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mercredi 13 janvier 2021

Vers le POUMAÏROL(5) La Cesse, les garrigues du Minervois héraultais / Les copains d'alors...

Ils en ont fini de déverser leur venin contre la "politicaillerie", conscients que de toute façon, ils doivent être sur liste rouge puisqu'en ces temps liberticides ce genre de fichier vient d'être officialisé, par décrets du gouvernement puis arrêt  du Conseil d’État (1) qui conforte. Et notre parlement croupion que devient-il ? Plutôt se promener pour une curiosité plus positive et sereine... 

Villespassans (34360) wikimedia commons Auteur Bastien marie-françoise

R. : oui, la traversée de Cruzy, des platanes impériaux, une traversée en majesté... J'ai eu un collègue, un marquis, un vrai, qui venait en vacances au village de sa mère, Cruzy. Le fait de me croiser rallumait toujours son enthousiasme pour notre Midi, sa lumière, son été !.. Puis cette côte à la sortie : un passage à niveau pour un train fantôme et cette terre rouge, peut-être de la bauxite qu'un chemin de fer permit d'exploiter. A gauche la montée vers Villespassans... je tire la langue mais les autres ne doivent pas être mieux... le moment de porter l'estocade... han, han, je suis dans l'échappée. Sauf qu'après, sans prévenir, le coup de barre ! Le peloton peut repasser devant, plus rien ne compte sauf ces pêchers trop tentants à portée du chemin... des pêches comme jamais, grosses comme des petits melons et juteuses, délicieuses et plus encore pour en avoir volé deux. De suite ça va mieux surtout avec les cinquante kilomètres du retour à faire. Plutôt rentrer à mon rythme. Agel ! encore un beau village ! Je ne savais rien alors des marmites et de la résurgence du Boulidou, sur le cours de la Cesse mais à Agel, la fontaine d'eau claire fut plus que bienvenue...  

S. : les pêches, l'eau fraîche... tu n'as pas été malade ? 

R. : et non, une chance. La mentalité même des "copains" d'alors plus que "d'abord" ne s'est révélée que par la suite. C'est vrai qu'à l'époque les manuels moquaient les intellectuels et non l'inverse. 

S. : c'est vrai ça ! Même les vieux, à te dire en rigolant, par exemple, si tu t'embauchais pour les vendanges ou maçon "ce n'est pas le stylo qui te fera des bastets !"

R. : Les premiers gagnaient la semaine, nous, on attendait l'argent de poche. Eux autonomes et nous commensaux. Eux fourmis, nous cigales. A eux la mobylette, à nous la bicyclette. Eux, les pieds sur terre, nous la tête en l'air. Alors ils ne se privaient pas de nous mettre en boîte, de nous jouer des tours. Et là ils se sont bien gardés de nous conseiller du ravitaillement pour alimenter l'effort d'où le coup de barre, la fringale inévitable après une quarantaine de kilomètres. Rosses et goguenards ils étaient mais cette vacherie viscérale, je ne l'ai saisie que bien après. 

S. : et ce retour ? 

R. : j'étais avec Coudo et lui n'a pas été averti non plus parce qu'il est de Vendres, pas de Fleury ! Mais on s'en foutait, à toujours rigoler ! Cette fois-là, je crois qu'on s'est même arrêtés à la copé d'Armissan pour une dégustation... leur gris-de-gris ou gris tout court était réputé... Ensuite, la côte de la Ramade et la Clape à midi, c'est quelque chose ! 

S. : Aigues-Vives déjà ! Le joli nom que voilà et pourtant, la Cesse que nous retrouvons, ne coule, comme son affluent la Cessière, que quatre mois par an. 

R. : seulement ? 

S. : les eaux se perdent. Tu as parlé du Boulidou où elles reviennent au jour, parfois les cartes officialisent aussi une perte et cela ne peut que confirmer ce qu'il en est de leurs lits de galets. 

La_Caunette_Notre_Dame église romane wikimedia commons Auteur Fagairolles 34

R. : La Caunette, toujours au bord de la rivière. On laisse la route de Saint-Pons à droite. Complètement surréaliste, cette cheminée d'usine, à l'entrée. 

S. : c'était une mine de charbon, peut-être du lignite. Il y avait un orme de Sully, abattu il n'y a pas si longtemps, il en reste une sculpture et si tu veux voir un orme remarquable vieux de quatre-cents ans, il te faut aller à Villesèquelande... il est sous perfusion contre le champignon mortel transmis par un insecte, encore un cadeau de la mondialisation... 

R. : il y en avait un à Fleury, magnifique... au-dessus du chemin de la Rouquette, qui rejoint la rue des Barris au niveau de la bergerie de Roca... tu vois ? Je ne sais pas dans quelles circonstances il a été supprimé, peut-être atteint par cette graphiose... même les vignes autour, c'est de l'histoire ancienne... Dire que j'y ai vendangé même qu'à la fin du premier jour, les bras de la brouette m'échappaient des mains. A côté, réceptionnant les comportes de sa colle, le père de la Moustelle l'avait gentiment remarqué : "Sios pas encaouro encaretit"... C'est beau comme l'occitan nous parle en images ! En français ça devient laborieux d'expliquer que je n'étais pas encore accoutumé à la charge ! C'est comme pour les bras de la brouette, de la charrette, ils disent "brancards". Ho là ! c'est que je ne transbahutais pas une civière, seulement des semals, des comportes de raisins ! Et je ne te parle pas des coustals ! Va traduire toi !  

Villesèquelande L'orme de Sully wikimedia commons Author René Hourdry

 

dimanche 17 septembre 2017

« PENDANT QUE J.F. COMPOSE... » / Lyon, la Croix-Rousse, l'École Normale

Dans l’été finissant, des vélos remontent la rive droite de la Saône, une étape qui devrait les mener vers Mâcon ou Pont-de-Vaux, moins loin sûrement s’ils font un crochet par la Croix-Rousse. Or l’un d’eux, le plus âgé, y tient particulièrement à cet itinéraire. 





Il le vit comme un retour aux sources et s’il n’a pas grandi avec les gones, les canuts, les traboules, il reste attaché à cette ville. Ils ont marqué une pause en bas du quartier Saint-Jean, manière d’évoquer les montées, les petites rues tortueuses du quartier où Bernard gardait la porte ouverte pour les copains de promo. Jovial, notre homme, costumé de velours, avait aux pommettes des reflets de Côte-rôtie et ses rires apportaient du soleil même sous la grisaille. C’est vrai qu’on était en janvier, « Avec le temps » passait à longueur de journée mais à vingt ans, l’on ne se sent pas plus "blanchi comme un cheval fourbu" que "floué par les années perdues" ! Ferré me fourrait le cafard... 

La passerelle les fera passer rive gauche. Ensuite, depuis la Montée de la Butte, la vue devrait donner de l’autre côté, sur la colline de Fourvière d’où ils descendaient à ski, sur la piste synthétique de la Sarra ! toute une histoire cette piste en pleine ville et cinquante ans en arrière ! Faudra la raconter un jour...  

La montée rejoint un boulevard... c’est par là qu’ils descendaient, les samedis et dimanches en tant que commensaux d’un lycée technique historique, dans la continuité de l’école de tissage liée directement à la soie. 


Saint-Jean, la passerelle, la Sarra, les métiers des canuts, sont pour lui une approche aussi sentimentale qu’agréable avant de déboucher sur le plateau. Le quatrième arrondissement, la Croix-Rousse et à gauche, à un moment, un vaste espace aéré, le fameux clos Jouve des origines de la boule lyonnaise ! Derrière, autre symbole de l’école de la République pour tous, la grande et belle maison des apprentis instituteurs ! Ah l'EN ! l’École normale, rue Anselme ! Elle paraît guindée, classique avec ses angles droits, ses grilles, sa cour d’honneur, à la française sinon grand-siècle puisque le XIXème vaut bien celui du grand roi ! 




Mais ce n’est qu’une apparence, elle n’est que sourire et demeure à jamais sous le ciel pur et bleu des souvenirs avec ses tuiles qui annoncent déjà le sud. Il aimerait retrouver les noms des professeurs, des copains mais ils sont trop nombreux à lui échapper. Le philosophe qui dit, concernant les êtres, que tout ce qui appartient au passé appartient à la mort aurait raison sauf qu’on a envie d’objecter qu'en s'aidant d' un journal avec le détail de nos jours, le passé resterait bien vivant. Mais il ne va pas embêter les jeunes avec ses pensées loufoques. Plutôt continuer à remonter avec eux le boulevard pour sentir l’atmosphère de la Croix-Rousse, l’esprit de révolte contre l’injustice qui vit tous ces soulèvements de canuts. Oui, l’esprit de la Commune, cette détermination à mourir pour vivre dignement ne sont pas l’exclusivité de Paris. L'expression de Jules Michelet : « L’opposition des deux montagnes, de la montagne mystique et de celle du travail...» dit bien l’antagonisme qui perdure entre les quelques trop riches et les autres. 


Remontée vers la place centrale. Il craint de ne plus percevoir cet air de village, cet accent, le charmant tableau de la place à l’ombre des platanes, les bistrots, le marché, autant de senteurs, d’effluves s’ouvrant au voyageur, autant d’impressions qui s’offrirent, en 1971, l’année du concours à l’École normale... 



Au bout du boulevard de la Croix-Rousse, le Gros Caillou apporté par un glacier et finalement déplacé, à trente mètres près, dans le Ier arrondissement, au grand dam des Croix-Roussiens. De là-haut, la vue domine le Rhône et l’écrin vert du Parc de la Tête d’Or au nord tandis qu’au loin, par temps clair, se dessinent l’arête du Bugey et la ligne brisée des Alpes enneigées ! 


Allons, revenons sur nos coups de pédales. Un dernier regard sur ce qui reste à jamais la maison des instituteurs, s’appellerait-elle IUFM ou ESPE (1). La Montée des Esses dans le sens où ça va tout seul. La Saône à nouveau, le pont Masaryk du nom du président d’un pays alors nouveau la Tchécoslovaquie... C’est là-bas que nous allons, 1200 kilomètres environ, encore dix jours de balade...

Lyon-Mâcon, la cinquième étape d’un voyage à vélo à faire avec mes fils. Deux sont partants... reste à en parler au troisième. N’allez pas penser que j’invente, que je mens. Et si je rêve de nous voir pédaler en file indienne, je suis sûr que le jour «J» nous monterons à la Croix-Rousse. Même que nous y retrouverons leur papi aussi, mon père qui a tant contribué pour que la Croix-Rousse me prenne dans ses bras. Il m’y a amené avec la 504, il a trouvé l’hôtel. Je dois à mon supporter numéro un d'avoir été là, bien qu’en retrait, pour une sérénité, une confiance si nécessaires à l’instant de faire ses preuves. Le plateau, la Saône, Fourvière : il a marché et visité. Il en reste ses diapos intitulées « Pendant que JF compose », un énoncé forçant ma réserve et qui a déclenché mon papier d’aujourd’hui, serait-il encore virtuel. 
Rêver c’est vivre plus intensément... Tâchons de garder nos rêves, beaucoup beaucoup de rêves, en réserve, à condition d’avoir toujours à en réveiller un au moment «T» ! Ils portent trop bien la vie pour rester en sommeil !   

(1) Institut Universitaire de Formation des Maîtres (IUFM), Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education (ESPE).   

Crédit photos : 1, 2, la Saône François Dedieu 1971. 6 & 7 Ecole normale françois Dedieu 1971. 
3. Lyon Croix-Rousse Rhône Author Xavier Caré Wikimedia Commons CC-BY-SA. 
4. Lyon vue depuis Fourvière1917 Source BnF Gallica 
5. École de Tissage, Lyon, 43 Cours du Général-Giraud 69001-0707 Author Dashiell 
8. Lyon Place Croix Rousse Author Olivier Aumage permission CC-BY-SA-2.0-fr
9. Lyon Gros Caillou entre 1901 et 1902 Author E. de Rolland & D. Clouzet BnF domaine Public
10. Lyon Gros Caillou Author Frachet
11. Lyon Pont Masaryk avant qu'il ne devienne passerelle pour transit doux (piétons, vélos) Author Maarten Sepp

vendredi 14 octobre 2016

TOUR DE L’ÉTANG DE VENDRES (VII) / Upupa epops, l'apuput (1).


Et là, grosse déception, un grand portail d’alu zingué finit de fermer une clôture de barbelés : la voie est barrée sinon à droite, un sentier mais vers le centre de l’étang et vite fermé aussi, sans issue. Hésitations sur nos pas devant le grand portail, parce qu’il n’est pas cadenassé. Il s’ouvre... Est-ce parce qu’ils tolèrent le passage ? Est-ce parce qu’ils ne peuvent l’interdire ? Restons discrets, fermons derrière nous, la direction est bien tracée. Fausse joie, encore ces foutues barrières, galvanisées peut-être et rien pour conforter le promeneur dans ses possibilités. 
Le promeneur ! la race honnie, qui voudrait protéger l’espace et les petits oiseaux ! Tous les vingt mètres, les pancartes "Chasse gardée" extériorisent clairement que tout est réservé pour les riches dont cette caste de parvenus politiques du Conseil régional par exemple ! Des élus s’arrogeant des privilèges, si ce n’est pas illégal, cela ne peut se faire que dans une république de copains et de coquins. On sent bien qu’une minorité outrecuidante n’a de cesse que de faire pression jusqu’à ce que le public en vienne à rebrousser chemin, à force de douter de son bon droit ! On sent bien que deux France se font face et s’opposent... jusqu’au clash cyclique qui, pour un temps, redescendra les nantis dézingués d’un cran ! A un certain niveau, « La Propriété c’est le vol ! » (1)
J’aurais dû aller demander à la mairie ! 
Et si les vaches se pointaient ? Plutôt monter sur ce Puech Blanc. Nouvelle opération de portage vers la garrigue avec la certitude que la solution est là-haut, que l’obstacle sera contourné !
Catastrophe ! la garrigue est quadrillée de barbelés ! Avec la sécheresse et les bêtes qui ont dû tout racler avant, tout est roussi, tout est poussière entre les touffes cachectiques ! Ce n’est plus qu’une steppe inhospitalière étouffée par une aridité létale. Deux huppes volètent pourtant ! Vision surréaliste ! Nous nous étonnons de voir un si bel oiseau dans cette désolation ! Mon fils remarque que lui, au moins, a vu deux lapins... ça donne courage pour la suite. 


La suite ? Une fuite grâce à un petit azerolier dévitalisé qui griffe encore tant il nous en veut de le bousculer dans sa torpeur pour la survie. Florian montre sa roue avant qui se déballonne :
« N’enlève pas l’épine, qu’elle se dégonfle ! » 
L’épine est si grosse (d’un acacia adapté aux calcaires squelettiques ?) qu’elle me rappelle celle qui servait autrefois à curer les escargots !
Gagnons le saillant du Puech Blanc : en bas de l’escarpement, le chemin de Lespignan ! Finis les barbelés, finies les barrières ! Dans les prés, une cohorte de bouviers joue aux gardians... Une bouvine se pavanant dans une Camargue petitounette d’une basse plaine de l’Aude trop exigüe ? Est-ce plus positif que la perception que j’en ai ? 


Mon vélo aussi a crevé, de la roue arrière qui plus est. Même à l’idée qu’en poussant, il faudra trois bonnes heures pour rentrer, un papa se doit de rester zen, confiant, positif. Surtout ne pas abandonner, ne pas appeler à la rescousse : un rapatriement ravirait trop certains esprits piqueurs... Dans le raidillon, des détritus, un cadre décharné de bicyclette, de nombreux débris de verre ajoutant à notre répulsion envers une nature torturée qui nous rejette comme pour mourir tranquille.
Dérapages avec un vélo sur l’esquine. Un mieux lors du second portage. On n’est pas des dégonflés, la trousse, la pompe, c’est pas pour faire joli ! Il ne reste pas grand-chose des deux litres d’eau mais un simple humectage permet de localiser les trous. Florian veut goûter... c’est bon signe... 
Difficile ensuite d’enlever le cambouis des mains mais nous voici bien remontés, gonflés à bloc ! Tant pour la mécanique, le moral que pour le physique, c’est reparti. 
Le paysage redevient aimable tournerait-il le dos aux prés à vaches. En haut d’une combe domestiquée, le moulin de Lespignan capte les rayons apaisés d’un été déclinant. Des pièces de vignes déjà à l’ombre, monte la douceur rassurante d’une campagne choyée. Est-ce la rancœur qui pousse à contrebalancer ainsi ? 


Restent les huppes dont la seconde upupa epops, l'apuput, "apeupeut" phonétiquement en occitan, qui nous précédait de quelques coups d’ailes, se demandant si nous savions qu’elle était là pour les bouses sèches où se cachent de délicieux insectes (3).  


(1) lire "apeupeut"
(2) Proudhon déclarant que de le dire ainsi était aussi direct et vrai que de clamer que l‘esclavage est l‘assassinat ! 
(3) ces oiseaux devaient être plus nombreux du temps du crottin de cheval... 

photos autorisées : 
1. Upupa_epops flickr Author Julio Caldas from Lisboa Portugal. 
2. épine acacia pixabay. 
3. Upupa_epops Auteur Luc Viatour  www.Lucnix.be.