vendredi 12 septembre 2014

Fleury sur le Golfe du Lion / L'AFFAIRE DES PALOURDES ET DES CLOVISSES (2).

Elles font revivre une tante dans sa cuisinette, un tonton et sa partie d’échecs, des grands-parents en habits du dimanche, qui ont laissé la maison, les poules, les vignes, le raisin qui gonfle (1), pour une journée d’autant plus réussie qu’il fait un temps de mer... On évoque le casino dynamité par les Allemands, les canisses du café Bolumar, tante Adeline au café des Pins, ou encore les bourras (2) sur les limons relevés des jardinières et nos braves chevaux de trait qui appréciaient le bain. Tant mieux si ce passé n’est pas repoussé dans les limbes : que les plus jeunes puissent se l’approprier et l’entretenir pour le transmettre à leur tour.




Le casino, moments heureux avant la guerre... 

Derrière, Périmont, dernier pli de la Clape, couvert aujourd'hui par les constructions. 




                                                               Les baraques sur le sable.



    Sinon, chez nous à Saint-Pierre, tout est bon et gentil même si le cuistot de circonstance, contrairement aux cordons-bleus qui jalonnent l’épopée des agapes familiales, se demande ce qui peut bien être en trop ou en moins dans sa sauce amarante, jusqu’à ce que la satisfaction des palais ne s’exprime en propos indulgents sinon flatteurs.
    Mais, me direz-vous, nous divaguons ! Que viennent faire les clovisses, les palourdes, dans cette nostalgie des banquets rituels ? Holà ! d’abord il ne tient qu’à nous de ne pas céder à la facilité des pizzas expédiées, sans parler de la médiocrité attentatoire de la malbouffe au ketchup... je ne vous fais pas un dessin ! Et puis, j’aurais dû ajouter que le lendemain, nous avons « mangé les restes », comme on dit, avec, il est vrai, deux poulets rôtis en complément et en entrée un modeste plateau de fruits de mer (3), manière de faire honneur aux absents de la veille... n’est-ce pas les tourtereaux ? Enfin, et nous touchons là au cœur du problème, il y a encore une quarantaine d’années, Moustache ou Pifaou, les marchands de coquillages, présentaient habituellement des clovisses et des moules, parfois des "bitcheuts" (phon.) (4) alors que les huîtres, elles, n’étaient proposées en principe, que pour les fêtes.
    Aujourd’hui, plus de clovisses à l’étal, seulement des palourdes... enfin, façon de parler parce que leur prix les classe dans les coquillages de luxe. De plus, quand on entend dire aujourd’hui que les clovisses et les palourdes, c'est la même chose, la confusion s’épaissit en une affaire encore non élucidée.      

(1) après la véraison et avec « le temps du 15 août », les entrées maritimes sont espérées car grâce à l’humidité, le raisin prend du volume. 
(2) le bourra était une toile faite de sacs de jute cousus, tels ceux qui contenaient un demi-quintal de pommes de terre ; la jardinière est une charrette légère.
(3) moules, huîtres, bulots.
(4) Ils s’installaient alors en fin d’après-midi et étaient les seuls, sur le marché à vendre quelque chose. Les bitcheuts ou bichus sont appelés violets en français (vioulet à Marseille ?) : il s'agit du microcosme des scientifiques.

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