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mardi 4 mai 2021

"Il est mort par un éclair blanc..." / Sur le chemin de Pierre.

Le feu atudé (éteint) par un souffle puissant, comme foudroyé par une onde pyroclastique, étouffé d'un coup... Oppression violente... Vous savez la feuille avec le poème de Pierre, "Viens avec moi, petit...", traînait depuis un mois au moins, ouverte pour ne pas qu'on l'oublie, sur mon coin-bureau. Sur ces entrefaites coula l'idée paisible de ces trois chroniques autour de la fête de Pâques au village, la vie qui va, apparence d'une rivière douce, vers l'aboutissement, la conclusion preuve de sa raison d'être. Une paix plus en "souciance" que soucieuse, une pensée qui sans préoccuper, interroge, et dont la réponse ne sera donnée que pour ne plus se poser de question, de quelque ordre que ce soit... 
 
Croyant avoir fait le tour de ces périodes de Pâques marquées parfois, comme cette année, par des gelées mémorables, pas contagieuses mais noires comme les pestes les plus tueuses, je voulais passer aux années suivantes avant de trouver deux autres lettres. Et ce que j'ai lu m'a complètement affligé, me laissant faible, accablé. Ce que la conscience peut être trompeuse...
 
Lettre de mon père : Fleury-d'Aude, le 29 avril 1998. 
 
"Bien cher fils,  
 
.../... Mais ce soir, à vingt-et-une heure quinze, alors que la pluie se remet doucement à tomber, je veux commencer par une nouvelle qui va sans doute t'émouvoir : Pierrre BILBE vient de mourir. j'ai fait la visite dans la maison de sa fille voisine de la sienne où il repose - chez lui c'était chauffé -. Comme j'étais en train de signer et de mettre "Très sincères condoléances en notre nom et en celui de Jean-François qui pense souvent à vous", sa fille est sortie pour aller à côté, m'a vu et m'a dit "Entrez M. Dedieu, maman sera contente de vous voir". J'avais entendu les pompiers à quatre heures et plus tard "C'est monsieur Bilbe qui est tombé dans la rue". mais je ne pensais pas à une issue fatale aussi rapide. Sa femme Germaine, très abattue comme tu peux l'imaginer, m'a précisé : "Après le feuilleton qui suit le journal télévisé, il est sorti pour aller voir vers le bureau de tabac où en étaient les travaux, et peu de temps après on me le rapporte mort. je ne sais pas si je vais pouvoir le supporter". en tombant il s'est blessé à la pommette gauche et du sang coulait de son oreille..."  



Se regarder dans la glace. Que reste-t-il de convenable, en surface ? Bien obligé de voir aussi ce qui l'est moins dans la profondeur de l'âme, caché mais pas secret du tout car typiquement humain, en non-dits trop bien partagés par notre espèce. Honteux du pas joli méprisable perçu par tous mais qu'il ne faut jamais avouer sous peine de rejet, d'ostracisme. 

Me reviennent les mots de J.J. Goldman prolongés par ceux d'H. de Balzac :
 
"... A tous les masques qu’il aura fallu porter
A nos faiblesses, à nos oublis, nos désespoirs 
... A nos actes manqués."   
Jean-Jacques Goldman 1990.   
 
 "Notre cœur est un trésor, videz-le d'un coup, vous êtes ruinés. Nous ne pardonnons pas plus à un sentiment de s'être montré tout entier qu'à un homme de ne pas avoir un sou à lui." 
Honoré de Balzac --Le Père Goriot 1835. 

Alors rien n'a plus voulu sortir depuis près d'une semaine, le cerveau se retrouvant aussi embrouillé que celui de l'ado que je ne suis plus... Une complainte est heureusement venue pour maintenir ma tête hors de l'eau, se répétant au fil des jours, invocation toujours reprise, mantra universel pour infuser jusqu'au dernier suc tout, tout ce qui est dans le non-dit volontairement tu :  

"Il est mort par un éclair blanc, 
Tous derrière et lui, devant..." 
De Paul Fort, "Le petit cheval" si bien chanté par Georges Brassens. 

Pierre, tu es mort par un éclair blanc, toi devant pour ce que l'amour de la nature a exalté de ton humanité aimante et comme tu étais aimé et admiré par Germaine, ton épouse. Toi devant et nous derrière, moi avec, si malheureux de ne le réaliser que plus tard, toujours trop tard, mortifié des par les regrets... Dans son interprétation, avec le polissage, l'usure du temps, cette nouvelle de papa enfonce le couteau dans la plaie que chacun veut bien s'infliger. Tout être ayant la philosophie de vie qu'il peut... pourquoi ne pas se propulser dans le futur de nos enfants grâce à la force, aux appuis, aux expériences léguées par nos disparus ? En avril, je m'efforce de ne pas oublier Louis Pergaud (33 ans) qui sait si bien nous mettre en accord avec la vie sauvage, mort par un éclair blanc à la guerre, le 8 du mois en 1915 et Jean-François Knecht (49 ans), même si je dois partager sa fraternité avec la motivation politique qui l'animait, touché au cœur par un éclair blanc le 18 avril 2007. 
 
Aux poussières d'étoiles qui pour certaines nous éclairent de leurs trajectoires éphémères... 
A Louis, à Jean-François, à Pierre...  
 
 
 
 
 

vendredi 27 décembre 2019

LE RETOUR DU LOUP / des nouvelles fraîches et une chronique du passé.

DES NOUVELLES FRAICHES. 

On ne le sait pas trop mais comme pour l'ours dans les Pyrénées, la présence du loup fait toujours réagir les populations qui admettent d'autant plus mal la mort liée à la prédation si elle est liée au carnage de brebis désarmées. 
Glané sur le Net, ces jours-ci, après la publication " Les loups et le violoneux".    

https://www.20minutes.fr/planete/2678823-20191219-ariege-apres-deux-attaques-brebis-presence-loup-bien-confirmee

Canis_lupus_Hellbrunn wikimedia Commons Mariofan13
La présence du loup est avérée à Campagna-de-Sault, au-dessus des gorges de l'Aude (route du Capcir).

 Dans notre département, plus au nord et plus précisément dans le secteur de la Piège et du Razès (entre Lauragais et Mirepoix dans l'Ariège) où est actée la présence permanente d'un individu qui a donné lieu à 21 constats en 2016 (13 000 euros versés aux éleveurs concernés), 21 autres en 2017 (17 380 euros) et 23 l'an passé malgré un nombre de victimes recensés en recul, passant de 90 à 50 entre 2017 et 2018.

https://www.lindependant.fr/2019/03/06/aude-les-degats-du-loup-en-baisse-en-2018-mais-des-eleveurs-toujours-plus-remontes,8053187.php

Le 4 mai 2019 à Fourtou (source de l'Orbieu la rivière emblématique des Corbières), neuf brebis mortes, deux devant être euthanasiées, d'autres blessées dont celles qui n'y survivront pas. Dans le but de les déstresser, les bêtes ont été rentrées à la bergerie mais il faudra les sortir dès que possible appels du printemps et de l'herbe nouvelle obligent... surtout que l'article le dit bien, les coupables sont des chiens errants.   

https://www.ladepeche.fr/2019/05/12/une-attaque-de-chiens-decime-un-troupeau-de-brebis,8195249.php?fbclid=IwAR3JEYijo7Q1EKbFFYi84pX0tQAUGs7kkirRwh1DqkITbe7_i6VAJxEDAiI

Un autre écho encore plus en plaine, dans le Gard : 
"Le résumé : Depuis le début d'année, selon la FDSEA, 53 brebis ont été tuées dans les Costières. Dont 4 attaques cette semaine.
23 attaques ont été recensées sur le plateau des Costières de Nîmes. Un territoire improbable sur lequel la présence du loup est avérée depuis mai 2017, notamment grâce à cette vidéo. Les éleveurs réclament l'intervention des lieutenants de louveterie afin d'effectuer un "prélevement" du loup, autrement dit, que le loup soit abattu. En 2018 dans le Gard, le loup est à l'origine de la mort de 170 bêtes et de 50 attaques."

https://www.occitanie-tribune.com/articles/12695/aude-aude-video-les-eleveurs-ovins-crient-au-loup-a-generac 

DU RÉCHAUFFÉ...

S'il nous arrive de revenir en arrière pour des pages de livre, cela semble plus compliqué concernant un blog même pour l'auteur des articles. Aussi ai-je repris plaisir à ce que j'écrivais le 30 décembre 2013... Je compte sur votre indulgence ! 

A la fin du 19ème siècle, la présence du loup était encore banale. Dans ma famille la tradition orale en atteste.   

LE RETOUR DU LOUP (publié le 30 décembre 2013)


Si un froid précoce interdit la sortie des rousilhous, le redoux qui alterne vient contrarier, aussi, cette envie de neige des gosses, quand, le nez sous l’édredon, alors qu’il gèle à pierre fendre, on aime se faire peur avec les loups des contes. Des contes et de la vraie vie aussi, pour un passé pas si lointain même si les grandes forêts ont disparu de nos paysages depuis près de mille ans.

La cuisinière ronflait tandis qu’un Cers sifflant décembre harcelait de ses bourrasques la souche de la cheminée. Certainement inspiré par cette atmosphère hivernale, l’oncle Noé, accrochant le tisonnier sur la barre après avoir garni le foyer, raconta comment notre aïeule qui partait à pied jusqu’à Narbonne, eut à se défendre un jour, entre Le Pech de la Pistole et le four à chaux de Mader, avec pour seule arme son bâton, contre les loups. Il restait encore des loups dans la Clape à la fin du XIXème siècle (1).

A propos de mon arrière-arrière grand-mère, mon père confirma :

« .. / .... Mais avant, sur la droite et en tournant à l'ancien petit jardin cultivé jadis par Pantazi (un minuscule triangle où poussait un figuier) et en montant jusqu'au point culminant cet ancien chemin de Narbonne, pris parfois par mamé Babelle pour aller voir sa fille Marie (sœur de mamé Joséphine et de tante Pauline la muette) quand elle était malade à Narbonne – mon arrière grand-mère, qui m'a raconté en languedocien un épisode du Roman de Renart alors que la fièvre due à la rougeole me clouait au lit métallique vert adossé à la cheminée du « salon » dans la chambre où je suis né et où devait mourir en février 1976, mamé Ernestine, mamé Babelle donc, épouse Paul Palazy, y allait à pied ! ... / ... » (2)

Le loup est revenu aussi dans le Jura et les Vosges. Aussi, les lignes de Louis Pergaud n'en semblent que plus proches encore :

« ... /... Et puis ce fut la nuit étoilée dans laquelle la pleine lune peu à peu monta. Une grande torpeur glacée pesait sur le canton ; dans les profondeurs de l'horizon, la bise, en courant sur les paillettes de neige, soulevait comme des sillons d'une écume diaphane. Rien ne bougeait par la campagne et le long des maisons, les chiens de garde, qui d'habitude aboyaient rageusement à la lune, grattaient aux portes avec frénésie et cherchaient coûte que coûte à se réfugier le plus près possible de leurs maîtres.

Alors au cœur de la nuit, au fond de la plaine triste et déserte, longuement retentit le hurlement lugubre et désolé d'un loup ... ; et un autre lui répondit au loin ... et puis un autre encore et ce fut bientôt, sur toute la campagne, le grand concert tragique des vieilles nuits d'antan.

Dans ses antiques domaines d'où l'avait expulsé l'homme, le maître était revenu et son retour proclamait sur ceux des bois, des champs et des maisons le régime implacable et illimité de la terreur... / ... » (3)

(1) En France, si les derniers ont été tués dans les années 1930, depuis 1990, on assiste au retour du loup venant d’Italie. En 2001-2002, certains sont même arrivés dans les Pyrénées après être passés par les Cévennes, la Montagne Noire et les Corbières.

(2) Caboujolette / Pages de vie à Fleury d’Aude II / 2008.

(3) L'arrivée du maître. - Paru dans Mélanges, pp, 15 à 20 ; puis dans Œuvres, t. Il, pp. 349-358. (Le mercure de France 1948) [source Sisyphe.com].
Disponible en e-book libre de droits (pour le lien, si nécessaire, me contacter par un commentaire). 

wikimedia Commons Illustration de 1764 Source Gallica

lundi 8 avril 2019

8 avril 1915 / Louis Pergaud


Louis Pergaud 1882 - 1915.

Entre Marchéville-en-Woëvre et Saulx toujours en Woëvre, à trente cinq mètres à droite du pont sur le fossé Saint-Pierre, le sous-lieutenant Pergaud entraîne ses hommes à l’attaque de la Côte 233. Il faut les voir !.. Trempés par l’eau des marais où ils ont dû patauger jusqu’aux genoux, ils dégoulinent aussi de l’eau du ciel qui ne cesse de tomber ! Regardez-les bien, c’est la dernière fois : beaucoup n’en reviendront pas !
Ernest Florian-Parmentier écrira même, sur la foi du sergent Desprez, blessé lors de cet assaut : « ... Les débris de celle (la section) de Pergaud rentrèrent seuls ; notre brave confrère avait disparu... ». C’était le 6 avril 1915, un mardi, par une nuit sombre et pluvieuse, après 2 heures du matin. Blessé, récupéré par les Allemands, il disparut dans le bombardement par l'artillerie française de l'hôpital où il avait été évacué. Son corps ne fut jamais retrouvé. 
 





Sur la moitié droite de la stèle de Marchéville-en-Woëvre : 
"Reverrons-nous les champs reverdir et les fleurs pousser ?" (1er avril 1915 / signature Louis Pergaud 1882 - 1915). 

Sur la partie gauche : " Parti d'ici à la tête de ses hommes, Louis Pergaud, prix Goncourt 1910, auteur de la Guerre des Boutons, disparut la nuit du 7 au 8 avril 1915 dans l'attaque de la côte 233 de Marchéville. 

Forêt enneigée dans le Doubs Auteur Nelson 25 sur Wikipédia français

Extraits de la vie en lui, pour la femme aimée :
A Delphine, mardi 2 mars 1915. Nous sommes retombés dans l’hiver. Il a neigé ces jours passés il fait un peu froid un peu plus froid qu’auparavant... /...

A la même mercredi 3 mars 1915. ... Il faisait un temps à ne pas mettre un Boche dehors : bourrasques de pluie et de neige, coups de vent et tout ce qui caractérise les heures troubles d’avant printemps. Malgré cela ce ne fut pas pénible, j’avais mon caoutchouc et je pouvais me foutre de la neige et du vent. La campagne ne reverdit pas vite tout de même, c’est encore gris avec des raies d’eau qui zèbrent les champs de lames d’argent. Les arbres non plus ne se pressent pas de bourgeonner mais les oiseaux commencent à revenir, il y a déjà des pinsons jolis comme des amours, quelques chardonnerets et des bandes d’alouettes et de verdiers. Enfin on commence à trouver des pissenlits et presque tous les soirs l’ordinaire s’enrichit d’une plantureuse salade dont on se pourlèche les badigoinces comme dirait feu Rabelais.../... Il serait bien absurde que les destins qui semblent me protéger avec tant de zèle ne persistent pas.../... Il ne me manque vraiment que votre présence mon cher amour. Bien souvent quand mes yeux courent le long des lignes,votre chère image vient s’interposer devant mes yeux et les mots dansent parce que le souvenir de notre bonheur passé me tourmente jusqu’au fond le plus intime de ma chair et de mon cœur...

A la même vendredi 5 mars 1915... Il faisait un temps adorable de printemps, tiède et presque parfumé.../... on flânait, on rêvait... 

 A Delphine, lundi 8 mars 1915. Pour changer un peu aujourd’hui il neige. Déjà dans la nuit paraît-il ça a commencé et ce matin c’était tout blanc... /... J’ai eu à mon réveil le spectacle un peu attristant d’une campagne grise et d’un ciel de suie mais j’ai pensé à toi et ça m’a mis dans le cœur le coup de soleil qui manquait à ma fenêtre.

A la même mardi 16 mars. .. / ... Aujourd’hui et hier aussi le temps s’est remis au beau, le soleil s’est montré, les routes se sont séchées. Il faisait chaud, il faisait bon et j’aurais bien voulu t’avoir à mes côtés.
A la même mardi 16 mars 1915.... Mes cheveux ont encore grisonné mais je suis toujours aussi jeune de caractère et surtout toujours aussi amoureux de ma femme bien aimée...
A la même mardi 16 mars 1915... /... Il a fait une journée délicieuse d’avant-printemps? les alouettes chantaient, des bandes de petits oiseaux passaient dans les grondements du canon et c’était bizarre et joyeux et un peu triste aussi.

A la même mercredi 17 mars 1915... /... Quelle journée délicieuse ! Et quel beau soleil il fait ! Cela nous met en joie et les Poilus aussi. Personne dans les caves et tout le monde est dehors... /... Ma bien aimée qu’il ferait bon se promener, au bras l’un de l’autre, dans quelque quartier du bois de Landresse... 

 A Delphine 21 mars... Nous avons attaqué la ligne ennemie.../... nous sommes restés sur nos positions et nous avons perdu quelques hommes... Au milieu de tout cela, ma bonne petite chérie, vos gentes lettres me parvenaient et je puisais dans votre amour toutes les forces dont j’avais besoin pour tenir jusqu’au bout... 

A la même lundi 22 mars... Les hommes sont gais, il fait soleil. 

Pays de Pergaud (Doubs). Cascade de l'Audeux en amont de l'abbaye cistercienne de la Grâce-Dieu (vallée des hiboux).




jeudi 29 novembre 2018

LES ENVAHISSEURS (fin) / Fleury d'Aude en Languedoc.

Depuis la Clape et la garrigue de Fleury, vue vers le N-O, la plaine de l'Aude, les collines de Nissan, au fond la bordure du Massif-central avec les Monts de l'Espinouse.

Ce "pin d'aïci" a un potentiel vital de 150-200 ans. A Fleury, s'il existe une rue au nom de Paul Trémolières (1), dans la garrigue antédiluvienne de fréjal massif, il est un bois appelé "Pins de Trémolières". Plaisance de propriétaire terrien ? Don fait à la commune ?



Du temps où les villageois usaient de noms précis pour désigner ces bois qui n'étaient souvent que des bosquets, entre deux épisodes de Sylvain et Sylvette, nous montions goûter aux pins de Trémolières avec les bonnes sœurs... Rien de prégnant rassurez-vous... Seulement le patronage d'une divinité lointaine bien que protectrice, impliquée alors dans cette livrée admirable de ciel pur, de soleil, d'arbres majestueux dans un amphithéâtre de pierres sèches si liées aux mains opiniâtres des aïeux.
Plus effrontés, avec une paire d'années de plus, comme pour s'affranchir, nous fîmes griller des asperges sauvages lors d'un bivouac rustique pour finir en pissant sur la braise avec application ! Des racines aux bouquets hauts dans le ciel, les géants habitaient nos corps et jamais nous n'aurions laissé une provocation se muer en inconscience.




Dans les grands pins, l'âme voudrait le ciel quand les peines de cœur vous font rentrer sous terre. On écrit un prénom à l'encre bleue, esquintant à jamais sa plume sur le roc que Sisyphe laissa exprès et cinquante ans plus tard, en cherchant le rocher désormais caché par le bois pourri d'un tronc abattu dans la broussaille, on voudrait se persuader qu'on a seulement cru aimer quand ces lettres au stylo dessinent un visage qui ne veut pas s'effacer...

Le temps émousse les chagrins, la nature console, le regard remonte l'écorce crevassée d'un des derniers témoins, une queue rousse s'éclipse hors de la vue. Mais ce n'est qu'une illusion, le souvenir, le remords pour un petit écureuil, le Guerriot cher à Louis Pergaud, la pauvre bête avec encore aux dents la noisette
"... qu'elle serrait plus fort entre ses petites mâchoires raidies par l'étonnement suprême de la mort."      Louis Pergaud (1882-1915) / De Goupil à Margot (1910) / Le fatal étonnement de Guerriot.

Alors, si pour la vie qui fut,  la main vient gommer un voile embué entre les cils puis discrètement efface la perle claire au coin, ce n’est que le Cers, frère fougueux du Mistral, qui dévale vers les Baléares, qui a ma larme à l’œil.    

Le « pin d'aïci » nous habite et nous est cher. Nous ne le voyions que peu commun, remarquable car faisant rarement du vieux bois. Les spécimens vénérables portent les amputations dues aux neiges lourdes, celles qui accablent, apportées par le Grec, ce vent d’Est gorgé de trop d’humidité que Poséidon lance sans ménagement contre un front froid continental. Sinon, ce sont les brasiers de l’été attisés par un Cers impitoyable. A cause de ces incendies qui galopaient jusqu'à la mer sans qu'on n'y puisse mais, à la vue des croupes rastumées et désormais pelées, on le plaignait, ce compagnon plutôt malingre et fragile. 

Départ de feu (2014).


« C’est un assassinat, crime prémédité
Avec l’appui du temps et du vent irrités
Complices concertés d’un acte de folie…/

… Je vous ai vu mourir dans la fureur des flammes
Et partir en fumée la beauté de vos âmes
Vous, séculaires pins et vous beaux chênes verts
Qui m’inspiriez parfois une rime à mes vers…/
… Que m’importe à présent l’album de souvenirs
Dont les feuillets épars s’envolent : mes soupirs
Ne rencontreront plus l’écho de la forêt
Ni son âme en accord à mon cœur toujours prêt.
Tout est mort à présent…/…
Tout est noir… Tout est laid… Tout est plein de tristesse…
Et pas un seul espoir où luise une promesse !
Là-bas, est-ce un tocsin ?.. Pardon… je ne sais plus
Si c’est la fin d’un glas… Peut-être un angélus ? »
Pierre Bilbe, garde-forestier, possédé par la vie libre et sauvage de son coin du Midi.

Le « pin d’aïci » est très inflammable, par ses cônes, ses essences volatiles, par le sous-bois dense qu’il permet.  Le feu gagne en intensité et se propage vite. Lors d’un incendie néanmoins, les cônes sérotineux (englués de résine) libèrent des graines à fort potentiel de germination… maigre consolation en tous cas puisqu’il faut une quarantaine d’années pour que son boisement se régénère. 

Tout comme nous avons du mal à réaliser un changement climatique trop brutal pour n’être imputable qu’à la nature, nous n’avons rien vu et dans les combes, sur les hauteurs où la limite des bois demeurait, dans les friches et les vignes abandonnées, c’est toute une armée d’envahisseurs aux rangs serrés qui a occupé l’espace. Certains disent que le pin, devenu plus grand et plus gros, aurait bénéficié des moyennes de température plus chaudes mais que maintenant, avec plus de sécheresse, les conditions idéales seraient derrière lui.   

Papa est monté voir ce feu de juin 2014 qui part dans la garrigue.

Le moulin jadis presque comme au temps de l'affaire du garçon meunier (déjà racontée ici). 

La colline du moulin de Montredon aujourd'hui. 
"... Pour lui, tout a commencé par un jour sombre, le long des combes, dans les garrigues et les cultures rendues à la vie sauvage, alors qu'il cherchait des restes du cycle d’avant, il se trouva confronté à des mutations d’un nouvel ordre, à des mutants d’un nouveau monde menaçant de tout submerger, de tout mener à la catastrophe, de coloniser une planète déjà agonisante sous les plastiques, le glyphosate et désormais à la merci des métastases d’un cancer appelé « milliards » ..." 

(1)  Ce monsieur devait avoir pas mal de vignes. Il a fait construire une maison de maître en 1868, certainement grâce aux cours du vin multipliés lors de la crise du phylloxéra. Cette maison, je l'ai achetée en 1983. De lui, il me reste des courriers avec des timbres Napoléon III et une paire de lunettes, de simples loupes à monture d'écaille... 


lundi 27 août 2018

VOYAGE EN TCHÉCO (7) / De Dole à la Porte de Bourgogne.

Passant devant l’Hôtel de la Cloche qui semble attendre sa diligence, nous quittons Dole. Sur la nationale déclassée départementale 673, la circulation est d’autant plus fluide que nous sommes dimanche.   

Saint-Vit… « Vit » signifie aussi Guy non ? Aux abords de Besançon, un des rares camping-cars croisés ou rencontrés cet été, allemand, comme celui qui hier (ce 23 août qui me voit avancer sur le compte-rendu du voyage passé), aux infos, achetait des poulets de Bresse sur une aire consacrée non loin de Bourg, 16,95 €/kg, un prix d’autant plus raisonnable que le sac isotherme est fourni. Ainsi que Kaa le python qui veut hypnotiser Mowgli  (« Aie confiance ! »), la télé d’État, avec ses magazines en guise d’actualités, m’aurait-elle aussi endormi ? 

Besançon Quai_Vauban Wikimedia commons No machine-readable author provided. Arnaud 25 assumed (based on copyright claims).

Usine Rhodia / vue sur l'amont de la boucle du Doubs depuis la Citadelle.

Besançon. Un itinéraire d’évitement toujours aussi ch… agaçant avec une cohorte de feux qui arrêtent, bloquent clouent de façon complètement désynchronisée et foldingue… La prochaine fois, j’essaie la voie rapide vers la Comtoise… Déprimant pour qui n’a pas eu la chance d’apprécier, au centre, la « première ville verte de France » (dite « la plus propre » du temps des migrations avec papa), « d’art et d’Histoire », avec ses palais et hôtels particuliers, la boucle du Doubs dominée par la Citadelle, bordée en amont par des usines d'une industrie historiquement implantée.
Comment passer Besançon sans évoquer Hugo, rendant, à propos de sa naissance, un si bel hommage à sa mère : 

« Ce siècle avait deux ans.
Alors dans Besançon vieille ville espagnole
Jeté comme une graine au gré de l'air qui vole
Naquit d'un sang breton et lorrain à la fois
Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix… »
  
Et dire qu'à présent une voix du Doubs, celle du député-toubib Alauzet, a osé parler de retraités gagnants... Or le temps décante les calculs, multipliant, de fait, les réfractaires à la lumière jupitérienne... On laisse « Besac » avec une longue descente vers l’Est, apportant jadis au mythe de la route, du voyage. Si les temps modernes ont vu pousser ces zones commerciales où remplir sa besace, l'âme du migrateur frémit d’instinct à cette attraction vers l’Alsace, l’Allemagne, la Tchéco, une attraction toute pacifique et ouverte, loin de ce Drang nach Osten repris par les nazis pour justifier la légitimité d'un Lebensraum, un espace vital contestable.

La présence des hommes, si semblables et si différents quand ils le décrètent, sous-tend, de toute évidence, une Histoire, plus ou moins ignorée mais à laquelle, sous peine de voir les heures sombres se répéter, il faut s’atteler. 

Été 2015.

Il est midi passé. La grosse chaleur pèse déjà. En bas, un camping ombragé, une grande piscine dite « de la Plage ». Sourires dans le camping-car par solidarité avec ces pauvres humains qui cherchent l'ombre et le plaisir du bain... Mais que se passe-t-il ? Des barrières ferment les accès ! Une ? des noyades ?[1] L’air est immobile, la sécheresse accable. Les gens se cachent ou ont fui ailleurs. A Osselle où la municipalité fait payer cher la baignade dans une ancienne gravière du Doubs ? Peut-être, avec un peu de chance, au pays de Pergaud avec les cascades de l’Audeux (460 m. alt), qui sait, encore vives et fraîches dans la verdure ? 

Cascade de l'Audeux en 2014.

Halte dans un village plus loin où un neveu fête son bac, son permis et ses 19 ans. La canicule oppresse et avec l’interdiction des feux dans la forêt qui jaunit et brunit, se déshabillant déjà, le barbecue se fera obligatoirement à la maison. L’ombre tourne en bas des murs et chacun suit. Une amie appelle qu’on aille la chercher… Plus de vingt kilomètres de galère pour se rendre à Planoise et revenir ? Non merci… pour le dire poliment… Djaz, notre fille, ne finit le boulot qu’à 9 ½ h. Elle sera du voyage. Je n’en rajoute pas pour sa minette si mimi qui va rester dans l’appart, perchée à guetter au dehors depuis son arbre à chat, par un espace resté ouvert en bas du volet roulant. Une amie viendra tous les jours mais je repense trop à Coco, notre brave minou qui miaulait si tristement, comprenant trop bien en voyant nos valises. 

Nous essaierons de rouler un peu, de gagner l’Alsace  au crépuscule et à la faveur de la nuit.
Chaleur du Sud, habitudes du Nord… Les tomates sortent désormais aussi bien quelle que soit la latitude mais les localités, les rues sont vides : personne sur le devant des portes pour apprécier une relative fraîcheur ou alors c’est qu’ils sont moins mauvaise-langue que dans le Midi. Mea culpa, au village métastasé par les lotissements souvent dortoirs, tant horizontalement que verticalement, la population s'est fragmentée... les individualismes mis bout à bout ne forment pas une communauté...
Baume-les-Dames dans la boucle du Doubs Wikimedia commons Author JGS25

Baume-les-Dames, L’Isle-sur-le-Doubs, le moteur ronronne le long d’une vallée toujours belle mais désertée où seuls des fourgons bâchés immatriculés en Pologne semblent circuler à vive allure.
Montbéliard, Belfort. 

Le pays de Chevènement et du parachuté Moscovici, éminent socio-traître et qui n’en finit pas de parasiter le pauvre peuple orphelin de gauche… Mon peu de sympathie, ma répulsion même pour ce genre de personnage, manipulateur comme un voyageur de commerce en tant qu’opposant à Sarko, véreux, fourbe et traître, bradant les idéaux une fois ministre puis mandarin de l’UE. A 25000€/mois, ce bouffon de Bruxelles, qui fait détester la politique (Agoravox), contribue à booster notre exigence de justice sinon la vigilance d'un pilote seul dans la nuit !



[1] Une réfection complète a nécessité la fermeture durant toute la saison 2018. La piscine au joli nom ne rouvrira qu’en juin 2019.