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lundi 26 février 2018

ENTRE MER ET MONTAGNE, UN OCÉAN DE VIGNES ET DE RÉVOLTES !

Entre la montagne et la mer, les garrigues, le vignoble de la plaine de l’Hérault : des bourgs qui promènent la bizarrerie de leurs animaux totémiques dont le bœuf, le poulain, le porc noir, l’âne, la pie, l’alouette, le muge, le poulpe, le pou, le scarabée… la liste est bien plus longue… D’autres retiennent notre intérêt pour le raisin de table à Clermont-l’Hérault, la clairette à Aspiran, le picpoul à Pinet plutôt que de débiner une mer de vignes (par la surface, alors, la première au monde) seulement apte à pisser la bibine… n’est-ce pas monsieur Christian Bonnet (1921), ministre de l’Intérieur en 1977, partial et inconscient de souffler sur les braises après la tuerie de Montredon ? 


De part et d’autre de l’Hérault, paisible, un océan de vignes mais qui, tel le fleuve, est sujet à des colères. Comment ne pas évoquer l’histoire chaotique, les hauts et surtout les bas de la monoculture du vin depuis 1907 jusqu’à une époque récente où, sans les réactions violentes du Comité d’Action Viticole, tout aurait continué à tourner rond pour les tricheries des gros qui jonglent avec le fric et les politiques ? Un cercle vicieux dans l’immodération ne pouvant entraîner que de la violence en excès : transformateurs, postes d’aiguillage qui pètent, nuit bleue aussi pour une aile de l’hôtel des impôts à Narbonne, à Port-la-Nouvelle. Le CAV, Comité d’Action Viticole est impliqué dans les fusillades au pont de Montredon[1] qui firent un mort chez les CRS, un autre chez les viticulteurs (1976). Tous les antagonistes en restent abasourdis : le ministre de l’Intérieur, Michel Poniatowski (1922-2002) qui a ordonné l’assaut, André Castéra (1923 ? -2007), meneur audois natif de Montredon justement, André Cases de Coustouges et Emmanuel Maffre de Baugé[2] (1921-2007) dit « Maffre-Baugé », chefs de file des viticulteurs désespérés, bien dans la tradition de Marcelin Albert (v. plus loin « La Cesse »), toujours pour des revendications dans l’honneur. De sang bleu mais de ces propriétaires terriens (40 hectares, 10 ouvriers) désargentés, Maffre-Baugé de Belarga a bien hérité du grand-père dont les vers parent le fronton de la maison natale à Marseillan :

« …tes vignes dorées
Du sang dont bat mon cœur se gonfleront toujours. » Terre d’Oc. 


Peut-être est-ce par estime pour la noblesse de sentiments des vignerons, qu’il s’était amputé de sa particule :  

« Ces hommes merveilleux de paix, un peu empruntés hors de leurs terres, serviables et très ouverts, se transforment en loups, parce qu'on refuse de les entendre, de les comprendre, et que le fric donne tout, et que l'on se fout de leurs dirigeants, que Bruxelles est une momie enveloppée de ses bandelettes d'ignorance, d'indifférence » « 1907-2007, Un siècle rouge ardent », Emmanuel Maffre-Baugé. 

Le CAV devenu CRAV (« R » pour régional) fit encore connaître le mécontentement des gens de la vigne jusqu’en 2013. Jean Huillet[3] (1944), viticulteur à Valros, leader des années 80, n’a jamais caché son implication dans les actions les plus explosives ! Citons entre autres actions spectaculaires, l’abordage dans le port de Sète du pinardier Ampelos qui fourguait du rosato, un mélange interdit de blanc et de rosé !


[1] https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/aude/narbonne/montredon-1976-affrontement-sanglant-toujours-memoires-audoises-940555.html
[2] Portant le prénom d’un oncle mort pour la France à 34 ans (25 sept. 1915), petit-fils du poète, ami de Mistral, défenseur de sa petite patrie occitane, Achille Maffre de Baugé (1855-1928), qui, de douleur, lança cet aveu d’amour si tragique :
« Cette vie est affreuse, et puisque je n'ai plus
Ton bonheur pour motif, il est bien superflu,
De prolonger un jour ce qui passe ruine... »,
Emmanuel est le fils de Charles qui en réchappa. Rompant avec une tradition familiale royaliste et conservatrice, compagnon de route du PC, il sera élu en 1979 au Parlement Européen sur la liste communiste toujours pour défendre les viticulteurs. Ah ! ces nobles si révolutionnaires contre leur ordre ! 
[3] Il ne s’en est pas moins laissé décorer de la légion d’honneur en 2017 ! Ah ! ces révolutionnaires issus du peuple, finalement si conformistes ! 




Photos autorisées wikimedia commons :
1. Bélarga Hérault Author Doonki. 
2. Maison Maffre Bauge Author The original uploader was ByB et French Wikipedia.  
3. Montredon-Corbières Château St Pierre des Clars Author Romain Bréget. 
4. vignes dorées Auteur jackmac 34

dimanche 17 décembre 2017

« ... ENFANT, J’ETAIS BILINGUE, OCCITAN-FRANCAIS… » / En bas des châtaigniers, la vallée des cerisiers.

« … Fasen un traouc a la nèit, la fenno, per veïre si dema i fa journ. »
 
 
Jean-Claude Carrière de Colombières-sur-Orb annonce la couleur ! C’est dit sans fioriture, avec l’accent de ceux qui l’ont en partage, ça fout un pic d’amour-propre à faire gonfler le jabot ! On rayonne d’avoir l’occitan en plus grand commun diviseur ! En flagrant délit de vanité, on se prend à penser que cet homme remarquable est des nôtres, qu’il boira son verre comme les autres !

Remarquable, Jean-Claude Carrière l’est avant tout pour la démarche foncière qui le fait toujours s’effacer par rapport au sujet de sa réflexion ; il fait tout pour que son questionnement, son cheminement intellectuel, l'objet de son intérêt détournent les lumières de sa personne. Mais en se voulant ordinaire, accessible, ni snob, ni star, le résultat va complètement à l’encontre de son obsession. Pourquoi s’auto-amputer lorsque le talent, l’originalité de l’approche, la curiosité, le doute, le travail surtout justifient l’ascendant sur ses tenants, ses partisans ? 
Qui serait assez fou pour nier l’héliocentrisme ? Qu’il se rassure : ni guide, ni berger, il est de ceux qui vont plus loin, qui savent exprimer ce qui est ressenti et partagé par tant d’autres. 

Pardon de me laisser embarquer ainsi… et si j’apprécie l’adhésion qu’il sollicite, sa curiosité tous azimuts, je l’aime pour « Le Retour de Martin Guerre » (Nathalie Baye, G. Depardieu, Bernard-Pierre Donnadieu dans l'Ariège), pour ses souvenirs du « Le Vin bourru », pour notre langue d’Oc en héritage, parce qu’il honore de sa présence la Mirondella de Pézenas et qu’il est de chez nous, macarel ! 
Pardon d’être ignare parce qu’il y a tous ses livres, ses scenarii, ses essais philosophiques (dernièrement sur la croyance, sur la paix), sa controverse de Valladolid (la voix grave et chaude de Jean-Pierre Marielle dans le rôle de Bartolomé de las Casas !), ses collaborations avec Buñuel, Forman, Schondorf, entre autres, ses accointances, ses conversations sur l’invisible, menées depuis trente ans avec des astrophysiciens... Mais ça c’est son côté érudit, parisien, international, à partager avec tous ! Laissez-moi le méridional, celui qui revendique la défense culturelle du Sud :
  
 « … depuis trente ans je préside le Printemps des Comédiens à Montpellier, j’ai animé beaucoup de rencontres dans les villages, nous sommes ici dans le Midi, le pur Midi de la France… »

https://www.youtube.com/watch?v=73TSvLNDDAc

Écoutez-les les deux minutes de la vidéo, regardez-le dire

« … nous avons un lien particulier avec la terre où nous sommes nés […] on peut dire simplement  que si ce n’était pas là, ça manquerait… »

« … Quand j’étais enfant, j’étais bilingue, occitan-français… »

Cet imparfait répété n’exprime-t-il pas la réserve viscérale de l’auteur … contrebalancée aussitôt pourtant par l’affirmation nette d’un bilinguisme avec l’occitan comme première langue. Et cette allégorie magnifique du couple de paysans s’interrogeant sur le mystère du jour succédant à la nuit ? N’y retrouve-t-on pas l’esprit même des contes des petits vieux et du haricot géant ? Est-ce intentionnel de la part de Carrière ? Mais l’image est symbolique de sa quête, de la mise en relation des mythes et de la science, de ses « conversations sur l’invisible » avec des astrophysiciens de renom. Elle en appelle une autre, une gravure sur bois attribuée à l’Allemagne médiévale mais marquant plutôt le renouveau de la Renaissance, la remise en question de l'obscurantisme, des diableries et autres tabous religieux comme la Terre plate ! 
  
L’homme de la gravure de Flammarion, dite aussi « du pèlerin », passe sous la voûte céleste et montre sa surprise à cause de ce qu’il trouve derrière, exactement comme ces deux qui veulent déchirer la nuit !     
Et puis vous l'avez, la traduction de ces quelques mots d’occitan :

« Faisons un trou à la nuit, la femme, pour voir si demain il fait jour »

L’occitan, il en parle Jean-Claude Carrière dans « Le Vin bourru » (2000) : sept pages magnifiques grâce à l’originalité de l’approche, à la précision du vocabulaire, au rejet de tout artifice académique.

Si la quatrième de couverture relève une rare imp(r)udence sous sa plume, la suite du paragraphe demeure conforme à ce qu’il est :

« … je mesurais pour la première fois la quantité étonnante de choses que l’on m’avait apprises et qui plus tard ne m’ont servi à rien. Car, né dans une culture, j’ai vécu dans une autre. De là mille questions sur ce qui nous fait et nous défait. Sur ce que nous avons perdu, gagné, sur ce qui nous reste… »

Jean-Claude Carrière de la vallée souriante, de la montagne belle, du pays des châtaignes et des cerises tient à ses racines. Contrairement à ces renégats montés à Paris et qui, vergogneux, regardent leur berceau de haut et considèrent la maison natale avec condescendance et mépris, Jean-Claude Carrière est resté des nôtres sauf qu’ici nous ne cultivons pas ce complexe de supériorité qui fait toujours tirer la couverture à soi ! On en laisse aux autres, nous... 
 
A propos, c’était pour savoir si on tuait le cochon, au village de Jean-Claude, petit garçon qui n'a plus goûté le vin bourru à partir de 1945. Mais comment passer à Colmbières sans dire que sa présence nous fait du bien ?  

crédit photos commons wikimedia : 
1.  Colombières-sur-Orb église St-Pierre auteur Fagairolles 34. 
2. Jean-Claude_Carrière_à_la_BNF Author Roman Bonnefoy
3. gravure de Flammarion ou "du pélerin" Author Heikenwaelder Hugo, Austria. 

vendredi 25 novembre 2016

LA GUERRE DU VIN / Languedoc Roussillon

http://m.france3-regions.francetvinfo.fr/…/doc-24-midi-pyre…

MACAREL ! je viens de voir une sale pub pour du whisky... je dis "sale" pour la pub attention... avec l'hypocrite interdiction pour les moins de 18 ans ! 

Si la science reconnaît internationalement les bienfaits du vin rouge, l’État veut toujours le faire passer d'abord pour de l'alcool... Les campagnes contre l'alcoolisme montrent un ballon de rouge, c'est insupportable... J'avoue avoir déchiré une affiche une fois, devant témoins ! 

On n'en a pas ou on en a des... co...nvictions ! Les nôtres s'entretiennent avec le souvenir de la Révolte des Vignerons (1907) ou cette Guerre du Vin (années 70), objet de cette émission de France3, à voir et à revoir pour comprendre un peu mieux. 

GARDAREN NOSTRO TISANO DE GABELS, MACAREL !

vendredi 21 octobre 2016

TOUR DE L’ÉTANG DE VENDRES VIII / les pampres de Bacchus nous protègent !


Voilà vingt-cinq ans, pourtant, le spectacle de deux grues m’a été offert ici ; aussi surprises que moi, elles s’étaient envolées... quelques secondes inoubliables même si je ne sais plus trop bien si elles avaient un plumet à la queue ou sur la tête, l’influence de la télé sûrement. J’ai dû le dire à Florian mais l’envie, le ton n’y étaient pas. Dommage, ces beaux oiseaux méritaient des souvenirs plus radieux, ainsi que l’endroit, d’ailleurs, en haut du pont des pâtres, connu paraît-il, pour ses fossiles. Un joli coin surtout pour ses petites vignes, en gradins avec, à l’abri des tables de calcaire, des figuiers épanouis et jadis des ruches. Laissons la vision bucolique : les patins frottent sur la jante, il faut encore régler. 

Un tracteur approche. Salutations. Il propose ses outils.
« Tout va bien, merci ! » Chapeau la solidarité, comme avant ! Sa tête me dit quelque chose ; je le connais au moins de vue ; il me semble qu’il était porte-parole d’un syndicat, peut-être des jeunes viticulteurs... 

Le pont des pâtres et « son dos bossu » qui me rappelle monsieur Puel, mon vieux prof revenu à la poésie (1). Allons, plus question de lambiner ! Faut y aller maintenant, à quinze à l’heure, nous y serons pour le souper, avant qu’à la maison on ne s’inquiète ! 

« Papa ! J’ai perdu ma pédale ! »
Une seconde, j’ai envie de m’exclamer que c’est une blague, que ce n’est pas possible ! Mais si, mais si ! En plein élan ! Pas de bobo ? Au moins ça. C’est la pédale gauche, celle qui se visse à l’envers. Revissons, on ne sait jamais... Quatre tours et par terre à nouveau et pas la bonne clé. Rien ne saurait nous arrêter, même avec une seule patte, même si je dois le pousser ! 

«... Comme il disait ces mots, Du bout de l’horizon accourt avec furie... »
Non ! pas de tempête...merci ! la journée a déjà eu son lot de péripéties et là c’est tout proche, juste derrière le fossé que le tracteur de tout à l'heure ronronne tant l’épamprage auquel il se livre le fatigue peu.
Une clé plate de quinze ? Il a. Tandis que je serre, j’avance qu’il est resté « jeune viticulteur », que je le connais. Lui, se contente de sourire, solidaire, généreux aussi de ses conseils (il pratique le VTT) mais discret. Je lui raconte nos déboires, ce qui ne l’étonne pas : des procès actuels ou récents auraient mis aux prises  la municipalité de Lespignan et le manadier envahissant sauf que la tauromachie qui est derrière a ses avocats... Nous parlons de la triste récolte qui s’annonce. Ici, grâce à la rivière, il a pu arroser et ainsi ne pas tout perdre.Trêve de curiosité. Rendons le à son tracteur et aux feuilles de vigne ! Merci l’ami pour le dépannage et pour ce moment ! Merci pour tout, providence des pampres !


Un chemin de terre permet de rejoindre les bords d’Aude. Une pensée pour les copains Claude et Jean-Pierre qui avaient des vignes ici, à l’Arénas. A présent il y aurait des arènes quelque part...
Nous rejoignons un itinéraire connu. Un rythme soutenu me laisse quand même mettre dans la balance l’oppression brutale d’un nouveau monde latifondiaire auquel nous fumes exposés, d’une part, et le coup de main solidaire du vieux monde, rebelle, de la vigne, qui nous a bien tirés d’affaire, de l’autre... 

En regrettant de n’avoir pu apprécier avec la sérénité nécessaire, depuis les collines cuites, épuisées, la vue sur l’étang tant nous étions nous-mêmes cuits et éprouvés, le jeune viticulteur me revient... Il était de ceux qui ont pris le relais des vieux « dynamiteros » des commandos d’action viticole (CAV), ceux qui, entre autres faits, avaient pris d’assaut, à Sète, un cargo qui livrait du vin chimique à la demande sans que les pouvoirs publics s’en soient pour autant inquiétés. Clandestinité et discrétion obligent... salut résistant ! 


Quelques jours plus tard, nous entendons à la télé la fameuse réplique de petit Gibus dans « La Guerre des Boutons », "Si j'aurais su, j'aurais pas venu"... J’ai aussitôt évoqué notre tour de l’étang de Vendres, sans insister : Florian est si content d’avoir battu son record, 45 kilomètres désormais, et d'être passé de deux à quatre pour le nombre de lapins vus cette fois ! 
  
(1) https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2016/07/nos-plages-avant-hommage-maurice-puel.html 

photos autorisées commons wikimedia : 
1. Grus grus, grue cendrée auteur Ibex73. 
2. Carignan Feuilles auteur Véronique Pagnier.

vendredi 14 octobre 2016

TOUR DE L’ÉTANG DE VENDRES (VII) / Upupa epops, l'apuput (1).


Et là, grosse déception, un grand portail d’alu zingué finit de fermer une clôture de barbelés : la voie est barrée sinon à droite, un sentier mais vers le centre de l’étang et vite fermé aussi, sans issue. Hésitations sur nos pas devant le grand portail, parce qu’il n’est pas cadenassé. Il s’ouvre... Est-ce parce qu’ils tolèrent le passage ? Est-ce parce qu’ils ne peuvent l’interdire ? Restons discrets, fermons derrière nous, la direction est bien tracée. Fausse joie, encore ces foutues barrières, galvanisées peut-être et rien pour conforter le promeneur dans ses possibilités. 
Le promeneur ! la race honnie, qui voudrait protéger l’espace et les petits oiseaux ! Tous les vingt mètres, les pancartes "Chasse gardée" extériorisent clairement que tout est réservé pour les riches dont cette caste de parvenus politiques du Conseil régional par exemple ! Des élus s’arrogeant des privilèges, si ce n’est pas illégal, cela ne peut se faire que dans une république de copains et de coquins. On sent bien qu’une minorité outrecuidante n’a de cesse que de faire pression jusqu’à ce que le public en vienne à rebrousser chemin, à force de douter de son bon droit ! On sent bien que deux France se font face et s’opposent... jusqu’au clash cyclique qui, pour un temps, redescendra les nantis dézingués d’un cran ! A un certain niveau, « La Propriété c’est le vol ! » (1)
J’aurais dû aller demander à la mairie ! 
Et si les vaches se pointaient ? Plutôt monter sur ce Puech Blanc. Nouvelle opération de portage vers la garrigue avec la certitude que la solution est là-haut, que l’obstacle sera contourné !
Catastrophe ! la garrigue est quadrillée de barbelés ! Avec la sécheresse et les bêtes qui ont dû tout racler avant, tout est roussi, tout est poussière entre les touffes cachectiques ! Ce n’est plus qu’une steppe inhospitalière étouffée par une aridité létale. Deux huppes volètent pourtant ! Vision surréaliste ! Nous nous étonnons de voir un si bel oiseau dans cette désolation ! Mon fils remarque que lui, au moins, a vu deux lapins... ça donne courage pour la suite. 


La suite ? Une fuite grâce à un petit azerolier dévitalisé qui griffe encore tant il nous en veut de le bousculer dans sa torpeur pour la survie. Florian montre sa roue avant qui se déballonne :
« N’enlève pas l’épine, qu’elle se dégonfle ! » 
L’épine est si grosse (d’un acacia adapté aux calcaires squelettiques ?) qu’elle me rappelle celle qui servait autrefois à curer les escargots !
Gagnons le saillant du Puech Blanc : en bas de l’escarpement, le chemin de Lespignan ! Finis les barbelés, finies les barrières ! Dans les prés, une cohorte de bouviers joue aux gardians... Une bouvine se pavanant dans une Camargue petitounette d’une basse plaine de l’Aude trop exigüe ? Est-ce plus positif que la perception que j’en ai ? 


Mon vélo aussi a crevé, de la roue arrière qui plus est. Même à l’idée qu’en poussant, il faudra trois bonnes heures pour rentrer, un papa se doit de rester zen, confiant, positif. Surtout ne pas abandonner, ne pas appeler à la rescousse : un rapatriement ravirait trop certains esprits piqueurs... Dans le raidillon, des détritus, un cadre décharné de bicyclette, de nombreux débris de verre ajoutant à notre répulsion envers une nature torturée qui nous rejette comme pour mourir tranquille.
Dérapages avec un vélo sur l’esquine. Un mieux lors du second portage. On n’est pas des dégonflés, la trousse, la pompe, c’est pas pour faire joli ! Il ne reste pas grand-chose des deux litres d’eau mais un simple humectage permet de localiser les trous. Florian veut goûter... c’est bon signe... 
Difficile ensuite d’enlever le cambouis des mains mais nous voici bien remontés, gonflés à bloc ! Tant pour la mécanique, le moral que pour le physique, c’est reparti. 
Le paysage redevient aimable tournerait-il le dos aux prés à vaches. En haut d’une combe domestiquée, le moulin de Lespignan capte les rayons apaisés d’un été déclinant. Des pièces de vignes déjà à l’ombre, monte la douceur rassurante d’une campagne choyée. Est-ce la rancœur qui pousse à contrebalancer ainsi ? 


Restent les huppes dont la seconde upupa epops, l'apuput, "apeupeut" phonétiquement en occitan, qui nous précédait de quelques coups d’ailes, se demandant si nous savions qu’elle était là pour les bouses sèches où se cachent de délicieux insectes (3).  


(1) lire "apeupeut"
(2) Proudhon déclarant que de le dire ainsi était aussi direct et vrai que de clamer que l‘esclavage est l‘assassinat ! 
(3) ces oiseaux devaient être plus nombreux du temps du crottin de cheval... 

photos autorisées : 
1. Upupa_epops flickr Author Julio Caldas from Lisboa Portugal. 
2. épine acacia pixabay. 
3. Upupa_epops Auteur Luc Viatour  www.Lucnix.be.

samedi 8 octobre 2016

UNO BESTIO INTELLIGENTO / La Cigalo Narbouneso

Chronique sur une bête intelligente, en languedocien de chez nous.
Et chez nous, dans le Fleury d’une époque que les moins de... 40 ans ne peuvent pas connaître, le chien de Lulu (Pilule2) était connu pour aller chercher le journal tous les matins et, à l’occasion, porter le papier « pour frotter cucu à Lulu ». Elle me revient malgré moi en mémoire, cette histoire... C’est qu’ils n’engendraient pas la mélancolie, les trois Pilule, les trois frères (1) qui étaient nos proches voisins, en haut de la rue Neuve, la dernière maison avant la vigne de Perrucho (les tennis et le lotissement initial des années 70), au pied des amandiers et azeroliers de Caboujolette, le coteau.


Au contentement de voir enfin apparaître une « Arlésienne », « La Cigalo Narbouneso », une revue mensuelle parue tant bien que mal entre 1911 et peut-être 1948 (LA CIGALO NARBOUNESO XXIme annado N° 235 Janviè 1947) (2) (3) (4) (5), ajoutons le plaisir de citer l’histoire qui nous rappelle tant l’ami Lulu ! Nous la trouvons, page 11 de la revue, sous le titre « UNO BESTIO INTELLIGENTO ». 

«... Soun mai intelligentos que fosso mounde, diguèt la Filomèno de Closcou, uno vièlho fillo qu’èro toujour estado pleno de devouciu pes gats.
Un jouvent mençounèt l’estariganho de Pelissou : sabets aquelo que venio chuca las mouscos sur la ma dal prisouniè ?
Lou Victor dal Gueine nous parlèt d’un gousset qu’abio a l’epoco e qu’anabo querre lou journal cado jour :
~  I balhabi un sou que prenio al cais, e al cap d’un pauc reçabio ma gazeto. Un jour me troumpèri, i balhèri uno peço falso ; la brabo bestio se metèt a jaupa, a sauteja, mès pas res a faire per la faire parti ! A forço de cerca, de lanterneja, coumprenguèri la causo. Lou brabe gousset s’èro avisat que la mièjo-soldo abio pas cours... »

Traduction proposée :
« Elles sont plus intelligentes que bien du monde (fosso = force ?), dit la Philomène de Closcou (fille de Closcou ?), une vieille fille qui avait toujours été pleine de dévotion pour les chats.
Un jeune homme mentionna l’araignée de Pélisson (6) : vous savez, celle qui venait sucer les mouches sur la main du prisonnier ?
Le Victor du Gueine (guèine = renard en Rouergue) nous parla d’un petit chien qu’il avait à l’époque et qui, chaque jour, allait chercher le journal :
~ Je lui donnais un sou qu’il prenait entre les dents et sous peu je recevais ma gazette. Un jour je me suis trompé (le passé composé est-il plus spontané que le passé simple en français ?), je lui ai donné une pièce fausse ; la brave bête se mit à aboyer, à sautiller mais pas moyen de la faire démarrer ! A force de chercher, de lanterner, je compris la cause. le brave petit chien avait remarqué que la demi-solde n’avait pas cours... »

Et si chaque variante de la langue d’Oc avait cours plutôt que de se voir dévalorisée par une norme aussi déshumanisée que jacobine et qui n’est pas sans rappeler la domination vexatoire du français sur l’occitan justement ? Reconnaissons que la lecture en languedocien, si naturelle pour un originaire de la Clape, s’avère d’autant plus agréable qu’elle ne nécessite pas de devoir ouvrir un dictionnaire à tout moment !

1. Jojo, Lulu, Gégé... les trois petits qui trônaient sur un char lors de la cavalcade de 1948 peut-être. Ai-je entendu aussi que tout le monde connaissait le grand chapeau de Jacques, le père, quand il montait à son peyral (sa carrière) ? Je crois même voir des papillons autour du chapeau mais ce doit être encore mon imagination de gamin qui revient me jouer ses tours...
2. https://culture.cr-languedocroussillon.fr/ark:/46855/OAI_FRB340325101_KI3_frb340325101_ki3_1947_0235/v0013.simple.highlight=cigalo%20narbouneso.articleAnnotation=h::b40b522b-69da-47c4-9e7a-1b6ff9dda435.selectedTab=thumbnail
3. Mon père s’était abonné en 1948 pour se faire envoyer la publication à Prague (n° 445) ! Mais entre les spasmes littéraires (arrêt de la parution ?) et les soubresauts de l’histoire (Coup de Prague février 1948), la trace de La Cigalo Narbouneso était pour nous perdue...
4. Une bonne surprise ne venant jamais seule, entre les nombreuses cigales du Midi, « La Cigalo Lengadouciano » cymbalise aussi à Béziers où parut également « Lou Camèl », vous l’auriez deviné !
5. Mystère néanmoins lorsque, pour la disparition d’André Mècle, décédé en sa maison de Coursan, le 29 janvier 2012 et inhumé à Narbonne, son lieu de naissance, le blog mentionne dans son hommage : « ... C’est ainsi qu’entre 1945 et 1970, il est un membre actif de la société félibréenne La Cigalo Narbouneso... » 
http://academiedesartsetdessciencesdecarcassonne.blogs.midilibre.com/tag/jean+fouri%C3%A9 
6. https://books.google.com/books?id=aRpcAAAAQAAJ&pg=PA325&lpg=PA325&dq=araign%C3%A9e+de+P%C3%A9lissou&source=bl&ots=3GWdEH17cJ&sig=kM3gO-b2o18rUy0Y6Cm3gmoZzcA&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjZwaTuhbnPAhUGMhoKHWpqAjkQ6AEIJzAC#v=onepage&q=araign%C3%A9e%20de%20P%C3%A9lissou&f=false


 Photos autorisées :
1. Celui qui vous parle / auteur François Dedieu / derrière, la cour, la cuisinette des trois frères, au fond, le portail donnant sur la vigne.
2. Mon pauvre cousin Jacky jouant à recevoir du courrier devant le grillage de la vigne.
3. flickr.fr

vendredi 7 octobre 2016

TOUR DE L’ÉTANG DE VENDRES (VI) / "cercaras lou caminus capo Lespignano..."

"Tu chercheras le chemin vers Lespignan..."
Si cette fois le lancement de l’article en latin s’avère problématique, rabattons-nous sur l’occitan si ressemblant, comme dans ce bon mot sur les études, sorti du lycée de Carcassonne par les bons soins d’Yves, le copain de toujours de Trausse, et que papa nous fait partager dans son livre Caboujolette : 

« Alors goujat, de qu’apprénès en latin à l’escolo?
– Tu sais, papa, ça ressemble beaucoup au français et au patois, par exemple “ventus” c’est le vent et “soliolus”, le soleil…
– Ah ! Et coumo se dis « la fourche » ?
– Fourcus.
– Et « le fumier » ?
– Fumus.
– Et le « chariot » ?
– Cariotus.
– Et lou chabal ?
– Chabalus.
– Alors, escouto, amé la fourcus mettras lou fumus sur lou cariotus, attélaras lou chabalus… et à l’escolo, i tournaras pas pus ! » (1)

La promenade, ses platanes, l’honorable Marianne, la fontaine restent derrière (2), espérons que l’eau fraîche ne nous restera pas sur l’estomac tandis que nous repartons vers le Puech Blanc et les limites ouest de l’Étang de Vendres. A la sortie du village, avec les plateaux sportifs et autres terrains d’entraînement, une rangée de robinets, de l’eau à profusion mais l’idée de vider pour cela nos bouteilles ne  nous effleure pas une seconde... Recracher ce don de la terre équivaudrait à rejeter, à trahir. La source, elle est comme ces Vendrois qui payèrent si cher leurs convictions républicaines. Et puis c’est trop facile et quelque part méprisant de prêter quelque foi que ce soit au qu’en-dira-t-on simpliste par nature (pardon pour les pléonasmes), ignorant de l’épisode des déportés pour la République, un avis lapidaire prétendant que ce village ne serait qu’un nid de communistes !
Ça m’ennuierait quand même, que le petit en soit malade. 
Castelnau, un domaine, important avec ses grands et nombreux toits de tuile rouge avec ces vieux pins autour donnant quelque chose d’un parc. D’ailleurs, il y a une chaussée dite « du Parc ». Mais la direction qui nous intéresse est celle de la source sulfureuse passant à l’écart aussi de l’autre campagne du Puech Blanc. Difficile à trouver ce chemin (3)... Pourtant, sur la carte, il y a même une étoile pour cette curiosité... Mais nous avons beau revenir sur nos pas, aller voir plus loin, l'issue est introuvable. Nous traversons une vigne plutôt que de faire un détour par la départementale trop roulante : un talus, d’autres sillons labourés nous arrêtent. Plus qu’une solution : l’étang longé par un chemin. Retour vers le domaine. Pas besoin de traduire le sens interdit certainement en limite de propriété. Au moins, par déduction, la piste à gauche est ouverte au public.


Une pinède avec un point de vue intéressant sur un puzzle de pièces d’eau et de roselières imbriquées jusque loin vers l’horizon plat où se détache le château d’eau de St-Louis des Cabanes ; sauf que la contrariété ne laisse pas le loisir d’apprécier et c'est plutôt la présence des bêtes camarguaises dans les près à droite qui préoccupe. Allons, il faut descendre la pente raide quitte à porter les vélos. Florian n’est pas tranquille. Aussi je reviens pour sa monture, volontaire, décidé, néanmoins faussement serein. Le chemin est en bas, nous n’avons plus qu’à le suivre.

(1) « Alors mon fils, qu’apprends-tu en latin à l’école …/… Ah ! Et comment ça se dit « la fourche »… /… Alors écoute, avec la fourche tu mettras le fumier sur le chariot, tu attelleras le cheval et à l’école, tu n’y retourneras plus ! »
(2) Encore merci à la mairie de Vendres qui a pris soin de rendre publiques et accessibles ses photos, contrairement à ceux qui clament que tout ce qui n’est pas donné ou partagé est perdu...
Un mot aussi pour une recherche historique, toujours sur le site de la mairie, sur les moulins et les meuniers et plus particulièrement un nommé Jean Cassan. Une Histoire mettant aux prises Vendres et Pérignan dans une époque où on ne faisait pas de vieux os ! Une quête passionnante car remarquablement abordée et menée, signée, je crois, Guy Diaz. A lire absolument !
http://www.vendres.com/Files/Media/Le_moulin/Moulin.html#p=1
(3) j’ai cru qu’un chemin existait sous l’inscription justement « Source sulfureuse »... et ce n’est qu’une limite de parcelle... 

 Photos autorisées (commons wikimedia) :
1.  Vendres étang, roselières,village / Benjamin_Sirot_CEN_L_R auteur Mairie Vendres
2. Vendres mairie auteur Fagairolles 34 .