dimanche 9 avril 2017

Louis PERGAUD, égalitairement mort pour la France... (fin) / Compatir à un destin, "partager" le voyage...



Pourquoi « égalitairement » ? parce que chaque homme est une Histoire universelle (J. Michelet) et si certains gradés cultivés craignaient pour la vie de l’écrivain, sa promotion empoisonnée au grade de sous-lieutenant l’a amené à foncer, armé d’une canne et d’un revolver sans balles, pour un con nommé B. de M. qui voulait sa troisième étoile (ah ces nobles restés les aristocrates d'une armée pourtant républicaine, persistant à envoyer la piétaille sous la mitraille !). Nous connaissons la suite et ce qu'il en est encore lorsque la vie politique n'est que manipulation et que la  démocratie est pour le moins dévoyée...


Fin des lettres de guerre (22 mars - 6 avril 1915).

A Delphine, mardi 23 mars 1915. Tu vas recevoir sous peu.../... un souvenir de la guerre.../... c’est une bague fabriquée par le maréchal-ferrant.../... avec la fusée en aluminium des obus allemands.../... La fusée devait être en cuivre mais ces pauvres Boches n’ayant plus assez de ce précieux métal se servent d’aluminium et c’est extrêmement amusant, car comme on ne redoute guère leurs marmites de 77, les Poilus guettent l’arrivée de l’obus pour se précipiter sur la fusée encore toute chaude et s’en servir pour faire ce genre de bijouterie... /... Ce matin tu ne devineras pas où je suis allé... à la messe.../... je n’ai pas trouvé ridicule d’honorer nos morts même de cette façon...

A Delphine, mardi 30 mars 1915... /... tant qu’il y a eu du danger je n’ai pas voulu t’en parler... /... résultat néant, sept-cents Poilus hors de combat... ça été une opération ridicule d’autant que la position n’offre aucun intérêt stratégique et qu’il est impossible de s’y maintenir.../... les Boches furent très corrects, ils se levèrent au-dessus du parapet et l’on se regarda de part et d’autre... /... il arriva près du blessé, à six mètres des Allemands, qu’il salua militairement, comme au grand siècle, puis ramassa son blessé et pendant que les brancardiers l’emportaient, il re-salua encore, comme la première fois, les ennemis qui lui rendirent son salut. Il rentra dans nos lignes ; les têtes disparurent derrière les parapets, le silence régna de nouveau et plus un coup de fusil ne fut tiré de la journée. Maintenant tout est calme, les mitrailleuse ne tirent pas, on n’entend plus le sifflement des balles, c’est l’ancienne vie qui reprend.

A Delphine, jeudi 1er avril 1915. Que tes lettres me sont douces à lire, si débordantes de vraie tendresse, de bon amour et comme je suis heureux de les savourer, de les lire et de les relire ; je suis avec toi, je vois ta main qui court sur le papier, tes yeux qui suivent les mots.../... Aujourd’hui il fait un temps magnifique mais il faut que je t’écrive avant toute chose : j’ai plus de plaisir à vivre ainsi en pensée avec toi qu’à courir les routes, fût-ce par les plus beaux soleils. 

 

A la même vendredi 2 avril 1915. Après le déjeuner la fantaisie nous a pris de profiter du beau soleil pour aller faire un petit tour dans les champs. J’ai eu soin de prendre de quoi écrire et.../... c'est couché à plat ventre, sur la terre presque sèche que je t’envoie ce mot. Ah notre beau printemps de là-bas, ma chérie, t’en souviens-tu ? Comme nous étions heureux !.. /... Peut-être qu’en juillet tout sera fini.../... Comme j’ai encore un petit moment avant le départ du cycliste, j’en profite pour venir t’embrasser un gros coup avant la nuit. Il fait beau et je t’imagine en peignoir dans le jardin baigné de soleil, devant la porte, en train de semer des salades ou des petits choux.


A Edmond R. samedi 3 avril 1915. Enfin nous revoyons le soleil.../ ... les alouettes chantent éperdument, se foutent des 77 et des 150 autant que du premier duvet qui leur ombragea le croupion. Par de tels matins on se sent renaître .../... n’étaient les cadavres des nôtres qui jalonnent le trajet entre nos tranchées et celles des Boches, prises et reperdues, on ne croirait pas, on ne penserait pas que c’est la guerre. 

A Delphine samedi 3 avril 1915... /... Peut-être enfin reverrons nous les champs reverdir et les fleurs pousser.../... je les ai laissées là-bas (les violettes) car dans ce malheureux pays, il n’est pas un coin qui ne soit vingt fois par jour compissé ou même davantage, par les Poilus qui s’y terrent.
A la même dimanche 4 avril .../... c’est aujourd’hui Pâques et nous avons fêté la résurrection de Jésus en vrais chrétiens, c’est à dire, en mangeant bien et en buvant sec.
A la même lundi 5 avril 1915... /... depuis hier nous ne sommes plus en première ligne et nos chances d’écoper sont de beaucoup réduites...
A la même mardi 6 avril 1915 .../... Je suis monté sur les collines qui dominent le pays pour assister à la canonnade toute proche.../... Après avoir été acteur dans le drame on peut se payer le luxe d’être spectateur. Cela offrait quelque chose de terrible et de grandiose cette ceinture de fumées à l’horizon et de trains allemands, au loin, filant à toute vitesse pour amener sur un point attaqué, du moins je le suppose, des renforts... /... j’ai trouvé des sous-officiers en train de se faire photographier ; ils m’ont invité à prendre place parmi eux et j’aurai peut-être dans quelques jours une nouvelle photo à envoyer à mon petit Cricri. Je suis au centre où tu me reconnaîtras je l’espère, entre Houdin le barbu, coiffé d’un bonnet de police et l’adjudant de la compagnie, le nouveau, Maillet, un bien gentil garçon aussi... (1)
 

A la même mercredi 7 avril 1915. J’ai reçu hier, de toi, une bien bonne lettre, toute imprégnée d’amour, toute débordante de tendresse. Merci mon bon petit, de m’écrire si longuement et de me dire des choses si douces au coeur, si réconfortantes. Je te conterai plus tard, des histoires émouvantes et terribles et de gaies aussi ; en attendant il faut s’armer de patience et de courage.../...  A demain ma chérie, je te prends dans mes bras et je t’embrasse de toute mon âme, de toutes mes forces et de tout mon cœur. 


Cette lettre est la dernière. Dans la nuit du 7 au 8 avril 1915, il prit part à une attaque tragique où il disparut...  

(1) c'est sa dernière photo certainement non libre de droits même si Bibliobs la publie et que les amis de Pergaud en ont recadré le centre à l'envers !..
https://www.google.com/search?q=photo+Louis+Pergaud&client=firefox-b&tbm=isch&tbo=u&source=univ&sa=X&ved=0ahUKEwiumcODipfTAhWMcBoKHQxgCs0Q7AkIPQ#q=photo+Louis+Pergaud&tbm=isch&tbas=0&imgrc=be5Ok70nfEzjFM: 


samedi 8 avril 2017

Louis PERGAUD, égalitairement mort pour la France... / Partager le destin, partager le voyage


Préalable. En dehors des portraits, mes photos veulent montrer la Franche-Comté de Pergaud, le pays natal qui l'a tant inspiré, que ce soit pour les hommes (il dit dans ses lettres du front que son ouvrage préféré est "La Guerre des Boutons"), que pour ses nombreux hommages à la Nature. 

 Le 6 avril 1915, Louis Pergaud, l’écrivain comtois certes monté à Paris pour réussir tombait près de Marchéville-en Woëvre. Le 8 avril il périt sous les obus français dans le bombardement de l’hôpital où les Allemands l’avaient évacué. Son corps ne fut jamais retouvé.
Dans ses lettres du front, en attendant de lire un jour ses lettres à Delphine dans une version non expurgée, une réalité terrible de la guerre. Pergaud note souvent la sympathie des artilleurs... mon grand-père Jean l’était notamment à Verdun sur le même champ de bataille... 

A écouter surtout :
http://www.litteratureaudio.org/mp3/Louis_Pergaud_-_Lettres_de_guerre_Chap08.mp3

Extraits :
A Delphine, mardi 2 mars 1915. Nous sommes retombés dans l’hiver. Il a neigé ces jours passés il fait un peu froid un peu plus froid qu’auparavant... /...

A la même mercredi 3 mars 1915. ... Il faisait un temps à ne pas mettre un Boche dehors : bourrasques de pluie et de neige, coups de vent et tout ce qui caractérise les heures troubles d’avant printemps. Malgré cela ce ne fut pas pénible, j’avais mon caoutchouc et je pouvais me foutre de la neige et du vent. La campagne ne reverdit pas vite tout de même, c’est encore gris avec des raies d’eau qui zèbrent les champs de lames d’argent. Les arbres non plus ne se pressent pas de bourgeonner mais les oiseaux commencent à revenir, il y a déjà des pinsons jolis comme des amours, quelques chardonnerets et des bandes d’alouettes et de verdiers. Enfin on commence à trouver des pissenlits et presque tous les soirs l’ordinaire s’enrichit d’une plantureuse salade dont on se pourlèche les badigoinces comme dirait feu Rabelais.../... Il serait bien absurde que les destins qui semblent me protéger avec tant de zèle ne persistent pas.../... Il ne me manque vraiment que votre présence mon cher amour. Bien souvent quand mes yeux courent le long des lignes,votre chère image vient s’interposer devant mes yeux et les mots dansent parce que le souvenir de notre bonheur passé me tourmente jusqu’au fond le plus intime de ma chair et de mon cœur...

A la même vendredi 5 mars 1915... Il faisait un temps adorable de printemps, tiède et presque parfumé.../... on flânait, on rêvait...
 

A Eugène samedi 6 mars ... le gouverneur veille avec un soin jaloux sur notre honnêteté conjugale en faisant évacuer toutes les personnes femelles susceptibles de détourner au profit de leur cul des énergies qui ne sont  dues qu’à la patrie.... /... certains Poilus maudissent ce rigorisme qui leur fait peser entre leurs jambes un sac plus encombrant que celui qu’ils ont sur le dos. Par certain canal détourné j’ai pu savoir que la plupart des hommes qui écrivent à leur épouse légitime ou non, tombent maintenant dans la lubricité la plus folle. les uns voient cela et revêtent  leurs désirs des images les plus détournées et les plus touchantes, d’autres y vont carrément. Que d’ardeurs congénitales évaporées en fumées épistolaires ! Que de coups de reins perdus pour la puériculture !  Après tout c’est légitime et je comprends ces pauvres bougres.

A Delphine, lundi 8 mars 1915. Pour changer un peu aujourd’hui il neige. Déjà dans la nuit paraît-il ça a commencé et ce matin c’était tout blanc... /... J’ai eu à mon réveil le spectacle un peu attristant d’une campagne grise et d’un ciel de suie mais j’ai pensé à toi et ça m’a mis dans le cœur le coup de soleil qui manquait à ma fenêtre.

A la même mardi 16 mars. .. / ... Aujourd’hui et hier aussi le temps s’est remis au beau, le soleil s’est montré, les routes se sont séchées. Il faisait chaud, il faisait bon et j’aurais bien voulu t’avoir à mes côtés.
A la même mardi 16 mars 1915.... Mes cheveux ont encore grisonné mais je suis toujours aussi jeune de caractère et surtout toujours aussi amoureux de ma femme bien aimée...
A la même mardi 16 mars 1915... /... Il a fait une journée délicieuse d’avant-printemps? les alouettes chantaient, des bandes de petits oiseaux passaient dans les grondements du canon et c’était bizarre et joyeux et un peu triste aussi.

A la même mercredi 17 mars 1915... /... Quelle journée délicieuse ! Et quel beau soleil il fait ! Cela nous met en joie et les Poilus aussi. Personne dans les caves et tout le monde est dehors... /... Ma bien aimée qu’il ferait bon se promener, au bras l’un de l’autre, dans quelque quartier du bois de Landresse...

A Lucien D. mars 1915... Je me battrai certes avec la même énergie qu’auparavant mais si j’ai le bonheur d’en revenir ce sera je crois plus antimilitariste encore qu’avant mon départ. C’est dans la souffrance, dans la promiscuité douloureuse que l’on découvre bien les bas-fonds de l’âme humaine avec ses recoins de crasse et d’égoïsme et j’ai pu jeter la sonde dans bien des cours. Mon Dieu il y a du bon évidemment et rien n’est désespéré mais les hauts comme les bas ont leurs saletés. Que doit être l’Allemagne militariste quel gigantesque fumier ! Quelle pourriture morale ! Allons-y jusqu’au bout et jetons bas tout cela. je crois vraiment que c’est l’œuvre de 93 que nous continuons. Dommage qu’il ne suffise pas d’avoir du cœur au ventre pour triompher.
A Marcel Martinet dimanche 21 mars... /... nous avons vécu les 18, 19 et 20 des heures inoubliables et terribles. Nous avons attaqué la tranchée boche après une insuffisante préparation d’artillerie et deux de nos compagnies se sont fait héroïquement faucher... Nous avions déjà fait sous la mitraille et les balles deux bonds en avant.../... quand l’ordre de cesser la boucherie est tombé... /... Il s’est mis à pleuvoir ; on marchait dans des mares de sang avec des éclats de cervelles... Un de mes sergents a été tué à mes côtés d’une balle en plein front.../... je n’ai rien reçu, question de veine mon vieux...
A Eugène C.  21 mars. ... /... je n’en ai pas parlé à Delphine sinon de façon très vague en lui laissant croire que je n’avais couru aucun danger alors qu’au contraire j’ai vu la mort de bien près... ici une photo.../... garde la en souvenir de moi car je ne me fais pas d’illusions, si nous réattaquons j’ai cinq chances contre une d’y laisser ma peau. 

A Delphine 21 mars... Nous avons attaqué la ligne ennemie.../... nous sommes restés sur nos positions et nous avons perdu quelques hommes... Au milieu de tout cela, ma bonne petite chérie, vos gentes lettres me parvenaient et je puisais dans votre amour toutes les forces dont j’avais besoin pour tenir jusqu’au bout...
A la même lundi 22 mars... Les hommes sont gais, il fait soleil.
A Lucien D. 22 mars 1915 .../... au demeurant c’était une opération stupide à tous points de vue mais il fallait sans doute une troisième étoile au con sinistre qui commande la division de marche et qui a nom B. de M.

Note : ces lettres de guerre sont si prenantes que les coupes en deviennent arbitraire et subjectives. L‘ensemble demeure néanmoins si riche que ces choix ne portent pas encore jusqu’en avril. Mais ce huit avril, même si je l’ai déjà fait sur l'Internet, je me devais d’honorer cet écrivain exceptionnel. 


mercredi 5 avril 2017

ETANGS DU DELTA DE L’AUDE / Vendres, Fleury











crédit photos wikimedia commons : 
1. L’Étang de Vendres, Basse Plaine de l'Aude, Étang de Pissevaches avec la Clape à droite. Conservatoire du Littoral. 
2. Coucher de soleil sur l’Étang de Vendres. Mairie de Vendres. 
3 & 4. Étang et village de Vendres. Mairie de Vendres. 
5 & 6. "Temple" de Vénus et vue sur l'étang. Mairie de Vendres. 
7 & 8. Étang de Pissevaches Saint-Pierre-la-Mer Auteur Krzysztof Golik
9. Étang de Pissevaches Auteur Hugolesage

lundi 3 avril 2017

ODE AU-DELÀ DU DELTA... (2) / Aude au delta caché









photos : 1, 2, 3. canaux anti-débarquement de la deuxième Guerre Mondiale. 
4 & 5. Étang de Pissevaches (Fleury d'Aude). 
6, 7 & 8. Flore des dunes. 

L’Atax (1) des Romains ne se vante jamais d’avoir enfanté, à force de sédiments, ces terres basses depuis Capestang jusqu’aux Cabanes-de-Fleury en passant par Salles, Fleury, Lespignan et Vendres, sans oublier au sud la plaine narbonnaise ainsi que les atterrissements autour de Gruissan et au-delà des îles Saint-Martin, Sainte-Lucie, par ce bras abandonné, devenu Canal de la Robine, jusqu’au débouché de Port-la-Nouvelle.

Marges floues aux calmes vénéneux que seuls des vents fous peuvent balayer. Platitudes qui transportent vers un horizon incertain, aux confins de la vie, de la mort, vers un éternel recommencement. Va-et-vient fougueux ou paisibles, féminité au goût de sel d’une mer qui monte, virilité doucereuse d’un fleuve qui pénètre. Vents tempétueux, flots impétueux que le ventre chaud de la mer attire. Le mourir du désir, d’étreintes impérieuses mais si vulnérables. Le mourir des desperados. La mort plutôt que l'inconsolable. Les fantômes tragiques de Mirèio ou Magali et cette Lydie au prénom grec, mirage de quelques rencontres au milieu des saladelles...

Le delta, potentialité d’un au-delà, indéfinissable et pourtant palpable, plus tangible et positive que la négation de « La possibilité d’une île »... « Le bonheur n'était pas un horizon possible » (Michel  Houellebecq / Fayard / 2005). Le delta fera toujours rêver... Un domaine ne portait-il pas ce surnom de « Californie » ? Un autre ne se qualifie-t-il pas comme étant celui « Du bout du monde » ?

Sous les trains de nuages qui se poursuivent, un poète si frais et pourtant trop lucide pour son âge n’a pas tant bavardé pour l’exprimer :

«... Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, ~ heureux comme avec une femme. »
Arthur Rimbaud / Poésies / Sensations / mars 1870 (plus près de ses quinze encore que de ses seize ans !)     

(1) « Atacos, Atax, Attagus ». "Atacos" peut-être pour « très rapide, fougueux » aurait aussi donné le nom du peuple des Atacini. http://www.arbre-celtique.com/encyclopedie/atax-atacos-aude-808.htm

dimanche 2 avril 2017

ODE AU-DELÀ DU DELTA... (1) / Rhône, Ebre, Aude, Llobregat

« ... Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, ~ heureux comme avec une femme. »

Le Rhône embrasse ses îles et pousse les terres de Camargue vers le sud. A quatre-cents kilomètres, chez nos frères de Catalogne, c’est l’Ebre qui avance ses bras dans cette même Méditerranée Occidentale. Entre les deux, le Llobregat comme épongé par Barcelona (1) mais réservant encore des espaces naturels intéressants. Et, pardon de le mettre en avant « parce que c’était lui, parce que c’était moi », si présent dans ce qu’il a de sanguin, de sudiste, d’occitan, le fleuve qui continue d’échapper aux hommes venus le dompter, l’Aude qui rendit l’île de la Clape au continent, la "rivière", redoutée mais familière des Pérignanais de toujours, l’Atax d’un delta aussi caché que mystérieux... 

(1) si quelqu’un peut préciser pour le Riu Fluvia (Golfe de Roses) ainsi que le Riu Tèr de la trilogie catalane Têt, Tech, Tèr... Sinon on parle du Mistral, du Cers du Rhône à l'Aude, de Mestral, des Cerç ou encore Çerç, de Tarragona à l'Ebre. 






crédit photos : 
1. Rhone delta photoby Aldipower. 
2. Delta_de_l'Ebre-L'Encanyissada Author Lohen11-Josep Renalias
3.Espais naturals del riu Llobregat Platja del Prat des del Mirador de la_Bunyola Author Jordiferrer  
4. l'Aude passe au nord de la Clape. 

vendredi 31 mars 2017

UN AMI DIT " QU'EST-CE QU'ON ATTEND POUR POMPER TOUTE CETTE EAU DE PLUIE QUI PART A LA MER ?"/ Mayotte en sous-France


MON AMI, qu'est-ce que tu es naïf et niais ! 

Écoute les intelligents qui nous gouvernent : ils n'arrêtent pas de trompeter "j'ai donné", "vous aurez", "je promets" ! 

Écoute la ministre si gentille de venir t'aider alors qu'elle ne te doit rien ! Les tuyaux, le tanker, la solidarité généreuse de la Réunion, c'est elle !

Regarde ce préfet muselé qui sauve au moins le Nord !

Écoute ces élus et sénateurs qui se décarcassent pour toi ! 

MAIS MON AMI, T'ES BÊTE même... qu'est-ce que tu vas pomper dans les rivières avec des camions-citernes, que tu trouves où d'abord ? 

Écoute donc les intelligents qui ne lâchent toujours pas l'argent "donné" depuis toujours et jamais arrivé ! 

Écoute la ministre si gentille de sa politique pro de l'esbroufe, fière de politiquer depuis 30 ans ! Elle va t'aider alors qu'elle n'y est pour rien ! Fraternité socio-traître, ça change de l'altruisme capitalo-vendu ! Elle a promis pour mai, des tuyaux et un beau bateau plein d'eau sauf que le marchand de tuyaux encaissera pour de l'eau qui n'arrivera jamais car le robinet, populisme aidant, restera fermé par la main flatteuse d'une Réunion ethnocentrée ou seulement avide de coloniser... 

Regarde ce préfet bien persuadé que les Français sont des veaux, assez malin pour laisser l'eau à volonté pour les nordistes même si leur retenue est à moins de 40 % tout en coupant au sud ! Pire, depuis ce jour, puisque la retenue du sud à 80 % va alimenter le Nord ! Diviser pour que ceux qui le sont moins ne soient pas solidaires de ceux qui y sont jusqu'au cou ! 

Écoute le silence assourdissant des élus, il faut dire que les magouilles et crocs-en-jambe entre eux pour continuer à parasiter, à se payer sur la bête passent avant la vie chère, la coopération régionale, le développement digne... Exception faite pour les ailes de poulet qui nous ont valu un député-mabawa que des poulets "expatriés" ont osé faire souffler, d'ailleurs, dans le ballon ! Même apparatchik tu n'es français qu'à 25 %, ici ! 

MAIS MON AMI, SOIS PAS CON ! Ton idée les fait rigoler... Dans une démocratie dévoyée, seuls les coups de schlague peuvent tomber mais rien ne doit remonter ! T'es un Mahorais de base et déjà qu'en métropole la base n'a droit qu'à un bulletin dans l'urne, et encore à condition qu'il soit conforme... 

Alors prie pour que l'ingénieur-expert sorte une belle étude pour 2020 ou la saint-Torchetoi mais ton idée d'aller pomper ce que les rivières envoient à la mer !
Et puis ne pars pas rejoindre ces Assoiffés du Sud qui vont semer le souk ! Paye ta facture surtout pour de l'eau à gastro-entérite ! Pauvre France qui a déjà tant à faire avec la Guyane ! 

PS1 : après la morgue et l'arrogance du fort en gueule Le Roux éphémère sinistre de Hollande, la perfidie de Bareigts, que ne les voit-on pas faire amende honorable à Cayenne ! 

PS2 : les ASSOIFFES du SUD ne veulent pas se faire prendre les quelques euros qui leur restent (84 % de la pop sous le seuil de pauvreté) pour de l'eau non potable facturée par une société privée disant qu'il faut remonter au syndicat lui-même institué par le préfet qui, suivant les ordres de Paris, doit seulement insinuer que les élus locaux seraient responsables. 

PS3 : depuis plus de trois mois, c'est la première fois que nous avons l'eau 2 jours de suite ! Faut se réveiller et faire comme en Guyane ! Dans un pays autoritaire seule l'épreuve de force est susceptible d'apporter des résultats !

mercredi 29 mars 2017

LE MONDE NE DEVRAIT ÊTRE QUE CHANSON ET MUSIQUE... (6) / ratés existentiels


Il s’est levé, tanguant, swinguant un peu, tranquille au fond de son avion, comme pour favoriser la circulation, ce qui d’ailleurs est plutôt conseillé lors de longs vols. Le porteur de rêves taille sa route, toujours dans l’assourdissement des cuivres à ses oreilles... Ils rappellent, vers ces latitudes justement, des orages dantesques, bien que silencieux, allumant des cumulo-nimbus colossaux de part et d’autre de la trajectoire, à l’échelle de l’Afrique. La route atteint le Grand Rift, les marges du lac Turkana au bout du fleuve Omo, de ces exceptions très africaines qui jamais n’atteignent la mer.

 Tonnerre intérieur cette fois, qui ébranle. Foudre qui abat... Saudada, añoranza, mélancolie de qui laisse des cœurs. Éclair qui exalte... Allégresse, euphorie, surexcitation de qui va vers d’autres cœurs. Ventre tambour vibrant, résonnant de force fragile.        
 

Mistral, Cers, ciel pur, étangs ridés, pins torturés, oliviers de Bohême, tamaris, saladelles, Mirèio, Magali, Maiité le retiennent. Même Hugues Aufray a choisi la Camargue pour le Scopitone « Dès que le printemps revient... ». Le troupeau de chevaux qui trottinent, les camarguais des gardians au galop, les vaches noires qui foncent et se jettent dans le marais, les filles brunes aux arènes, le chanteur en santiagues et la complainte des trompettes apportant un peu plus de cette inflexion exotique espagnole... 

Du temps qui passe restent le vent pugnace, sa houle dans les roseaux, les grands espaces... et ce romantisme enfui avec les illusions de jeunesse :
«... Après bien des hivers / Pourtant mon cœur se souvient / Comme si c'était hier / Dès que le printemps revient... »

C’est qu’il a su les chanter les filles de la campagne, Hugues Aufray !..

https://www.youtube.com/watch?v=vbYKwjsyDcg Hugues Aufray « Des jonquilles aux derniers lilas ».

« Siffler sur la colline » de Joe Dassin reprenait aussi cette même veine, avec une bergère.  Cette fraîcheur champêtre enchantait le public. Peut-être l’arrivée du printemps réjouissait-elle davantage les cœurs à l’époque ? Alors que la ville ne semble plus vouloir se nourrir de la campagne... Ne nous sommes nous pas, petit à petit, éloignés de la nature jusqu’à nous en couper ? Cela ne présage rien de bon pour l’avenir...

https://www.youtube.com/watch?v=_IY1fNs0Tps Joe Dassin « Siffler sur la colline »

Mais au ton léger de Joe et à la truculence paysanne « Des jonquilles aux derniers lilas », le côté ombrageux de ses dix-sept ans préférait le cinéma de bon ton pour son âge pour une « fille du Nord » jamais rencontrée. Un demi-siècle après, il en détourne les paroles :

« ... A-t-elle ces noirs cheveux si longs qui dansaient jusqu’au creux de ses reins ?..
C’est ainsi qu’il l’aimait bien
Si tu passes là-bas vers le Sud où le vent vient de l’autre bord de la mer, oublie, jamais ne donne mon bonjour à la fille qui fut mon amour... »

https://www.youtube.com/watch?v=3ziN1DCgNOo Hugues Aufray « La fille du Nord »

Et là, parce qu’un de ses articles a été "liké"... que le « j’aime » en regard, le visage, le modelé de ce nez, le regard, le sourire, l’ont soudainement paralysé, bloqué, le laissant vivre seulement de l’accélération crescendo de son  pouls... Élan spontané ? Bouffée irrésistible ? Posture ? Scénario mental... Il ne sait plus... Il se demande ...

La fille... une autre fille lui repasse l’éclair croisé des regards et les petites secondes qui ressortent comme si c’était d’hier. Ainsi, sans lui demander le moindre avis, son souffle vital avait oublié d’oublier. La vision de cette fille brune aux yeux amande respirait en phase avec lui depuis près de cinquante ans ! Sans qu’il le sache ! Dur à admettre ! Interloqué de "s’étonner lui même" ! Mais pas de voir l’holographie de cette vendangeuse brune se plaquer instantanément sur la fille de la véranda de Julien Clerc :

«... Et si jamais je vous disais,
Ce qui fait tous mes regrets
Mes regrets
Le désespoir de mes nuits
Et le vide de ma vie
De ma vie...
De ma pauvre vie...

La fille de la véranda...
Que je n’ai vue qu’une fois... »

https://www.youtube.com/watch?v=12qBw9ou5cQ Julien Clerc « La fille de la véranda »

Vrai que la fille des vendanges, il ne l’a vue qu’une fois, un aveuglement, oui, mais aussi bref qu’un éclair dans le ciel... le reste, ses regrets, le désespoir de ses nuits, le vide de sa vie, c’est pour amuser la galerie... Sinon, il n’en serait pas à réfléchir à un dédoublement de sa personnalité !

Suite au réveil en douceur dans une lumière arc-en-ciel, les passagers ont pris le petit-déjeuner puis assez vite, le commandant de bord a annoncé la descente vers Nairobi.   


Un visage en écusson, un prénom, un nom bien d’Espagne, l’émotion ensuite, enfouie depuis si longtemps. Il n’a pas longtemps hésité à baragouiner un message sans le point d’interrogation inversé :
« Estabas en mi pueblo por las vendimias ? » 
Elle a dit oui, précisant même le nom du patron qui l’employait. Il a donné quelques précisions. Elle a répondu, d’abord dans le vague, éteignant un feu incertain, mais d'un coup revigoré quand elle a détaillé «... le Français aux cheveux longs qui venait le soir ?..» 



Crédit photos 
1. Kenya Turkana lake. Author Hansueli Krapf.
2 & 3. Étangs et paysages du delta de l'Aude. 
4.  Giraffe Skyline - Nairobi - Park. Author Mkimemia.