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jeudi 19 septembre 2019

SEPTEMBRE 1939 : LES COMPORTES DE LA GUERRE / les vendanges à Fleury.

Mardi 19 septembre. Joie (fin), la Barque Vieille (alicante et autre cépage). Très beau temps. Nous changeons de vigne à neuf heures, de Joie à la Barque Vieille, après avoir fait 22 comportes. 
Le soir arrivent Madame Sanchon, Germaine sa sœur et Dédé son fils. 

Prieuré_de_Salagon,_comporte Auteur Véronique Pagnier.

Comportes remplies : cinquante-huit, dont vingt-deux de Joie (6°8) et 36 de la Barque, parmi lesquelles 12 de vin pesant 10 degrés et 24 de vin pesant 9°6.

Voyages effectués : 5, dont 2 du matin : 1 de Norbert, 13 comportes et 1 de papa, 12 comportes. Et 3 du soir : 2 de papa, 12 et 11 comportes, 1 de Norbert, 13 comportes.

Raisin mûr à la Barque ; quelques belles souches. Les deux rangées de droite (la vigne ne comporte que six rangées très longues, s’étendant du chemin bas jusqu’au chemin qui longe la rivière, et, au-delà de ce dernier, jusqu’au bord d’Aude) sont très belles. Je viens à Fleury au premier voyage du soir, pour « accrocher ».

Comportes rentrées en cuve : 113. 


« Accrocher » : pour rentrer la récolte il faut monter les comportes sur le palier par une trappe ménagée dans le plancher. L’opération nécessite deux personnes : en bas celui qui, sur le chariot, accroche les boucles d’une forte corde aux cornelières (les « poignées » de la comporte, jadis en bois puis en fer), en haut celui qui est à la carélo, la poulie, en fait une grue dont le mécanisme démultiplicateur permet de monter la charge de près de 90 kilos. Encore faut-il retenir la manivelle d’une main en faisant pivoter la flèche pour amener, de l’autre main, la comporte hors du vide enfin sur le palier. Le chargement peut à tout moment échapper et éclater en s’écrasant mais ce n’est pas tant la perte du raisin qui est grave, l’opération est avant tout dangereuse pour l’accrocheur qui ne doit jamais rester sous la charge qui monte.   

mercredi 18 septembre 2019

GUERRE ET VENDANGES / Les vendanges à Fleury.

Alicante_Bouschet Ampélographie Viala et Vermorel.

1939, les poussées totalitaristes débouchent sans possibilité d’échappatoire sur la guerre. 
Le premier avril Franco, décidé à supprimer la moitié de la population s’il le faut, impose sa dictature à l’Espagne . 
Le 22 mai le pacte d’Acier lie offensivement Mussolini à Hitler.
Le 23 août, un autre pacte, soviéto-germanique de non agression cette fois. Personne n’en connaît encore les clauses secrètes mais cela attise le ressentiment contre Thorez et les communistes.
Le 24 août la France mobilise en partie, le 25, Londres signe un accord d’assistance, sur cinq ans, avec la Pologne. 
Le 26, La France avertit Hitler qu’elle tiendra ses engagements à l’égard de la Pologne.
Le 28 août, ultimatum à la Pologne : l’Allemagne exige Dantzig ainsi qu’un plébiscite pour le rattachement du « corridor ». 
Le 31, Himmler simule une attaque polonaise sur le territoire allemand.
Le 1er septembre, Hitler envahit la Pologne, la France mobilise mais laisse, conjointement au Royaume-Uni, une dernière chance à l’Allemagne de retirer ses troupes avant le 3. 
Le 3 septembre, les Alliés déclarent la guerre à l’Allemagne.
Le 7 septembre, la France envahit la Sarre !
Le 17 septembre, les Soviétiques attaquent à l’Est et prennent la Pologne en tenaille.

C'était il y a 80 ans et il n'est pas inutile de rappeler la gravité de la situation.      

« … C’est dans cette atmosphère lourde de menaces que commencent nos vendanges familiales de 1939. J’ai voulu en faire le compte rendu succinct, mais au bout de trois ou quatre jours ma plume fatiguée devait s’arrêter. Qu’importe ! Ce vieux cahier rose « Standard » de la « Grande Librairie Breithaupt-Cariven »,[…] ce vieux cahier donc en porte témoignage et voici ce qu’il nous dit :

Les vendanges 1939.

Lundi 18 septembre (Ste Sophie). Première journée de vendanges à la Pointe et à Joie (alicante (1)). La vigne de la Pointe produit 22 comportes. Seize comportes une fois remplies, je dois aller dire à papa  d’en apporter six de plus. Je le rencontre à la « Barque Vieille ». Nous changeons de vigne à dix heures moins dix.
En arrivant à « Joie », nous mangeons. Plat du jour : macaronis et confit de canard et de poule. Nous reprenons le travail à midi moins le quart. Le soir, nous remplissons 33 comportes. Un seul fait à signaler : nous avons perdu plus de deux heures par manque de comportes.

[...] Monsieur Sanchon a été mobilisé pour une « mission spéciale » sur laquelle il a vainement essayé d’obtenir plus de détails. Il écrit justement qu’il s’est embarqué. Il doit aller jusqu’en Côte d’Ivoire, à Abidjan qui en est la capitale.
L’oncle Noé également a été mobilisé. Il a aussi écrit, il est à Nice. Il va écrire pratiquement chaque jour, et tante Céline attendra fiévreusement que leur fils Norbert, promu à quinze ans au grade de charretier et de palefrenier pour leur vieux cheval Mignon, lui apporte à la vigne, dans l’après-midi, la lettre ou la carte à laquelle elle va répondre le soir venu, malgré la fatigue due aux vendanges.
Je reviens au cahier. Le bilan de la vendange s’établit comme suit :
Comportes remplies : 55, dont 22 de la Pointe, qui ont donné du vin pesant 8 degrés 9 (quand on vide les comportes dans la cuve ou dans le foudre, on garde toujours un petit litre de moût qui permet, au mustimètre Dujardin-Salleron, d’avoir une idée très exacte de ce que sera, en richesse alcoolique le vin qui va en résulter), et 33 de Joie, donnant du vin de 6,8°.
Beaucoup de raisins à Joie (d’où faible degré), belles grappes à la Pointe.
Comportes rentrées en cuve : 52, dont 22 de la Pointe et 30 de Joie.
            Voyages effectués : 4, à savoir :
            Matin : un de Norbert, avec 12 comportes ;
                        un de papa : 10 comportes.
            Soir : un de Norbert, 13 comportes ;
                          un de papa, 17 comportes.
Lamy ne peut monter un remblai, à travers champs. En conséquence, il faut redescendre les quatre comportes du second rang.
Notre « colle » se compose de :
Alban Biau, de Salles, dit « Toumassou », maître d’affaires, « kitchaïré »
Tante Céline, Grand’mère Joséphine, Maman Ernestine, Paulette Sanchon, Marcelle, coupeuses,
 Norbert, videur de seaux et charretier,
 Papa, Jean, charretier et charrieur,
François, coupeur et charrieur (avec les « pals »).


(1) Ce que nous appelons « alicante » n’a rien à voir avec le grenache, et notamment l’alicante bouschet est un cépage teinturier qui donnait « de la couleur » à notre vin rouge, surtout à l’aramon.

Lithographie_du_Black_Alicante. Ampélographie 1910. Author Pierre Vialaet Victor Vermorel, Editeur Masson
Le texte est extrait du livre "Caboujolette" 2008, auteur François Dedieu.

mercredi 11 septembre 2019

CABOUJOLETTE & MOISSINES / Les vendanges à Fleury.

1950 

Plus actuelle.
 
A Fleury, au pied de la Clape, le coteau se nomme "Caboujolette". Des lotissements remplacent les vignes qui, jusque vers 1980, touchaient les dernières maisons des "barris", des faubourgs. Au-delà, la garrigue a repris ses droits sur les petites pièces, patiemment et vaillamment entretenues depuis le XIXème malgré la pierraille.  

Pierre Campourcy et l'oncle Pierre aux pals sémaliers.


« … Caboujolette.
Pour aller à Caboujolette – pour moi les vignes de l’oncle Pierre, avec le vieux sorbier, les figues « de Cabassou » avant d’y arriver, et surtout ma  « cabane bambou » (j’ai fait un papier là-dessus) – nous ne pouvions pas prendre le chemin encaissé que tu évoques et qui conduit à la carrière et aux vignes de M. Sanchon. On le prenait encore pour les vendanges, puisque c’est nous qui rentrions sa récolte, et j’ai des photos avec l’oncle Pierre et Pierrou de Montagagne en train de charrier les comportes aux pals sémaliers (la brouette à roue caoutchoutée n’existait pas encore). Nous montions au contraire par le mauvais chemin plein de rochers qui passe à présent par la bergerie Vieu et qui arrivait ensuite jusqu’aux « pins de Virginie », et tout en haut il fallait obliquer sur la gauche. Les quelques comportes de raisins que nous récoltions nécessitaient sur le chariot, avec les secousses de chaque instant et la pente du chemin, un cheval au pas assuré et une « mécanique » (ainsi nommait-on le frein actionné par une servante (uno chambrieiro) faisant levier et abaissée progressivement par un câble (grosse corde) solidement amarré au châssis) en bon état. C’était vraiment du vin qui serait revenu cher s’il avait été question de monnayer la peine… »

« … Les raccourcis de Jojo : Fleury le 17-10-1953 (un samedi). 
Nous sommes arrivés de la mer il a fait une belle saison, je me suis régalé, j’ai appris à nager, nous y sommes restés un mois et demi. J’ai vendangé huit jours après être arrivé. Les vendanges terminées il a fallu aller à l’école le 28 septembre, il n’y a pas eu beaucoup de récolte vu la sécheresse. Il a plu de lundi à jeudi et ce n’était pas trop tôt je suis passé en première division. (Jojo Ferry)… » 
Une façon plus alambiquée de conserver les raisins.
« … Merci pour les « moissines » (1) (C’est dans le Petit Larousse) mais c’est surtout Joseph et Jean Ferry qui conservaient ainsi les grappes, avec le bout de sarment. Mamé Ernestine suspendait seulement chaque fois deux belles grappes attachées par un fil sur une barre (genre manche à balai) posée sur le dossier de deux chaises, sièges en dehors (il y avait chaque fois deux barres de raisins blancs). Le tout était placé dans la cuisine de mamé Joséphine … et souvent beaucoup de grappes se périssaient, mais enfin nous pouvions goûter quelques raisins longtemps après les vendanges… »

(1)   Grappe coupée avec son bout de sarment, afin de conserver le raisin dit « de Noël ».

vendredi 30 août 2019

VENDANGES SOUVENIRS / Fleury-d'Aude en Languedoc



Mardi 27 septembre 1994 : « … Les vendanges battaient encore leur plein dans le Minervois héraultais et nous avons vu d’assez nombreuses « colles », ce qui nous changeait des machines froides et rébarbatives de notre « pays bas »… 


 
Mardi 24 septembre 1996 : « … Depuis ton départ, le temps a pris une allure automnale dès avant l’arrivée officielle de la nouvelle saison, les matins se sont révélés plus frileux (11 ou 12 degrés à peine) et la pluie s’est mise de la partie pour contrarier des vendanges qui n’ont plus le charme ni l’ambiance d’antan et font circuler dans nos rues ces monstres modernes que constituent ces énormes machines obligées quand même de s’arrêter si les propriétaires ne voulaient pas ajouter trop d’eau dans les bennes, à cause des secousses imprimées aux ceps. Avec le cers salvateur et un timide soleil retrouvé, les travaux ont repris, même s’ils passent pratiquement inaperçus. La récolte est faible en degré et ne va sans doute pas constituer un fameux millésime… Et les vendanges d’autrefois défilent dans ma tête, avec leurs couleurs et leurs bruits, la théorie des chariots se dirigeant vers les vignes à l’allure de nos anciens chevaux de trait, percherons, bretons, ardennais, voire ariégeois ; leurs travaux pénibles aussi, surtout les premiers jours où il fallait s’habituer àvoir les autres libres dès l’arrivée au village, alors que les tout petits exploitants que nous étions devaient achever leur journée de labeur à la lueur vacillante de la bougie, les jours devenant plus courts et les comportes devant impérativement être vidées dans les foudres. Avec cela, papé Jean commençait parfois sa longue journée àquatre heures du matin, pour profiter un peu de la pression de l’eau qui permettait de laver les cuves. Et chaque jour il fallait bien étriller Lay, et lui permettre de manger avant le départ…
            18 heures. Nous sommes allés cet après-midi à Bouisset et avons constaté avec plaisir que quelques « colles » de vendangeurs se trouvaient dans les vignes, bien entendu avec des tracteurs et la hotte, mais sur la droite de la route en allant vers les Cabanes un garçon chargeait sa remorque avec des comportes de bois, chose rarissime de nos jours. Malgré le vent, et sans doute grâce à lui, le soleil était de la partie, ce qui ne gâtait rien… »  


Correspondance / François Dedieu.


lundi 28 janvier 2019

LO PODAIRE / Abbat Josep Salvat, felibre majoural.


Petite fleur jaune orangé s'ouvrant avec le soleil et qui marque l'impatience de la terre à accueillir le printemps, le souci des vignes (on dit aussi des souci sauvage ou des champs) ferme ses capitules la nuit. Sa floraison accompagne le vigneron dans son travail de taille. 
Diplotaxis fausse roquette, espèce invasive depuis 1900.




LO PODAIRE. 

Estropat, botonat, jol vent de Cèrs que fa blincar las pibolas e los sauzes de las randuras, lo vinhairon s’enva cap à sa vinha ont, i a ds o tres mezes s’auzisiàn las cansons e los bascalals dels vendemiaires. Las vizes, acatadas, d’unis cps agafada à la tèrra, prtan encara, d’aqui entre aqui, qualquas fèlhas mièjas secas que ‘al mendre fregadis, tomban e van rejunhe las autras dejà gaireben poiridas. 



Lo vinhairon agaita son plantièr pèi emponha los cisèus podaires, e, soca aprèp soca, fa tombarsens piétataquelas vizes qu’éran, i a pas gaire, cargadas de bèlis razims. Qu’es trista à veze, la vinha, quand, pèl sl, sus la tèrra freda s’espandis un lèit d’iserments, e que las pauros socas, escapitadas, laisan veze lor pèd nozut e torsit. Lor demra plus res de lor anciana vestidura. Lo podaire, sens se trebolat, sens se retirar, seguis la tièra.
Mèmes, se la soca se metià à li parlar, se trairià pas de son trabalh. A pas demembrat lo reproverbi que dis…
(à suivre)