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samedi 19 décembre 2020

LE POUMAÏROL, un pays perdu (1)/ CES VIEUX SCHNOKS ERRANTS, QU'ON LES CONFINE, QU'ON LES VACCINE, QU'ON LES INOCULE !


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Serge et Roger, deux copains d'avant, du même village, désormais septuagénaires, se sont retrouvés dans une vieille complicité d'autant plus partagée que tous deux, outre les affres du temps, subirent jadis celles du divorce. 

Serge : " Mais si je te dis, il faut y aller ! Un pays perdu, dans les hauts, le plateau du Poumaïrol, tu peux chercher, rien sur la toile, juste une chronique complètement imprévisible sur les filles de là-bas ! C'est pour nous ! Tu sais, ça me fait penser à un film avec Michaël Caine mercenaire, il défendait une vallée perdue avec des gens encore en dehors d'une guerre terrible, celle de Trente Ans je crois... 

Roger : Michaël Caine ? il est mort non ? 

- Non je ne crois pas, c'est Sean Connery qui est mort, ils jouaient ensemble dans l'Homme qui Voulait être Roi, enfin quelque chose comme ça... Il est chouette cet acteur anglais, il jouait dernièrement sur Arte, un film sur la guerre froide, à Berlin... C'est fou, ces vieux films, j'aime tellement que j'ai du mal à me laisser embarquer dans les récents... 

- Je crois bien être comme toi : Arte, ils ont passé les Sept Mercenaires, Mon Nom est Personne et qu'est-ce que tu veux, j'adore, ces gros plans de grandes gueules ! Entre parenthèses ils ont programmé aussi les Grandes Gueules avec Bourvil et Ventura ! Je ne sais pas si c'est passé au cinéma Balayé. Tu te souviens, l'ambiance quand les Francis, Farinau, Arnaud et Kaiser, et ceux que j'ai oubliés (après tout ils n'ont qu'à nous faire coucou !), tapaient des pieds au fond de la salle chaque fois que ça dézinguait, avec le vieux Balayé qui les houspillait pour la forme. Alors ça riait, ça ricanait avant de chahuter de nouveau ! Qu'est-ce que tu veux, j'en ai encore les larmes aux yeux même si ce n'est plus de rire... C'était quelque chose, l'ambiance, en plus de celle du film... 

- Au moins on profitait du spectacle, encore gamins, sur les bancs devant, encadrés par madame à la caisse, et la mamé Calavéra pour les cacahuètes sans oublier le bambou de Balayé ! 

- "Fafa", "Patanet"... et les autres ? C'est malheureux la mémoire, même les surnoms m'échappent... 

- Et pardi, ça se travaille... 

- Et dire qu'Henri le mécanicien en a dressé une belle liste, remontant loin dans le temps mais aussi de ceux de nos âges... 

- Comme quoi ? 

Roger : A froid comme ça, je ne sais pas, tiens comme "Mazo" ou "Chuello", les pauvres, ça me fait quelque chose de penser à eux... J'aimerais avoir des nouvelles de "Lapanne" ... 

- C'est vrai qu'il s'en est sorti d'une... Tiens, j'ai croisé "Caïus" pendant le confinement...  

Roger : Tu as raison ! parlons des vivants, il vaut mieux et puis il faut les apprécier tant qu'ils sont là plutôt que les regretter une fois morts ! Comment il est Caïus ?

- Bien, pas un poil sur le caillou mais la ligne et toujours le même sourire malgré le confinement... Il faut vivre macarel ! Démarre ton engin, on y va, je te dis ! Ça va être chouette ! 

- Minute papillon ! Qu'est-ce que tu crois ? Tes filles du Poumérol, c'est pas les filles de Pomérol quand une loi méchamment assimilationniste obligeait à franciser même le nom de nos immigrés d'Espagne ? La famille Palmérola... Sinon ton Pomérol dans la Montagne-Noire, ça s'est perdu dans les brumes d'une France de paysans... C'est une vieille histoire ! Et puis il est loin ton coin ?

-  Si je te dis qu'on y va, c'est que ce n'est pas loin, dans le Tarn, aux limites de l'Aude et de l'Hérault ! Les vieilles histoires et les graillous, ça nous connait, même à deux... Alors... Et puis pas moyen cette année d'aller faire une sortie en Espagne, virus oblige !

Roger : Tu as prévu pour l'intendance...

- Écoute, j'ai une bonne barquette de cassoulet mais pas que de mounjetos, cuit avec les couennes, la saucisse, enfin, ce qu'il faut, pas encore congelé... Et du congelo, un bourguignon, ça te dit ? Et on achète en chemin, le pain en priorité et ce qui nous fait envie, des huîtres s'ils en ont, sinon des moules, on verra bien !  

- Hééé ! où tu vas si vite ! Le couvre-feu, tu y as pensé ? 

Serge : Quoi ? On a le droit de circuler non ? et à partir de vingt heures on bouge plus... de toute façon tu sais bien qu'à cette heure-là, ça fait plus d'une heure qu'on est à l'apéro... 

- Pétard t'es pire que les Chevaliers du Fiel ! 

- Tu crois que c'est du vrai jaune qu'ils picolent pur, sans eau ? 

- Et non heureusement, c'est ce genre de sketch qui demande l'exagération... A tous les coups, c'est de l'antésite... Si je te suis, sobres à midi et relâche le soir comme pour toutes nos virées... 

Serge : Oui, oui ! Aïe qu'elles sont jolies les filles du Poumaïrol ! 

- Holà ! plutôt que de dire que ce n'est plus de nos âges, disons qu'il n'est pas interdit de rêver, que nous trinquerons à leur santé, de loin ! Et attention aux 135 euros chacun, ça ferait cher la sortie ! Ils mettent 100.000 flics et gendarmes pour contrôler la nuit !

- Mais non, attends je te dis, la nuit on trouve un chemin forestier, ça nous connait... à l'aventure, en toute discrétion, toujours ! on a même le droit de sortir la table et le fauteuil à côté ! Alors tant que la santé le permet, si elle ne permet pas autre chose, un bon moment à passer, comme d'habitude, et puis de parler d'un temps qui ne reviendra pas ne peut pas faire de mal... 

- La table ? en décembre ? la nuit ? n'y compte pas... Sinon, impossible d'être et d'avoir été...

Serge : On peut plus... on peut plus... on peut ce qu'on peut et l'occasion fait le larron non ? méfi de l'eau qui dort... et des chercheurs de champignons !

Roger : Ce n'est pas l'eau qui nous fait dormir, plutôt ce qu'on picole surtout que pour parler des filles, on est bons... 

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- Qu'est-ce qu'on ne ferait pas avec la langue... Heureusement qu'on crapahute en balade et pour les champignons !

- Hé ! ça émoustille cette vie rustique même si à force le verre n'est plein qu'au huitième, quitte à compenser avec les coups en trop. La nostalgie nous fait boire. Au moins, ça nous ouvre l'appétit, puis, le ventre plein, on pète, on rote, on ronfle chacun dans sa bauge de sanglier solitaire ! 

Serge : Oui mais qu'est-ce qu'on ronfle ! Et si ce n'était que l'envie de festoyer, ne dis pas que cela ne nous garde pas en forme ! Et tu sais bien qu'il n'y a qu'une possibilité de ne pas mourir... 

- Et oui, c'est vieillir mais alors en vieux-jeunes ! La preuve, pour les filles du Poumérol ? Ount as trapat aco ? Où tu les as trouvées ?

Serge : Figure-toi que j'ai lu un post, écrit par "Djèou", sur Fleury et le coin... Tu le connais "le Djèou" ? c'est un petit canaillou celui-là, enfin un vieux canaillou comme nous, il annonce qu'il va écrire sur les raisins et les châtaignes, et l'air de ne pas y toucher... trois points de suspension après, il ajoute en sous-titre "les filles du Poumaïrol"... 

Roger : Et il est allé voir ? 

- Non, il l'a lu, il en parle, des Mountagnoles descendues pour les vendanges, les olives, les sarments... un mode de vie perdu, d'avant la guerre de 14...  qui a rejoint ces histoires de gentilles bergères... sauf que là, en groupe, elles n'hésitent pas à provoquer... des allumeuses...

- Et bien sûr, ce sang neuf dans les villages de la plaine laisse des traces. 

- Comme tu dis enfin, surtout qu'en groupe, elles n'ont pas froid aux yeux... Et même rien que d'être présentes, tu te souviens, les petites Espagnoles pourtant si réservées, elles en ont fait gamberger plus d'un à l'âge où ça fouette le sang...

- Je sais, près de soixante ans plus tard, on s'est dit bonjour avec une qui vendangeait chez Lamur. 

Serge : Et alors ? 

- Et alors rien, c'est comme la mayonnaise, si tu ne remues pas assez, elle ne monte pas ? Nous avions juste à nous dire que nous étions de la même colle, une certaine année et plus rien, juste un constat qui ne remue plus rien... 

- Pourtant, jusqu'où ne serait-on pas allés pour une fille, même à vélo... 

Roger : M'en parle pas, deux fois j'ai fait plus de cinquante kilomètres pour me prendre une claque d'avoir mis la main où il ne fallait pas... de bons souvenirs !

Serge : de bons souvenirs ??? 

- Bien sûr, j'étais jeune, je pédalais bien, en sifflant et en chantant même... "Jamais de la vie on ne l'oubliera..." ... la première fille qui nous claqua dans les bras... 

- Mais puisque tu dis que c'est de l'histoire ancienne...

- Sans l'ancien, pas de nouveau ! Mourons pour des idées, "d'accord, mais de mort lente", tiens, encore comme Georges, un de plus mort à soixante ans, tu te rends compte... Et cette grognasse de Lagarde qui ose dire que les vieux sont un problème ! 

Serge : C'est elle le problème oui, la tanèque qui pompe du fric parce que la retraite ne lui suffirait pas ! 

Roger : Brrrrrr.... Pour des idées de filles alors... je préfère le Brassens qui nous fait les portraits de Marinette, d'Hélène, de Margot, de Flora des neiges d'antan... 

- Et doña Sabine " Chantez, dansez, villageois, la nuit tombe...". On la chantera, tu vas voir. Et quand on sortira pisser, par-dessus les hêtres, les sapins et le brouillard, on les entendra faire la fête, les villageois du Poumaïrol... et lorsqu'ils nous verront, quelle hospitalité pour des voyageurs attardés comme nous... ils nous recevront à bras ouverts !

Roger : C'est ça, ils vont te donner leurs filles comme dans la Guerre du Feu, la peuplade qui veut éviter la consanguinité ! Méfie-toi qu'ils ne te brûlent pas comme Martin Guerre ! En attendant, regarde bien la météo qu'il a neigé il y a peu, je ne sais pas si le chauffage marche et la route glisserait trop pour mon engin...qu'on ne soit pas récupérés par les secouristes...

- Ils nous en voudront pas ! Nous leur chanterons : "Le vent qui vient à travers la montagne" nous a rendus fous... 

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vendredi 28 juin 2019

LA DERNIERE CLASSE (fin) / Après Marti et La Sauze, Chico sur les touristes.


« … Peaux-rouges, bougnouls du midi… » contre les gens qui parlent occitan. Je suis pour apporter la langue française, pour qu’on parle l’anglais couramment, mais je suis pour qu’on n’emmerde pas les occitans et qu’on leur donne les moyens de parler leur langue […] le déclin des langues est lié à la volonté de l’Etat ! […] Le Midi désindustrialisé, l’agriculture mécanisée ont amené les sudistes à monter à Paris : on les a appelés les bougnats, surtout serveurs et qui se tachaient parfois « as fait una bougnetta » (tu t’es taché). A partir de 1962 arriveron lous pieds-noirs et los harkis, aqui vengueron lous bognols. Du bohémien « Boemian » au bougnat, on est passés au « bognol » (… arrivèrent les Pieds-noirs et les harkis, de là les bougnouls).

[…] Après Marti, La Sauze. A la première festejada en 1989, on avait pris La Sauze. On était 400 personnes au ramonétage. Il a fait les beaux jours du restaurant de Barbier « Lou cabanaire ». Un peu provocateur il chantait ce qu’il ne chante plus « Torista, torista, daissa ta femna, ton argent, E tu vai te’n » (touriste, lisse ta femme et ton argent et toi va-t-en). Et les touristes d’applaudir. […] 



« Onte campavi ièr, Uèi i a un buldozèr » (là où je campais aujourd’hui il ya un bulldozer). C’était en hommage à Chalandon. Chalandon, ministre de l’environnement avait défini une nouvelle délimitation du domaine public maritime jusque là limité par les lais et relais de la mer. Le jeu consistait à l’arrêter. Chalandon a décidé que ce serait une bande de 60 mètres par rapport au niveau moyen des eaux. Suite aux protestations la limite est passée à 100 mètres. Les promoteurs ont endigué et ont bâti.

« … E ieu, paure Occitan, Lo pauc que me demora Es lo magre eslogan : « Dorifor(e) defora! »
(Et moi pauvre Occitan, le peu qui me reste est ce maigre slogan (Doriphore dehors ! »)



Le dernier texte est sur les Dromadaires de Gruissan. Or ils tiennent encore, c’est un peu comme quand on a construit les résidences de Saint-Pierre, les gens ont dit dins vingt ans tot aco se va ruina (dans vingt ans, ça va être en ruine)
[…] Il y avait l’entreprise de Vilmain, il jouait le rôle de l’ANPE. Los que pudion anar a l’escolo et los autris a la vigno ou a la maçonnarie. Lou paire arrivavo :
« Lou drole a quatorze ans, n’en farei pas un ministro, me lo prendrios pas, apprendrio lo mestier… (Mon garçon a quatorze ans, je n’en ferai pas un ministre, tu me le prendrais pas comme manœuvre ?)
- Es valent, (il est vaillant) dit Wilmain
- Oh per esse valent, l’es, aprei un pou cabourt mè valent o ! (Pour être vaillant, après un peu foufou mais vaillant oui).
- I diras que vengue me veire dema. Lou drole arrivavo. (Dis-lui de venir et le garçon arrivait)
- Voles faire lou maço ? […] Per faire maço te cal saupre las mathematicos (Tu veux être maçon, il faut savoir les mathématiques).
- Ero pas la causo qu’aimavi lo mai… (ce n’était pas ma matière préférée)
- Saves comptar au mens ? Compta per veire ! (tu sais compter au moins ? Compte pour voir !).
- Un, dos… (Un, deux…)
- Ba pla, arresto, dema dos palos de sable et uno de gravier, commences lo mestier ! (ça va, arrête, demain deux pelles de sable et une de gravier, tu commences).  
   Bastigueron ame de gaffets.

[…] “Lo dromadari al país, (les dromadaires au pays)
Plan car lo vos caldria pagar. (faudrait bien vous les faire payer)
Crompatz un ase a Paris (Achetez un âne à Paris)
E nos fagatz pas pus cagar.” (et ne venez plus nous faire caguer)

Lo temps uèi es fadorla (le temps est fou, fadorla diminutif de fada).
Fa un vent a desbanar lous bious. Es pas una conariè. Lous bious los castron per los faire travaillar sinon penson a las vacas. (Il fait un vent à écorner les bœufs. Ce n’est pas une bêtise. Les bœufs on les castre pour les faire travailler sinon ils ne pensent qu’aux vaches). Quand son castrats de cops gardon de reflexos d’avant, baillon de cops de banas (Quand ils sont châtrés, ils gardent des réflexes d’avant et donnent des coups de cornes). I coupon tabe las banas e calio causir un jorn ame un vent fort per que se cicatrise mai vite (on leur coupe les cornes et il fallait choisir un jour de grand vent pour une cicatrisation plus rapide).

Le tourisme est quand même la seconde ressource de la commune. Ces chansons vous ne les entendrez plus sur les plages, heureusement. Néanmoins ce sont beaucoup d’emplois précaires et faire l’année avec ce qu’on a gagné pendant deux mois c’est très compliqué. On a le sens du partage, du vivre ensemble mais plutôt que le tourisme de masse il faut espérer que se développera un tourisme plus intelligent sur les ailes de saison de mars à juin puis jusqu’à Toussaint, dans un premier temps et après toute l’année, un tourisme plus respectueux, plus facile à gérer (embouteillages, pas de place pour se garer). On y a échappé quand même « una padenada de tenilhas ame d’al, de jauvert, de sauço blanco, una cassola de cagaraulos (1) ame d’oli e de vinagre, valon toutis los restaurants haut de gamme. Anar partajar lo repas e si voletz redoblar podetz tornar l’an que vèn ! (Une belle poêle de tellines avec de l’ail, du persil, une sauce blanche, une cassole de petits escargots avec de l’huile et du vinaigre valent tous les restos haut de gamme. On va partager le repas et si vous souhaitez redoubler, revenez l’an prochain !). 



(1) Cagaraulos, cagarauletos (Theba Pisana), ces petits escargots en grappes sur les tiges de fenouil ou les piquets de fer. Cuits au court-bouillon ils se décoquillent (j’espère que ça se dise) avec une épingle à nourrice. Quand il y en a une belle « brochette », comme pour l’artichaut, trempez dans l’huile vinaigrée et assaisonnée… Attention qu’à une certaine période ils sont réputés faire la pierre… (Jèu).

Note : Vilmain Rouquette, le maçon respectueux des mathématiques, qui a aussi aimé les jeunes en lançant le judo à Fleury (avant 1960) était surnommé "Cagarau", comme son père, sauf erreur de ma part (Jèu).   

à écouter : 
https://www.youtube.com/watch?v=d1hsUUz_DkQ 
et pour l'émotion :
https://www.youtube.com/watch?v=hXC-GOwKuS4


vendredi 6 janvier 2017

TITIN DE TOUS LES REFRAINS ! / De l'importance des surnoms !

André, c’est ce petit garçon assis en tailleur sur une table du casino disparu de Saint-Pierre-la-Mer (1). En short, il porte un marcel tricolore. Juste à côté, sur des chaises bistrot pliantes dans une version tube, plus solides apparemment que celles, plus classiques, en fer plat, ses parents, des couples proches, des amis, une bonne quinzaine de personnes, une joyeuse assemblée qui boit de la limonade et de la bière. Peut-être panachent-ils ? On distingue le col blanc dans les verres à pied ; on reconnaît les bouchons à levier en céramique avec le joint de caoutchouc. Sur la photo ne manquent que la couleur, les rires, les éclats de voix, et pourquoi pas quelques airs à la mode avec, de temps à autre, le pschitt d’une bouteille se mêlant à la conversation, accompagné de ce tintement caractéristique de la céramique sur le verre, en préambule au plaisir.
 

Des chaussures en toile, des bretelles, des pantalons larges, un béret,
Une cravate, un chapeau de paille, des robes tabliers, un ceinturon
Des manches courtes, des moustaches, des serre-têtes, des chignons...
Un inventaire moins inspiré que celui de Boris Vian dans sa Complainte du Progrès même si j’ai essayé d’en respecter la mélodie. Pardon, pardon de changer d’époque sans raison : la scène à la terrasse du casino est de 1938 et non de 1954. Il flotte une atmosphère de congés payés, de cette douce insouciance refusant de voir les signes annonciateurs d’une Europe au bord du suicide.
C’est la vogue des opérettes marseillaises synonymes de douceur de vivre au soleil du Midi. Ça chante le cabanon, le pastis, la pétanque, les pescadous, la bouillabaisse, la Canebière et le pays qui manque quand on monte à Paris. Ainsi Vincent Scotto qui a mis le Midi en musique, évoque-t-il la nostalgie des pins, des cigales dans sa Venise Provençale, Martigues, la ville entre l’étang de Berre et le golfe de Fos (sans les pétroliers en rade ?). Dans ses personnages figure aussi Titin des Martigues, joué par Henri Alibert...       

Sûr que « Le Tango Merveilleux » et « Ma Chiquita » devaient passer souvent à la T.S.F. car, à cause de cette opérette (filmée aussi en 1938), le petit garçon qui joue ou gesticule avec un objet allongé, une boîte ou un éventail emprunté aux femmes qui le couvent, sur une table du casino fut surnommé Titin.
Pas plus tard qu’hier, André, maintenant octogénaire, m’a repris quand j’ai dit «Tintin » (2) tout en avouant ne rien savoir sur l’origine de son surnom. C’est son aîné et complice d’alors, mon père, maintenant nonagénaire, au premier plan avec le béret et les chaussures de toile, qui a levé le voile en trois mots seulement : « Titin des Martigues » !

(1) Outre l’édification des blockhaus, l’immersion de chevaux de frise, le creusement de canaux antichars,  les champs de mines, la destruction du casino et des villas d’avant-guerre caractérisait le dispositif de défense allemand contre un éventuel débarquement allié (guerre 39 - 45).
Encore une chanson où seul le mouvement de la mer est en contradiction :
«... Tu cherches des morceaux d'hier pépère
Dans des gravats d'avant guerre
L'Casino c'est qu'un tas d'pierres.../
... La mer est déjà repartie
Le vieux casino démoli, c'est fini
Pépère t'aurais pas comme une vieille nostalgie...» A. Souchon.
 Y'a de la rumba dans l'air, Titin... ça change du lac des cygnes... je sais et puis, ton smoking à toi n’est pas de travers, comme chez Souchon...
(2) en grand ordonnateur mais non sans logique, s’agissant du prénom Augustin (sauf erreur de ma part), le hasard a attribué ce même surnom "Titin" au boulanger dont la maison se trouve dans ce même quartier (la rue Neuve, juste au-dessus de la rue des Barris d’André). D’où ma méprise...  

En complément :
1. à écouter https://wn.com/titin_des_martigues_1937
2 & 3. à consulter http://www.imdb.com/title/tt0194452/combined
https://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3%A9rette_marseillaise

A papa qui se bat contre un avc avec toute sa tête, à André l’ami lointain toujours présent.
 
Photo de famille : la terrasse du premier étage (accès par un escalier monumental)... merci à qui voudra bien envoyer une photo du casino, assez monumental pour une station balnéaire plus fournie en campement disparates sur la plage qu'en hôtels et villas en dur...