Fleury, Salles, Coursan, Cuxac…) à l’entrée « vendanges » ! Ah si ! A Armissan, le dimanche 7 octobre, une foire aux vendanges avec vide-grenier et marché aux puces, que ça ! 
Au détour d’un site une offre d’emploi apparait, pour trois semaines de vendanges dans le Narbonnais, datant de 10 jours. 
A Embres-et-Castemaure, un monsieur de 56 ans, vendangeur de toujours, qui a commencé début août à Fitou, précise qu’il aura trois mois de travail et qu’à présent, même les jeunes n’en veulent pas. 
 

Emblématiques de la vie sinon de la survie, le pain et le vin ont perdu valeur de symbole. Les moissons et les vendanges qui valaient bien une fête une fois à l'abri, ne relèvent plus désormais que des chiffres de l’agro-alimentaire ! Et il faut un natif d’un pays de vignes, déjà d’un âge certain, pour évoquer des vendanges si essentielles dans une ronde des saisons elle-même occultée, presque et passée au second plan sinon niée par un libéralisme au comble de sa logique, mortifère !



Le matin à la vigne. Début des années 60. Le chariot prend place, toujours au même endroit, là où il sera plus pratique de charger les coustals, les comportes pleines (80 kilos en moyenne dites aussi portoires) :



« Le coustal dous cops se balanço al pougnet de l’ome que lanço » 
(La comporte pleine se balance deux fois au poignet de l’homme qui lance[1]) Achille Mir. 

 
Même les amis participent "Petito ajeudo fa gran be" (une petite aide fait grand bien). A gauche le plateau permettant de monter les comportes sur le chariot... fallait pas se manquer ! Photo François Dedieu

Pas si vite ! Avant de commencer, tonton qui a déjà placé le plateau de maçon en plan incliné montant sur le chariot, dispose les semals (comportes vides) dans le passage aménagé tous les quatre rangs. Mamé protège et couvre bien son grand panier à l’ombre d’une grosse souche... les chiens auraient tôt fait de nous flamber le dîner. Peut-être pose-t-elle dessus la bonbonne pour l’eau. Sous une branche, une bouteille emmaillotée, tenue humide se balance au vent pour garder le vin frais. Papé fait le tour du propriétaire, perdu dans des pensées qu'il ne partage guère. 


La journée commence. Le tablier n’est pas de trop pour les coupeuses avec le mouillé. Je ne me souviens plus si au bout de la rangée on s’arrête pour déjeuner ou si c’est sur le pouce… La cole sort au moins un voyage de 16 ou 17 comportes (1280 – 1360 kilos environ), parfois 24. 
 
Mamé a fait griller l'entrecôte. Sur le côté, dans l'herbe, la fameuse brouette ne nécessitant plus qu'un seul charrieur au lieu de deux. Photo François Dedieu

A 11 heures vieilles (le temps au soleil avec deux heures de retard sur notre heure d’été actuelle donc une sur l’heure dite d’hiver qui, avant 1976, avait cours toute l’année), le dîner à la vigne. Papé cherche quelques escargots à griller juste un peu de sel et de poivre sur les bulles de bave verte. Justement si on fait la braise c’est qu’il y a de la viande, ce qui, vu les prix, n’arrive pas souvent... l'omelette, les macaronis sont des plats communs pour manger dehors. 
 
Mamé Ernestine, coiffée de sa caline, papé Jean presque attablé... On se partage l'ombre du tamaris avec une famille de Fleury aussi...  Photo François Dedieu
Ensuite, les adultes piquent un roupillon et les enfants sont priés d’aller jouer plus loin. 


A 13 h solaires le travail reprend. Mamé a porté une bouteille de café sucré coupé d'eau, et une autre d’antésite. Aïe, une guêpe a piqué, cachée sous les feuilles ! Vite le remède miracle de l’oncle Noé : frotter le point venimeux avec trois feuilles différentes. Personne n’a marqué la journée, personne ne s’est taillé avec les sécateurs. Pas besoin d’un papier à cigarette de tonton pour arrêter le sang !  
 Pour l’enfant, même en duo (attention aux doigts), moins docile et convaincu que l’adulte, chaque cep qui courbe la tête rapproche néanmoins du bout tant espéré de la rangée. Là les grands vont aider, soulager des dernières souches. Se relever. Revenir à pas mesurés, s'essayer à la régalade avec la boisson à la réglisse, et puis, la barre de chocolat ou la vache qui rit du goûter coupent bien l’entrain perdu du matin. Traîner un peu avant que les coupeuses ne poussent à la reprise, ne houspillent le manque de détermination. Voir la mer de vignes à peine coupée par la ligne des arbres au bord de la rivière sans pressentir que cette houle de pampres viendra, bien des années plus tard, souvent et à jamais s’accorder avec le flux et le ressac d’un cœur qui bat.

 
Les pneus ont légalement remplacé les grandes roues cerclées de fer. Lami, le cheval va ramener 20 comportes pour le dernier voyage de la journée. Photo François Dedieu

Délivrance. Fin de journée. On rassemble les affaires, le panier, les bouteilles, le grill, le pull laissé ce matin sur un pied. Dernier voyage de comportes vers la cave de papé.

« C’est le moment crépusculaire… »… Avec quelle émotion, Hugo, le grand homme, a su admirablement saisir ce moment ! Le semeur est seulement devenu vigneron et, élargi jusqu’aux étoiles, le retour du chariot va bien vers « … L’ombre, où se mêle une rumeur… », vers le village qui découpe sa tour et son clocher au-dessus des toits rassemblés, la chaleur des siens et de ses semblables qui appelle, avant la nuit...

Les fers du cheval marquent la mesure sur la route « cloc cloc, cloc cloc » comme pour appeler les cloches à répondre. Un clair-obscur déjà mauve commence à monter et le rattrape depuis la plaine.

Oui, Hugo, Millet aussi avec ses tableaux de paysans collés à leur glèbe, « Retour des champs », par exemple, qui nous rapproche du chariot qui rentre, me restent plus proches et poignants que ce productivisme effréné complètement déshumanisé, potentiellement capable de programmer à terme l’extinction de notre espèce... 
 
Jean-François_Millet Le hameau Cousin Musée des Beaux-Arts Reims
Des salops me pourriraient presque le bonheur de ces sensations qui restent... Mais nos racines naturellement paysannes ne vont pas tarder à faire lever un vent de révolte qui les emportera avant l'irrattrapable ! Plus proche, c'est certain, de Hugo et Millet que d'une mondialisation imposée, amorale et aliénante !




[1] Travail à deux pour celles devant rejoindre le deuxième rang et les dernières au bord du plateau du chariot. 

Jean_François_Millet La_Récolte_des_Pommes_de_Terre) Source photographer mAEXeyHzt6O2Gg at Google Cultural Institute, zoom level maximum

PS : à Isa, ma cousine. Sois gentille si tu repiques une ou des photos, de mentionner la source "François Dedieu". Sinon mets "JF Dedieu". Je compte sur toi. 


vendredi 26 janvier 2018

OUVERTURE, ZÉNITUDE... / tourisme, cohabitation, indignation, contemplation...


 Mais n’est-ce pas la nature d’un village qui s’aime, pour le dire naïvement et sans prétention aucune, d’être en capacité d’aimer les autres ? Nous avons déjà exprimé cette ouverture aux autres en multipliant les références au voisinage, au département, à la région élargie jusqu’à sa dimension « Grand Sud », à tout ce qui fait de nous des Français solidaires, à commencer par la langue  et les épreuves subies, notamment les guerres. 

Fleury d’Aude, notre village avec ses défauts (sur ce point aussi il serait intéressant de comparer l’évolution des mentalités), accueille avec  une sympathie spontanée plus sincère et moins en façade que cette fausse amitié seulement autour du pastis que certains aigris venus d’ailleurs voudraient affirmer !  Qu’il soit dit pas trop fort mais haut que non seulement les tares dues à la consanguinité n'affectent pas une population issue de Ligures, d'Ibères, de Celtes, de Grecs, de Romains sans parler d'Hannibal remontant la côte et des Vandales dans l'autre sens et de migrations plus récentes, mais qu’en prime, en tant que station balnéaire, la fréquentation touristique nous vaut un supplément d’impôts de poids !.. Rien de négligeable même si le fiasco de la Bulle de Fleury, par la mégalomanie lamentable d’un appareil socialo d’État devant tout à François Mitterand, président de la République, nous ramena au bon vieux temps des taillables et corvéables à merci pour renflouer les millions engloutis « … payer cher le souvenir cuisant d’une gigantesque magouille » comme le confirmait, encore en 2013, le journal régional L’Indépendant.





Il faut dire que la vue, le paysage y sont pour beaucoup. Imaginez un ramasseur de tenilles[1] jusque dans les années 70 environ. Une bricole sur les reins, en reculant, il fait avancer son engin qui progresse en crabe (entre parenthèses le tenillier capture aussi des petits crabes de sable[2], de jeunes vives[3], des bernard-l’ermite, quelques rares escargots). Le mouvement est lent, régulier, accompagné de quelques mouvements verticaux sur le manche pour faire monter les coquilles et mieux faire passer l’épaisseur de sable ; une fois le coin trouvé, toujours un banc de sable qui donne à la mer un ton plus terreux, il laisse tout le loisir de penser, de rêvasser dans la contemplation d’un panorama unique sur une bonne part du Golfe du Lion. 



La Clape, le modeste massif mais qui surplombe Saint-Pierre-la-Mer empêche la vue vers le sillon audois et à droite, le Pic de Nore surnommé « le petit Ventoux[4] » au sommet ratiboisé par les souffles furieux qui font trembler l’antenne de télévision. En tirant vers le sud, le pêcheur à pied repense pourtant à Saint-Pons-de-Thomières pour les cageots de châtaignes et marrons devant La Ruche du Midi au village et aussi pour cette réserve de truites apprivoisées et grasses de tout ce que les gens lancent depuis les platanes du foirail…  Vers l’intérieur des terres, au-delà des collines aux moulins ruinés de nos voisins héraultais, se reconnait la belle dent du Caroux plantée dans les Monts de l’Espinouse : monts de granit, de bruyère, sinon de sapinières à cèpes. Sait-il que ce versant tourné vers la mer tombe vers le Jaur et l’Orb, pays de cerisiers et plus haut de châtaigniers chers à Jean-Claude Carrière[5].




[1] Telline en français, on dit aussi « haricot de mer ». En occitan tenilho ou tellino. La lame du tenillier (rateau ou drague à tenilles) allait jusqu’à 1 mètre. Seuls les professionnels (Camargue) ont aujourd’hui le droit de l’utiliser alors que pour les amateurs la dimension autorisée est de 20 cm et la taille minimale des tenilles est de 2,5 cm, diminution de la ressource oblige.
[2] Etrille élégante potumnus latipes
[3] Trachinus araneus, vive araignée d’une dizaine de centimètres en bordure de plage.
[4] Autre rapprochement avec le Ventoux, la vallée de l’Aude, l’Atax, « petit frère » du Rhône où s’engouffre le Cers, un vent aussi fort et emblématique que le Mistral…  
[5] Jean-Claude Carrière a raconté la vie entre les Avants-Monts et le Caroux dans « Le Vin Bourru » (2000). La vallée de l’Orb est aussi le pays de Michel Galabru (1922 – 2016). 


Photo Wikimedia Commons autorisée : le Jaur près d'Olargues, Author Christian Ferrer.