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dimanche 10 juin 2018

LIMOUX, SI TU N'EXISTAIS PAS ! / la goulotte audoise (6)

Limoux d’un Carnaval qui dure trois mois. Son origine remonte aux meuniers qui fêtaient la remise des redevances aux autorités. Riches, ils avaient une réputation de voleurs… Une constance de la part des nantis, toujours très actuelle ! 

Pierrots 2007 Wikimedia Commons auteur tagon.
Limoux capitale oubliée de la chaussure avec une vieille tradition du travail des peaux, du tannage, quartier de la Blanquerie (blancariè[1], mégisserie en occitan). 

Repas de famille, l'été à Saint-Pierre-la-Mer.
Limoux de la fameuse Blanquette[2] (toujours avec la majuscule chez nous !) 


Au musée, on peut voir des scènes de la vie quotidienne, peintures de Marie Petiet. Achille Laugé, le peintre du Razès, y avait aussi son atelier. Quiétude, immortalité de ce que les artistes, grands ou petits, extériorisent sur une toile dévoilant aussi de leur âme. Si l’inspiration, le talent, trop bien cotés, finissent chez les milliardaires d’où elles ne sortent qu’exceptionnellement pour des enchères astronomiques, l’émotion, elle, n’a pas de prix et si Limoux était un tableau, on le devrait à Georges Coroir, le coiffeur de la rue Jean Jaurès, peintre à ses moments perdus.  


Et quel sujet plus attachant que le dernier cheval de trait de la ville, mené par Henri, déjà célèbre et honoré d’ouvrir maints défilés… Chez ces festéjaires, ce ne sont pas les occasions qui manquent ! Pêchard, cheval de la vigne passant le Pont-Vieux[3], pour sûr, un sujet à ne pas manquer !


Mais l’histoire n’en reste pas là ; elle a tout d’une Blanquette pétillante et seule Limoux, effervescente jusque dans les têtes, pouvait l’offrir ! 

Limoux Pont-Neuf auteur Tournasol7 commons wikimedia

Le temps n’arrangeant rien, un jour les arches sur l’Aude ne virent plus passer le fringant attelage : Henri était hospitalisé, Pêchard promis à une triste fin. Et c’est là qu’intervient à nouveau Georges, notre figaro inspiré ! Appuyé, suivi par tous les Limouxins, il a l’idée de reproduire en carte postale le tableau du vigneron et de son cheval. Une association est crée, de quoi payer la pension et soigner les rhumatismes du vieux Pêchard. Henri désormais à la retraite peut lui rendre visite régulièrement… Jusqu’au 18 avril 1994… 34 ans, un âge plus que respectable pour un cheval de trait. Henri Santisbèbe ne lui survivra que trois ans. 


Limoux du cheval de trait. Le 10 juin 1998, avec l’argent restant et le soutien des édiles, les amis de Pêchard sont à l’origine d’une statue équine, bien en vue, avec des ceps derrière, route de Carcassonne.  En 2016, l’association en cessation a fait don de 800 euros et d’un paquet de cartes postales pour parrainer l’adoption, au centre équestre, d’Uva de Bel Air, une trait comtoise. 


L'Ami, le cheval de papé Jean.
Vingt ans ce 10 juin 2018 que Pêchard, immortalisé, trône à l’entrée de la ville. 


Et dire que les gamins de l’Aude brocardaient jadis avec un « Va à Limoux ! » railleur, parce que la ville était plus connue pour son asile que pour son collège réputé.

Chapeau Limoux ! 

A propos, avec le nom de Georges, le coiffeur, celui de la Digne-d’Aval est cité aussi. N’y a prou, finaloment de toujours veïre de coïncidéncios !  


[1] Blanchisserie aussi en rapport avec une ancienne tradition drapière.
[2] Revue des œnologues et des techniques vitivinicoles et œnologiques, Bourgogne-Publications, 1998 p. 52 : « [...] à l'ancienne origine monastique (les bénédictins de Saint Hilaire, 1531) de l'élaboration naturelle du plus vieil effervescent du monde qui deviendra la Blanquette de Limoux. » (note issue de Wikipedia, article Blanquette de Limoux.
[3] Un Pont-Vieux datant des années 1300 alors que le Pont-Neuf, il est vrai refait, date des Romains.


samedi 14 mai 2016

CAVALCADES ET CORSOS "FLEURYS" / Fleury d'Aude en Languedoc.

Au mois de mai, c’est la fin pour les cavalcades et autres corsos fleuris. Et dire qu’ils viennent encore de brûler Carnaval chez les voisins... Au temps des fleurs, c’est vraiment du sadisme... Sauf qu’une salloise m’a rétorqué que c’était mieux que de ne rien faire ! Et vlan ! Je n’ai pu que balbutier qu’ils allaient fêter la fête dans les rues, quand même, à Fleury !
Élevons le débat tout en reconnaissant que les patchaques et autres querelles de clochers ont toujours pimenté et corsé les rapports de voisinage ! Il n’empêche, en février, les mimosas qui défilent traduisent si bien l’espérance des beaux jours à venir.
Reprenons le compte-rendu si détaillé de cette cavalcade d’après guerre que François, lou filh de Jeanil, a bien voulu nous réserver (1). Le char du chapeau venait juste de passer : 


«... "Les Vendanges" venaient ensuite. Le camion était garni de treilles et de souches avec de beaux raisins. Au milieu était une grosse barrique avec Charlot Escaré qui représentait Bacchus tenant une coupe et un bâton avec une feuille de vigne et un raisin. Il y avait aussi des vendangeurs et des vendangeuses, parmi lesquelles Elisabeth et Marcelle Subra. Ils ont eu le 5e prix (2000 F et 2 bouteilles de champagne).
"La Couveuse", des petits garçons et petites filles, habillés de coton jaune, chacun dans une sorte de panier.../...
... Ensuite, "Blanche-Neige et les sept nains" (la rue Neuve). Auret menait le char,Mimi Dauga était Blanche-Neige et G. Martin le Prince, F. Bousquet, J. Bernard, les petits Auret... ils ont eu un prix d’honneur et un prix d’attelage.../... 
... Puis le "Panier Fleuri" des petits enfants très bien habillés, dans un grand panier fleuri de fleurs avec des fleurs d’amandier, du mimosa...
... "La sérénade à Colombine".../... des garçons en pierrots jouant de la mandoline, et des petites colombines...
Ensuite 2 chars 1900 : un de Fleury, yves Carrière était le cocher, en costume d’époque... /... derrière un comte et une comtesse... Abrial portait une perruque, un chapeau à voilette, il avait fait un grain de beauté ; tu peux croire qu’il le faisait bien.
L’autre était de Coursan, il était plus chic que celui de Fleury.../... dedans deux couples qui chantaient « Frou-Frou », et enfin deux laquais : deux jeunes filles...
... /... Puis une énorme carpe de Coursan avec 4 oo 5 pêcheurs, un tank de Béziers et des soldats jouant de l’accordéon.
Et enfin de nombreux travestis de Narbonne. Tout le monde dit que c’était la cavalcade la plus jolie de la région, elle dépassaitde beaucoup celles de Narbonne, Coursan et Béziers.  
J’ai oublié le principal, le char de la Reine... /...
Il y avait aussi un autre char où étaient Colette, Yvette et Monique "La France et ses Provinces", et un autre "Les Papillons".
Mr Robert distribuait les prix... /... Après la cavalcade, il y a eu bal sur la place, ainsi qu’après souper, avec concours de travestis. C’est la femme de G. Chavardès et mme Dubeau (la patronne de l’autobus) qui ont eu le premier prix. Mme Chavardès était en Provençale ; Madeleine Artozoul, de paris, a eu le 3e, elle était en Cosaque, Marthe Barthe en Espagnole...etc...

(1) François Dedieu / Caboujolette / 2008. 

diapositives François Dedieu 1 &2 1969 3 & 4 1986.

mardi 3 mai 2016

CAVALCADES ET CORSOS FLEURIS / Fleury d'Aude en Languedoc



Si certaines villes maintiennent la tradition de leur carnaval, Limoux et ses fécos par exemple ou ces villages où se danse et se chante encore le buffoli, sous le ciel de Fleury, les masques et les cavalcades ne reviennent que par périodes. Il fut un temps pourtant où une cavalcade réputée attirait même un public régional. C’est ce que nous explique François Dedieu, dans son chapitre « Premiers sourires du printemps » (1) : 
  
«... mais ses grandes dates se situent, pour l’après 1945, en 47, 48, 49 où nous avons tenu la dragée haute à Narbonne et à Béziers. Paulette Jean, plus tard épouse Grasseau, Josette Bousquet, fille d’Emilienne et Jules dit Camille, et d’autres qui m’échappent (je n’étais pas là, et la mémoire de tatie Marcelle nous serait précieuse), en furent les reines ou dauphines. Le Comité des Fêtes, récemment créé, voyait ses membres circuler en calèche : Léonce Andrieu, Louis Robert, Georges Chavardés en particulier. Les chevaux (les tracteurs ne vinrent que plus tard) étaient alors en tenue de parade, leurs sabots noircis au cirage. Les nombreux chars composaient une vraie cavalcade. Je te signale toutefois que le départ a toujours été donné « à la gare », c’est-à-dire à la Cave Coopérative, et que la « rue de la gare » devenue « Avenue de Salles » constituait une portion importante du défilé... /...

... Au sujet du carnaval de Fleury, je retrouve plusieurs lettres :

6 février 1948. .../... nous préparons une cavalcade pour le 7 mars... /... Louis Robert est toujours président, il y a déjà 7 à 8 chars inscrits... /... nous en ferons un, nous voulions faire les Saintes-Maries-de-la-mer mais les Cabanes le font. Peyrel en ont commencé un mais on ne sait pas ce que c’est. dimanche c’est la cavalcade de Narbonne et le 23 celle de Coursan...

Deuxième lettre :

«... Dimanche la cavalcade s’est très bien passée ; il y avait de nombreux chars : d’abord une barque qui a eu le premier prix (6000 F) avec des corsaires portant des foulards rouges, puis le chapeau mexicain, c’était un grand chapeau beige et doré avec des danseurs et danseuses sur son rebord : Paul Sagné, Norbert Hérail, Paulette Jean, S. Rascol, J. Pradines, etc... Félix Peyrel jouait des rumbas sur son accordéon et le char était garni de palmiers ; puis il y avait les sultanes : J. Berthuel, J. Sala, J. Bousquet, G. LOpez, Suzanne Sirven, et Claude Pech était assis dans un coin et jouait de la clarinette ; de l’autre côté, il y avait deux petits nègres habillés avec du raphia et qui jouaient du tambourin. Les sultanes étaient assises sur des poufs en cuir. J. Berthuel était allongée sur un divan recouvert d’une peau de panthère (c’est Mr Fabre de la distillerie qui avait tout prêté). Ce char était très bien, surtout les costumes qui étaient très riches, en satin blanc, bleu et bordeaux, avec le turban et les mules assortis. Elles ont eu le 2e prix, avec le chapeau... » (à suivre)  

(1) Caboujolette / 2008. 

diapositives avril 1969 François Dedieu.

mercredi 2 mars 2016

ET À FLEURY, LE CARNAVAL ? / Fleury d'Aude en Languedoc


Et bé, après Pézenas et Limoux, ébaubi et baba je l’ai bée... Néanmoins, serait-ce par petites touches et avec l’espoir que des contributions plus substantielles viendront étoffer ces bribes, quelques pistes... 

Heureusement que le mardi gras est inscrit dans le calendrier et qu’il donne l’envie et l’idée de se masquer, surtout chez les enfants. Il suffit de quelques vieilles fripes dans l’armoire ou le cagibi et du masque qu’on peut s’il le faut, acheter chez Odette ou Madama Zan, les deux bureaux de tabac du village. 

L’après-midi de ce mardi à part, on rencontre dans les rues des groupes déguisés munis d’une casserole ou mieux d’une poêle pour passer de porte en porte en quêtant « Vingt soous din la padeno ! » (vingt sous dans la poêle). C’est un joli tableau quand ces bandes qui se croisent dans les quartiers : les masques se jaugent, se toisent presque à se provoquer, au point de lever, pour rire, la canne ou le bâton car la concurrence est rude et la générosité des maisons limitée !
« Pitchou, les autres sont passés, tiens, un bonbon quand même ! »
Parfois, quitte à revenir ensuite sur ses pas, mieux vaut aller au plus court taper à la bonne porte, souvent chez une mamé curieuse, ridée jusqu’au bout des doigts mais à l’œil guilleret et engageant... les gamins ne s’y trompent pas... Retenant sa pièce au bout des doigts, elle sourit « Qui es-tu, toi ? ». Alors, gêné mais ravi, on dévoile sa frimousse, on bredouille son nom, elle insiste en articulant bien, pour la mamette qui est derrière, encore plus ridée, la paume ouverte contre l’oreille « C’est le fils de François ! ». Et on rougit un peu de tant de fausse modestie ou seulement d’exister tandis que leurs pommettes fripées rosissent... « Ces vieux ! ça n’a qu’une goutte de sang dans les veines, et à la moindre émotion, elle leur saute au visage...» écrivait Alphonse (1) Daudet dans les Lettres de mon Moulin... C’est vrai qu’on en oublie le noir des tabliers qu’elles portent toutes...


Le carnaval rend donc hommage aux mamés (les hommes sont plus bourrus !) mais les masques repartent vite tandis que le préposé à la récolte compte les sous. La fin de l’après-midi pointe, il est temps d’aller à l’épicerie pour du chocolat Cémoi, des barres de Malakoff, des pâtes de fruits et des nougats Dumas, la marque de Pézenas, bref un goûter du tonnerre !


Dans Caboujolette, avec la variante « Un soou à la padeno ! », papa s’est fait l’écho de ces sorties déguisées. Je cite :
« Un de ceux qui tenaient à voir le visage du quêteur masqué, avant de lui donner la pièce, c’était, racontait papé Jean, qui l’avait vu faire chez Pierre Marty, le bourrelier, Cazanave :
« Cal sès, tu ? Te baillarei quicon si m’enlevès lou masqué et si me ba disés ! » (Qui es-tu, toi ? je te donnerai quelque chose si tu m’enlèves le masque et si tu me le dis !)
De quoi tempérer mon sentiment sur les hommes... et sur Carnaval ! Il suffisait de se lancer...
(à suivre) 


(1) maman, Alphonse Galmarre fait 91 ans en mars... comme toi, presque...

mardi 1 mars 2016

QUE PEZENAS N’ES LOU MOUIÒU ! (1) / Fleury d'Aude en Languedoc

    A Limoux, le carnaval s’est affranchi de la contrainte du carême. Qu’importe le mercredi des Cendres, on n’a plus peur de Charlemagne et de la peine de mort pour les contrevenants ! On fait gras ! Vendredi, c’est déjà la fête, de janvier à fin mars !
    Ce jour, nous sommes en mars justement et si Pâques se célèbre aussi en avril, mars appelle la mi-carême, cette entorse aux quarante jours, l’étape réconfortante, à mi-chemin, même si Musset insiste sur la valse prenant le pas sur une danse ancienne quand l’instituteur n’en garde que les roses en boutons et le renouveau dont les coteaux frémissent. 


Le préau de l'école de garçons qui n'avait pas ou au nom inusité.

    Vite, vite, partons à Pézenas où le carnaval respectueux du calendrier religieux marque plutôt le mois de février... Me concernant, c’est une occasion de plus pour voir repasser trois ans de vie ; aussi, je crois pouvoir comprendre l’attachement profond des Piscénois à leur ville, un amour véritable, disons-le, dans lequel l’héritage historique compte beaucoup. 
    « Viouléto de fébrié, per damo e cavalié » (2) relève Mistral dans le Trésor du Félibrige. Sans plus de précision, je me transporte seulement à Saint-Christol, la campagne du docteur Rolland. C’est vrai qu’au sortir de la mauvaise saison, les violettes pointaient une modestie soyeuse qui s’accordait si bien avec la majesté des grands pins du parc. Au pied du mur d’enceinte, le chemin de l’école rejoignait la rivière qui manquerait au décor. La Peyne, capable du pire en très peu de temps (3), il faut l’imaginer, en 1622, début août, alors que la ville offre ses clés au roi en signe de soumission.


La Peyne depuis la ligne désaffectée du chemin de fer (août 2015).
 Une paysanne retrousse son jupon pour passer à gué quand un galant officier la prend en croupe : c’est le maréchal de camp François de Bassompierre ! Mais ce qui est plus étonnant est que les acteurs du joli tableau parcourent toujours les rues, pour carnaval notamment mais pas seulement, juchés sur le poulain, sûrement pour remercier Louis XIII de son indulgence (3)...
    Le poulain, le poulain... je pense à tout sauf à lui, sur mon chemin d’écolier... même pas pour une envie de chocolat ! Et quand je passe devant le commissariat (4), le porche imposant, la cour intérieure, les grands platanes pourraient évoquer un haras royal... Sauf qu’à l’aller je ne voudrais pas être en retard et au retour, l’hiver du moins, il fait déjà nuit après l’étude du soir, au CM2, chez Carrère et c’est moi qui trotte une demi-heure avant de sentir l’écurie ! Et pourtant, c’est bien d’ici qu’il part, propre, apprêté, que ses servants se préparent et prennent la pose tandis qu’une escorte survoltée et braillarde excite l’équipage !



Le Poulain de Pézenas en 2006 à Steenworde / commons wikimedia / auteur Lion59.

    Tout ça pour un poulain ! Ah non ! pas UN poulain ! LE Poulain ! Unique et là depuis longtemps, très longtemps, bien avant Bassompierre et sa paysanne en amazone ! 1226, les archives en attestent. On le doit à Louis VIII. Le roi alors en croisade contre les Albigeois, doit laisser sa jument préférée, mal en point. A son retour, quelle n’est pas sa surprise quand les habitants le reçoivent avec un poulain cabriolant, paré de rubans et sa jument en pleine forme ! « Oncques, s’exclama le souverain, la bonne ville de Pesenàs ne saura désormais célébrer et festoyer sans que mon poulain royal ne caracole ! » Consuls et marchands de se soumettre en saluant bas... Prospérité et fortune valant mieux que vanité mal placée, le Poulain exprime depuis la gratitude de la ville non sans rappeler toutefois la protection qui lui est due... Sa réputation est à l’aune des visites royales et des grands du royaume ! (5)
    C’est qu’il danse et danse bien, le Poulain, toujours accompagné de « aubois », de « petits tambours ». La robe qu’il porte jusqu’à terre est « peinte d’azur » et parsemée de fleurs de lys. Portant un homme et une femme "fort proprement habillés" (6). Il est fort agile et fait des très grandes courses, renversant tout ce qui se trouve à son passage, comme aussi avec sa mâchoire que l'on fait jouer. Aucun cheval ne peut tenir devant lui ; il épouvante tout. On ne sauroit bien décrire tout le secret de cette machine. Nos Seigneurs les Princes lui firent donner dix louis, et ne pouvaint se lasser de le voir.» (Monseigneur le Duc de Bourgogne avec Monseigneur le Duc de Berri, en visite à Pézenas en 1700).
https://archive.org/stream/archivesdelavill01ress/archivesdelavill01ress_djvu.txt   
    Emblématique, totémique, derrière un meneur tambourinant en fou du roi, le Poulain cabre et rue, tendant le cou vers les balcons pour quêter, entre ses mâchoires, l’obole des pauvres. Pour carnaval, le mardi-gras est chômé : ça je n’ai pas oublié qu’il n’y a pas école ce jour-là ! Il faut voir cette foule trépidante, suivant, tambour battant, les fifres, grosses caisses et tambourins. Dans un nuage de confettis et de farine, les masques, les farandoles de panèls, comme pris dans une danse de Saint-Blaise, scandent à travers la ville la chanson du Poulain ! 



Le Poulain toujours à la Ronde des Géants à Steenworde (2006) Commons wikimedia / Auteur Daniel 71953.
 

    Louis VIII avait précisé, dit-on, que l’armature serait en bois de châtaignier. Elle est aujourd’hui légère et démontable, pour prendre l’avion car le Poulain, au patrimoine immatériel de l’Unesco (2005) porte nos couleurs loin dans le monde (Delhi et Bombay dès 1989, Barcelone, la Hongrie...). Et s’il gambade aussi l’été lors de l’inauguration de la Mirondèla dels Arts, le premier août il tient à marquer le lien indéfectible entre la cité et les enfants partis au loin, quand, en chemise blanche, les gros nez moustachus charient sans varier en braillant que «... de Pézenas sen pas de Counas !»         
 

(1) "Lou Lengado ‘s un iòu
Que Pezenas n’es lou mouiòu." (le Languedoc est un œuf et Pézenas en est le jaune).

(2) "Violette de février pour dame et cavalier". Le violet, la couleur, associé au blanc, en particulier au rugby, avec le stade non loin de là d’ailleurs, à gauche avant le passage à niveau de la Grange-des-Prés...
(3) sujette, historiquement, comme tous les cours d'eau descendant de la bordure des Cévennes, à des crues aussi subites que violentes. 
Le 18 septembre 1622, lors du siège de Montpellier cité protestante par les troupes royales, un gros orage provoque la crue du Merdanson. François de Bassompierre, Maréchal de France (oct 1622) écrit de mémoire depuis sa cellule (emprisonné à la Bastille de 1631 à 1643... Louis XIII savait être ingrat et cruel...) dans « Journal de ma vie » : « Le 18, la journée fut perdue encore par suite d’un violent orage. Le Merdanson déborda et entraîna plus de cent lansquenets qui s’étaient logés dans des huttes creusées sur le bord de la rivière, pour y trouver un abri contre la chaleur. »
https://fr.wikisource.org/wiki/Journal_de_ma_vie_%28Bassompierre%29/3
 
(4)
les pères de "Bayette" et Patrick, camarades de classe, y travaillent.  
(5) Les Huguenots se révoltèrent contre Louis XIII tant leurs craintes étaient grandes de perdre la reconnaissance officialisée sous le règne de son père, Henri IV (Édit de Nantes avril 1598). Les campagnes royales de 1621 et 1622 avaient tout des huit guerres successives désastreuses pour le pays depuis 1560 et marquées par l’ingérence étrangère (Espagne, Savoie, Angleterre). Si le château de Pézenas dut être démonté parce que des nobles locaux avaient pris le parti des protestants, l’inflexibilité royale (massacre de Négrepelisse, forte rançon exigée contre la vie sauve à Saint-Antonin-Noble-Val) aurait pu coûter bien plus cher à la ville...   
(6) Estièinou et Estièinetto.

Entre autres sources :
http://amis-pezenas.com/le-patrimoine/les-traditions-populaires/
http://www.herault.fr/2012/03/05/poulain-de-pezenas-un-animal-totemique-star-carnaval-11777
http://www.ville-pezenas.fr/le-poulain-de-pezenas-444/

http://www.dailymotion.com/video/x33bisc_2015-pezenas-retour-des-machous_fun

samedi 27 février 2016

LES FÉCOS DE LIMOUX ! / Aude & Languedoc.


    Chauvin, le Languedocien ? Que nenni ! A des lieues du parisien nombrilisme hautain ! Regardez, nous avons parlé des Grecs, des Romains, du Vallespir, de Brigitte... Entre parenthèses, nous n’avions pas grand chose, le long de l’Aude sinon la soupe à la grimace... Soit... Il n’empêche, l’ouverture d’esprit, l’hospitalité datant des troubadours nous ont vu saluer d’abord la Sardaigne, les pays de Bade et de Bâle, l’Alsace avant de revenir en Provence et aujourd’hui seulement à Limoux, chez nous ! 

    « Fausse modestie ! » persiflent les mauvais coucheurs, que de garder le meilleur pour la fin. Aco peiçèmplé ! Ça par exemple ! « Fausse modestie » ? Et l’article avec « Charité bien ordonnée... » tout au début, c’est pas de la modestie peut-être ? Et polie qui plus est ! Quant à garder le meilleur pour la fin, y a à boire et à manger, comme on dit ! A la noce de mon pauvre cousin Jojo, chez Paule, figurez-vous que plus que les choux de la pièce montée, c’est la poule à la crème du soir qui... Et puis zut, vous embêtez à force, que même le vocabulaire atteste de notre ouverture, de notre prévenance, avec toutes ces variantes de l’occitan que les tenants d’une normalisation à la parisienne voudraient niveler, d’ailleurs ! As pas vist ! Revenons à Carnabal ! 

 
    Limoux, jolie ville du Razès, entre la plaine et les piémonts pyrénéens. Sur les coteaux bordant l’Aude, les vignes de notre Blanquette si pétillante, de Limoux pardi ! Si gamins, nous disions « Va à Limoux avec les fous ! »,  ce serait plus plaisant aujourd’hui d’aller faire les fous au carnaval sans pareil de Limoux, le plus long du monde (de début janvier à fin mars) ! Enfin, faut le dire vite car, loin de la folie et du désordre, ce qui reste respectable répond à des us et des règles strictes : nous l’avons déjà constaté pour les traditions carnavalesques entrevues.



    Ici, depuis le Moyen-Age et, sans que cela ne nous étonne, en lien avec les fêtes des Romains, le carnaval, toujours en délicatesse avec les autorités réticentes, s’ébranle le premier dimanche de janvier avec la visite des meuniers à la sous-préfecture (1). Composés de membres de toutes les bandes du Comité, ils viennent négocier des taxes toujours trop fortes et nombreuses. Leur visite perpétue donc une tradition moyenâgeuse entre nous, si prenante et d’actualité. Sûr que bientôt nous ferons carnaval au moins six mois dans l’année avec des impôts toujours plus forts, toujours plus hauts ! Le conseil départemental, l’Hôtel des Impôts, dignes héritiers du grand bouteiller, du sénéchal et de la Ferme Générale  peltirent et étrillent aujourd’hui, hélas plus au profit des nobles politiques et de son clergé administratif ad hoc que d’une pauvre France en capilotade ! Et comme les gueux ne se font Croquants que réduits en va-nu-pieds, autant épancher ses rancœurs comme on évacue la pression et son stress grâce au carnaval, macarel ! 


    Autant passer un bon moment, faute de zénitude accessible, en fin de semaine, de janvier à mars, avec les fécos, pareillement déguisés, sous les arcades de la place. Aux bandes officielles se joignent celles du samedi. Pour donner une idée, le calendrier 2015 - 2016 a programmé près de 70 sorties avec 35 bandes, sans compter les jours pour les enfants des écoles et les sorties générales ! 700 participants costumés suivant un thème et derrière, les déguisements ordinaires !


    Un mot encore pour la musique sans laquelle le carnaval ne serait pas : trois ensembles, La Band’annonce, les Hauts de l’Aude et la Bande à Dédé ne sont pas de trop pour animer les sorties, parfois secondées par l’Escola de Bodega, « La plus belle des cornemuses par son volume, sa sonorité, sa personnalité et la culture qu’elle porte » https://www.facebook.com/boudegue/info/?tab=page_info. Notons qu’avec des airs plus universels, un effort est fait pour réveiller et réhabiliter des partitions locales avant qu’elles ne se perdent.
    Il y aurait tant à dire encore sur les thèmes mais je ne vais pas faire la rasségo contre des politiques et des institutions trop orgueilleuses et hautaines qui dominent plutôt qu’elles ne servent. Allez voir tous les sites, les vidéos sur le carnaval et mieux encore allez donc à Limoux, sous les arcades !  

    Vite, vite, parce qu’avec la grisaille ou un soleil qu’il serait idiot de blâmer, le printemps fait déjà entendre ses galoches. Et avant que le cycle ne nous ramène carnaval, je veux encore aller à Pézenas puis rentrer chez moi avant que les fleurs et les pousses tendres ne rhabillent les oripeaux de l’hiver. 

    « Le carnaval s’en va, les roses vont éclore ;
    Sur les flancs des coteaux déjà court le gazon... »
            Alfred de Musset « A la mi-carême »      

(1) suite aux attentats qui ont endeuillé l’année 2015, cette rencontre bon enfant a été, et on le comprend, annulée. 

photos autorisées commons wikimedia 
1.  Limoux Place de la République auteur Pinpin.
2. Pierrots 2007 auteur tagon.
3. Pierrot bleu 2007 auteur tagon.
4. Limoux 2008 auteur Pinpin.
5. Limoux Pierrot et godilhs auteur Guilhelma.